Ailleurs si j’y suis ★★☆☆

Mathieu (Jérémie Rénier) n’en peut plus. Il ne supporte plus son boulot ni son patron (Jean-Luc Bideau) qui exige de lui l’impossible. Il ne supporte plus sa femme (Suzanne Clément), qui le lui rend bien et le menace de divorcer. Il ne supporte plus son père (Jackie Berroyer) dépressif qui, depuis la mort de sa femme, s’est persuadé d’être victime d’une récidive de cancer pour se donner une raison de se faire plaindre. Même le voisin de Mathieu, Stéphane (Samir Guesmi), qui est pourtant la gentillesse faite homme, finit par lui taper sur le système.
Aussi, un beau dimanche, Mathieu décide-t-il sans l’avoir vraiment décidé de tout plaquer. Il suit un cerf dans la forêt, campe au bord d’un lac, débranche son téléphone et refuse d’en bouger. Ses proches, abasourdis par sa décision, réagissent tous à leur façon.

Ailleurs si j’y suis est une comédie belge du burn-out. Le mot est à la mode. Il est devenu furieusement tendance d’avoir fait, de faire ou d’être sur le point de faire un burn-out. Les causes en sont variées. Un travail harassant, dont on interroge l’utilité sociale, inutilement stressant, exercé sous l’autorité d’une hiérarchie déshumanisée, en est bien sûr la raison première. Mais le dégoût de la routine, l’envie d’un Ailleurs fantasmé et la midlife crisis y jouent aussi leur part.
On rêve tous de tout plaquer et de devenir moniteur de surf aux Îles Tonga. Même le très austère Alain Juppé avait, dans un livre autobiographique, confessé être parfois victime de la « tentation de Venise », l’envie de tout abandonner pour trouver refuge dans la Cité des Doges.

Ailleurs si j’y suis a une façon très drôle et très juste d’aborder le sujet. Le scénario, passé le premier tiers du film, abandonne Mathieu dans son jardin d’Eden à ses fantasmes sylvestres. Le film examine les répercussions en domino de la décision de Mathieu dans la vie de ses proches : sa femme, fermement décidée à accompagner son professeur de tai-chi au cœur de l’Amazonie, son père, qui broie des idées noires en dépit de ses bulletins de santé au beau fixe, son patron, qui venait de décider de passer la main à Mathieu et se retrouve brutalement désavoué, son pote Stéphane qui réalise brutalement que son je-m’en-foutisme n’était que le paravent de sa lâcheté et de son refus d’assumer la paternité

Ailleurs si j’y suis devient, contre toute attente, un film choral, servi par l’interprétation aux petits oignons de chacun des acteurs secondaires, avec une mention spéciale au lunaire Samir Guesmi.

Ailleurs si j’y suis fait toutefois l’impasse sur une question essentielle : le jour d’après. Que se passe-t-il après le burn-out, après qu’on a pris la décision de tout plaquer et après même qu’on l’a mise en oeuvre ? Combien de temps peut-on décider de mettre sa vie entre parenthèses ? Et qu’y a-t-il après la parenthèse : une autre vie qui commence, guéri, sur des bases renouvelées ? ou la vie d’avant qui revient inéluctablement avec ses règles imprescriptibles sans que rien au fond n’y soit changé ?

La bande-annonce

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