Les Producteurs (2005) ★★☆☆

Max Bialystock (Nathan Lane) n’est plus que l’ombre de lui-même. Ses productions à Broadway enchaînent les flops. L’échec de la dernière en date, une adaptation soi-disant comique de Shakespeare, le laisse désespéré et ruiné. Mais son comptable, Léopold Bloom (Matthew Broderick) lui souffle une idée paradoxale : produire un énorme bide pourrait le rendre très riche.
Aussi les deux hommes bientôt rejoints par Ulla, une improbable secrétaire suédoise (Uma Thurman), se mettent-ils en tête de réaliser la pire comédie musicale jamais produite à Broadway. Ils cherchent d’abord la pire pièce jamais écrite et pense l’avoir trouvée avec l’œuvre d’un nazi repenti (Will Ferrell), Springtime for Hitler. Pour la monter, ils recrutent le plus gay des metteurs en scène (Gary Beach).

La publication d’une caricature de Charlie Hebdo sur mon mur Facebook a récemment suscité une discussion enflammée sur le thème « Peut-on rire de tout ? ». La conclusion, intelligente quoique aujourd’hui un peu convenue, convoqua Desproges : « Oui, mais pas avec n’importe qui ». Dans le cours de la discussion un ami évoqua le film de Mel Brooks sorti en 1968, qui inspira au début des années 2000 une comédie musicale à succès laquelle fut portée à l’écran en 2005. Il me recommanda chaleureusement de la voir. Je suivis son conseil.

En effet, Les Producteurs repose – en partie – sur une idée sacrément transgressive : faire rire d’Adolf Hitler. L’idée n’est pas nouvelle. Charles Chaplin l’a utilisée dès 1940, avec un génie indépassable dans Le Dictateur. Puis Ernst Lubitsch en a fait un des ressorts du cultissime To Be or Not to Be – dont Mel Brooks produira en 1983 un remake assez navrant. Cinquante ans plus tard, Roberto Benigni a signé avec le succès que l’on sait La vita è bella.
Cette dimension est portée par le personnage de Franz Liebkind (littéralement Franz l’enfant adorable) qui élève sur les toits de New York des pigeons voyageurs pour correspondre avec ses amis allemands en Argentine, porte des lederhosen, est toujours coiffé d’un Stahlhelm M35 et entonne volontiers des champs hitlériens. Le personnage, interprété avec la bouffonnerie qui le caractérise, par Will Ferrell, est hilarant. Il l’est plus encore si l’on pense que le scénario date de 1968 et qu’il a été écrit par un juif germano-russe qui donne aux deux personnages principaux, pour le premier, le nom d’une ville de Pologne vidée de ses habitants par la Shoah et, pour le second, un patronyme juif (déjà utilisé par Joyce dans Ulysses).

Les Producteurs est une bouffonnerie qui ne recule devant aucune outrance. Son scénario est, à y regarder de plus près, complètement dénué de crédibilité tout en étant bigrement ironique : il s’agit de réaliser une comédie musicale à Broadway qui parle de la réalisation de la pire comédie musicale jamais produite à Broadway ! Ses personnages en font des tonnes, à commencer par le héros Bialystok condamné à séduire des octogénaires crédules pour financer sa pièce et par son acolyte, Bloom, un comptable introverti qui va se libérer de ses névroses au contact de la belle Ulla (qui lui prend vingt bon centimètres au garrot).

Si on est de bonne humeur et indulgent, si on aime les comédies musicales (c’est mon cas !) et leurs inévitables longueurs, on se laissera séduire par Les Producteurs. En révisant mes fiches, j’ai réalisé à mon plus grand étonnement que je l’avais en fait déjà vu à sa sortie en 2006. Je n’en avais pas gardé le moindre souvenir alors pourtant que c’est le genre de film qui ne s’oublie pas facilement. Plus étonnant encore, je lui avais mis à l’époque…. zéro étoile, signe que je n’avais pas, mais alors pas du tout, aimé.
Double conclusion pessimiste : 1. je perds la mémoire 2. mon jugement, qui varie du tout au tout à quinze ans d’intervalle, n’a décidément aucune consistance et vous, cher lecteur, me donnez plus de crédit que je n’en mérite en vous y fiant.

La bande-annonce

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