Johnny English contre-attaque ★★☆☆

L’agent secret le plus calamiteux de Sa Gracieuse Majesté est de retour. Après qu’un hacker a révélé l’identité de tous les agents sous couverture et que les quelques 007 retraités sont morts (dans une scène hilarante), le MI7 (sic) n,’a d’autre ressource que de rappeler Johnny English (Rowan Atkinson) au service.
Avec Bough (Ben Miller), son fidèle second, il se lance à la poursuite de l’auteur de ces cyberattaques, Jason Volta (Jake Lacy), qui, par son charme et son talent, est sur le point de convaincre la Première ministre britannique (Emma Thompson) de lui confier la gestion des données personnelles du pays. Sur la Côte d’Azur, il rencontre Ophelia Bhuletova (Olga Kurylenko), une espionne du KGB, qui a réussi à s’infiltrer dans l’entourage de Volta.

Voici le troisième opus des aventures de Johnny English, seize ans après le premier, sept ans après le deuxième. L’effet de surprise ne joue plus. Mais le plaisir est toujours aussi grand devant les defunèsseries de l’hilarant Rowan Atkinson. Aux prises avec un homard (un des sketchs les plus drôles des Vacances de Mr Bean) ou prisonnier d’une armure médiévale, il continue à nous faire rire quand bien même ses gags ont un goût de resucée.

Le scénario est d’une bêtise assumée. Aussi on lui pardonnera son indigence. Car le film ne trompe pas son spectateur et ne cherche pas à se faire plus malin qu’il ne l’est. Il s’agit d’enfiler quelques sketchs – dont les plus réussis ont hélas été déflorés par la bande-annonce – comme celui où English teste dans les rues de Londres un simulateur de réalité virtuelle.

Rowan Atkinson n’est pas le seul à s’amuser. Les seconds rôles s’en donnent à cœur joie : la sublimissime Olga Kurylenko qui avait joué les vraies James Bond girls aux côtés de Daniel Craig est toujours aussi belle dans le rôle d’une fausse. Emma Thompson est comme d’habitude parfaite, ici dans le rôle d’une Première ministre portée sur la bouteille et prête à tout pour sauver son pays.

La bande-annonce

Shut Up And Play The Piano ★★☆☆

Chilly Gonzales est un musicien hors norme. Fils d’un self-made man canadien qui fit fortune dans le BTP, il commença sa carrière dans le rap punk, au Canada d’abord, en Allemagne ensuite, avant de changer de style. Sans rien renier de ses provocations, il abandonne le chant pour le piano que ce génie né pratique sans jamais l’avoir appris. il rencontre le succès avec son album Solo Piano en 2004.

Philippe Jedicke lui consacre un documentaire bien sage qui retrace sa vie. On l’y voit au Canada, dans sa famille, en rivalité avec son père et avec son frère aîné qui est devenu musicien pour les studios d’Hollywood (il signe notamment la BOF Buffy contre les vampires) puis sur la scène underground berlinoise. Il collabore avec Peaches, Feist, Daft Punk et Jarvis Cocker, le leader de Pulp.

Chilly Gonzales n’est jamais aussi fascinant que quand il joue au piano. Il n’est jamais plus irritant que quand il parle de lui, laissant s’exprimer un ego boursouflé dont on sent confusément qu’il va de pair avec une immense timidité. Rarement titre de documentaire n’aura été plus approprié : « Tais-toi, Chilly, et mets-toi au piano ! »

La bande-annonce

Amin ★★☆☆

Amin (Moustapha Mbengue) est sénégalais. Pour offrir à sa femme Aïcha (Marème N’Diaye) et à ses trois enfants, restés au pays, une vie meilleure, il a émigré en France. Installé dans un foyer, il travaille sur les chantiers.
Gabrielle (Emmanuelle Devos) est infirmière. Après un divorce difficile, elle élève seule sa fille. Amin vient effectuer des travaux dans son jardin.

Le succès surprise de Fatima (César 2016 du meilleur film) a révélé au grand public l’œuvre discrète et sensible de Philippe Faucon. Avec Amin, ce réalisateur toulonnais poursuit sa radioscopie tout en finesse de l’immigration en France. Samia faisait le portrait d’une jeune beurette de la deuxième génération en pleine crise d’adolescence ; La Désintégration se frottait à la radicalisation intégriste (trois ans avant Charlie Hebdo et quatre avant le Bataclan) ; Fatima chroniquait l’intégration sans cesse recommencée.

Avec Amin, Philippe Faucon hésite entre deux thématiques.

Amin est d’abord un film sur l’exil qui rend compte, mieux que de volumineux traités, de la solitude du travailleur émigré, obligé de quitter sa famille pour l’aider à vivre. Un montage alterné montre la double solitude d’Amin en France, réduit à un travail salissant et des conditions de vie misérables, et d’Aïcha au Sénégal qui peine à assumer seule les charges de son ménage.

Mais Amin se veut surtout, comme l’annonce son affiche et le couple mixte qu’elle montre, un film sur l’amour qui unit son héros avec la femme blanche qui l’emploie. Il y aurait eu beaucoup à dire et à montrer sur cette relation déséquilibrée, lourde de fantasmes sexuels, pas toujours acceptée par la société. Philippe Faucon la filme avec une grande délicatesse. Trop peut-être. Il va trop vite sur la façon dont le couple se forme : un verre d’eau offert et hop… les voilà tous les deux au lit ! On comprend que deux solitudes se rencontrent, se réconfortent, qu’une page de tendresse s’écrit. Et … c’est fini.

La bande-annonce

Frères ennemis ★★☆☆

Driss et Manuel ont grandi ensemble dans les barres de Bagnolet. Mais Driss (Reda Kateb) a quitté la cité pour devenir policier aux Stups tandis que Manuel (Matthias Schoenaerts) en est devenu l’un des caïds.
Les deux « frères ennemis » vont se rapprocher à la mort d’Imrane, un complice de Manuel recruté comme indic par Driss.

Frères ennemis revisite sans guère d’imagination un scénario déjà mille fois filmé. Rien de nouveau sous le soleil – ou le ciel gris du 9-3 avec cette histoire à tiroirs de trafiquants infiltrés par la police et mis à mal par des gangs rivaux telle qu’Olivier Marchal en a filmée treize à la douzaine. Rien de nouveau non plus avec le personnage de Driss, tiraillé entre la fidélité à ses origines et le dévouement à son travail, comme Roschdy Zem par exemple en a tant joué. Rien de nouveau enfin à ce face-à-face entre les deux héros, le flic et le voyou, qui partagent le même passé, mais pas les mêmes choix et s’interrogent sur la perméabilité de la frontière qui les sépare, comme Guillaume Canet et François Cluzet dans Les Liens du sang.

Pour autant, Frères ennemis ne saurait être assimilé au tout-venant télévisuel, sitôt vu et sitôt oublié. Car David Oelhoffen n’est pas né de la dernière pluie, qui sait donner du nerf à son scénario, tenir le spectateur en haleine sans temps mort et diriger ses acteurs. Ceux-ci sont parmi les tout meilleurs du cinéma contemporain et on s’étonne qu’aucun réalisateur n’ait eu l’idée de les réunir plus tôt.

La bande-annonce

Lindy Lou, jurée n° 2 ★★☆☆

En 1982, Bobby Wilcher, dix-neuf ans, assassine deux femmes au Mississippi. Son procès traîne. En 1992, il est condamné à la peine de mort. Il sera finalement assassiné en 2006.
Lindy Lou Isonhood faisait partie du jury de douze personnes qui l’a unanimement condamné. Républicaine convaincue, partisane de la peine de mort, elle n’a pourtant jamais tout à fait assumé son acte. Hantée par le remords, elle a d’abord repris contact avec Bobby Wilcher avant son exécution. En 2014, devant la caméra du documentariste français Florent Vassault, elle part à la recherche des autres jurés du procès de 1992 pour partager avec eux ses états d’âme et connaître leurs sentiments.

La peine de mort aux États-Unis a été filmée de bien des façons : à travers les yeux du condamné qui attend son exécution dans la couloir de la mort (La Dernière Marche), à travers ceux de ses gardiens (La Ligne verte), de son avocat, de la famille des victimes dont il a ôté la vie, sur le mode du documentaire ou de la fiction… Lindy Lou jurée n° 2 nous propose un angle de vue inédit : celui du juré repenti.

Le documentaire de Florent Vassault aurait pu prendre la forme d’un procès en réhabilitation d’un homme injustement condamné à une peine inhumaine. Il n’emprunte pas cette voie, ne nous révélant que le minimum de faits dont la réalité n’est pas remise en cause. Il aurait pu aussi se résumer à un long plaidoyer contre la peine de mort. Il est beaucoup plus subtil.

Il s’agit en fait plutôt d’un road movie qui suit Lindy Lou dans la recherche de ses co-jurés – au risque parfois de créer un effet de lassitude tant les entretiens se répètent et se ressemblent. Ils se ressemblent étonnamment : des Blancs quinquagénaires ou sexagénaires (qui avaient donc vingt ans de moins au moment du procès) vivant dans des villas cossues nichées au fond des bois. Pas un Noir. Tous sont confits en religion, qui ornent leurs intérieurs de crucifix et de bondieuseries.

Quasiment tous accueillent Lindy Lou les bras ouverts et quasiment tous partagent ses remords. Une seule refuse de la rencontrer et lui laisse un message téléphonique qui ne permet pas de comprendre les motifs de ce refus. Un seul l’accueille en disant qu’il a perdu le souvenir de ce procès (hypocrisie d’un juré qui refuse d’assumer sa décision ?). Les autres sont d’une étonnante compassion. À se demander pourquoi ils ont unanimement condamné Bobby Wilcher vingt-deux ans plus tôt.

À se demander aussi pourquoi Lindy Lou elle-même a voté la mort. Elle ne se pose jamais directement la question alors  qu’elle ne cesse depuis vingt-deux ans de remâcher sa lâcheté. Dans un film hollywoodien comme Douze hommes en colère elle se serait dressée contre la loi du nombre. Mais, dans la vie réelle, la timidité, la sidération furent les plus fortes.

La bande-annonce

Galveston ★★☆☆

Tout va mal pour Ricky (Ben Foster), une petite frappe de Louisiane. Tandis que ses poumons le lâchent, son boss (Beau Bridges) lui tend un traquenard dont il parvient à s’échapper de justesse en compagnie de Rookie (Elle Fanning), une jeune prostituée. Il voudrait rapidement s’en séparer ; mais l’adolescente ne le lâche pas d’une semelle et lui ramène même sa petite sœur Tiffany âgée de trois ans à peine.
Le trio se réfugie dans un motel miteux à Galveston, au Texas, sur les bords du Golfe du Mexique.

Nic Pizzolatto est devenu célèbre en signant le scénario de True Detective, une série mettant en scène deux policiers en Louisiane. Deux ans plus tôt, il avait écrit un roman policier, Galveston, que Mélanie Laurent, l’actrice-réalisatrice française, repérée par le producteur américain qui cherchait une signature européenne, porte à l’écran.

L’aisance avec laquelle la jeune française se glisse dans les codes du roman noir est impressionnante. Mais, à force de vouloir démontrer sa capacité à filmer « comme les Américains », par exemple dans des plans séquence de fusillade brillamment chorégraphiés, Mélanie Laurent perd un peu son âme, livrant un produit sans grande originalité qui, aussi bien troussé soit-il, se fond dans le lot commun des productions américaines indépendantes, des polars poisseux qui noircissent les écrans.

Cela n’enlève rien à la qualité de la prestation des deux acteurs principaux. Elle Fanning, dont j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion ici de dire le bien que j’en pense, est comme d’habitude parfaite. Elle a vingt ans à peine et on la connaît déjà depuis longtemps. D’une beauté parfaite, d’un charme irrésistible, elle a gardé dans son sourire le souvenir de l’enfant qu’elle était hier encore et en est d’autant plus attachante. Ben Foster est tout aussi remarquable. On vient de le voir dans l’excellent Leave no Trace. Il joue ici un rôle similaire, celui d’un homme solitaire qui prend sous sa coupe une jeune fille. Sa rédemption en émouvra plus d’un.

La bande-annonce

Silvio et les autres ★★☆☆

Silvio Berlusconi : satyre politique.

Dix ans après Il Divo, portrait sans concession de Giulio Andreotti, le fossoyeur de la démocratie chrétienne en Italie, Paolo Sorrentino se frotte au Cavaliere Berlusconi. Son film a la force de l’évidence. Que le peintre dépressif de la décadence de la société italienne, fasse le portrait de l’homme qui, pendant vingt années, en a vampirisé la vie politique allait de soi. Le film, d’une durée exceptionnelle, devait sortir en deux violets et être projeté à Cannes. Il arrive sur les écrans six mois plus tard et en un seul.

Les fans inconditionnels de Sorrentino, ceux qui tiennent – et ils sont nombreux – La Grande Bellezza comme l’un des meilleurs films de la décennie ne seront pas déçus. Comme dans son chef d’œuvre, Sorrentino signe un film outrancier, excessif, débordant, grave et drôle à la fois, lesté d’images folles et d’embardées poétiques, d’une obésité (deux heures et vingt cinq minutes) assumée.

Comme dans La Grande Bellezza, Toni Servillo, l’acteur fétiche de Sorrentino, y tient le rôle principal, outrageusement grimé pour donner du Président du Conseil un portrait plus vrai que nature.

Mais le lyrisme crépusculaire de Sorrentino et le jeu époustouflant de Servillo sont les seules qualités d’un film dont il est plus facile d’énumérer les défauts que les atouts.

Le premier est que le modernisme sans âme d’une splendide résidence sarde en bord de mer dont Silvio et les autres ne sort guère n’a pas la beauté élégiaque des ruines romaines qui servaient de décor à La Grande Bellezza.

Le deuxième est que le scénario fait du surplace, dont on ne sait quel fil il tire : l’histoire de la fausse retraite du Cavaliere puis de son retour au pouvoir ou bien celle d’un jeune arriviste (Riccardo Scamarcio gueule d’ange aux yeux bleus dans Romanzo Criminale et Dalida) qui cherche à approcher le Caïman en faisant parader une brochette de jolies filles dénudées dans la villa qui fait face à la sienne.

Le troisième est, sans vouloir être plus bégueule que je ne le suis, le malaise que fait naître, dès la bande-annonce, l’esthétique clipesque du film, ses longs travelings sur des hordes de mannequins en monokini prenant des poses lascives dans des piscines à débordement. On a compris qu’il s’agit de dépeindre les soirées bunga bunga de l’ogre milanais, la luxure dans laquelle il se complaisait et où il a rabaissé le débat politique. Mais il y a dans la façon de les filmer, dans la manière de les multiplier tout au long de ce film interminable, une complaisance qui dérange. On pourra à raison m’opposer le beau personnage de Veronica (Elena Sofia Ricci), l’épouse bafouée dont les humiliations à répétition n’entament pas la force de caractère. Mais elle ne fait pas le poids face aux foules de bimbos épilées, putes et soumises, qui peuplent le film.

Le dernier – mais la critique peut se retourner en compliment – est l’ambiguïté dans laquelle, finalement, Berlusconi demeure. À la fin du film, il se révèle pathétiquement le plus humain, le plus « vrai » des personnages qui hantent cette galerie de bouffons. Silvio et les autres, loin d’être un portrait à charge du Cavaliere, est plus complexe qu’il n’y paraît : il s’agit tout compte fait, à travers le portrait d’un homme, du portrait d’un pays qui décline en faisant la fête, qui vieillit en gobant du MDMA, qui s’étiole à force d’implants capillaires.

La bande-annonce

La Tendre Indifférence du monde ★★☆☆

La belle Saltanat doit quitter la ferme familiale après que son père couvert de dettes s’y est donné la mort. Sur les conseils de sa mère malade, elle part en ville se placer sous la protection de son oncle. Kuandyk, fort comme un Turc, l’aime en silence et l’accompagne.
Tandis que Saltanat est placée face à un marché sordide, contrainte de se donner à l’associé de son oncle pour rembourser les dettes contractées par son père, Kuandyk trouve à s’employer par le chef de la mafia des fruits et légumes.

Quand on tape « cinéma kazakh » sur Google, on trouve… Borat ! Pourtant le Kazakhstan a produit quelques films, peu ou mal diffusés en France, qui méritent qu’on s’y arrête. Avec Chouga (2007), Darezhan Ormibaev a transposé Anna Karénine dans le Kazakhstan contemporain. L’Étudiant (2012) du même transpose cette fois-ci Crime et châtiment. Le Souffle (2014) est un des plus beaux films que j’aie vus ces dernières années, qui montre l’immense plaine kazakhe dans de longs travelings sans dialogue.

La Tendre Indifférence du monde a été diffusé à Cannes en mai dans la section Un certain regard. C’est l’œuvre d’un réalisateur kazakh inconnu qui invoque bravement Camus (auquel le titre du film est emprunté), Shakespeare et Jean-Paul Belmondo. Mais c’est surtout à l’ironie tendre et à la violence des films de Takeshi Kitano que l’emprunt est le plus visible.

La Tendre Indifférence du monde raconte moins les amours contrariées de Saltanat et de Kuandyk, sorte d’Esmeralda et de Quasimodo centre-asiatique, qu’il ne fait le portrait sans concession d’une société post-soviétique rongée par le féodalisme. Ce milieu d’empire, coincé entre la Russie – dont les habitants parlent la langue – et la Chine – dont ils empruntent à leurs ressortissants les traits – semble avoir hérité le pire des deux systèmes. D’ailleurs les cinémas russe et chinois contemporain nous envoient régulièrement quelques œuvres traumatisantes : qu’on pense aux films de Zviaguintsev ou aux documentaires de Wang Bing.

Le portrait que Adilkhan Yerzhanov dresse du Kazakhstan n’est guère plus reluisant. Rien n’est épargné à la belle Sultanat ni au fort Kuandyk : à elle la lubricité des hommes, à lui leur violence, à eux deux une société régie par l’appât du gain et l’absence de compassion. Chacun va être placé face à un dilemme qui les obligera à se renier : d’elle on exige qu’elle se donne, de lui qu’il sacrifie un ami. Pourtant, Saltanat et Kuandyk réussissent à rester entiers. Pas sûr que la façon tragique dont le film se termine invite à l’optimisme sur l’espèce humaine en général, et sur la glorieuse nation Kazakhstan en particulier.

La bande-annonce

Dilili à Paris ★★★☆

Dilili, une jeune Kanake, arpente le Paris de la Belle époque dans le triporteur d’Orel, un jeune et beau livreur. Le duo est à la recherche des Mal-Maîtres, une organisation malfaisante qui kidnappe les petites filles. Leur chemin croisera celui de Louise Michel – dont Dilili fut l’élève en Nouvelle-Calédonie – de la cantatrice Emma Calvé, de Sarah Bernhardt, de Marie Curie, de Louis Pasteur, d’Erik Satie, de Toulouse-Lautrec, de Rodin, de Marcel Proust et de tant d’autres…

Vingt ans après Kirikou, douze ans après Azur et Asmar, Michel Ocelot est de retour. Son style est immédiatement reconnaissable : luxueuse palette chromatique, soin extrême apporté aux décors et aux arrières-plans, caractère chevaleresque de ses personnages, morale humaniste et hymne à la tolérance….

À la différence de ses précédentes réalisations, celle-ci se déroule en France, dans un décor de carte postale, le plus beau, le plus exubérant qu’il soit : le Paris de la Belle époque. Pour arriver à ce résultat, Ocelot a travaillé à partir de photos prises dans la capitale dont il a gommé les éléments trop contemporains. Le résultat est flamboyant, même s’il tourne parfois à la visite guidée pour touristes en goguette : la Tour Eiffel, Montmartre, les quais de Seine, tout y passe…

De même, la façon dont Dilili et son chevalier servant croisent les gloires de l’époque, même si elle offre aux parents et aux maîtres d’école un matériau utile à une initiation aux grands courants artistiques du début du siècle, est trop artificiel pour être convaincante. On a parfois l’impression de feuilleter un Who’s who plutôt que de regarder un film d’animation.

Plus grave peut-être : l’histoire d’enlèvement de fillettes par une secte maléfique est totalement imaginaire. Elle tire Dilili à Paris du côté du plaidoyer féministe anachronique, avec sa jeune héroïne – dont les origines kanakes ne sont jamais utilisées dans l’intrigue sinon pour donner à un casting uniformément blanc un peu de couleur – ses francs-maçons phallocrates et ses petites filles réduites à l’esclavage sous leur niqab.

Mais ne boudons pas notre plaisir et réjouissons nous que des produits d’une telle qualité soient proposés à nos jeunes têtes blondes.

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Cold War ★★☆☆

Dans la Pologne communiste de l’immédiat après-guerre, Wiktor (Tomasz Kot) est chargé de rassembler les trésors de la musique populaire et de créer une troupe folklorique. Il fait à cette occasion la rencontre de Zula (Joanna Kulig), une jeune femme récemment sortie de prison après avoir tenté de tuer son père. Entre le chef d’orchestre et la jeune femme, la passion éclate. Le couple vivra pendant une quinzaine d’années, de part et d’autre du Rideau de fer, une relation contrariée par les aléas de l’Histoire.

Après un premier film remarquable et pourtant passé inaperçu, My Summer of Love, Pawel Pawlikowski a connu la gloire grâce à Ida. Le film, qui racontait l’histoire d’une jeune novice en proie au doute à la veille de prononcer ses vœux dans la Pologne communiste des années cinquante, a obtenu l’Oscar du meilleur film étranger, un BAFTA, un Goya. Il a fallu patienter près de cinq ans pour voir son film suivant – en attendant l’an prochain son adaptation du Limonov d’Emmanuel Carrère.

Pour écrire Cold War, Pawel Pawlikowski, né en 1957 à Varsovie, exilé en Occident à l’adolescence, en Allemagne, en Italie puis en Angleterre où il s’installe définitivement et effectue le début de sa carrière jusqu’à son retour en Pologne en 2013, s’est librement inspiré de l’histoire de ses parents. Ils étaient, dit le réalisateur, follement amoureux l’un de l’autre et incapables de vivre ensemble. Leur histoire d’amour fut mise à mal par l’exil, la séparation forcée, les retrouvailles retardées. Tel est le sujet de Cold War, un film au titre bien mal choisi ; car si la Guerre froide constitue en effet l’arrière-plan de cette histoire, c’est la relation entre Wiktor et Zula, qui n’a rien de belliqueuse, ni de froide, qui en constitue le centre.

Cold War ressemble à Ida. Même noir et blanc poétique. Même format carré de l’image. Même paysages enneigés et glacials. Même Pologne étouffant sous la chape de plomb du communisme. Même élégance de la mise en scène – qui méritait largement le prix reçu pour ce motif à Cannes en mai.

Alors pourquoi deux étoiles seulement et pas trois voire quatre ? Parce qu’à la différence de Ida qui m’avait bouleversé, Cold War ne m’a pas ému. Parce qu’à force de garder l’émotion à distance, le film de Pawel Pawlikowski m’a laissé sur le bord du chemin. Parce que la perfection de chaque plan, les traits parfaits de Joanna Kulig, l’âpre beauté des chants polyphoniques slaves m’ont sidéré plus qu’ils ne m’ont touché.

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