Show Me A Hero ★★★☆

La ville de Yonkers dans l’État de New York s’est vue infliger en 1985 par un juge fédéral l’injonction de construire deux cents logements sociaux. La colère des habitants, des Blancs de la classe moyenne américaine, qui craignent à la fois la cohabitation avec des populations noires défavorisées et la perte de valeur de leur propriété immobilière, provoque la chute du maire de Yonkers, un Républicain blanchi sous le harnais (James Belushi) et l’élection d’un jeune conseiller démocrate, Nick Wacicsko (Oscar Isaac). Menacé par la Justice d’une astreinte faramineuse s’il n’exécute pas le jugement, le jeune édile n’a d’autre solution que de s’y plier, s’attirant l’opposition de la majorité de son conseil et une impopularité tenace.

Show Me A Hero – dont le titre est emprunté à une citation de F. Scott Fitzgerald « Show me a hero and I will write you a tragedy » – traite d’un sujet rébarbatif s’il en est : l’impossible mise en oeuvre d’une politique foncière de déségrégation sociale dans l’Amérique des années quatre-vingts. On imagine difficilement sujet plus austère qui aurait volontiers tourné à l’exposé indigeste sans le génie de David Simon et de Paul Haggis.

Le premier est un des scénaristes vedette de la chaîne HBO. Il a signé The Wire, Treme et The Plot Against America – dont je rendais compte hier. Le second est un réalisateur canadien dont Collision obtint en 2005 à bon droit l’Oscar du meilleur film.

On retrouve dans Show Me A Hero les qualités conjuguées et de l’un et de l’autre. Comme il l’avait fait pour Baltimore dans The Wire et pour La Nouvelle-Orléans dans Treme, Simon dissèque l’organisation sociale d’une ville. On découvre Yonkers, la quatrième ville de l’État de New York, aux portes de Big Apple, avec sa classe moyenne rongée par la peur du déclassement et ses minorités afro-américaine et hispanique en mal d’intégration. On découvre aussi le fonctionnement de la démocratie municipale américaine avec son spoils system (tous les postes de direction de la mairie sont affectés en fonction des allégeances politiques et changent à chaque alternance), ses campagnes électorales à répétition, ses fréquents redécoupages des limites des circonscriptions qui rebattent les cartes…

On retrouve aussi la patte de Paul Haggis. En 2004, il signait avec Collision un film polyphonique entrelaçant le parcours de plusieurs habitants de Los Angeles. Le procédé est devenu ultra-fréquent, notamment dans les séries dont il épouse volontiers le rythme méandreux. Paul Haggis le reprend ici pour raconter en parallèle l’histoire de Nick Wacicsko et celles de plusieurs habitants de Yonkers – une infirmière diabétique en passe de perdre la vue, une jeune veuve qui manque sombrer dans la drogue, une mère dominicaine qui élève seule ses trois enfants, une adolescente en couple avec un voyou…

Le seul défaut peut-être de la série est que Oscar Isaac y est si charismatique, ses démêlés au conseil municipal y sont si captivants que les séquences consacrées aux autres habitants, dont on ne comprendra qu’in extremis le lien avec celles consacrées au maire, peinent à susciter l’attention.

La bande-annonce

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