Captain Fantastic ★★★★

Moitié hippie, moitié altermondialiste, un père décide d’éduquer ses six enfants loin de la société et de ses pollutions. Mais sa vie hors du monde est remise en cause lorsque sa femme se suicide. Contre l’avis de ses beaux-parents, il décide de se rendre aux funérailles en compagnie de ses enfants et d’exécuter les dernières volontés de la défunte.

Et dire que j’ai failli ne pas aller voir ce bijou ! Sa bande-annonce me donnait l’impression d’en révéler tous les ressorts et de ne ménager aucune surprise. Quelle erreur aurais-je commise ! Ma passion inentamée pour le cinéma doit beaucoup à de telles surprises : j’arrive encore à être étonné, emporté, par des films qui ne paient pas de mine.

« Captain Fantastic » commence comme « Into the Wild » et finit comme « Little Miss Sunshine ».

Soit au départ une première moitié du film qui se déroule exclusivement dans les montagnes Rocheuses où Ben et ses enfants réalisent une utopie écologique : vivre en harmonie avec la nature, en y développant son corps et son esprit (Ben soumet ses enfants à  un entraînement physique et à une éducation intellectuelle qui fait d’eux des Castors juniors aussi débrouillards que savants).

Soit ensuite un road trip familial provoqué par un bien macabre événement mais qui multiplie les situations cocasses. Cette petite bande décalée rencontre de « vraies » gens, s’y percute parfois (les élans amoureux du fils aîné pour une cagole de camping sont hilarants), les met face à ses contradictions souvent (les cours que Ben donnent à ses enfants donnent de bien meilleurs résultats que ceux que leurs cousins reçoivent au collège).

« Captain Fantastic » est follement attachant par son absence de manichéisme. Ben n’est ni un gourou qui endoctrine des mineurs sous influence, ni un héros monolithique qui a raison contre la terre entière. C’est un père pétri d’amour qui veut protéger ses enfants et leur transmettre le meilleur. Cet amour s’illustre dans le respect qu’il porte à chacun d’eux : les enfants ne sont jamais traités comme une masse indifférenciée mais comme six individualités aux besoins spécifiques. Et les résultats qu’il atteint feraient pâlir de jalousie tout parent d’élève normalement constitué : les analyses que font, sous l’aiguillon de leur père, l’aînée de « Lolita » ou la cadette du Premier amendement sont d’une rafraichissante acuité.

Cet amour se traduira dans le dernier tiers du film par une prise de conscience et par une décision qui force l’admiration et démontrera la capacité de Ben à reconnaître ses limites et à toujours faire prévaloir le bien-être de ses enfants.

Sans avoir l’air d’y toucher, « Captain Fantastic » traite avec une infinie délicatesse de sujets aussi grave que la paternité, l’éducation, le libre arbitre. À chacune de ces questions, il propose une réponse tendre, bonne, juste. Un pays qui produit de tels films ne peut pas être totalement mauvais. Même après avoir porté à sa tête un clown misogyne et menteur.

La bande-annonce

Nos futurs ★★★☆

Deux camarades de lycée que la vie a séparés se retrouvent à la trentaine : l’un (Pierre Rochefort) est devenu trop sérieux, l’autre (Pio Marmaï) pas assez. Ils décident de réunir tous leurs anciens amis pour reconstituer à l’identique la mémorable soirée de leur dix-huitième anniversaire.

« Nos futurs » chemine sur les sentiers bien balisés de la nostalgie adulescente. On a le sentiment, confortable et paresseux, de retrouver les recettes des précédents films de Rémi Bezançon : « Ma vie en l’air », « Le premier jour du reste de ta vie »…

Mais, petit à petit, le film bifurque vers autre chose. Vers un film plus grave, plus macabre. Une réflexion plus adulte sur la mort. Quelques allusions auraient dû nous mettre la puce à l’oreille. On les déchiffre plus ou moins tardivement (en ce qui me confirme c’était plutôt plus !) jusqu’à un dénouement très surprenant, très réussi, très triste…

La bande-annonce

La Rage au ventre ★☆☆☆

Dans « La rage au ventre » (traduction paresseuse de Southpaw), il est question, comme son titre en français ne l’indique pas, de boxe. Et pas de problèmes intestinaux.

Jake Gyllenhaal, l’acteur le plus imprononçablement sexy du moment, y confirme tout le bien qu’on pensait de lui – surtout depuis que je l’ai croisé au musée Picasso.

Capable de prendre dix kilos de muscle et de perdre dix kilos de graisse pour un rôle, il joue avec une conviction communicative le rôle de Billy Hope, un orphelin du Bronx devenu champion du monde à force de courage. Avec sa femme aimante et sa fille adorable, il vit une vie de nabab.

Mais il n’y a qu’un pas du Capitole à la Roche tarpéienne Ouh la la ! Ça, c’était une phrase furieusement décalée ! Dit plus simplement : il va accumuler les galères avant de se relever fièrement.

Le problème avec les films de boxe, c’est qu’après « Rocky », « Raging Bull » et « Million Dollar Baby », il est difficile sinon impossible d’ajouter quoi que ce soit.

La bande-annonce

Sur la ligne ★★★☆

L’action se déroule en 1984 en Tchécoslovaquie. Anna court le 200 mètres et espère se qualifier pour les prochains JO. Mais, à l’époque communiste, le sport n’était pas une activité innocente. Le prestige du bloc communiste était en jeu. Tous les moyens étaient bons, dopage compris, pour faire triompher les athlètes.

« Sur la ligne » (traduit du tchèque « Fair play ») traite donc de deux sujets.
Premièrement le dopage dans le sport – qui n’avait à ma connaissance jamais été évoqué au cinéma et qui le sera quelques mois olus tard dans le film de Stephen Frears consacré à Lance Armstrong.
Deuxièmement la vie à l’époque communiste, la misère triste et grise, la police omniprésente, l’étouffement…

« Sur la ligne » n’égale pas « La vie des autres » ou « Barbara ». Mais sa matière est si riche, les dilemmes moraux qu’il expose si déchirants que sa facture télévisuelle ne réussit pas à le vider de son intérêt.

La bande-annonce

La Fille du train ★☆☆☆


Rachel se remet difficilement d’un divorce douloureux. Elle passe tous les jours en train devant son ancienne maison qu’occupe désormais son ex-mari, sa compagne et leur bébé. Juste à côté, une autre maison abrite un jeune couple dont Rachel fantasme la vie parfaite. Jusqu’au jour où elle est témoin – ou croît l’être – d’une scène étonnante…

« La Fille du train » a été annoncé par une lourde campagne de publicité. C’est l’adaptation d’un roman à succès sorti en 2015 dont les droits ont été immédiatement achetés par DreamWorks. Le casting rassemble les plus jolies minois de l’heure : Emily Blunt (« Sicario », « Edge of Tomorrow »), Rebecca Ferguson (« Mission impossible: Rogue Nation »), Haley Bennett (« Les sept mercenaires ») et, puisqu’il en faut pour tous les goûts, Justin Theroux (le compagnon de Jennifer Anniston à la ville et le héros de l’envoutante série « The Leftovers »).

L’intrigue est passablement emberlificotée, entraînant le spectateur, à coup de flashbacks, dans uns série de retournements. Pendant le premier voire le deuxième tiers, on se laisse prendre à ce jeu de masques. Qui de Rachel, de Megan ou d’Ana faut-il croire ? À laquelle de ces réalités se fier ? Il faut bien qu’hélas l’intrigue se dénoue. Elle le fait de la plus prévisible des façons dans une scène finale dont la grandiloquence gore arrache quelques rires gênés dans l’audience. Ce n’est pas très bon signe…

La bande-annonce

Snowden ★★☆☆

En juin 2013, Edward Snowden, un ancien employé de la CIA et de la NSA, a lancé l’alerte sur les programmes de surveillance électronique mis en œuvre par les agences américaines de renseignement.

Oliver Stone a pris à bras-le-corps l’histoire des États-Unis pour livrer sa vision personnelle et engagée de ses épisodes les plus polémiques : la guerre du Vietnam (« Platoon »), la spéculation boursière  (« Wall street »), l’assassinat de Kennedy (« JFK »), le 11-septembre (« World Trade Center »)… Pas étonnant qu’il se saisisse de la figure de Snowden pour instruire, une fois de plus, le procès à charge d’une Amérique orpheline de ses valeurs.

Son film a de nombreux défauts. Il raconte une histoire dont on connaît par avance les principaux rebondissements : la carrière de Snowden dans les services de renseignement, ses révélations dans les médias, sa fuite rocambolesque, son exil en Russie. Du coup, tout suspense est tué dans l’œuf. Il le fait avec un manichéisme outrancier, opposant la figure quasi-christique du jeune informaticien, prêt à sacrifier sa vie pour racheter les pêchés de son gouvernement, à d’odieux militaires sans scrupule. Et il ne peut s’empêcher de lester son histoire d’une inutile romance qui, malgré la joliesse de Shailene Woodley (« Divergente », « Nos étoiles contraires »), pèse des tonnes.

Mais son film a deux atouts. Le premier est sa maîtrise. Oliver Stone sait y faire. Même si « Snowden » dure trente bonnes minutes de trop, il possède ce souffle épique qui nous emporte. Le second est son acteur principal. Joseph Gordon-Levitt n’est pas encore une star ; mais il est à  deux doigts de l’être.  Si vous en doutiez encore courez voir « Don Jon », le film qu’il avait réalisé en 2013 et dont il interprétait le rôle principal.

La bande-annonce

Mission: Impossible – Rogue Nation ☆☆☆☆

Il y a vingt ans, j’adorais les James Bond, les Mission Impossible, les Jason Bourne…
Mission Impossible 5 – que les producteurs n’osent plus désigner par son numéro de série – m’a fait bailler d’ennui.
Est-ce moi qui ai vieilli ? Suis-je arrivé à un âge où ce genre de films ne m’excite plus ? parce que j’en ai trop vus ? ou parce que je n’ai plus la bonne capacité à m’enthousiasmer / acuité visuelle / masse capillaire / production de testostérone ?

Ethan Hunt est aux prises avec une inquiétante organisation internationale qui s’emploie à déstabiliser le monde. Son nom ? le sceptre était déjà pris ; du coup les producteurs ont opté pour « le Syndicat ».
Le méchant : un ancien du MI6 (Never Trust the Brits!) passé du côté obscur de la force.
La James Bond Girl : une Suédoise inconnue mais solidement customisée qui déambule en talons de 14 cm sur les toits de l’Opéra de Vienne.
Le héros : l’immarcescible Tom Cruise, 52 ans au compteur, fait des acrobaties de jeune homme. Sauf qu’on s’en fout ! Il décolle sur les ailes d’un A400 M ? il manque mourir en apnée ? Il fait une course poursuite en moto ? Zéro suspense. Parce qu’on connaît déjà la fin.

J’invite à déjeuner celui/celle qui me dira que : 1/ que je ne suis pas vieux 2/ ce film est bien une daube dépourvue d’intérêt.

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Le Client ★★★☆

Le dernier film du réalisateur iranien Ashgar Farhadi a frôlé la Palme d’Or à Cannes, obtenant le prix du meilleur scénario et celui de la meilleur interprétation masculine. Il suscite une impatience d’autant plus grande qu’il succède à deux chefs d’œuvre : « Une séparation » (2011) et « Le Passé » (2013).

Le plus russe des réalisateurs iraniens creuse le sillon tracé par ses précédents films. On y retrouve les mêmes personnages issus de l’élite intellectuelle libérale iranienne. Ils sont confrontés à des dilemmes moraux similaires. Ils sont filmés dans les mêmes intérieurs étouffants dont la caméra ne s’évade quasiment jamais, métaphore à peine voilée  (c’est le cas de le dire) de la société iranienne au bord de l’implosion.

Comme dans ses précédents films, Fahradi recherche une vérité aux multiples facettes. Dans « Le Client », cette quête prend des allures d’enquête policière. Il s’agit de découvrir l’identité du client de la précédente locataire de l’appartement où Rana et Emad viennent de s’installer.

Féministe sans le savoir, Fahradi égratigne chacun des personnages masculins tandis qu’il épargne chacun des personnages féminins. C’est un trait commun qu’il partage avec le réalisateur coréen de « Mademoiselle ».

Comme ces précédents films, « Le Client » met mal à l’aise. C’est un feel bad movie. Mais qui a dit que les bons films devaient faire du bien ?

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Derrière le mur la Californie ★★★☆

Vous aimez l’histoire contemporaine ? l’Allemagne ? le skate board ? la coupe de cheveux Vokuhila (vorne kurz hinten lang) ? Alors vous aimerez ce docu d’outre-Rhin « Derrière le mur » qui raconte l’histoire du skate board en RDA

Je vous entends d’ici : « L’histoire du skate board en RDA ????? » Oui ! Absolument !

Ou comment à travers la pratique d’un sport manifester le dégoût d’un système qui étouffe la liberté humaine.

Le réalisateur retrouve une bande de skateurs. Ils avaient 15 ans en RDA dans les années 80. Ils s’ennuyaient en bas de HLM déshumanisés. Ils refusaient de devenir des athlètes anabolisés pour la plus grande gloire du socialisme.

Le documentaire écoute leurs témoignages, illustrés de films en Super-8. Il s’attache au plus charismatique d’entre eux, Dennis alias Panik, un démon à la figure d’ange, dont on apprend vite le destin tragique.

Comme « Red Army » – qui revenait sur les grandes heures du hockey sur glace soviétique – « Derrière le mur » parle de la grande histoire en nous en racontant une petite. Ce n’est pas la manière la plus idiote de le faire. Ce n’est certainement pas la plus désagréable.

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Youth ☆☆☆☆

L’opinion qu’on a d’un film peut varier selon le moment auquel on l’exprime. Certains sont des chemins de croix qui, à la réflexion, se révèlent des chefs d’œuvre. D’autres qui font passer un bon moment tombent dans un puits d’oubli la semaine suivante. Youth de Paolo Sorrentino relève d’une troisième catégorie : la supercherie.

En sortant de la salle, je criais au chef d’œuvre. Le jeu des acteurs, la splendeur des décors, la morale tendre et cruelle de l’histoire m’avaient enthousiasmé. Mais à la réflexion la baudruche se dégonfle.

Certes Youth est constellé de quelques plans joliment troussés – pour la plupart hélas déjà éventés dans la BO. Mais Michael Caine et Harvey Keitel, en vieilles gloires revenues de tout, cabotinent. Et que dire du sujet même du film ? Ode au renoncement ? À la vie ? À la mort ? La cohérence des personnages est rompue par les deux décisions incompréhensibles qu’ils prennent l’un et l’autre à la fin du film.

Ceux qui ont aimé La Grande Bellezza y trouveront-ils néanmoins leur compte ? Même pas. La Grande Bellezza était un hymne aux merveilles artistiques de l’Italie ; Youth est tout au plus une brochure publicitaire pour l’hôtellerie suisse !

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