La Fille au bracelet ★★★☆

Flora, seize ans, est retrouvée sauvagement assassinée chez elle au lendemain d’une soirée entre amis. Tout accuse Lise Bataille (Melissa Guers), sa meilleure amie, qui est arrêtée le lendemain et placée en détention préventive. Deux ans après son procès s’ouvre. Si sa mère (Chiara Mastroianni) a pris de la distance pour se protéger, Lise peut compter sur l’appui indéfectible de son père (Roschdy Zem). Mais le procès commence mal tandis que l’avocate générale (Anaïs Demoustier) égrène implacablement les pièces à charge.

Lise est-elle oui ou non coupable du crime dont on l’accuse ? La Fille au bracelet est construit autour de cette question binaire et relève le pari de maintenir jusqu’à l’extrême fin l’incertitude. Chaque élément de l’enquête que l’accusation ou la défense invoque est magistralement retourné par la partie adverse pour empêcher d’en faire un élément décisif : si l’ADN de Lise a été retrouvé sous les ongles de Flora, c’est parce que les deux jeunes filles avaient dormi ensemble rétorque la défense, si une vidéo les montre ensemble hilares la veille du crime, cela ne démontre pas pour autant leur complicité répond l’accusation, etc.

S’agit-il pour autant d’un « film de procès » reposant tout entier sur l’élucidation d’un meurtre ? Pas tout à fait. La Fille au bracelet avance masqué. C’est moins un thriller judiciaire qu’une enquête de mœurs sur un mystère plus insondable encore que l’assassinat de Flora : la vie des adolescents aujourd’hui. Ce que la cour d’assises essaie de juger, ce que l’avocate générale tente d’incriminer, ce que les parents de Lise s’emploient à comprendre, c’est la jeune accusée, son mutisme, son impassibilité. Est-elle le masque de son insensibilité ? ou la marque de fabrique de cette Génération Z hyper-connectée qui couche sans aimer et aime sans coucher ?

Il n’y a pas de rebondissement renversant, pas de twist decoiffant comme les films de procès américains nous y ont habitués. Rien que le déroulement implacable d’une justice en train de se faire. Les dialogues sont trop écrits, les acteurs trop hiératiques. Est ce le signe d’une direction d’acteurs maladroite – qui sacrifie la malheureuse Anaïs Demoustier qu’on a rarement vue aussi mauvaise ? ou au contraire un parti pris assumé ?

Reste une hypothèse ouverte par le dernier plan. Ne lisez pas ce qui suit, cher lecteur qui n’avez pas encore vu ce film et n’aimerez pas être spoilé de cette ultime surprise. Une fois son acquittement prononcé et son bracelet ôté, Lise noue à sa cheville son collier de cou. Ce geste symbolique marque-t-il son souhait d’entretenir la mémoire de son amie disparue ? Ou signe-t-il le machiavélisme d’une meurtrière qui s’était murée dans le silence pendant son procès pour donner plus de poids à son ultime déclaration afin d’émouvoir le jury ?

La bande-annonce

3 commentaires sur “La Fille au bracelet ★★★☆

  1. Sur la question ultime, rappelons seulement que la chaînette nouée à la cheville a longtemps été (encore aujourd’hui ??) un signe de reconnaissance lesbien.
    Pour le reste j’ai rarement vu un film à la fois aussi prometteur et aussi décevant. Une réalisation sobre, rigoureuse et tendue sans fausse note, mais un scénario reposant sur une supercherie. Il y a des films dont on sort en pensant « On n’a pas le droit de faire ça ! »
    Le sentiment de s’être fait avoir. Car après les invraisemblances criantes (les parents aveugles qui n’ont rien su de la sextape !!) on aboutit, non pas seulement à une absence de solution, mais à un inexplicable et à un vide. Après un cheminement qui, tout naturellement, nous invite instamment à souhaiter de plus en plus intensément que l’héroïne soit innocentée, le spectateur ne peut que s’estimer floué.

    • Je vous trouve bien dur
      Le « vide » sur lequel le film débouche est au contraire très riche
      J’ai rarement eu, au sortir de la salle, de conversation aussi riche avec la personne qui m’y avait accompagnée que celle suscitée par cette fin très ouverte.

  2. oui même impression que le premier commentaire .
    toujours très interessée par les films de procès , celui ci m’a laissée de glace . Est ce du au mutisme de l’accusée ( pas sympathique du tout ) le mutisme des parents , la froideur extrême de la mise en scène, la non révélation du coupable ? je ne sais pas .
    l’adorable Anais Demoustier est très mal à l’aise ds son personnage d’avocate générale , cela m’a gênée.

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