Beau Is Afraid ★☆☆☆

Beau (Joaquin Phoenix), la quarantaine, vit seul dans un appartement miteux d’une ville en pleine déréliction. Gravement paranoïaque, il est suivi par un psy. Il a promis à sa mère de prendre l’avion pour se rendre à son anniversaire mais rate son vol après une nuit sans sommeil. Le temps de traverser la rue pour acheter une bouteille d’eau, son appartement est squatté par des vagabonds et Beau doit passer la nuit dehors. Au réveil il apprend le décès accidentel de sa mère.

Ari Aster est le wonderkid du cinéma americain. Deux films ont suffi pour asseoir sa réputation : Hérédité, que j’ai franchement détesté (zéro étoile et un coup de gueule), et Midsommar que j’ai absolument adoré (quatre étoiles et la première place de mon Top 10 2019). Aussi son troisième opus était-il attendu par tous avec une immense impatience. En juin 2020, Ari Aster annonçait qu’il s’agirait d’une « comédie cauchemardesque » de quatre heures avec Joaquin Phoenix. Son titre : Disappointment Blvd. Finalement le film dure une heure de moins et a changé de titre (je ne suis pas convaincu que Beau Is Afraid soit plus catchy). Mais la « comédie cauchemardesque » est bien là.

Qu’en penser ? J’avoue une extrême hésitation.

Son format en impose, autant que les cinq cents pages d’un énorme roman comme les Américains savent le faire quand ils lorgnent le Pulitzer (un lecteur miséricordieux pourrait-il m’expliquer en mp pourquoi les romans français sont si courts et les romans américains systématiquement si longs ?). Son sujet aussi : Beau Is Afraid est une plongée cauchemardesque dans la psyché d’un grand paranoïaque, castré par sa mère. Son interprétation enfin : s’il ne l’avait pas déjà remporté si récemment pour Joker, ce rôle-là aurait certainement valu à Joaquin Phoenix le prochain Oscar du meilleur acteur.

Mais une fois ces compliments révérencieusement égrenés, on peut s’autoriser quelques réserves. La première, précisément, est la durée hors normes de ce film obèse. Trois heures, c’est long. Très long. D’autant que ce road movie en quatre tableaux (la ville/ la maison de banlieue/ le théâtre perdu au fond des bois/ la maison de la mère) aurait fort bien pu durer une heure de plus… ou une heure de moins…

La seconde, la plus radicale, est son sujet. J’ai déjà dit ici combien la folie me semblait un thème cinématographique surcoté en mentionnant les réserves que m’inspiraient des chefs d’oeuvre unanimement reconnus comme Spider de Cronenberg, Répulsion de Polanski, π de Aronofsky… « Il est un peu fou, de plus en plus fou, vraiment très très fou » voilà comment, selon moi, se résument ces films-là sans enjeu sinon celui, joué d’avance et pas vraiment enthousiasmant, de s’enfoncer progressivement avec son héros dans une folie de plus en plus délirante.

Peut-être ne suis je pas assez fêlé pour m’identifier à ces personnages. On me répondra alors que je ne suis guère plus juif pour m’identifier à ceux des films sur l’Holocauste qui me touchent pourtant tellement. Et l’on me répondra aussi que, fêlés, nous le sommes tous un peu à un degré ou à un autre. L’argument est donc irrecevable.
Mais ces films sur la folie – et Beau Is Afraid vient s’ajouter à cette longue liste – ne me touchent pas. Si, à la limite, j’ai aimé le premier quart du film, qui se déroule dans l’appartement en état de siège de Beau, très vite, je me suis désintéressé de son sort. Le comble a été atteint dans le dernier quart du film, interminable épilogue d’un règlement de comptes freudien entre Beau et sa mère. Quant à la scène finale, je n’y ai rien compris et je n’ose plus poser la question qui me tenaille devant la quasi-totalité des films que je ne comprends pas ces temps-ci, la faute à mon âge sénescent ou à la complexité croissante de scénarios nébuleux : est-ce qu’il meurt à la fin ?!

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *