La Fête est finie ★★★☆

Céleste (Clémence Boisnard) a dix-neuf ans. Elle ne connaît pas son père et sa mère, trop jeune et vite débordée (Marie Denarnaud, abonnée aux rôles de jeunes filles dont on réalise avec effroi qu’elle a déjà quarante ans) n’a pas su s’occuper d’elle. Clémence fume/sniffe/croque tout ce qui passe : shit, coke, héroïne, MDMA… Après un accident sur la voie publique, elle se retrouve (de son propre chef ? sous la contrainte ?) en centre de détoxication. Le même jour y arrive Sihem (Zita Henrot), vingt-six ans, dont les antécédents sont moins claires. Entre les deux filles, la complicité est immédiate : complicité pour faire face au régime quasi-carcéral du centre dont elle défie allègrement la dureté des règles, mais complicité aussi pour reprendre en main leurs vies dont elles ont bien conscience qu’elles prennent un tour suicidaire.

La Fête est finie raconte sur un mode quasi-documentaire le parcours de ces deux jeunes filles pour sortir de la dépendance. La réalisatrice connaît son sujet qui confie avoir été toxicomane et être sortie de la dépendance. On voit d’abord Céleste et Sihem en centre au milieu d’autres dépendants avec lesquels les échanges ne sont pas toujours fluides. On les voit ensuite rendues à la vie civile, l’épée de Damoclès de la rechute pesant au dessus de leurs vies.

Le sujet a déjà été souvent traité. Le Dernier pour la route avec François Cluzet et Mélanie Thierry le racontait avec la même finesse. On pense aussi à La Tête haute avec Benoît Magimel, Catherine Deneuve et Rod Paradot (César du meilleur espoir masculin en 2016 mais hélas disparu des radars depuis lors) dont le jeune héros n’était pas dépendant mais qui se déroulait en milieu de rééducation fermé. Dans trois semaines, précédé d’une critique élogieuse, sortira La Prière, qui met en scène un jeune drogué qui rejoint une communauté religieuse (Anthony Bajon vient de recevoir à Berlin l’Ours d’argent du meilleur acteur pour ce rôle).

Comme l’annonce la riante photo de l’affiche, La Fête est finie est l’histoire d’une amitié entre filles – qui rappelle les duos féminins de Divines ou de Tout ce qui brille. Ce duo évite les stéréotypes. D’origine maghrébine, Sihem est issue d’une famille unie qui pourrait constituer pour elle un cocon et dont les autres enfants ont brillamment réussies. En revanche, c’est Céleste qui accumule les handicaps sociaux. C’est elle qu’on sent plus immature, moins entourée et du coup plus menacée par la rechute alors que l’expérience de la zone a instruit Sihem de l’urgente nécessité de se réinsérer par un travail stable.

Cette belle histoire d’amitié – dont la dimension homosexuelle est élégamment esquissée – est remarquablement servie par deux comédiennes hors pair. On retrouve Zita Henrot, la révélation de Fatima qui lui valut en 2016 le César du meilleur jeune espoir féminin. C’est elle qu’on aperçoit ces jours-ci dans la publicité pour le Printemps du cinéma aux côtés de Finnegan Oldfiled. Mais c’est surtout Clémence Boisnard qui crève l’écran. La première scène la voit défigurée par le manque, les traits tirés, prématurément vieillie. Plus tard, elle retrouve des traits poupins, une coiffure sage. Elle a des rires qui irradie, des rougissements d’adolescente – comme lorsqu’elle demande en boîte de nuit à un garçon de l’embrasser pour dissiper le malaise qui précède le premier baiser.

Sans doute suis-je bien généreux en donnant trois étoiles à ce film qui ne bouleversera pas l’histoire du cinéma. Mais, écrasé par d’autres sorties plus commentées, mal distribué, il risque fort de passer inaperçu. Donnez lui sa chance…

La bande-annonce

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