Le Discours ★★★☆

Adrien (Benjamin Lavernhe), la trentaine, passe la soirée chez ses parents. Il écoute, navré, la conversation qui roule entre son beau-frère qui pérore (Kyan Khojandi), sa sœur qui opine à tout (Julia Piaton), son père qui répète ad nauseam les mêmes histoires (François Morel) et sa mère qui s’apprête à servir son sempiternel gâteau au yaourt (Guilaine Londez que je m’entête à confondre avec Ariane Ascaride).
Mais Adrien a la tête ailleurs. À 17h24 il a envoyé un SMS à Sonia, son amoureuse (Sara Giraudeau) qui, depuis trente-huit jours, a suspendu leur relation. Miné par l’attente impatiente de sa réponse, Adrien prête une oreille distraite à la discussion générale et laisse son esprit vagabonder. Cerise sur le gâteau : son beau-frère et sa sœur lui demandent de faire un discours à leur mariage.

Le célèbre bédéiste Fabcaro, auteur de Zaï, zaï, zaï, zaï, a magistralement réussi son passage au roman en 2018. Le succès du Discours fut immédiat. En tête des ventes de romans, et bientôt en tête de celle des poches, ce court monologue dans l’air du temps trouvait immédiatement son public. Les déboires d’Adrien, la drôlerie avec laquelle ils étaient racontés suscitaient le rire et l’émotion d’un vaste lectorat qui en redemandait et allait accueillir, deux ans plus tard, avec autant de gourmandise, Broadway, le roman suivant de Fabrice Caro.

Laurent Tirard ne courait pas grand risque en prenant les rênes de son adaptation. Le réalisateur du Petit Nicolas (et de sa suite dispensable), abonné aux succès grand public, a sagement choisi de rester fidèle au roman. Il ne s’en éloigne pas d’une ligne. Il adopte dès la première scène, volontiers brechtienne, les codes du one man show. Il a eu le nez creux de confier le rôle principal à Benjamin Lavernhe, sociétaire surdoué de la Comédie-Française, qu’on a déjà souvent vu à l’écran, dans Le Sens de la fête ou Antoinette dans les Cévennes, et qui explose en tête d’affiche. Cette fidélité constitue-t-elle la principale qualité ou le plus gros handicap de ce film ?

Un esprit primaire comme le mien déroule un syllogisme en apparence implacable :
1. Le Discours est un très bon livre
2. Le film est son adaptation fidèle
Donc 3. Le film ne peut qu’être réussi
Mais un esprit beaucoup plus subtil pourrait, non sans motifs, contester ce syllogisme sans même en remettre en cause les deux prémisses. Quel intérêt, soutiendra-t-il, y a-t-il à adapter à la lettre un livre réussi ? Où est la valeur ajoutée ? Aucun effet de surprise pour ceux qui ont lu le livre et qui anticipent chaque scène dont ils connaissent par avance la chute (ainsi, pour la plus drôle à mon sens, de « l’arbre à souhaits »). Quant à ceux qui ne l’ont pas lu, il faudrait plutôt leur conseiller d’aller voir le livre – et d’aider les librairies, commerces ô combien essentiels dont on a trop protesté de la fermeture inique pour les bouder une fois qu’elles sont rouvertes – que d’en voir le duplicata au cinéma.

Mon esprit primaire concède volontiers ce point à cet esprit subtil.
Pour autant, j’ai pris autant de plaisir à la lecture du livre qu’au visionnage du film. J’ai (beaucoup) ri ; j’ai (souvent) souri ; j’ai (toujours) été touché. Et qui hésiterait encore à la dernière seconde du film se laissera définitivement emporter par le tube italien des 80ies Sarà perché ti amo qui accompagne le générique. Si vous ne vous en souvenez pas, you-tubez le subito…. il ensoleillera votre journée !

La bande-annonce

Un commentaire sur “Le Discours ★★★☆

  1. Ping Zaï Zaï Zaï Zaï ★★★☆ | Un film, un jour

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