Rien à foutre ★★☆☆

Cassandre (Adèle Exarchopoulos) a vingt-six ans. Elle est hôtesse de l’air dans une compagnie low cost basée aux Canaries. Chaque jour, elle répète la même routine : elle se maquille, tire ses cheveux dans un chignon impeccable, endosse son uniforme et arbore un sourire de façade pour servir un mauvais café à des hommes d’affaires méprisants ou des touristes alcoolisés. Le mutisme de Cassandre est l’armure qu’elle s’est construite pour soigner une blessure enfouie.

Le premier film d’Emmanuel Marre et de Julie Lecoustre réussit un pari enthousiasmant : nous entraîner dans le monde si particulier d’une profession jamais, à ma connaissance, filmée à l’écran et pourtant si photogénique, les PNC. Qui prend l’avion, pour son travail ou ses loisirs, a un jour ou l’autre croisé des hôtesses de l’air ou des stewards, a admiré leur parfaite élégance et s’est gentiment moqué du flegme inaltérable avec lequel ils présentent des consignes de sécurité que personne n’écoute. Une question demeurait sans réponse : qu’y a-t-il derrière le chignon impeccable et le sourire Ultra Brite ?

Les deux premiers tiers du film sont remarquablement réussis qui suivent pas à pas Cassandre d’un vol à l’autre. Le danger était de sombrer dans les clichés en enchaînant les anecdotes attendues : l’alcoolisme dégobillant d’un passager ivre, la drague insistante d’un autre, les bagages trop volumineux d’une famille qui a refusé de les enregistrer en soute, etc. Or, les anecdotes que choisit de raconter Rien à foutre ne sont pas celles auxquelles on s’attend : celle par exemple de cette jeune passagère à laquelle on exige le règlement d’un supplément bagage dont elle n’a pas les moyens de s’acquitter, celle de cette passagère plus âgée dévorée de chagrin et que Cassandre essaie de réconforter…

Rien à foutre insiste surtout sur les conditions de travail ingrates auxquels sont soumis ces personnels, écartelés entre les impératifs de sécurité qu’ils sont censés faire respecter et des objectifs commerciaux qui constituent en fait leur principal intérêt du point de vue de la compagnie qui les emploie et qui veut compenser les prix écrasés des billets qu’elle vend par les ventes effectuées à bord. Sont particulièrement rudes les face-à-face de Cassandre avec son supérieur comparés aux scènes les plus dures de Stéphane Brizé et de Vincent Lindon qui, elles, semblent bien douces.

Le défaut de Rien à foutre est de s’écarter de son sujet dans son dernier tiers. Pour comprendre la psychologie de son héroïne, le film quitte les aéroports et les tarmacs pour un long retour au pays natal, dans une Belgique pluvieuse. On y apprend le drame qui vient de frapper Cassandre et on l’accompagne dans sa lente cicatrisation. Cette dernière partie n’est pas calamiteuse ; mais elle est beaucoup plus convenue que la première dont les réalisateurs n’auraient pas dû dévier.

Rien à foutre ne m’aura pas enthousiasmé, même si j’allais le voir avec un biais très subjectif pur Adèle Exarchopoulos que j’adore. Une scène du film l’a sauvé, en son milieu, assez stupéfiante. Vous a-t-elle autant frappé que moi ?

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *