Au cœur de la capitale thaïlandaise existe un quartier rouge destiné à la clientèle japonaise. Luck en est une des reines. Elle y travaille pour subvenir aux besoins de sa famille qui vit dans une région reculée du pays, à la frontière du Laos.
Luck retrouve Ozawa, un ancien client japonais qui s’est installé en Thaïlande. Ils entreprennent ensemble un long voyage à l’intérieur du pays.
Bangkok Nites est un OFNI : un objet filmique non identifié. Un film qui ressemble à un documentaire ; un documentaire qui voudrait se faire passer pour un film. Son sujet est bigrement exotique. Il ne s’agit pas de filmer les bordels de Bangkok, mais d’en filmer une dimension méconnue : les bordels spécialisés dans la clientèle japonaise – dont les prostituées parlent le japonais avec une aisance à faire pâlir d’envie une secrétaire trilingue.
On sent que Katsuya Tomita – qui interprète lui-même le personnage d’Ozawa – a payé de sa personne pour documenter son sujet. L’histoire d’Ozawa, c’est un peu la sienne : celle d’un expatrié qui s’est perdu en chemin, plus tout à fait japonais, jamais vraiment thaï. L’histoire de Luck, c’est l’agrégation des mille et une histoires qu’il a recueillies de la bouche même des prostituées de Bangkok et de Pattaya.
La démarche est stimulante. Elle a le mérite de l’authenticité. On est loin d’une Thaïlande de carte postale sans verser pour autant dans le misérabilisme ou dans le voyeurisme.
Mais son résultat ne convainc pas. Bangkok Nites dure plus de trois heures. Cette durée excessive se justifierait si elle était au service d’un projet cohérent. Mais elle révèle hélas plutôt un manque de maîtrise et de travail : comme si on nous montrait une succession interminable de rushes, pas toujours bien joués, mal éclairés, pas scénarisés. La conclusion déchirante de Bangkok Nites ne suffit pas à racheter l’ennui voire la somnolence que cette errance trop longue provoque chez le plus courageux des spectateurs.