The Eddy ★☆☆☆

Elliot Udo (André Holland) est un jazzman new-yorkais qui s’est expatrié à Paris. Il y a fondé un club, The Eddy, avec son ami Farid (Tahar Rahim). Il a un temps vécu en couple avec Maja (Joanna Kulig), la chanteuse du groupe qui s’y produit tous les soirs. Sa fille adolescente (Amandla Stenberg), qui s’est violemment disputée avec sa mère, vient le rejoindre à Paris. Mais The Eddy perdant de l’argent, Farid a pris des contacts dans le milieu qui vont mettre en péril sa sécurité et l’avenir du club.

The Eddy est la dernière série distribuée par Netflix, avec tambours et trompettes. L’expression est pertinente s’agissant d’une série dont la musique est le véritable héros. Elle ne se réduit pas, comme souvent, à un simple accompagnement, à un bruit de fond plus ou moins sur-signifiant. Elle est au centre du film, qui prend souvent des teintes documentaires, captations de performances ébouriffantes dont tous les amoureux de jazz se délecteront.

Mais pour tenir huit fois une heure, il fallait tisser un récit. Et c’est là que le bât blesse. Car personne ne semble vraiment convaincu, ni les scénaristes, ni les acteurs et ni a fortiori les spectateurs par la vague intrigue policière avec son lot de petites frappes patibulaires qui se noue autour du club. Et ce n’est pas en modifiant la focale à chaque épisode, censé se concentrer sur un des personnages de ce récit polyphonique (c’est exactement le même procédé qui est utilisé dans Lost ou dans Mrs. America), que le résultat est plus convaincant.

Quatre réalisateurs ont été recrutés pour réaliser deux épisodes chacun. L’honnêteté me force à dire que c’est Damien Chazelle, l’auteur de La La Land (dont vous savez, fidèles lecteurs, l’immarcescible admiration que je lui voue), l’amoureux de jazz qui avait auparavant signé Whiplash, qui s’en sort le plus mal. Le deuxième épisode est une calamité après laquelle j’ai bien failli abandonner la série. Houda Benyamina, la jeune réalisatrice de Divines sauve la donne dans l’épisode suivant, sans doute le plus touchant de tous.

Entièrement tourné à Paris, à cheval entre les deux côtés du périphérique, The Eddy rassemble un casting cosmopolite : Tahar Rahim et Leïla Bekhti, en couple à l’écran et à la ville, Joanna Kulig, l’héroïne polonaise de Cold War et la jeune Amandla Sternberg, graine de star aux yeux de chat propulsée par le succès de Hunger Games et de The Hate U Give. On imagine le plaisir que ce petit monde a pris à tourner ensemble. Dommage que leur joie ne soit pas plus communicative…

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Bébert et l’Omnibus (1963) ★★☆☆

Le jeune Bébert et sa famille sont montés à Paris faire des achats à la Samaritaine où, comme chacun sait, on trouve de tout. Tandis que ses parents prennent le chemin du retour, le garçonnet, qui veut à tout prix qu’on lui offre des feux de Bengale, est confié à la garde de son grand frère, plus intéressé à draguer qu’à veiller à son cadet. Ils se perdent dans le train.
Tandis que les adultes se lancent à sa recherche, Bébert va être successivement recueilli par des cheminots et des gendarmes débonnaires.

Dans La Guerre des boutons sorti en 1961, le personnage du petit Gibus avait eu un tel succès (« Ah ben mon vieux, si j’aurais su, j’aurais pô v’nu ! ») qu’Yves Robert décida deux ans plus tard de lui consacrer un film, une sorte de spin off avant le terme. Le jeune Martin Lartigue – qui abandonna ensuite le cinéma pour se consacrer à la peinture et à la sculpture – y interprète le rôle principal, adapté d’un roman de François Boyer.

Le film en noir et blanc sort en 1963 ; mais c’est la France des années cinquante qu’il décrit. La famille Martin habite la Brie à quelques kilomètres de Paris à peine ; mais son parler, ses manières, jusqu’au diminutif du jeune héros, au béret qu’il coiffe et au vocable qui désigne le train censé le ramener chez lui sont encore ceux d’une France profondément rurale. Les Trente Glorieuses ne l’ont pas encore touchée.

Bébert et l’Omnibus n’est pas un inoubliable chef d’oeuvre. C’est plutôt une collection de saynètes bon enfant plus ou moins drôles. Le jeune Martin Lartigue prend un malin plaisir à faire tourner en bourrique les adultes qui l’entourent à peine plus matures que lui.

On y retrouve avec émotion les comédiens qui ont marqué notre enfance et qui sont morts ces dernières années : Pierre Mondy (2012), Michel Serrault (2007), Jean Lefebvre (2004), Christian Marin (2012), Pierre Tornade (2012)… Dans le rôle du grand frère de Bébert, on reconnaît Jacques Higelin qui débuta au cinéma avant de faire carrière dans la chanson.

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Le Cri (1957) ★★☆☆

Aldo (Steve Cochran) a élevé seul sa fille. Il travaille dans une usine du nord de l’Italie. Il vit avec Irma (Alda Valli) qui le quitte à la mort de son mari parti travailler en Australie. Désespéré, Aldo s’en va sur les routes avec son enfant. Pendant plusieurs mois, il sera hébergé par plusieurs femmes : Elvia, qui l’a toujours aimé, Virginia, qui tient une station-service avec son père alcoolique, Andreina… Puis, il revient sur ses pas retrouver Irma dont le souvenir l’obsède.

Le Cri (1957) est un film clé dans la filmographie de Michelangelo Antonioni. Il avait baigné jusque là dans le néoréalisme, avec ses aînés Visconti (dont Les Amants diaboliques avait été tourné sur les mêmes digues surmontant le Pô que Le Cri quinze ans plus tard) et De Santis. Son film suivant L’Avventura inaugure un cinéma différent, plus psychologique, centré sur le vide existentiel de nos vies dont La Nuit et L’Eclipse constitueront les oeuvres les plus achevées.

Le Cri s’inscrit au point de rencontre de ces deux mouvements. C’est encore un film politique, les pieds solidement ancrés dans la boue de la plaine padane. Il s’ouvre dans une usine et s’y termine alors que ses ouvriers se sont mis en grève pour protester contre l’expropriation qui menace leur village. Mais Le Cri est déjà un film psychologique dont le sujet principal est moins la difficile condition laborieuse du prolétariat italien que la dépression d’un homme : c’est son errance qu’on accompagne dans un noir et blanc aussi poétique que déprimant.

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Le Silence de la mer (1949) ★★☆☆

Pendant l’Occupation, un vieil homme et sa nièce doivent héberger à leur domicile un officier allemand. Ils ne peuvent faire barrage à cette décision qu’ils rejettent de toute leur âme. Mais ils manifestent leur réprobation en opposant à leur hôte pourtant exquis un silence obstiné.

Le Silence de la mer est un court roman publié en 1942 par Vercors – de son vrai nom Jean Bruller – dans la clandestinité aux Editions de Minuit qu’il venait de fonder. Son sujet est connu, profondément anti-cinématographique : un officier allemand échoue à faire sortir de leur silence les deux Français qui l’accueillent contraints et forcés chez eux pendant l’Occupation.

Le jeune Jean-Pierre Melville, qui a combattu dans les Forces françaises libres, décide de l’adapter. Il n’a pas d’argent, pas de carte professionnelle ; les droits ont été achetés par Louis Jouvet. Mais qu’importe ! Melville s’entête, obtient l’accord oral de Vercors – qui lui prêtera sa maison pour y tourner son film – récupère des pellicules au marché noir.

Le film de Melville est très fidèle au livre. Il a, comme lui, la même solennité qui, aujourd’hui, nous apparaîtra un peu sentencieuse. L’Allemand n’est pas une brute ; c’est au contraire un esthète qui parle un français parfait, s’enthousiasme pour la culture française, troque son uniforme pour un élégant complet croisé pour gommer la distance qui le sépare de ses hôtes. L’oncle peine à cacher l’estime grandissante qu’il lui porte ; la nièce a encore plus de mal à taire son attirance.

Le Silence de la mer s’autorise quelques échappées belles hors du salon où les trois protagonistes se retrouvent chaque soir : à Paris notamment où dans deux scènes trop explicatives, Werner von Ebrennac comprendra que la collaboration est un leurre. Mais l’essentiel se joue entre ces quatre murs, dans le monologue trop lyrique du jeune homme, qui croit envers et contre tout dans la possibilité d’une Europe allemande, et dans le silence têtu qui l’accueille.

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Pépé le Moko (1937) ★★☆☆

La police est aux trousses de Pépé le Moko (Jean Gabin). Reclus dans l’inextricable entrelacs des rues de la casbah d’Alger, protégé par ses lieutenants, il y est inexpugnable. La police ne pourra l’arrêter qu’en l’en faisant sortir. Quand l’inspecteur Slimane découvre que Pépé s’est entiché d’une belle parisienne de passage, Gaby Gould (Mireille Balin, qui fut à la ville la maîtresse de Gabin), il pense avoir trouvé le moyen de l’attirer hors de la casbah et de l’appréhender.

Pépé le Moko est un film mythique. Deux ans plus tôt, avec La Bandera du même Julien Duvivier, Gabin était devenu une star. Dirigé par Jean Renoir ou Marcel Carné, spécialisé dans les rôles de dur au cœur tendre, il allait enchaîner les films d’anthologie – La Grande Illusion, Le Quai des brumes, La Bête humaine, Le jour se lève – avant que la Seconde guerre mondiale et son engagement dans les Forces françaises libres n’interrompent temporairement sa carrière.

Mais Pépé le Moko ne vaut pas seulement par son interprète principal. C’est aussi un film emblématique du « cinéma colonial », un genre à part entière qui fit florès dans les années trente et qui donnait à voir aux spectateurs métropolitains une France coloniale fantasmée et manichéenne avec son lot de beaux légionnaires, de fiers chefs de guerre et de vénéneuses moukères.

Pépé le Moko ne s’embarrasse pas d’authenticité qui a été entièrement tourné en studio. Adaptant un médiocre polar, Julien Duvivier n’y fait pas oeuvre d’anthropologue. Si le film est marquant, c’est moins par ce qu’il montre de la vie en Algérie française dans les années trente que par son atmosphère de film noir : héros désenchanté à la virilité blessée, rédemption impossible, destin tragique…

Plus de quatre vingt ans ont passé et Pépé le Moko a bien vieilli. Le racisme inconscient qu’il charrie met aujourd’hui mal à l’aise. Certes les dialogues de Henri Jeanson sont brillants ; mais le jeu outré des seconds couteaux ne passe plus. Et les langueurs du scénario font trouver le temps bien long.

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Les Reines de la nuit ★★☆☆

Eva Carlton, Framboise, Galipette, Lulubelle, Antoine, Pétunia, Roxane, Sweety, Morian, Golda, Vénus, Lulu, Gia : Les Reines de la nuit s’attache aux pas de treize transformistes qui se produisent dans des cabarets.

Christiane Spiéro tenait un sujet en or. Elle interviewe treize travestis – le mot, trop connoté, est passé de mode – chez eux, dans leur environnement quotidien, loin des strass et des paillettes. Ils sont tous différents : des jeunes, des vieux, des beaux, des laids. Certains sont un peu paumés entre leurs doubles vies ; d’autres l’assument parfaitement. Ils sont tous gays, mais très virils et revendiquent cette masculinité, à l’exception d’une, Roxane, qui a franchi le pas et s’est faite opérer, et d’un.e autre, Romain/Morian, qu’on sent prêt.e à le faire. Leur vie sentimentale n’est pas simple : ils sont mal vus des gays (et doivent parfois cacher leur profession à leurs amants) et suscitent chez les hétéros des réactions ambiguës de fascination et de répulsion.

Mais tous ont en commun un formidable plaisir à pratiquer leur art. Un art auquel ils consacrent leur vie, leur temps et leur argent : il faut voir le soin maniaque que chacun prodigue à ses numéros, à son maquillage, à sa coiffure, à ses robes. Un transformiste doit être multi-tâches : chanteur, danseur, chorégraphe, éclairagiste, couturier, coiffeur, maquilleur…

Un art aussi où ils s’accomplissent et qui les a sauvés. Pour chacun, la scène est un accomplissement et une libération. Dans les interviews qu’elle a recueillies, Christiane Spiéro nous livre des pans de vie parfois tragiques, témoignages bouleversants d’une homophobie ordinaire qui laisse sur le trottoir des enfants reniés par leurs parents, chassés du foyer familial. Le cabaret devient pour eux un refuge et une nouvelle famille.

Les Reines de la nuit souffre hélas de sa facture télévisuelle très convenue. C’est bien le comble pour un tel sujet qui donnerait presque aux plus audacieux le désir de chausser des hauts talons pour la première fois de leur vie et aux autres, plus sages, d’assister à une soirée cabaret.

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Killing Eve – Saison 1 ★☆☆☆

Eve Polastri (Sandra Oh) est une fonctionnaire ordinaire du MI5, le service de contre-espionnage britannique. Vilanelle (Jodie Comer) est une tueuse à gages surdouée qui travaille pour une mystérieuse organisation criminelle. Les intuitions de la première, la perversité de la seconde vont mettre les deux femmes au prise.

Séduit par Fleabag, j’ai appris que sa créatrice, l’irrésistible Phoebe Waller-Bridge, avait dans la foulée en 2018 pour la BBC créé, scénarisé et produit, à défaut d’y jouer elle-même, l’adaptation d’un roman d’espionnage. Le livre – que je n’ai pas lu – semble loucher du côté de Nikita ou de Lucy en mettant en scène une assassin psychopathe, une véritable machine à tuer, aussi belle que cruelle. On pouvait compter sur Phoebe Waller-Bridge pour en faire autre chose.

Killing Eve ne se réduit pas en effet à une banale histoire de meurtrière en cuissardes comme on en a si souvent vue. Croisant les genres, la créatrice de Fleabag y instille une bonne dose d’humour noir. On y retrouve son ironie – même si en ont été gommées les vulgarités les plus réjouissantes – et son rythme. La diction accélérée de Sandra Oh rappelle celle Phoebe Waller-Bridge dans Fleabag.

Le problème est qu’une fois la situation installée avec d’un côté Vilanelle qui sillonne le monde, de Vienne à Moscou en passant par la Toscane et Berlin, pour y commettre les crimes les plus sophistiqués, et de l’autre Eve qui a été renvoyée du MI5 pour travailler sous couverture dans une unité spéciale du MI6, le jeu du chat et de la souris qui se déroule entre elles tourne bientôt à vide. Il a beau multiplier les rebondissements et les révélations, il devient de moins en moins crédible.

Si bien qu’à la fin de la première saison, j’hésite à regarder les deux suivantes…

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Lifeboat (1944) ★★★☆

Neuf rescapés trouvent refuge sur un canot de sauvetage après le torpillage d’un navire américain par un sous-marin allemand au milieu de l’Atlantique. Parmi eux un Allemand parfaitement anglophone : est-il un rescapé du navire ou le commandant du sous-marin ?

Lifeboat est tourné en 1943, alors que les États-Unis, après bien des hésitations, viennent d’entrer en guerre. Pour la Fox qui en commande le scénario à John Steinbeck, il doit s’agir d’une œuvre patriotique au sens univoque : les rescapés du naufrage, dont la diversité symbolise la richesse de la nation américaine, se coalisent pour faire face à la menace commune.

Mais Alfred Hitchcock, dont la notoriété est désormais bien assise à Hollywood grâce aux succès de Cinquième colonne et de L’Ombre d’un doute, ne l’entend pas de cette oreille. Lifeboat sera plus subtil que la Fox l’aurait voulu – et que le public, qui lui réserva un accueil froid, était prêt à l’accepter. Il ne s’agit pas d’opposer bloc à bloc la noble efficacité du peuple américain à la brutale sauvagerie du sous-marinier allemand. Le trait est moins manichéen, même si la morale du film ne laisse finalement pas de doute. D’un côté, l’unité des huit Américains, traversés, comme souvent chez Hitchcock par des tensions de classes, ne va pas de soi. De l’autre, l’Allemand ne se réduit pas à une caricature : la décision qu’il prend à l’insu de ses coéquipiers s’avère finalement la plus efficace pour leur sauver la vie.

Le dispositif de Lifeboat est resté célèbre : un huis clos au grand air. La caméra ne quitte jamais le bateau. Hitch adorait ce genre de défi : tourner tout un film en un unique plan-séquence comme dans La Corde, condamner son héros à l’immobilité comme dans Fenêtre sur cour. Très vite pourtant, les contraintes du dispositif s’oublient grâce aux rebondissements du scénario.

On sait que Hitchcock effectue un cameo dans chacun de ses films. Ici, la gageure semblait impossible à relever : comment le réalisateur pourrait-il apparaître dans ce huis clos ? Une solution ingénieuse fut trouvée : on voit la photo de Hitchcock dans un journal que l’un des rescapés feuillette. La légende raconte même que la publicité pour un régime amaigrissant qu’illustrait cette photo avait suscité des demandes d’informations.

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Hunters ★☆☆☆

À New York, en 1977, l’assassinat mystérieux de sa grand mère met en contact Jonah (Logan Lerman) avec Meyer Offerman (Al Pacino). Le milliardaire dirige un groupe hétéroclite de « chasseurs ». Leurs proies : les anciens nazis réfugiés aux États-Unis qui complotent à l’instauration d’un Quatrième Reich.

Précédée d’une tonitruante campagne de publicité, la dernière série d’Amazon est sortie le 21 février juste à temps pour le confinement. Elle a pour elle une reconstitution minutieuse des années soixante dix, de leur chaos (l’épisode 7 se déroule durant le black out du 13 juillet 1977 dont il impute la cause à un sombre complot ourdi par les nazis), de leurs looks afro et pat d’eph improbables, et de la présence en tête d’affiche d’Al Pacino.

Mais, après un premier épisode très réussi, qui s’ouvre par une scène d’anthologie (un Nazi, reconverti en politicien américain, assassine de sang froid toute sa famille durant un barbecue après avoir été reconnu par une ancienne détenue des camps) et qui voit le jeune Jonah être adoubé par les « chasseurs », la série s’installe dans un rythme assez poussif. D’épisode en épisode, on suit les protagonistes progresser pas à pas dans la traque du Loup, le sadique médecin-chef du camp où Meyer Offerman et la grand-mère de Jonah ont passé la guerre.
Pendant ce temps, les Nazis, dirigés par une colonelle (Lena Olin), aussi élégante que sadique, dont l’ultime scène de la série révèlera l’identité, fomentent un plan machiavélique : annihiler la moitié de la population américaine en empoisonnant son sucre de maïs (sic). Et une courageuse policière afro-américaine enquête sur les meurtres commis par les « chasseurs ».

Si Hunters se bornait à gentiment raconter cette histoire, on s’ennuierait sans se plaindre. Mais il y a plus grave.

D’une part, la narration est entrelardée de flashbacks dans des camps de concentration/d’extermination où, dans un éclairage grisailleux et avec une délectation malsaine, sont reconstitués les crimes les plus sadiques commis par des Nazis psychopathes. Ces reconstitutions ont suscité une réaction officielle du musée d’Auschwitz et de la Fondation pour la Shoah qui leur ont reproché leur outrance, craignant qu’elles encouragent le négationnisme.

D’autre part, la série, qui raconte la prise de conscience d’un adolescent des crimes commis contre sa famille et de l’urgence à en punir les auteurs, résonne comme un appel au vigilantisme. Les autorités officielles américaines sont accusées d’avoir encouragé l’exil de nombre de scientifiques nazis – ce qui, s’agissant par exemple de Wernher von Braun, le père des V2 puis du programme Apollo, constitue un fait historique avéré. Mais elles sont aussi accusées de rester passives devant les menées criminelles d’une bande de criminels nazis nostalgiques et psychopathes – ce qui relève évidemment de la fiction. Cette inertie justifie l’activisme des « chasseurs », les séances de torture qu’elles infligent à leurs prisonniers, voire les assassinats sans procès qu’ils commettent.
Certes ce message est corrigé in extremis au dernier épisode par un twist étonnant – et fort peu crédible – qui annonce peut-être une seconde saison au contenu moral moins ambigu. Mais il est déjà trop tard…

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Le Challat de Tunis ★★★☆

Le Challat de Tunis est un documenteur, une enquête menée par une réalisatrice dans les rues de Tunis qui entremêle la réalité et la fiction.
Son point de départ : une légende urbaine. En 2003, un mystérieux motocycliste terrorisait Tunis en balafrant de sa lame (« challat ») les fesses des femmes qu’il jugeait impudiques.

Qui était le « challat » ? A-t-il été appréhendé ? Jugé ? Condamné ? Relâché depuis ? Kaouther Ben Hania mène l’enquête. Elle retrouve Jallel Dridi, qui prétend être le challat et qui, en effet, avait été arrêté en 2003.

Tout n’est pas vrai dans son film.
Le témoignage des femmes balafrées par le challat l’est assurément. En revanche cette mère maquerelle qui commercialise un virginomètre à l’efficacité douteuse est un personnage de fiction. Comme ce jeune islamiste qui conçoit un jeu vidéo inspiré des exploits du challat.

Le machisme le plus primitif semble encore dominer les mentalités en Tunisie. Maman ou putain, la femme n’a pas la maîtrise de son corps. C’est elle qui pêche en l’exposant dans l’espace public et en excitant le regard du mâle.

On rit souvent devant Le Challat de Tunis tant les situations sont excessives tel les efforts déployés par Jallel Dridi pour plonger son virginomètre dans les urines de sa fiancée. Mais le malaise domine face à ce que ce documenteur nous dit de la misère sexuelle qui semble prévaloir dans les rues de Tunisie, printemps arabe ou pas.

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