Coupez ! ★★★☆

Rémi (Romain Duris) accepte de tourner en direct un plan-séquence de trente minutes, remake d’un film japonais à succès : le tournage d’un film de série B de zombies interrompu par l’arrivée de vrais zombies.

Pourquoi diable Michel Hazanavicius, qui a reçu l’Oscar du meilleur film, le César du meilleur réalisateur (The Artist) et signé la parodie la plus drôle du film d’espionnage (OSS 117), s’est-il embarqué dans le remake d’une obscure série Z japonaise (Ne coupez pas ! sorti en catimini en France en 2019) ? Pour en faire un des films les plus drôles et les plus malins de l’année.

Tout tient à une idée géniale de scénario : plier en trois l’histoire que j’ai résumée en début de critique. On verra d’abord le fameux plan-séquence de trente minutes du point de vue du spectateur, combinaison plus ou moins consternante de plans flous ou ratés, de répliques improvisées sur un scénario indigent. On reviendra ensuite en arrière sur la genèse de ce film et les raisons qui ont conduit Rémi à l’accepter et la bande d’acteurs et de techniciens qui l’entourent à y participer. On assistera enfin, dans une séquence d’une demi-heure parmi les plus hilarantes jamais vues, à la somme d’imprévus que cette joyeuse bande a rencontrés pour filmer cette histoire.

On rit devant Coupez ! On rit beaucoup. Et ce rire fait du bien. Coupez ! redonne ces lettres de noblesse à un genre en faillite : la comédie. Le genre attire les foules – même si les foules sont de moins en moins nombreuses à aller au cinéma. Mais le genre ne se renouvelle guère avec quelques stars en voie de momification : Danny Boon, Christian Clavier, Gérard Jugnot….

Coupez ! nous fait rire intelligemment en mettant en abyme le tournage d’un film : c’est l’histoire d’un réalisateur qui tourne un film sur un réalisateur en train de tourner un film. Et c’est, comme dans le jeu des sept erreurs, l’intelligence du spectateur qui est sollicitée en lui montrant les coulisses du film qu’il vient de voir. Ces coulisses sont désopilantes (on n’oubliera pas de sitôt Grégory Gadebois en acteur alcoolique et dégobillant) et elles transpirent d’amour pour le cinéma, un art fait de mille débrouillardises. Hazanavicius a mis dans ce film des tonnes d’anecdotes vécues, drôles et attachantes, qui reflètent l’imagination que nécessite un miracle toujours renouvelé et invisible : réussir à mettre une scène dans une boite. Seul un réalisateur avec une telle expérience était capable de le faire. Merci à lui ! Merci au Festival de Cannes d’avoir eu le culot d’en faire son film d’ouverture cette année !

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Evolution ★☆☆☆

Evolution compte trois tableaux d’inégale longueur, filmés en plan-séquence.
On devine lentement l’endroit et l’époque où se déroule le premier : il s’agit d’une chambre à gaz d’Auschwitz en 1945 où trois soldats de l’Armée rouge, sidérés, découvrent un bébé survivant dans une bouche d’égoût.
Ce bébé, c’est Eva, l’héroïne octogénaire du deuxième tableau filmé dans son grand appartement de Budapest au crépuscule de sa vie, avec sa fille Lena venue lui réclamer des papiers d’identité pour prouver sa judéité.
Le dernier tableau est filmé quelques mois plus tard à Berlin où on comprend que Eva est désormais installée, après son divorce, avec son fils Jonas, un jeune lycéen en butte aux brimades de ses camarades.

Kornél Mundruczó est décidément un réalisateur marquant. Ses films sont à couper le souffle. White Dog racontait, au ras du pavé, la révolte d’une horde de chiens errants condamnés à mort par un pouvoir hygiéniste. La Lune de Jupiter avait pour héros un migrant syrien laissé pour mort à la frontière hongroise et désormais doté de pouvoirs surnaturels. Pieces of a Woman filmait en temps réel un accouchement qui tournait à la catastrophe.

Après un détour par Hollywood, Kornél Mundruczó revient en Europe avec les mêmes recettes que dans ses précédents films : un sujet coup de poing (ici, le traumatisme intergénérationnel causé par la Shoah) filmé avec maestria.

Le problème est que cette recette tourne au procédé sinon à la posture un peu vaine.
Comme dans les précédents films de Mundruczó, on est bluffé par sa mise en scène. La première scène  de Evolution est dantesque : filmée au cœur de l’enfer, dans un lieu qui ne peut qu’imposer un respect horrifié (je cherche la meilleure traduction à l’anglais « awe »), ce plan halluciné – qui rappelle un autre film hongrois, Le Fils de Saul –  est quasiment muet.
La deuxième ne l’est pas moins, entièrement tournée à l’intérieur d’un appartement et qui se conclut par un événement surréaliste proprement incroyable.
La troisième est tout aussi virtuose qui suit le jeune Jonas dans les rues de Berlin.

Le problème du cinéma de Mundruczó est qu’on ne comprend pas au service de quoi est mis cette maîtrise hallucinante. Que veut-il dire ? Et surtout : pourquoi le dire de cette façon-là ? La virtuosité de ses plans-séquence finit par être contre-productive : on ne voit qu’elle et, passée l’admiration qu’elle suscite, on ne ressent rien.

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The Duke ★★☆☆

Kempton Bunton (Jim Broadbent) est un modeste sexagénaire habitant à Newcastle. Farouche défenseur de la justice sociale, père inconsolé d’une fille décédée dans la fleur de l’âge d’un accident de vélo, il écrit à ses heures perdues des pièces de théâtre, malgré les exhortations de sa femme (Helen Mirren) qui préfèrerait qu’il utilise son énergie à trouver un emploi stable.
Avec la complicité de son fils, Kempton Bunton dérobe à la National Gallery de Londres le Portrait du Duc de Wellington par Francisco de Goya. Il est prêt à le restituer moyennant une rançon pour financer des oeuvres charitables.

Aussi incroyable que cela paraisse, l’intrigue de The Duke est inspirée d’une histoire vraie qui avait défrayé la chronique au début des 60ies mais n’avait pourtant jusqu’à présent jamais été racontée. Le vol inédit d’un des joyaux de la National Gallery avait été un temps attribué par Scotland Yard à un dangereux gang de trafiquants – au point de le placer parmi le butin du Dr No du premier James Bond tourné début 1962 . Il était en fait l’oeuvre d’un bien inoffensif sexagénaire.

Tourné fin 2019, projeté à Venise en septembre 2020, The Duke a vu sa sortie en salles compliquée par le Covid. Diffusé directement sur les plateformes américaines et britanniques, il a finalement trouvé le chemin des salles françaises avec deux ans de retard.

The Duke déborde de bons sentiments. Drame social, mélo, film de prétoire, The Duke passe avec fluidité d’un genre à l’autre sous la houlette de Roger Michell, le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill, My Cousin Rachel et Blackbird – qui m’avait ému aux larmes. On pourrait bien sûr bouder son plaisir devant cette réalisation trop sucrée et les grimaces de son héros. On pourrait au contraire se laisser séduire par ce feel-good movie si attachant, gorgé du lait de la tendresse humaine, admirablement servi par l’impériale Helen Mirren.

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Les Passagers de la nuit ★★☆☆

Elizabeth (Charlotte Gainsbourg) doit se reconstruire après son divorce. Elle le fera avec l’aide de ses deux enfants qui sont en train de quitter l’adolescence. Elle le fera grâce au travail que lui offre Vanda Dorval (Emmanuelle Béart), l’animatrice d’une radio nocturne sur France Inter. Elle le fera enfin grâce à Tallulah (Noée Abita), une jeune femme un peu perdue qu’Elizabeth prend sous sa coupe.

S’il était précédé de critiques élogieuses, qui en faisaient presque le film du mois dans un mois pré-cannois il est vrai bien pauvre, les mauvais retours de mes amis m’ont fait retarder le moment de voir Les Passagers de la nuit (un titre que les cinéphiles ont du mal à ne pas définitivement associer à Bogart et Bacall). Qui avait raison ? les premières qui encensaient un film « tendre, émouvant et sensible » qui « nous transporte avec délicatesse au cœur des années 80 » ? ou les seconds qui, dans un style plus direct, se sont ennuyés devant une Charlotte Gainsbourg « à baffer » ?

Avec le sens pathologique du compromis macronien qui m’habite, je donnerais raison aux deux et tort à personne. Le jeu chuchoté de Charlotte Gainsbourg m’a plus irrité qu’ému, d’autant qu’il nous arrive quelques mois à peine après l’insupportable Suzanna Andler. De là à dire que cette actrice serait en voie d’huppertisation, il y a un pas que je franchirais peut-être à son prochain film si elle s’entête dans ce jeu melliflu.
Mais pour le reste, j’ai été touché par l’évocation mélancolique des 80ies, reconstituées en entremêlant des images d’archives à celle de décors méticuleusement reconstitués (un appartement des tours Beaugrenelle, la salle de cinéma de l’Escurial où les trois jeunes gens vont voir Les Nuits de la pleine lune).
Il y a un mystère sinon une incongruité à vouloir reconstituer cette période si inesthétique. Tout était laid dans les années 80 : les vêtements, les coiffures, le maquillage, les voitures… Mais c’était la période où j’ai grandi (Mikhaël Hers a, à quelques années près le même âge que moi) et pour laquelle j’entretiendrais toujours une émouvante nostalgie.

La principale critique que j’adresserais aux Passagers de la nuit est son anachronisme. Sur cette reconstitution minutieuse des années 80 sont plaqués des sentiments très contemporains, pas très éloignés de ceux qui avaient fait le succès du précédent film de Mikhaël Hers, Amanda : la reconstruction d’une quinquagénaire cabossée (interprétée avec beaucoup de justesse l’an dernier par la même Emmanuelle Béart dans L’Etreinte), la complexité des sentiments que ressent un parent au départ de ses enfants du nid familial…

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Et il y eut un matin ★★☆☆

Sami est un Palestinien qui a tourné le dos à ses origines pour s’intégrer à la société israélienne. Le temps du mariage de son frère cadet, il a accepté de revenir dans son village natal, avec sa femme et son fils. Il s’y retrouve enfermé par le blocus des forces israéliennes.

Assigner à Et il y eut un matin une nationalité n’est pas chose aisée. C’est l’œuvre d’un réalisateur israélien, Eran Kolirin, dont le premier film, Le Voyage de la fanfare, racontait avec une ironie tendre l’errance d’une fanfare égyptienne dans le désert du Néguev. C’est l’adaptation d’un roman écrit en hébreu par un auteur palestinien, Sayed Kashua. C’est un film qu’Israël a retenu pour la représenter aux Oscars au titre du meilleur film en langue étrangère mais dont la sélection à Cannes dans la section Un certain regard en juillet 2021 comme film israélien a été boycottée par la distribution palestinienne.

On réconciliera tout le monde (ou personne !) en disant que ce film israélo-palestinien raconte avec beaucoup d’intelligence la vie suspendue dans une enclave arabe. Le blocus qu’y impose l’armée israélienne pour un motif mystérieux qui s’éclairera brutalement avec la dernière image du film, s’il éloigne Sami de son travail à Jérusalem et de sa maîtresse, lui donne l’occasion salvatrice de reconsidérer l’échelle de ses valeurs. Toutes choses égales par ailleurs, on pourrait dire la même chose du confinement que nous avons tous subi en 2020.

Une panoplie de personnages secondaires l’entoure dans son petit village : un beau-frère collabo convaincu que le blocus serait levé si tous les travailleurs illégaux étaient raflés, un frère immature qui n’a pas le courage d’honorer son épouse, un ami d’enfance conducteur de taxi qui rêve de reconquérir l’amour de la femme qui vient de le quitter, un caïd qui profite du blocus pour faire régner sa loi….

L’ensemble est attachant. Il rappelle le cinéma d’Elia Suleiman et son humour volontiers absurde. Son faux rythme un peu atone le dessert même s’il peint admirablement la fatigue sinon la désespérance d’un peuple palestinien privé d’espérance.

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Hit the Road ★☆☆☆

Une famille voyage dans un 4×4 quelque part en Iran. Le père, la jambe plâtrée, s’est installé à l’arrière. C’est le fils aîné qui conduit sans dire un mot. Sa mère est assise à côté de lui. Le petit dernier, très turbulent, monopolise l’attention.
D’où viennent-ils ? Où vont-ils ?

Panar Panahi est le fils de son père, Jafar Panahi, un cinéaste iranien adulé en Occident au double motif qu’il est persécuté par le régime des mollahs qui lui a interdit de tourner et que ses films sont excellents (Sang et Or, Hors Jeu, Taxi Téhéran…). Dans Hit the Road, il s’inscrit dans la lignée du cinéma de son père en utilisant comme lui l’espace clos d’une automobile pour y filmer le microcosme familial et en traitant comme lui le thème très politique de l’exil.

Bien qu’il ne faille pas être grand clerc pour vite comprendre de quoi il retourne, le mot que je viens d’écrire en révèle déjà trop sur l’intrigue. Le film, comme le résumé que j’en ai fait tout à l’heure, se veut en effet mystérieux. Le problème est qu’il ne l’est guère. L’autre problème, plus grave encore, est qu’une fois ce mystère dévoilé, on réalise qu’il ne justifiait peut-être pas autant de cachoteries.

Hit the Road, une fois délesté de cette hypothèque, se réduit à pas grand-chose : une route, un long trajet et, à son terme, la destination qu’on atteint. Le gamin qui anime de sa trépidante énergie cette triste procession pourra sembler à certains plein de gouaille et de vie. D’autres, dont je suis, l’enverraient volontiers se coucher avec deux claques et un comprimé de ritaline. Je ne suis pas sûr que cette dernière phrase soit politiquement très correcte et ne me vaille pas une descente de la DDASS…

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L’Affaire Collini ★☆☆☆

Fabrizio Collini, un septuagénaire d’origine italienne, tue de sang-froid à Berlin en 2001 Hans Meyer, un respectable capitaine d’industrie. Il se livre à la police et reste muet devant son avocat commis d’office, le jeune Caspar Leinen. C’est à cet avocat débutant qu’il appartiendra de mener l’enquête pour découvrir les motifs de ce crime.

Ce film allemand, sorti début 2019, qui a mis plus de trois ans pour arriver sur nos écrans, est l’adaptation d’un roman de Ferdinand von Schirach. Ce pénaliste allemand est devenu célèbre, en Allemagne et à l’étranger, grâce à ses nouvelles inspirées des affaires dont il a eu à connaître et de sa vie d’avocat. Après deux recueils de nouvelles, L’Affaire Collini était son premier roman, publié en 2011.

L’Affaire Collini est bâti sur un faux suspense que son affiche évente. Avant d’aller le voir, on sait déjà que les motifs de l’assassinat d’Hans Meyer sont à chercher du côté de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme. Leur révélation occupera le dernier tiers du film et, bien entendu, nous n’en dirons rien de plus sinon qu’elle mettra en lumière une disposition d’une loi allemande de 1968 qui, en modifiant les règles de prescription, amnistie les « complices de meurtres agissant sur ordre ».

Le débat juridique est d’une grande subtilité. On pourra avec profit lire l’article de Willy Dressen Les poursuites judiciaires contre les criminels nazis en République fédérale d’Allemagne dans la Revue d’histoire de la Shoah pour y voir plus clair. Ce qui est vraiment dommage, qui choque le juriste, mais aussi le non-juriste, est le nombre d’approximations dont ce film se rend coupable pour aboutir à une dénonciation inutilement manichéenne d’un texte dont il est faux de dire qu’il a innocenté des milliers de criminels du Troisième Reich : comment l’avocat Leinen peut-il être autorisé à défendre l’inculpé Contini compte tenu des liens affectifs qu’il entretient avec la victime et sa petite-fille ? comment l’existence d’une procédure engagée par Contini contre Meyer en 1968 pouvait-elle lui être inconnue avant que l’avocat de la partie civile (à côté d’un procureur étonnamment silencieux) ne la révèle dans un rebondissement inutilement mélodramatique ? dans quelle mesure ces circonstances sont-elles opérantes pour apprécier la culpabilité de Contini, sauf à considérer que l’assassinat de sang-froid est tolérable pour se rendre justice soi-même ? Autant d’interrogations dont le film ne s’embarrasse pas à trop vouloir verser dans le sensationnalisme au mépris de la rigueur juridique.

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La Femme du fossoyeur ★★☆☆

Guled est fossoyeur à Djibouti. En dépit de leurs conditions de vie misérables, Guled et sa femme Nasra (superbe Yasmin Warsame) forment un couple aimant et avec Mahad leur fils une famille heureuse.
Hélas Nasra est gravement malade. Seule une opération coûteuse pourrait la sauver. Comment Guled trouvera-t-il l’argent nécessaire ?

Il est rare de voir des films tournés à Djibouti. Il est tout aussi rare d’entendre parler le somalien au cinéma. C’est, je crois, pour moi, la première fois. Le mérite en revient à un réalisateur d’origine somalienne, émigré en Finlande qui a réussi l’improbable pari de monter une coproduction finno-germano-française et de venir tourner à Djibouti – dont on voit les banlieues misérables et les paysages sublimes du désert qui l’environne.

La Femme du fossoyeur n’a pas beaucoup d’épaisseur. Son propos relève plus du conte ou de la nouvelle que du roman-feuilleton. Mais il a tant de fraîcheur, tant d’exotisme, tant de modestie aussi (jusque dans sa durée qui ne dépasse pas l’heure et demie) et réussit si bien jusqu’au dernier plan, dont je ne suis pas sûr d’avoir compris la signification, à maintenir le suspense qu’il mérite mieux que l’indifférence hautaine avec laquelle, dans un premier mouvement, je m’apprêtais à l’enterrer.

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The Northman ★☆☆☆

Le jeune prince Amleth voit sous ses yeux son oncle assassiner son père. Il réussit à s’enfuir mais jure de se venger. Pour ce faire, quelques années plus tard, il rejoint une troupe d’esclaves en route vers l’Islande. Il y retrouve son oncle, sa mère qu’il a épousée et le fils né de cette union.

Après deux films (The Witch, The Lighthouse) qui l’ont fait instantanément entrer dans le club très fermé des réalisateurs les plus bankables de Hollywood, Robert Eggers a décidé de tourner le film définitif sur les Vikings. Il a revisité la légende d’Hamlet qui a inspiré avant lui de célèbres auteurs. Sa trame en est bien connue. Et ce n’est pas Nicole Kidman, figée pour l’éternité dans une jeunesse siliconée et ridiculisée par un accent dont on ne sait s’il est islandais ou moldo-slovaque, qui, dans la scène censée en renverser le sens, nous surprendra beaucoup.

Là est bien la limite de ce Northman : un scénario bien pauvret. Sans doute, le soin maniaque apporté à la reconstitution des maisons, des costumes, des armes nous plonge-t-il dans le monde fascinant des Vikings du IXème siècle. Chaque scène, chaque plan – qu’il filme la musculature impressionnante d’Alexander Skarsgård ou les paysages majestueux d’Islande – suscite l’admiration voire la fascination. Mais une succession de plans, aussi impressionnants soient-ils ne suffit pas à faire un film. Il manque à The Northman une histoire qui nous tienne en haleine – sauf à considérer que la vengeance du jeune Amleth dont on devine par avance chacun des rebondissements y suffirait.

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Murina ★★☆☆

Julija a dix-sept ans. Elle vit quasiment à l’état sauvage sur une petite île de la côte dalmate, entre un père autoritaire, ancien capitaine au long cours, et une mère aimante, ancien prix de beauté, écrasée par l’autoritarisme de son mari. Tout changera peut-être avec l’arrivée de Javier, un millionaire auprès duquel le père de Julija travailla jadis et qu’il espère convaincre d’investir dans un ambitieux projet immobilier.

J’avais cru en allant voir ce film que Murina était le prénom de son héroïne. Eussé-je réfléchi deux secondes, j’aurais compris qu’il s’agissait en fait de la murène, qu’on voit Julija et son père chasser dans les fonds sous-marins opalins de la Dalmatie. Cet animal n’a pas bonne presse. Il y a de quoi : cette disgracieuse anguille de mer est prête à s’amputer pour se libérer des pièges dans lesquels elle sera tombée.
On aura vite compris la métaphore : pour se libérer de l’emprise de son père, Julija va devoir accepter un sacrifice. Le sujet ainsi posé, on redoute que Murina creuse un sillon déjà souvent exploré : la fin de l’adolescence d’une jeune fille qui se heurte au monde des adultes, à leur sexualité, à leurs mesquineries façon Bonjour tristesse, L’Effrontée ou L’Année des méduses.

Tout se réalise en l’espace de deux jours à peine dans un huis clos au grand air, dans l’été croate, face à la Grande Bleue. Javier revient. Il a un charme fou. Il a été amoureux de Nela, la mère de Julija ; il l’est encore ; il ne le cache guère. Nela, qui végète depuis trop longtemps sur cette île minuscule, en est secrètement flattée. Le père de Julija ferme les yeux, qui est certes un patriarche possessif, mais dont la priorité est de convaincre Javier de mettre au pot de son projet immobilier. C’est là que Julija vient s’immiscer dans ce triangle amoureux, dont la sensualité incandescente électrise un trio qui l’était déjà plus que de raison.

On se demande comment se dénouera cette intrigue minimaliste. On exagèrerait en disant que le suspense nous cloue à notre siège. Mais tout est crédible dans ce crescendo dramatique, dans les sentiments qu’il exacerbe, dans les caractères qu’il peint.

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