Liberté ☆☆☆☆

1774. Quelques nobles débauchés ont quitté la cour de Louis XVI. Ils ont trouvé refuge dans un duché allemand. 
À la nuit tombée, dans un bois éclairé par la lune, ils se réunissent pour se livrer à leurs vices.

Albert Serra est un réalisateur hors normes. Le Chant des oiseaux mettait en scène les Rois mages. Histoire de ma mort imaginait la rencontre de Dracula et de Casanova. La Mort de Louis XIV montrait un Jean-Pierre Léaud hiératique, cloué dans son lit, interpréter l’agonie du Roi-soleil face à une cour médusée. Ce dernier film avait suscité de ma part un coup de gueule. Sa lenteur surlignée, sa préciosité m’avaient horripilé.

Ce sont les mêmes défauts qu’on retrouve dans Liberté.
Son titre, pas vraiment subtil, a valeur de manifeste : ces débauchés qui forniquent plus ou moins joyeusement dans les sous-bois ne recherchent pas seulement l’assouvissement de leurs sens mais l’expérience d’une liberté vraie, débarrassée des carcans du temps.

On aimerait le croire ; mais c’est un autre spectacle qui nous est montré. Pendant plus de deux heures interminables, on voit, sans souci de continuité, une succession de scènes de sexe. Urolagnie, coprolalie, candaulisme, anulingus, l’avantage de Liberté est d’élargir notre vocabulaire (et je vous imagine, fidèle lecteur, en train de compulser avec gourmandise votre dictionnaire).

L’accumulation de ces scènes ne vise pas à exciter nos sens : Serra ne réinvente pas le porno. Elle ne vise pas un effet esthétique : les corps ne sont pas érotisés. Pénis détumescents, fesses flasques, la chair est montrée telle qu’elle est. Et elle n’est pas joyeuse. On cherche en vain une lecture genrée : Liberté peint-il l’humiliation de la femme ou au contraire son triomphe paradoxal (le soumis du couple SM n’étant, on le sait, pas toujours celui/celle qu’on croît) ?

L’accumulation de ces scènes ne sert à rien. Sinon peut-être à épuiser le spectateur. Le film aurait-il duré une heure de plus, il y serait mieux parvenu encore. Mais deux heures et douze minutes auront suffi à faire fuir la moitié des spectateurs.

La bande-annonce

3 commentaires sur “Liberté ☆☆☆☆

  1. Toujours un bonheur de te lire, cher Yves. Ta plume est aussi acérée que ton goût est sûr: cela m’aide beaucoup pour choisir les films à voir lors de mes trop rares loisirs!
    Merci et continue de nous faire partager ton esprit.
    Amitiés,
    Samuel

  2. Voila qui est clairement dit.
    Quid de l’Égalité et de la Fraternité dans ce film ?
    Merci de nous devancer ainsi. C’est tellement agréable et confortable.
    Merci M. Gounin.

  3. De mon temps, si j’ose dire, mon cher Yves, on parlait très correctement d’anilinctus ou à la rigueur d’anilingus. L’usage s’est répandu peu à peu d’écrire anulingus, en particulier sur les jaquettes de VHS, sans doute pour que les clients comprennent mieux. De la même manière, on a pu lire souvent l’incorrect « anals » au lieu de « anaux ». C’est le n’importe quoi qui l’emporte, j’aimerais pour ma part un peu plus de rigueur. Soutenez mon combat !

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