Visages villages ★★★☆

Deux artistes en goguette : Agnès Varda et JR sillonnent la France. Caché derrière ses lunettes noires, il prend des photos dont il fait d’immenses tirages qu’il colle sur les surfaces les plus improbables : un mur de village, une falaise, un amoncellement de containers… Diminuée par l’âge, elle n’a plus vraiment bon pied ni bon œil, mais l’accompagne dans ses déambulations artistiques.

Je connaissais Agnès Varda, pour Cléo de 5 à 7, Sans toit ni loi et Jacquot de Nantes (bouleversant hommage à son mari Jacques Demy). Je ne connaissais pas JR – deux initiales qui pour ma génération évoquent plus Dallas que la photographie contemporaine. Et je me méfiais de ce docu dont le pitch me semblait à la fois trop artificiel – réunir deux artistes susceptibles d’attirer deux générations de spectateurs – et trop flou – les envoyer sur les routes de France sans projet préétabli.

Mes réticences ont été confortées par les premières images du film. Un dialogue se noue entre Agnès Varda et JR. Avec une fausse spontanéité, des paroles très écrites, mais d’une rare niaiserie, sont échangées : il lui parle gentiment comme à une vieille mamie qu’on ménage, elle lui répond avec une malice surjouée sur le mode j’ai-beau-être-vieille-je-ne-suis-pas-encore-gâteuse.

Dernier défaut qui aurait pu être rédhibitoire : les saynètes se succèdent au risque de la répétition, dans le Nord, près de Sisteron, sur les falaises de la Manche, avec à chaque fois, des rencontres, des photos, un collage…

Et pourtant, le charme prend lentement. Sans se pousser du col, JR mène à bien son projet à la fois simple et ambitieux : aller à la rencontre des gens et éveiller en eux une conscience artistique, créer du beau là où on ne l’imagine pas. Et la gentillesse de sa muse, loin d’exaspérer, finit par attendrir. Visages villages est un film sur le regard. Un regard toujours bienveillant sur les gens et les choses. Un regard qui traque le beau et le met en scène. Jusqu’à une scène finale qui nous mène, à notre corps défendant, jusqu’aux bords des larmes.

Qu’on me permette en guise de conclusion ou de post-scriptum une réflexion égocentrique et prétentieuse. Je ne suis pas très sensible au « beau ». Les coups de foudre esthétiques ne sont pas mon genre. J’aime Les Demoiselles d’Avignon ou Carré blanc sur fond blanc non pas pour leur soi-disant beauté, mais pour leur place dans l’histoire de l’art. Aussi je suis d’autant plus étonné de l’émotion que suscitent chez moi des œuvres qui n’appellent pas à ma raison.  D’autant plus étonné et d’autant plus ravi.

La bande-annonce

3 commentaires sur “Visages villages ★★★☆

  1. En voilà une critique complaisante! Une fois n est pas coutume me direz vous.

    Dialogue surjoues.
    Une seule idée un peu vaine, coller des photos grand formats, qui a force d être mâchée en perd tout goût de chlorophylle.
    Rencontrer des gens certes. Mais au café du commerce, quel intérêt?
    Exploitation gênante d un monstre sacre qui se laisse malheureusement faire.
    Et ce n est pas un bunker sur la plage ou le sourire édente d un type qui a pris trop d acide dans les année 70 qui rattrape ce film creux.

    Godard ne s’y est pas laisse prendre lui.

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