Hotel Artemis ★☆☆☆

Juin 2028. Los Angeles est à feu et à sang après que CleanWater, la compagnie privée chargée de la distribution d’eau, a  annoncé l’interruption du service.
Pourtant, tandis que le chaos règne à l’extérieur, une journée comme une autre commence à l’hôtel Artemis, une clinique ultra-moderne dont l’accès est strictement réservé à ses membres, des criminels en cavale qui cherchent à se faire soigner en toute discrétion.
L’infirmière en chef Jean Thomas (Jodie Foster) secondé par le fidèle Everest (Dave Bautista) fait la tournée des chambres : un nouveau riche particulièrement impoli (Charlie Day), une mystérieuse Française qui se révèlera vite être une tueuse à gages (Sofia Boutella), un braqueur de banques et son frère (Sterling K. Brown).
Mais tout va se compliquer quand le propriétaire des lieux, KingWolf (Jeff Goldblum) et son fils (Zachary Quinto), s’annoncent.

Voilà bien longtemps qu’on n’avait plus vu Jodie Foster, en tous cas, dans le rôle principal. Drew Pearce est derrière la caméra, qui a signé le scénario de quelques fameux blockbusters (Mission Impossible – Rogue Nation, Godzilla, Iron Man3). Cliff Martinez (Neo Demon, Only God Forgives, Drive) signe la musique. On en avait l’eau à la bouche et le pot de pop corn bien rempli.

Quelle ne fut notre déception. Car cet Hotel Artemis est un nanar couturé de défauts. Au point qu’on se demande pourquoi, à un moment de la production, quelqu’un (le stagiaire de troisième ?) n’a pas dit : « Arrêtez tout ! »

On a beau se creuser la tête, on n’y trouvera rien à sauver, si ce n’est peut-être ce lieu original – qui n’est pas sans rappeler le Million Dollar Hotel de Wim Wenders. Mais passé la première demie-heure, une fois que le scénario s’est mis en place, que les principaux personnages ont été introduits, l’histoire se déroule mollement. Le terrible traumatisme que cache l’infirmière Jean Thomas, qui l’empêche de franchir la porte de la clinique où elle vit terrée depuis des années, est si prévisible que sa révélation laborieuse ne surprendra personne.

Le seul intérêt du film : retrouver Jodie Foster et Jeff Goldblum, constater qu’ils ont beaucoup vieilli (elle surtout défigurée par un épais maquillage), mais qu’ils n’ont rien perdu de leur talent.

La bande-annonce

The Charmer ★★★☆

Esmail a émigré d’Iran au Danemark. Hébergé dans un appartement sordide, il vit de petits boulots. Il est sous la menace d’une reconduite à la frontière s’il n’administre pas la preuve qu’il s’est assimilé. Sa seule solution : séduire une Danoise et l’épouser.

Le pitch de The Charmer, son titre badin peuvent induire en erreur : il ne s’agit pas d’une comédie romantique sur un dragueur iranien à la recherche de l’âme sœur au Danemark.
La caméra naturaliste de Milad Alami (d’origine iranienne, il a grandi en Suède et vit désormais au Danemark) a tôt fait de tirer The Charmer du côté du drame. Un drame désespéré ou désespérant qui s’ouvre par une scène coup de poing : une femme se suicide en se jetant d’une fenêtre. On voit ensuite Esmail, après une dure journée de travail, revêtir son plus beau costume et aller dans un bar chic du centre ville à la recherche d’une femme disponible. C’est là qu’il rencontre Sarah, une Iranienne de la seconde génération, immigrée au Danemark de longue date (la chanteuse Soho Rezanejad donne à son personnage une fragilité crâne), que le petit jeu de Esmail ne trompe pas.

The Charmer m’a touché. Le personnage d’Esmail est attachant, dont le cynisme à utiliser son corps comme une monnaie d’échange pourrait choquer, mais dont on partage l’urgence à trouver une solution à sa situation administrative. Le couple qu’il forme avec Sarah est toujours juste.

J’imaginais que le film nous amène dans une direction : que Sarah utilise Esmail – comme lui-même avait déjà vainement tenté d’utiliser d’autres femmes – afin de quitter une mère étouffante et de conquérir son autonomie. Milad Alami en choisit une autre. Elle est étonnante. Je laisse l’épilogue vous emporter.

La bande-annonce

Fleuve noir ★☆☆☆

Le cheveu filasse, l’imperméable informe, la cravate défaite, la bibine matinale, le commandant Visconti (Vincent Cassel) fait peine à voir. Sa vie va à vau-l’eau : sa femme l’a quitté et son fils tourne mal. C’est lui qui enregistre la plainte de Solange Arnault (Sandrine Kiberlain) inquiète de la disparition de son fils Danny. Les soupçons de Visconti se tournent rapidement vers un voisin, Yann Bellaile (Romain Duris), qui porte à son enquête un intérêt suspect.

Où était passé Érick Zonca, le réalisateur dont le premier film, La Vie rêvée des anges, emportait la Croisette en 1998 et décrochait dans la foulée le César du meilleur film ? Il revient au cinéma après dix ans d’absence en adaptant un polar israélien à succès, Une inquiétante disparition (où diable le film est-il allé chercher son titre auquel rien dans son sujet ne fait référence ?).

Il en transpose l’action à Paris, quelque part entre Pigalle où le fils de Visconti est impliqué dans des deals minables – dont l’action se désintéresse bientôt sans espoir de retour – et une résidence de banlieue en bordure de forêt où Danny a semble-t-il disparu en allant à son lycée.

Comme dans le roman dont il est l’adaptation, Fleuve noir raconte l’enquête du point de vue de l’officier de police qui en a la charge. Vincent Cassel en rajoute dans la caricature de ce croisement improbable entre l’inspecteur Colombo et Mikael Blomkvist (le héros de la saga suédoise Millenium). Romain Duris en fait presqu’autant dans celui d’un professeur pervers et narcissique. Son personnage fait de lui un coupable si previsible qu’on tremble un instant que le scénariste, à force de se désintéresser de l’intrigue, ne finisse par lui faire porter le chapeau de la disparition de Dany.

Fleuve noir est sauvé par son denouement à tiroirs (d’où sa durée un chouïa excessive). Pour autant il ne suffit pas à faire de ce polar oubliable une expérience mémorable.

La bande-annonce

Zama ★☆☆☆

À la fin du XVIIIème siècle, le corregidor don Diego de Zama est affecté dans une petite bourgade du Chaco, une région reculée de l’empire espagnol. Il attend impatiemment son rappel à Buenos Aires où l’attendent sa femme et ses enfants. Mais l’ordre de mutation tarde et Zama perd patience.

Le pitch de Zama pourrait se prêter à toutes sortes de traitements. Il pourrait s’agir, comme dans Coup de torchon, de chroniquer la vie aux colonies, ses petitesses et son exotisme frelaté. Il pourrait s’agir au contraire, comme dans Les Caprices d’un fleuve – qui se déroule lui aussi à la fin du XVIIIème siècle mais sur les bords du fleuve Sénégal – de rendre compte de la sauvage beauté d’un paysage étranger et de la difficulté d’y créer un lien avec la population indigène en situation coloniale.

Lucrecia Martel opte pour un parti plus esthétisant, qui fait se pâmer les critiques les plus exigeants, depuis Mathieu Macharet au Monde à Nicolas Azalbert aux Cahiers en passant par Serge Aganski aux Inrocks. On se sent du coup tout bête de ne pas partager leur unanimisme, craignant de rejoindre la horde des scrogneugneux, incapables de s’élever à d’autres formes de narration, aveugles aux longs travellings contemplatifs, sourds aux disharmonies de la bande son.

Il est vrai que le CV de Lucrecia Martel a de quoi intimider, qui fut au début des années 2000 un des chefs de file de la « nouvelle école argentine » avec des films qui avaient marqué leur temps – à défaut de me convaincre tout à fait : La Ciénaga, La Nina Santa, La Femme sans tête… On n’avait plus de nouvelles d’elle depuis bientôt dix ans. Elle revient en quittant la bourgeoise argentine contemporaine qui constituait le milieu dans lequel elle avait tourné ses trois films.

Pendant les deux premiers tiers du film, on y voit Diego de Zama se débattre avec la population de la bourgade où il officie : un gouverneur qui le mène en bateau, un adjoint qui conteste son autorité, une épouse qui l’émoustille sans lui céder. En arrière-plan, les indigènes sont omniprésents, mais silencieux.  L’impression est volontairement chaotique, comme si les saynètes se succédaient sans logique, comme si leur contenu même était diffracté, certains dialogues se répétant absurdement.

Le cadre change dans le dernier tiers du film. Renonçant à l’attente stérile, Zama part dans la jungle à la recherche d’un mystérieux bandit qui terrorise la région. La poursuite se transforme bientôt en piège. La petite bande armée est faite prisonnière par les Indiens. La fin est, selon comme on la considère, atroce ou grandiose, traumatisante ou sereine. C’est tout dire…

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Come as you are ★★☆☆

Parce qu’elle a été prise sur le fait avec sa copine le jour du bal de fin d’année, Cameron (Chloë Grace Moretz) est envoyée par ses parents adoptifs soigner son homosexualité à God’s Promise un établissement tenu par une psy born again et par son frère, homosexuel repenti.

Considérer l’homosexualité comme une maladie qu’on peut soigner est une croyance hélas tenace. L’action est censée se dérouler en 1993 ; elle pourrait aussi bien avoir lieu de nos jours. Des organisations  évangéliques existent aux Etats-Unis, telles Restoration Path, qui proposent à leurs membres des programmes afin de les guérir ou de guérir leurs enfants de leurs « déviations sexuelles ».

Adapté d’un roman pour ados de Emily Danforth, The Miseducation of Cameron Post, Come as you are en a les qualités et les défauts. Du côté des qualités : des personnages positifs et attachants, à commencer par Cameron elle même interprétée par la délicieuse Chloë Grace Moretz qui réussit à donner un tournant bienvenu à sa carrière qui risquait de s’embourber dans des blockbusters répétitifs (Kick-Ass, Equalizer…). Du côté des défauts : une situation pachydermiquement manichéenne qui oppose les « ‘gentils » ados rééduqués contre leur gré aux rééducateurs, aveuglés par une foi dévoyée, qui tentent, sans guère de succès au demeurant, de les soigner en leur inculquant la haine de soi.

Une fois Cameron installée à God’s Promise, une fois le tour du propriétaire effectué et les différents locataires, dont chacun incarne stéréotypiquement une caricature (le Lakota transgenre, la rebelle fumeuse de joint, la fille en surpoids…), l’action fait du surplace. On est reconnaissant à Desiree Akhavan de ne pas l’avoir artificiellement dramatisée, qui refuse la facilité de dépeindre l’encadrement de God’s Promise en dangereux tortionnaires. Mais on aurait aimé plus de nerfs à ce scénario qui en manque cruellement jusqu’à un dénouement téléphoné et prévisible que l’affiche du film nous a déjà révélé.

La bande-annonce

Paul Sanchez est revenu ! ★☆☆☆

Paul Sanchez, disparu depuis une dizaine d’années après la mort de sa femme et de ses quatre enfants, aurait été aperçu à la gare des Arcs-sur-Argens dans le Var.
La rumeur alerte Marion (Zita Henrot), une jeune gendarme dont le zèle de bien faire n’a d’égale que la maladresse, qui se met en tête de retrouver le mystérieux disparu. Pendant ce temps, un homme taciturne (Laurent Lafitte) sillonne la région en se cachant des forces de l’ordre. S’agit-il de Paul Sanchez ?

Patricia Mazuy est une réalisatrice rare. Elle n’a réalisé que six films en trente ans. Paul Sanchez est revenu ! ne ressemble en rien à ses œuvres précédentes sinon par le souci donné au cadre. La maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr-l’Ecole, filmée dans des lumières crépusculaires, était le personnage principal de Saint-Cyr, volant presque la vedette à Isabelle Huppert qui y campait madame de Maintenon. Dans Paul Sanchez… Patricia Mazuy prend autant sinon plus de soin à filmer les décors que les personnages qui y évoluent.

Décors étonnants loin de l’image de carte postale qu’on peut avoir du Var, de ses plages, de ses stations balnéaires (qu’on vient de voir filmés sans imagination dans Milf ou Mon Ange). La région des Arcs, de Vidauban, du Muy est située dans l’ouest varois, une des terres d’élection du Front national. Elle est traversée par l’autoroute du soleil. Un rocher sédimentaire culminant à près de quatre cents mètres d’altitude domine la plaine de l’Argens. Saint-Tropez n’est pas loin. Mais l’arrière pays varois n’est pas riche pour autant, défiguré par un urbanisme chaotique et des équipements commerciaux hideux.

C’est dans cet environnement que vont se croiser les deux principaux protagonistes du film. Et c’est là peut-être que le bât blesse. Car si, pris isolément, les deux personnages campés par Laurent Lafitte et Zita Henrot sont attachants, leur rencontre, au demeurant très brève, fait pschitt. Sans doute, s’agissant de la traque du premier par la seconde, n’avaient-ils pas vocation à partager l’écran (ainsi l’affiche est-elle un montage maladroit). Pour autant, l’enjeu dramatique du film est si faible qu’on s’en désintéresse dans son dernier tiers là où précisément la tension devrait aller crescendo.

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Dark River ★★☆☆

Le décès de son père ramène Alice (Ruth Wilson) à la ferme familiale qu’elle a quittée depuis quinze ans pour des motifs qui se dévoileront progressivement. Pendant ce temps, Joe (Mark Stanley), son frère aîné, en a assuré seul l’exploitation. Alice et Joe vont se disputer l’héritage paternel.

En 2013 était sorti le premier film de Clio Barnard, Le Géant égoïste, une fable déchirante mettant en scène deux gamins et un ferrailleur. La réalisatrice anglaise quitte les villes pour filmer les champs. Elle adapte dans son Yorkshire natal un roman de Rose Tremain censé se dérouler dans les Cévennes.

On retrouve devant sa caméra les paysages immortalisés par les romans des sœurs Brontë et les innombrables adaptations cinématographiques qui en ont été faites : cieux bas et lourds pesant comme un couvercle (poke Baudelaire), landes battues par la pluie, verts pâturages… le tout assaisonné avec la musique folk de PJ Harvey.

Remarquablement servi par l’interprétation aux petits oignons de Ruth Wilson, Dark River n’en déçoit pas moins. La faute à un montage qui mêle systématiquement l’histoire du retour d’Alice à la ferme à des flash-back qui tentent sans y parvenir de rendre mystérieux un passé qui ne l’est guère. On comprend (trop) vite les motifs du brutal départ d’Alice et les causes du traumatisme que son retour ne contribue pas à cicatriser. Le récit est d’abord minimaliste, pauvre en dialogues. On craint de s’ennuyer mais on se laisse néanmoins émouvoir par la dureté des personnages et des situations. L’histoire a le tort de s’accélérer jusqu’à un épilogue déconcertant que je ne suis pas certain d’avoir compris. Si j’en crois les discussions de mes voisins à la sortie de la salle, je ne suis pas le seul.

La bande-annonce

The Guilty ★★☆☆

Asger Holm est officier de police. Il va être jugé pour une bavure qu’il a commise et compte sur le témoignage de son coéquipier pour le blanchir. En attendant son procès, il a été affecté au 112, le service téléphonique d’urgence de la police danoise.
Au milieu des appels plus ou moins fantaisistes qu’il reçoit, Asger Holm reçoit celui d’une femme qui prétend avoir été kidnappée. Elle raccroche brutalement. Asger Holm mettra tout en œuvre pour la retrouver et lui porter secours.

The Guilty constitue un tour de force. Il filme une traque policière sans quitter le policier qui la mène, sans mettre les pieds hors du service depuis lequel il reçoit les appels plus ou moins hachés d’une femme prénommée Iben et tente de contacter son mari, Michael, sa fille, Olivia, et les forces de police qu’il lance sur leurs traces.

Sacrée gageure que Gustav Möller relève haut la main aidé par son acteur principal, sinon unique, Jakob Cedergren, croisé en 2010 dans un film mineur de Thomas Vinterberg. On imagine volontiers le défi qu’il s’est lancé : « Et si on filmait une enquête policière sans quitter une pièce, sans une seule image de ses auteurs et de ses victimes ? ».  Hitchcock aimait à dire qu’il rêvait de réaliser un film se déroulant dans une cabine téléphonique. Il allait à moitié réaliser ce fantasme de réalisateur avec Lifeboat (1941) , rassemblant sur un canot de sauvetage les neuf survivants du torpillage d’un paquebot américain par un sous-marin allemand. Phone Game (2002) avec Colin Farrell est construit sur le même principe : la caméra ne le lâche (quasiment) pas, qui décroche le combiné d’une cabine publique et s’entend dire par le sniper qui le vise qu’il sera tué s’il raccroche. Plus claustrophobe encore, Buried (2010) filme avec quelle efficacité un subcontractor américain enterré vivant en Irak, relié au monde extérieur par un téléphone mobile à la connexion défaillante.

Le film, qu’un aveugle pourrait suivre sans quasiment en rien perdre, repose en grande partie sur ce qu’entend Asger Holm. Le travail sur le son est remarquable. Un plus grand parti aurait pu en être tiré, par exemple en disséminant des indices dans les appels de Iben, que le policier retrouverait en écoutant la bande de l’enregistrement.

Pour tenir la durée, il faut des rebondissements. Il y en a un, de taille, au milieu du film, que je n’avais pas vu venir. C’est bien. Mais ce n’est pas assez pour tenir la durée. À défaut, le scénario donne à son héros un passé – cette bavure dont il s’est rendu coupable – dont on se demande un temps si elle a un lien avec le drame qu’il est en train d’aider à élucider. La clé est à rechercher dans le titre et dans sa promesse de rédemption. La ficelle est un peu grosse, la béquille trop voyante. Dommage…

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Trois contes de Borges ☆☆☆☆

Un vieil homme aveugle raconte à une jeune femme trois histoires : la rencontre au bord d’un fleuve du jeune Borges avec son double vieillissant, celle d’un mendiant prétendant détenir dans le creux de sa main un disque qui n’a qu’une seule face, celle d’un vendeur de bibles qui possède un livre infini.

J’ai découvert Borges très jeune quand un ami m’a mis Fictions dans les mains et, comme tant d’autres, j’ai été immédiatement emporté par ses courtes histoires qui posent, l’air de rien, d’insolubles questions métaphysiques. Son intelligence aiguë, son érudition, sa façon de jouer avec le lecteur m’ont dérouté, séduit, fasciné.

Aussi, trente ans plus tard, je n’ai pas voulu rater l’adaptation au cinéma qui était faite de trois nouvelles tirées du Livre de sable. Bernardo Bertolucci en 1970 et Carlos Saura en 1992 ont réalisé deux films que je n’ai pas vus inspirés de deux de ses nouvelles. Quelle ne fut ma déception !

Trois contes de Borges est un film prétentieux, bavard, mal joué dont les personnages s’apostrophent indifféremment en français, en espagnol, en portugais, en anglais ou en allemand – histoire d’illustrer le plurilinguisme de l’écrivain qui partagea sa vie entre l’Europe et l’Amérique latine. Chacun des trois contes, très courts (El otro, El disco, El libro de arena) est tour à tour mis en images et déclamé par le personnage principal, au cas où on ne l’ait pas compris du premier coup. Le tout voudrait « mettre en péril nos rapports au temps, à l’image, au langage » (sic). La seule chose mise en péril est notre résistance à l’ennui qui nous gagne, aussi bref soit ce film de soixante-dix-sept minutes à peine.

Le film de Maxime Martinot tourné en 2014 a mis plus de quatre ans à trouver le chemin des écrans. Encore n’est-il sorti à Paris que dans deux salles confidentielles. En deuxième semaine, une seule le programmait encore. On comprend pourquoi…

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Joueurs ★☆☆☆

Ella (Stacy Martin) travaille jusqu’à l’épuisement dans le restaurant de son père. Elle y rencontre Abel (Tahar Rahim) et tombe instantanément sous son charme.
Abel est un joueur compulsif qui passe ses nuits dans un cercle de jeu. Il y entraîne Ella qui espère le guérir de son addiction.

Joueurs est un film noir comme on n’en fait plus sur un monde aujourd’hui quasi-disparu : celui des cercles de jeux plus ou moins clandestins, celui des bas-fonds de la capitale que le cinéma  des années cinquante et soixante avait magnifiquement filmés.

On le découvre à travers les yeux d’Ella avec la même excitation et la même répulsion qu’elle. En suivant Abel autour d’une table de punto banco [une variante du baccara], Ella sait qu’elle pourrait elle aussi s’y perdre. Mais elle sait surtout qu’elle devra passer par là pour conquérir l’homme qu’elle aime. Car, à la différence des films noirs des années cinquante, c’est ici la femme qui court après un « homme fatal » dont elle s’est éprise passionnément et qui ne cesse de lui échapper.

Tahar Rahim et Stacey Martin sont l’un et l’autre parfaits. Lui retrouve la fièvre de ses premiers rôles, que des choix de carrière parfois hasardeux avaient tendance à étouffer. Elle réussit, d’un plan à l’autre, à être tour à tour saisissante de beauté et d’une parfaite banalité. Autour d’eux, Karim Leklou confirme son talent atypique.

Le problème de Joueurs est ailleurs. Dans son scénario sans tension, aux enjeux convenus, aux rebondissements courus d’avance et à la conclusion exagérément pathétique. Si les lumières nocturnes de Joueurs nous fascinent pendant son premier tiers, son histoire dénuée d’intérêt nous laisse ensuite au bord du chemin.

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