La Favorite ★★★☆

Anne (Olivia Colman) est reine d’Angleterre dans les premières années du dix-huitième siècle. Malade de la goutte, cyclothymique, gloutonne, elle ne prête guère d’attention aux affaires du royaume, notamment à la guerre qui fait rage avec la France, et en a délégué la charge à sa favorite, Lady Sarah (Rachel Weisz).
Cousine de Lady Sarah, Abigail Hill (Emma Stone) a été réduite par les revers de fortune de son père à s’employer comme servante à la Cour. Mais grâce à une concoction d’herbes qu’elle prépare pour apaiser la goutte de la reine, la jeune femme entrevoit la possibilité de s’attirer ses grâces et de retrouver son rang.

La Favorite déboule sur nos écrans précédé d’une flatteuse réputation. La critique l’encense – à l’exception de Libération (« un barbouillis d’images qui s’affaissent sous leur propre poids ») et des Inrocks (« Prostré derrière sa malice dont il se gargarise grassement, [le cinéma de Lánthimos] semble condamné à rester éternellement englué dans l’admiration de son propre génie »), qui prennent méchamment le contrepied de leurs confrères . Le film a raflé une moisson de récompenses à la Mostra de Venise et aux Golden Globes en attendant sa probable consécration aux Oscars dans quinze jours.

Yórgos Lánthimos est un jeune réalisateur grec surdoué qui, à l’instar d’un Alfonso Cuarón, d’un Denis Villeneuve ou d’un Alejandro Iñárritu, après avoir fait ses premières armes dans son pays (Canine en 2009, Alps en 2011), a tapé dans l’œil des studios hollywoodiens (The Lobster en 2015, Mise à mort du cerf sacré en 2017). Dès les premières images, on reconnaît sa patte. L’image est particulièrement soignée, qui nous plonge dans le même état de confusion que la reine malade : longs travelings, très larges objectifs, effets « fish-eye » refus du champ-contrechamp rapetissent les personnages, les isolent dans des espaces immenses, tordent les lignes droites. La bande son est tout aussi intrigante, mélange de musique baroque et sérielle.

La Favorite est un titre singulier pour un film pluriel. Il met en scène trois femmes : une reine et deux favorites. Des trois actrices, il est difficile de distinguer la meilleur. Qu’Olivia Colman soit en lice pour l’oscar du meilleur rôle et les deux autres pour celui du meilleur second rôle n’a guère de sens. Bien entendu, c’est pour Emma Stone que j’ai les yeux de Chimène (la bisexualité des personnages m’autorisant cette audacieuse métaphore). Elle joue à merveilleuse la jeune ingénue, moins naïve qu’il n’y paraît. Mais force m’est de saluer aussi la maîtrise de Rachel Weisz, impériale de froideur, de beauté et de rage.

La Favorite a la cruauté sadique des Liaisons dangereuses, l’ironie flamboyante de Amadeus, la sophistication baroque de Meurtres dans un jardin anglais. Un chef d’œuvre.

La bande-annonce

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