Si tu voyais son cœur ★☆☆☆

Daniel (Gael Garcia Bernal) ne se remet pas de la mort de son meilleur ami (Nahuel Perez Biscayart). Il échoue dans un hôtel miteux tenu par Michel (Karim Leklou). Francine (Marine Vacth) y occupe aussi une chambre.

La bande-annonce du premier film de Joan Chemla m’avait mis l’eau à la bouche. Tout semblait réuni pour une réussite : une brochette de jeunes acteurs prometteurs, une mise en scène léchée, un film de genre poisseux… Hélas passée la première scène, qui  nous plonge dans un mariage gitan, la magie n’opère pas.

À trop vouloir filmer un milieu, Joan Chemla oublie de raconter une histoire. Elle veut le faire, comme il est aujourd’hui de rigueur, en déconstruisant le récit, en multipliant les retours dans le passé. Si tu voyais son cœur est l’histoire d’un deuil où l’on voit beaucoup le défunt. Sa mort, absurde (il tombe d’un pylône SNCF alors qu’il y dérobait des fils de cuivre), apparaît sur l’affiche et revient comme un refrain – au point de laisser croire, au spectateur habitué aux scénarios à double fond, qu’elle recèle un secret qui se dévoilera ultérieurement.

La périphérie d’une grande ville méditerranéenne – on reconnaît sans la nommer Marseille – est filmée à rebours de tout naturalisme. Au contraire, Joan Chemla prend le parti de l’hyperstylisation, éclairant, sur une musique de l’indémodable Gabriel Yared, l’hôtel Métropole comme Wenders ou Beineix l’auraient fait.
Les acteurs sont excellents. En particulier, Karim Leklou dont je dis ici le plus grand bien depuis sa révélation dans Coup de chaud, l’un de mes coups de cœur 2015, et Marine Vacth, sans doute l’actrice la plus belle du cinéma français contemporain à défaut d’être la plus talentueuse.
Le problème du film est qu’il repose sur du vent. Son scénario, d’une plate banalité, tient en trois phrases. Malgré les qualités qu’on sent poindre chez la jeune réalisatrice, ce défaut est rédhibitoire. Au style bien moins ambitieux, mais grâce à un scénario plus charpenté, Money, sorti l’automne dernier sur un sujet très similaire (une bande de jeunes menant des activités louches dans une ville portuaire), était, dans ce genre, autrement réussi.

La bande-annonce

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