Nos défaites ★☆☆☆

Nos défaites est le résultat d’un projet mené par le documentariste Jean-Gabriel Périot (réalisateur en 2016 de Lumières d’été et en 2015 de Une jeunesse allemande) avec une classe de première option cinéma du lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur-Seine. Il s’agissait de faire jouer aux jeunes lycéens des scènes célèbres de films ou de documentaires des années soixante et soixante-dix ayant pour thème la lutte sociale. Toutes ne sont pas connues ; mais, avec le concours du générique de fin, on reconnaît La Chinoise de Godard (où Anne Wiazemsky, face caméra, lisait dans le Petit Livre rouge : « La révolution n’est pas un dîner de gala »), Camarades de Karmitz ou La Reprise du travail aux usines Wonder (où une jeune ouvrière crie son refus de « remettre les pieds dans cette taule »)

Le résultat est assez convaincant. Les jeunes acteurs jouent bien. Le grain de l’image en noir et blanc et du son d’époque sont restitués avec une étonnante qualité.

Mais l’exercice ne s’arrête pas là. Après le tournage, Jean-Gabriel Périot interroge les lycéens. « Qu’avez-vous compris de la scène que vous avez jouée ? » Et… le résultat est effarant. Avec un sourire désarmant et un embarras communicatif, Swann, Natasha, Ghaïs, Jackson, Julie, Alaa, Floricia, Martin et Rosalie (une panoplie de prénoms qui ferait la joie de Jérôme Fourquet) s’enlisent dans des réponses hésitantes avant de confesser n’y avoir rien compris. Un syndicat ? la grève ? la politique ? le communisme ? l’engagement ? La révolution ? Autant de concepts que l’interrogateur, un brin sadique, soumet aux jeunes lycéens et qui suscitent de leur part des réponses consternantes. Le travail ? « un moyen de gagner de l’argent ». La grève ? « le risque de perdre son travail ». La politique ? « tous des menteurs ». Le syndicat ? « je ne sais pas »

Du coup, le titre, profondément pessimiste, du documentaire s’éclaire. Nos défaites, c’est l’échec de notre génération – celle du documentariste, la mienne – à transmettre à la génération suivante les valeurs qui ont inspiré la génération qui nous a précédés, celle des luttes ouvrières et des progrès sociaux des années soixante.

Ce jeu de massacres se conclut avec un épilogue censé le contrebalancer. En décembre 2018, Jean-Gabriel Périot revient filmer les lycéens qui se sont mis en grève pour protester contre l’arrestation de leurs camarades accusés d’avoir taggé « Macron démission » sur les murs de l’établissement. Sans doute veut-il montrer que ces jeunes, qu’on avait vus ignorant le vocabulaire des luttes sociales, sont néanmoins capables de se mobiliser le moment venu. Mais cette épiphanie bien tardive ne parvient pas à les exonérer du lot répétitif d’âneries consternantes dont ils nous auront rebattu les oreilles durant l’heure précédente.

La bande-annonce

Un commentaire sur “Nos défaites ★☆☆☆

  1. Ping Retour à Reims (fragments) ★★☆☆ | Un film, un jour

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