17 Blocks ★★★☆

En 1999, le jeune documentariste Davy Rothbart rencontre sur un terrain de basket de Washington Smurf Sanford, quinze ans, et son petit frère, Emmanuel, neuf ans à peine. Il fait bientôt la connaissance de Cheryl, leur mère, et de Denice, leur sœur, filme la famille, prête à Emmanuel un caméscope et le laisse filmer à son tour quelques images. Pendant vingt ans, avec de longues ellipses, Davy Rothbart gardera le contact avec les Sanford. Des mille heures de rush qu’il a accumulés, il a tiré 17 Blocks.

17 blocs d’immeubles : c’est la distance qui sépare le Capitole, siège du Congrès américain, de ce terrain de basket où Davy Rothbart rencontre Smurf et Emmanuel. Washington est une ville profondément ségrégée. À l’ouest les immeubles fédéraux : le Capitole, la Maison-Blanche, les bâtiments de l’administration ; à l’est, une ville noire et pauvre où la violence fait rage. La frontière passait jadis en face du Capitole. Gentryfication aidant, elle recule lentement mais n’a pas disparu.

Sur le modèle de Boyhood – mon film préféré en 2014 – ou d’Adolescentes, 17 Blocks tente le pari réussi de la longue durée, filmant sur près de vingt ans l’évolution des membres d’une famille. Sacré pari artistique dans lequel Davy Rothbart s’est lancé sans savoir sur quoi il déboucherait !

Son documentaire au long cours a-t-il pour sujet une famille afro-amérciaine exemplaire ? On l’ignore faute de contextualisation. Toujours est-il que son histoire n’est pas gaie. La mère, Cheryl, élève seule, ses trois enfants. Éduquée dans la classe moyenne, elle n’a jamais réalisé ses rêves de jeune fille (elle espérait devenir actrice ou mannequin) et, cause ou conséquence ? a sombré dans la drogue. Smurf le fils aîné a très tôt abandonné l’école pour dealer. Denice la cadette est mieux socialisée, même si elle doit élever seule Justin et Faith, les deux enfants qu’elle a eus d’un père aux abonnés absents. C’est Emmanuel qui semblait le plus équilibré de la famille. Bon élève, le bac en poche, aspirant à devenir sapeur-pompier, fiancé à Carmen, il est tué en 2009 par deux voyous qui venaient demander des comptes à son frère aîné. Le drame jette une ombre ineffaçable sur la vie des Sanford.

La multiplication des avanies qui s’abattent sur chacun des membres de cette famille est bien lourde. Dans une oeuvre de fiction, on la jugerait volontiers artificielle voire plombante. Mais la vie des Sanford est hélas bien réelle. Dans un mouvement de balancier typiquement américain et marqué par un optimisme indécrottable, la suite de 17 Blocks montrera comment ce drame, loin de détruire cette famille, va au contraire la ressouder, l’obliger à un sursaut salvateur : Cheryl entreprend avec succès une cure de désintoxication, Smurf évite de justesse une lourde peine contre la promesse de se réinsérer, Denice trouve un emploi dans la police. Là encore, une rédemption aussi vertueuse sonnerait faux dans un film. On la jugerait outrée, caricaturale. Mais telle est la vie des Sanford que Davy Rothbart veut nous montrer en exemple.

L’affiche du film annonce prétentieusement : « Un portrait de l’Amérique de Bush à Trump ». La promesse est ambitieuse. Elle n’est pas tenue. 17 Blocks ne fait pas le portrait de l’Amérique. Elle raconte l’histoire d’une famille afro-américaine résiliente. Et c’est déjà beaucoup.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *