Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn ★☆☆☆

Harley Quinn (Margot Robbie) a cassé. Elle a quitté le Joker qui l’avait entraînée dans une spirale de crimes nihilistes. Mais la jeune fille n’en a pas fini avec la pègre de Gotham. Face à Roman Sionis alias Black Mask (Ewan McGregor), elle aura besoin du soutien de ses amies Huntress, Black Canary et Renée Montoya, pour sauver la petite Cass qui a subtilisé un diamant au prix inestimable.

Je ne m’étais pas rué dans les salles début février pour voir Birds of Preys. Parce que j’avais gardé un souvenir calamiteux de Suicide Squad. Parce que, dans les jours qui suivirent (le film n’avait pas été montré à la presse avant sa sortie), les critiques les plus calamiteuses s’étaient accumulées. Enfin et surtout parce que les univers MC et DC me semblent, à tort ou à raison, des machines à cash sans intérêt cinématographique uniquement voués à attirer le gogo décérébré mangeur de popcorns (Y a-t-il du mépris de classe dans la phrase qui précède ? Oui !!!).

Le coronavirus et l’angoisse qu’il avait, à raison, provoquée chez moi de voir interdit l’accès des salles pendant longtemps m’avait poussé début mars à m’y rendre plus que de coutume. Aussi me suis-je retrouvé quasiment seul pour une séance de rattrapage à l’UGC Ciné Cité Les halles la semaine dernière devant Birds of Prey. M’en suis-je mordu les doigts ? Non. Car j’en avais entendu tellement de mal, j’en escomptais si peu, que j’ai été plutôt favorablement surpris.

Certes, le scénario est plat comme une limande. On nous refait l’histoire mille fois racontée de la bande désassortie qui doit se lier contre un méchant très méchant. Et le film ne prend même pas la peine de nous expliquer pourquoi tout ce petit monde court après le diamant qu’une gamine kleptomane et en surpoids est allée dérober.
Certes, en entourant Harley Quinn d’une policière latino, d’une chanteuse caribéenne et d’une gamine sino-américaine, le scénario semble vouloir à tout prix cocher toutes les cases du film-respectueux-de-la-diversité.
Certes, l’humour bad ass du film louche trop ouvertement du côté de Deadpool qui semble devenu depuis quelques années la référence indépassable des films de superhéros condamnés à ne pas se prendre au sérieux.
Certes enfin, avec une démagogie trop affichée, Birds of Prey revendique un esprit girl power, à l’heure de #MeToo, en rupture avec tous les clichés masculinistes – au risque parfois, à force de vouloir les renverser, de les endosser à son tour, comme dans cet éloge très viril de la sororité.

Pour autant, si on passe sur tous ces défauts, aussi nombreux soient-ils, si on accepte a priori de débrancher ses neurones, on se laissera gentiment séduire par le charisme de Margot Robbie qui a pris un plaisir décidément communicatif à se déguiser en Harley Quinn et on passera un agréable moment de divertissement.

La bande-annonce

Yiddish ★☆☆☆

Née en 1945 en Palestine mandataire, Nurith Aviv a dirigé la photographie d’une centaine de fictions de documentaires avant de passer tardivement derrière la caméra. Elle a réalisé plusieurs documentaires exigeants et intelligents sur la langue et le langage que je vais voir à leur sortie dans une petite salle du Quartier latin, toujours la même, au milieu d’une audience fidèle et vieillissante : Traduire en janvier 2011, Signer en mars 2018.

Aussi n’ai je pas raté la sortie de Yiddish, la semaine dernière, à l’époque, qui nous semble aujourd’hui si lointaine, où les salles de cinéma étaient encore ouvertes et où on pouvait se déplacer sans autorisation (j’ai l’impression d’écrire comme un personnage de La Servante écarlate).

Il s’agit d’une enquête sur le yiddish, cette langue à l’histoire contrariée. Langue vernaculaire des Juifs ashkénazes d’Europe centrale, dérivée de l’allemand, mâtinée de slave et d’hébreu, elle a quasiment disparu avec la Shoah. Le jeune État d’Israël a ressuscité une langue oubliée, l’hébreu, au détriment du yiddish qui fut longtemps déconsidéré. Il est remis au goût du jour depuis quelques années, notamment dans la diaspora.

Nurith Aviv est allée interviewer sept jeunes yiddishophones, à Berlin, à Paris, à Tel Aviv, à Vilnius et à Varsovie qui évoquent leur histoire d’amour avec cette langue, qui faisait souvent partie de leur histoire familiale (même si certains témoins ne sont pas juifs) mais qu’ils ont découverte à l’occasion de leurs études.

Le procédé est très répétitif. Les interviews s’enchaînent, toutes identiques. Pour commencer, on voit l’interviewé.e, un peu guindé.e, marcher dans la rue, composer un code, rentrer à son domicile. Puis on l’écoute, le plus souvent en yiddish, mais aussi en français, en anglais ou en hébreu, parler avec chaleur de sa rencontre avec cette langue aux accents chantants. Et enfin, on l’entend déclamer quelques vers de son poète préféré : Moshe Leyb-Halpern, Anna Margolin, Celia Drobkin, Avrom Sutzkever…

Yiddish dure une heure à peine. C’est suffisant pour se bercer des sonorités de cette langue longtemps méprisée, mais pas assez pour en apprendre la riche histoire.

La bande-annonce

Tu mourras à vingt ans ★☆☆☆

Un incident funeste intervenu au cours d’une cérémonie religieuse laisse augurer, peu après sa naissance, la mort à vingt ans du jeune Muzamil. Son père, ne supportant pas cet augure, abandonne le foyer laissant à la mère de l’enfant la charge de son éducation.
L’enfance et l’adolescence  de Muzamil se déroulent sous la menace écrasante de sa mort prochaine : les enfants du village l’ostracisent, les jeunes filles se détournent de lui.

Tu mourras à vingt ans nous vient du Soudan. Cette origine suffit à elle seule à exciter l’intérêt tant il est rare de voir des films de ce pays. Le tout récent documentaire Talking about trees, qui se déroule dans la banlieue de Khartoum, aura néanmoins déjà un peu étanché notre soif d’exotisme.

Tu mourras à vingt ans satisfait à toutes les clauses de son cahier des charges. Il nous montre la vie paisible d’un petit village soudanais hors du temps (rien ne permet de déterminer si l’action se situe au vingtième siècle ou au vingt-et-unième), lové au bord du Nil bleu. Il nous rend attachant les interrogations d’un fils, les inquiétudes d’une mère, le désarroi d’un père. Naima, l’amoureuse de Muzamil, est sans doute un peu trop jolie pour le rôle ; mais on serait bien hypocrite de s’en plaindre.

C’est le premier film de Amjad Abu Alala, qui a tenu à le tourner dans son village natal. Il fait preuve d’une étonnante maîtrise, tant dans l’image particulièrement raffinée que dans la direction d’acteurs laquelle constitue souvent le point faible de ce genre de réalisation. Et il réussit à dénoncer, sans trop y insister, le poids des traditions religieuses qui brisent toute velléité d’émancipation.

Pour autant, Tu mourras à vingt ans peine à se hisser au delà de ce qu’il est : un conte philosophique sur la sortie de l’enfance.

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Jésus ★★☆☆

Suite au décès de son grand-père, Yura, huit ans, et ses parents quittent Tokyo pour s’installer chez sa grand-mère. Bien qu’il ne soit pas pratiquant, Yura est inscrit dans une école catholique. Les rites qui en scandent le quotidien lui sont inconnus. Mais son intégration devient plus facile lorsque Jésus en personne lui apparaît, invisible de tout autre, et lorsque Yura se fait un ami parmi ses camarades de classe.

Sortir le 25 décembre un film intitulé Jésus, il fallait oser !

Jésus est un film minuscule. Aussi minuscule que la figure de Jésus qui apparaît miraculeusement à Yura. Cette apparition aurait pu provoquer une série d’événements, comiques ou dramatiques. Mais Hiroshi Okuyama a refusé ces facilités scénaristiques pour n’en faire qu’un épiphénomène de la difficile intégration du jeune garçon à son nouvel environnement.

Jésus dure 1h16 seulement. Il ne s’y passe pas grand-chose sinon un drame qui coupe le film en deux et dont j’ai déjà trop dit.

Jésus est un film gracieux sur les amitiés enfantines, aussi délicat et poétique que les dessins animés de Miyazaki – les avions et les créatures chimériques en moins. Mais Jésus n’en est pas moins un film grave sur la foi interrogée à hauteur d’enfant.

À vingt-trois ans à peine, Hiroshi Okuyama signe son premier film. Il en a écrit le scénario, signé la photo, dirigé le montage. Son film pèche paradoxalement par excès de modestie. Mais y bruisse une petite musique qui donne envie de voir le suivant.

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Les Tuche (2010) ☆☆☆☆

Les Tuche sont prolos depuis plusieurs générations. Cela n’empêche pas Jeff Tuche (Jean-Paul Rouve), sa femme Cathy (Isabelle Nanty) et leurs trois enfants de former une famille heureuse et unie.
Tout change lorsque les Tuche gagnent à l’Euroloterie. Les voici soudainement multi-millionaires. C’est l’occasion pour eux de vivre leur rêve : s’installer à Monaco. Chacun des membres de la famille s’y acclimate non sans mal.

Avec le confinement, je redécouvre ma télévision. J’y suis en direct, comme des millions de Français, les allocutions présidentielles. Je me réjouis de la décision de Canal + de diffuser en clair. Et, pour permettre un sevrage en douceur depuis la fermeture des salles, je regarde des films. Le pire y côtoie le meilleur. Hier soir, c’était Tempête à Washington de Otto Preminger. Avant-hier, Les Tuche. Le premier était diffusé sur Arte, le second sur TF1. Sans commentaires….

Je n’avais pas vu Les Tuche au cinéma. Ni sa suite. Ni la suite de sa suite. La série a connu un immense succès public : Les Tuche ont attiré 1.5 millions de spectateurs, Les Tuche 2 4,4, Les Tuche 3 5,5… Un succès croissant qui rend inéluctable la réalisation d’une suite de la suite de la suite dont la sortie est prévue le 9 décembre 2020 si le monde d’ici là ne s’est pas arrêté de tourner.

Avant de mourir, je voulais comprendre les clés d’un pareil engouement. Signe qu’il est l’heure pour moi de quitter la scène, je n’y ai rien compris. Du début à la fin, j’ai trouvé le film affligeant. Son scénario paresseux tangente le niveau du 3901ème épisode de Plus belle la vie. Ses acteurs en roue libre étalent un cabotinage insupportable, à commencer par Jean-Paul Rouve affublé de tous les accessoires du parfait beauf : jogging, banane, coupe mulet… Et plus grave, on ne rit jamais, ni des personnages, ni des situations.

Détail piquant : le film n’a pas obtenu l’autorisation de tournage des autorités monégasques et a été réalisé à… Sanary-sur-Mer. Je ne sais pas s’il s’agit d’une circonstance atténuante ou aggravante.

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Trois étés ★☆☆☆

Mada est la gouvernante d’une somptueuse résidence, nichée dans une crique sauvage en bord de mer. À la tête d’une nombreuse domesticité, elle veille sur ses patrons, Edgar et Marta, sur leur fils qu’elle a vu naître et qui part étudier à l’étranger, et sur le grand-père, qui perd gentiment la tête. Chaque été y est donnée une fastueuse réception. Mais les étés passent et ne se ressemblent pas ; car les malversations dont Edgar s’est rendu coupable lui valent d’être emprisonné, laissant Mada et ses collègues sans salaire et sans instructions.

Au Brésil, Noël tombe au cœur de l’été. Du coup, les fêtes y ont une saveur particulièrement exotique pour nous autres, habitants de l’hémisphère Nord. La réalisatrice Sandra Kogut choisit cette saison pour filmer, en trois épisodes, la chute programmée d’une famille.

On retrouve dans le rôle principal Regina Casé, une star de la TV brésilienne aux faux airs de Noémie Lvovsky. On l’avait déjà vue en 2015 interpréter un rôle similaire dans Une seconde mère. Les relations de domesticité sont un thème cher au cinéma latino-américain : le chilien La Nana (2009), l’argentin La Fiancée du désert (2017), le brésilien Les Bonnes Manières (2018).

Du coup, Trois Étés n’innove guère qui scrute, comme souvent déjà, les travers de la classe dirigeante à travers le regard porté par ceux qui la servent.

Autre défaut plus grave encore : il le fait avec un scénario elliptique, parfois difficile à suivre, qui connaît de brusques accélérations incompréhensibles et des ralentissements languissants (ainsi de cette scène interminable où un spot publicitaire est tourné dans la maison). Aucun des personnages n’est attachant : ni le gras Edgar qu’on voit s’enfermer peu à peu dans la spirale qui le conduira en prison, ni Lira, ce grand-père hagard aux rares éclairs de lucidité, ni surtout Mada elle-même dont la bonne humeur immarcescible, le débit de mitraillette et le rire créent vite une impression de lassitude.

Ni vraiment drôle, ni vraiment grave, Trois Étés échoue au milieu du gué.

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Les Enfants du temps ★☆☆☆

Hodaka est un adolescent en rupture de ban qui a quitté son île natale pour aller vivre à Tokyo. Sans famille ni travail, il trouve refuge chez un échotier alcoolique pour lequel il rédige des articles pour la presse à sensation. L’un de ses reportages le conduit à enquêter sur les « filles-soleils », ces personnes aux dons surnaturels capables d’arrêter la pluie. Hodaka rencontre l’une d’entre elles, Hina, dont il tombe vite amoureux. Alors que la pluie tombe quasiment sans interruption sur la métropole tokyoïte, le couple monte un business juteux : proposer contre rémunération quelques rayons de soleil aux organisateurs d’un concert à ciel ouvert, à de jeunes mariés ou à un père qui veut jouer au parc avec sa fille…. Mais, Hina constate bien vite que l’invocation de ses pouvoirs surnaturels risque de menacer sa propre vie.

Makoto Shinkai est de retour trois ans après l’immense succès de son précédent film d’animation Your Name qui avait battu tous les records d’audience. Les Enfants du temps (la traduction est fidèle au titre japonais 天気の子 mais s’éloigne de l’astucieux et intraduisible titre international Weathering with you) sera immanquablement mesuré à l’aune de ce film précédent dont il reprend la graphie, l’histoire et jusqu’à la physionomie de ses personnages principaux.

On y retrouve les grands thèmes de Your name qui, vu depuis la France, rendent le cinéma japonais d’animation à la fois incompréhensible et fascinant. Au risque de me faire lancer des tomates, j’avancerais que c’est un cinéma puéril. Puéril dans sa forme : l’animation. Puéril dans son thème : le premier amour. Je vois d’ici les réponses, toutes fondées, que cette opinion suscitera : le cinéma d’animation comme la bande dessinée ne sont pas des sous-genres et peuvent toucher un public adulte ; l’amour fou est un thème indémodable qui ne connaît pas de classes d’âge. Je m’explique : en qualifiant ce cinéma de puéril, je n’entends pas le disqualifier, mais au contraire souligner combien il réussit à toucher un public extrêmement vaste « de 7 à 77 ans » comme le font d’ailleurs, en utilisant des ressorts similaires, les romans à succès de Murakami.

Le problème des Enfants du temps est que la comparaison avec Your Name tourne immanquablement à son désavantage. L’effet de surprise ne joue plus. L’étonnement suscité par Your name est retombé. La virtuosité de l’animation ne nous surprend plus. Et la passion dévorante – mais totalement dénuée de sensualité – qui unit les deux personnages principaux sent le réchauffé.

Les Enfants du temps a pour toile de fond les dérèglements climatiques. Mais certains critiques, notamment celui du Monde, auront noté qu’ils le traitent sur un mode surprenant. D’autant plus surprenant d’un point de vue japonais qui a tendance à donner la primauté au groupe sur l’individu. Nos héros, qui doivent sacrifier leur amour pour sauver le Japon des pluies diluviennes qui menacent de le submerger font un choix déconcertant. Bel exemple pour la jeunesse…

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Radioactive ★☆☆☆

Marie Curie compte parmi les scientifiques les plus renommés de son temps. Née Maria Skłodowska, elle perd sa mère à l’âge de dix ans et rejoint à Paris sa sœur pour y poursuivre ses études. Diplômé de la faculté des sciences, elle rencontre Pierre Curie, l’épouse et mène avec lui des travaux sur la radioactivité. En 1903, à trente-six ans à peine, le prix Nobel de physique lui est décerné conjointement avec son mari et avec Henri Becquerel. Huit ans plus tard, elle reçoit seule le prix Nobel de chimie pour sa découverte du polonium et du radium.

Le paragraphe qui précède semble tout droit sorti de Wikipedia ? C’est – quasiment – le cas. Le problème est que Radioactive a les mêmes caractéristiques : vouloir nous raconter la vie de la grande femme. Il le fait avec une application qui frise l’académisme. Et quelques maladresses. La première est de faire parler tous les personnages uniformément en anglais. La deuxième : reconstituer les rues de Paris à la Belle Époque dans une anonyme ville d’Europe centrale (Budapest ?) en carton-pâte. La troisième : faire la part belle à la vie privée de Marie  au détriment de la description, à peine esquissée de ses découvertes. La quatrième : avoir inséré quatre flashwordards, aussi coûteux qu’académiques, pour montrer les conséquences qu’ont eues au vingtième siècle les découvertes de Marie Curie (la bombe d’Hiroshima, la catastrophe de Chernobyl mais aussi la radiothérapie).

Il n’y a pas grand chose à sauver dans ce gloubi-boulga anonyme que signe Marjane Satrapi. Où sont passés la verve, l’humour, la touche de l’auteur-réalisateur de Persépolis (2008) et de Poulet aux prunes (2011) ?

La seule à tirer son épingle du jeu est Rosamund Pike dans le rôle de Marie Curie. Toujours impeccable, malgré les maquillages qui la défigurent, l’ancienne James Bond Girl évite l’écueil qui aurait consisté à faire de Marie Curie une sainte en insistant paradoxalement sur son principal défaut (ou, du moins, sur le défaut que le film lui prête) : un orgueil, un égoïsme, un féminisme avant l’heure qui la conduisirent, malgré elle, à blesser ceux qui l’aimaient, à commencer par son mari, son amant, Paul Langevin, et sa fille aînée, Irène.

La bande-annonce

Vivarium ★★☆☆

Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg) forment un jeune couple idéal. Elle enseigne dans une classe maternelle ; il travaille aux espaces verts. Ils cherchent, non sans mal, une maison pour s’y installer ensemble. Aussi, malgré leurs réserves sur son comportement bizarre, accompagnent-ils Martin, un agent immobilier, dans un lotissement de banlieue où ils visitent une petite maison sans charme. La visite tourne court avec la disparition de Martin qui laisse le jeune couple éperdu, incapable de trouver la sortie du lotissement.
Voilà Gemma et Tom pris au piège d’une maison qu’ils n’ont jamais voulu habiter et d’un colis qui, le lendemain matin, leur est livré, avec son déroutant contenu.

Vivarium est un film étonnant. À commencer par son titre dont le sens ne s’éclairera jamais vraiment, laissant le spectateur seul avec ses spéculations (ou moins seul si vous avez vu le film et acceptez de partager les vôtres avec moi en mp).
C’est un film hyperstylisé avec des décors incroyables. Un ciel à la Magritte avec ses petits nuages blancs floconneux. Une acoustique qui fait penser à un décor artificiel comme dans The Truman Show.
Et puis surtout Vivarium est un conte philosophique. Une métaphore cruelle de la vie. Une vie qui contraint un jeune couple à s’installer dans une habitation où il ne se plaît pas. À s’enfermer dans une routine aliénante. À s’épuiser dans l’éducation d’un enfant hystérique. Et on se taira ici, pour conserver le suspense, sur l’issue de cette vie absurde et aliénée.

Le sujet de Vivarium et son traitement rappellent un épisode de Black Mirror, l’anthologie britannique qui place ses personnages dans un futur dystopique souvent cauchemardesque.
Son pitch est séduisant en diable et sa bande-annonce met l’eau à la bouche. Mais, passé la première demi-heure et nos deux héros coincés dans leur « jour sans fin », Vivarium peine à relancer l’histoire. Le scénario, trop plat, n’y parvient pas. Du coup, ce qui aurait sans difficulté meublé quarante-cinq minutes d’un épisode de série ne tient pas la distance des quatre-vingt dix minutes d’un film.

La bande-annonce

Un fils ★★★☆

Fares (Sami Bouajila dont la carrière depuis trente ans n’est pas sans rappeler celle de Roschdy Zem, le César du meilleur acteur en moins), Meriem (Najla Ben Abdallah) et leur fils Aziz appartiennent à la classe aisée tunisienne. Cette famille heureuse, en week-end dans le Sud du pays, à une encablure de la Libye que la guerre civile déchire en cet automne 2011, tombe dans une embuscade. Aziz prend une balle perdue. Transporté à l’hôpital, il doit d’urgence recevoir une greffe de foie. Son père est bien entendu volontaire….

Un fils commençait mal. Une affiche hideuse. Une bande-annonce confuse. Et puis un sous-texte qu’on sent venir à cent pas à la ronde : qu’est ce qu’être père ? les liens du cœur sont-ils plus forts que les liens du sang ?

Par les miracles d’un scénario étonnant, qui réussit tous les quarts d’heure à renverser les perspectives et à relancer l’action, Un fils maintient tout du long la pression. J’ai rarement été aussi happé dans une histoire à laquelle on aurait tort de reprocher son manque de crédibilité : son arrière-plan déchirant est celui des révolutions arabes, en Tunisie ou en Libye, où les comportements les plus sordides sont devenus hélas possibles. J’ai rarement eu autant d’empathie pour les personnages, pour ce père noyé dans sa colère, pour cette mère perdue dans sa culpabilité.

Un fils aurait mérité quatre étoiles. Une récompense que je réserve aux « grands » films voués à rester dans les mémoires comme le seront à mon sens 1917 ou Scandale ce trimestre. Un fils sera hélas oublié fin 2020 à l’heure des palmarès. C’est bien dommage car c’est un film remarquable.

La bande-annonce