Sympathie pour le diable ★★☆☆

En 1992, l’ex-Yougoslavie est à feu et à sang. Sarajevo est en état de siège. La communauté internationale, impuissante, compte les morts. Quelques journalistes, parqués à l’hôtel Hilton, informent le monde au péril de leurs vies. Parmi eux, Paul Marchand, reporter freelance pour France Info, la RTBF, Radio Suisse romande et Radio Canada. Il a trente ans à peine, un cigare (cubain) cloué au bec, un bonnet de marin vissé sur le crâne. Son éthique intransigeante le force à rendre compte avec autant d’objectivité que possible d’une guerre fratricide. Sa sensibilité l’empêche de rester neutre dans un conflit qui s’éternise.

Paul Marchand est une figure du journalisme contemporain. Avant d’arriver en Bosnie, il avait couvert pendant près de huit ans la guerre au Liban. À Sarajevo, après dix huit mois de séjour, un sniper lui arrache le bras, l’obligeant à une retraite forcée. Paul Marchand se donnera la mort en 2009. Après avoir lu son livre Sympathie pour le diable publié en 1997, le canadien Guillaume de Fontenay l’avait rencontré. Il aurait pu réaliser un documentaire. Il choisit finalement une œuvre de fiction, très fidèle aux faits, qu’il est allé tourner, non sans difficultés, en plein hiver à Sarajevo.

Récemment, un film d’animation passé inaperçu et pourtant admirable avait pris un parti différent. Chris the Swiss racontait dans un noir et blanc expressionniste la vie de Christian Wurtemberg, un journaliste de guerre, son départ pour la Croatie en 1991 et sa mort en Slavonie dans des conditions restées obscures.

L’autre référence qui vient immédiatement à l’esprit, c’est bien sûr le récent Camille de Boris Lojkine sur la photographe française tuée en mai 2014 en République centrafricaine. Nina Meurisse y interprétait une jeune femme profondément empathique, curieuse, faisant ses premiers pas dans le journalisme de guerre, dévorée par le doute sur le sens de son métier. Niels Schneider campe tout le contraire : un professionnel pénétré par la haute idée qu’il se fait de lui-même et de sa tâche, refusant les concessions, péremptoire et souvent cassant. Bien sûr, son humanité perce, dans sa relation avec sa traductrice, la belle Ella Rumpf, dont il réussit à exfiltrer de Sarajevo l’oncle catarrheux. Mais son refus d’être aimable est tellement efficace que c’est son autoportrait qu’à la fin on peine à aimer.

La bande-annonce

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