Hostile ☆☆☆☆

Dans un monde post-apocalyptique, où une poignée d’humains se sont organisés pour se protéger de zombies cannibales, Juliette est chargée d’explorer avec son 4×4 des locaux abandonnés pour y récupérer des denrées ou des outils abandonnés.
Mais sur le chemin du retour d’une de ses missions, elle a un accident de la route. Son véhicule se renverse. Elle est gravement blessée. La nuit tombe.

Hostile est un film français tourné à l’américaine, entre New York pour les scènes de flash-back et le désert marocain pour donner l’illusion de la Vallée de la Mort. Britanny Ashworth dans le rôle principal est censée donner à l’ensemble, béni par Xavier Gens, un des chefs de file du film d’épouvante français, un parfum US. Il y a quelques mois, Revenge était construit selon les mêmes recettes.

La bande-annonce avait de quoi mettre l’eau à la bouche qui annonçait un huis-clos étouffant, la survie en temps réel de Juliette condamnée à survivre jusqu’à l’aube aux assauts des zombies cannibales qui ne manqueraient pas de se presser autour de son véhicule accidenté. C’est une sacrée gageure pour un scénariste que d’arriver à écrire un film de quatre vingt dix minutes autour d’une trame si épurée. Depuis le désormais iconique Buried (un subcontractor américain en Irak enterré vivant), plusieurs réalisateurs s’y sont essayés avec plus ou moins de succès The Wall (un escadron de GIs pris sous le feu d’un sniper), Tunnel (un automobiliste coréen pris au piège d’un tunnel éboulé), Instinct de survie (une surfeuse callipyge poursuivie par un requin), The Guilty (un policier danois tentant d’élucider un kidnapping au téléphone), etc.

Hélas, le réalisateur de Hostile n’a pas leur talent. Il est incapable de tenir la distance. Du coup, il entrelarde l’histoire de cette longue nuit de terreur de flashbacks inutiles. On y voit Juliette à New York, qui a fui sa famille et plongé dans la drogue avant de rencontrer un milliardaire français (sic !) façon Cinquante nuances de gris qui expose Francis Bacon dans sa galerie d’art et la drague en lui faisant manger du fromage (re-sic !). Le personnage est interprété par Grégory Fitoussi, un bellâtre barbu révélé pour ses rôles dans Jospéhine, ange gardien, Navarro et Engrenages. C’est tout dire !

Le ridicule serait évité si Hostile ne trouvait pas le moyen, dans une conclusion qui a fait s’étouffer d’un rire gêné la salle, de réconcilier les deux histoires. On se croyait dans American Zombie ; on se retrouve dans Elephant Man. Misère….

La bande-annonce

Donbass ★★☆☆

Le Donbass est cette région de l’est de l’Ukraine qui, en rébellion avec l’autorité de Kiev et avec le soutien de la Russie, s’est placée depuis 2014 en état de sécession. Le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa reconstitue en treize tableaux les dérives d’une société en régression qui bafoue les droits de l’homme et humilie ses citoyens.

Sergei Loznitsa s’est fait connaître en 2013 en Occident par une premier film dont l’action se déroulait durant la Seconde guerre mondiale. La facture de Dans la brume annonçait celle de ses œuvres suivantes : des plans-séquences interminables, une quasi absence de dialogues, une virtuosité intimidante… Les mêmes recettes étaient utilisées l’année suivante dans Maidan, un documentaire sur la chute du président Ianoukovitch durant l’hiver 2014, et Une femme douce le portrait d’une héroïne dostoïevskienne dans la Russie post-soviétique.

Donbass s’inscrit dans cette généalogie. Sur la forme : un cinéma qui étend les plans au point d’en épuiser le spectateur et parie autant sur son intelligence que sur sa sensibilité. Sur le fond : une critique radicale d’une société post-soviétique où, à force de frustrations et de rancœur, l’homme est (re)devenu un loup pour l’homme.

Cette société pré-hobbesienne est décrite à travers treize plans-séquences d’une durée variable. Certains ne durent que quelques instants : la destruction d’un bus par une roquette et la mort de ses passagers. D’autres s’étirent jusqu’à l’insoutenable : le lynchage d’un prisonnier de guerre, la déambulation dans des souterrains insalubres où la population se terre, un mariage aussi vulgaire que brillant, l’assassinat méthodique d’un groupe de civils par la milice…

On imagine volontiers l’impact de ce cinéma sur les populations concernées : à Kiev où Loznitsa fait figure de héros national, à Donetsk ou à Moscou où au contraire on lui reproche son parti pris. Pour elles, tout fait sens : les tenues des soldats, leurs brassards, leurs drapeaux, leurs chants. L’ensemble est plus opaque pour un spectateur étranger qui n’est pas au fait de l’état des forces dans l’est de l’Ukraine.

Mais, quand bien même on est spontanément favorable aux forces démocratiques et pro-européennes de Kiev contre celles, nationalistes, anti-libérales et pro-russes, de Lougansk et de Dniepropetrovsk, on ne peut réprimer un certain malaise à une charge aussi rude, aussi noire, aussi engagée, qui jamais ne donne la parole à la partie adverse et se complait dans la description voyeuriste des pires basses humaines.

La bande-annonce

Thunder Road ★☆☆☆

Jimmy Arnaud (Jim Cummings) est policier au Texas. La mort de sa mère le laisse anéanti. Il se dispute avec son ex-compagne la garde de leur fille Crystal. Son comportement au travail est de plus en plus erratique, malgré la présence amicale de son coéquipier.

Un buzz enthousiaste entoure la sortie de Thunder Road, programmé à Cannes et primé à Deauville. Il faut reconnaître à Jim Cummings, réalisateur, producteur, scénariste, monteur et acteur principal de son premier long métrage, un sacré talent.

En témoigne le premier plan, repris quasiment à l’identique du court-métrage de treize minutes qui lui avait valu une récompense à Sundance en 2016. On le trouve sur Vimeo. Jetez-y un œil. Il se déroule durant les funérailles de la mère de Jimmy. Le fils éploré s’y livre à un numéro désopilant, aussi drôle que malaisant, aussi sincère que ridicule. En une seconde, son visage étonnamment expressif passe de la crise de larmes à la catatonie.

C’est précisément ce parti pris audacieux qui m’a mis mal à l’aise. Faut-il en rire ou en pleurer ? Les deux répondent les admirateurs du film. Ni l’un ni l’autre ai-je envie hélas de dire. Thunder Road ne m’a pas amusé car le rire qu’il est censé provoquer se bloque au milieu de la gorge par la faute du malaise qu’il suscite simultanément. Il ne m’a pas touché pour autant, car le personnage de Jimmy est trop hystérique, trop borderline, trop trop pour être crédible.

On pourra sans doute considérer, à tête reposée, que Thunder Road est une allégorie d’une Amérique vacillante et une critique de l’hypervirilisme texan. Ce n’est pas faux. Mais ce sous-texte politique, pour pertinent qu’il soit, ne suffit pas à lui seul à donner au film un intérêt qu’il n’a pas.

La bande-annonce

Les Frères Sisters ★☆☆☆

Les frères Sisters sont tueurs à gages. Dans l’Amérique de la ruée vers l’or, ils vendent leurs talents au plus offrant. Charlie le cadet (Joaquin Phoenix) est le plus insouciant des deux, qui boit et qui couche dès que l’occasion s’en présente. Eli l’aîné (John C. Reilly) est le plus sensible, qui peut abattre de sang froid un homme mais ne supporte pas de voir une bête souffrir.
Leur donneur d’ordres, le mystérieux Commodore, leur a désigné leur prochaine cible : Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed) un alchimiste auquel ils devront, avant de l’exécuter, arracher la formule qu’il a inventée. Un détective privé est déjà sur ses trousses : l’élégant John Morris (Jake Gyllenhaal).

De tels tombereaux d’éloges se sont déjà abattus sur Les Frères Sisters qu’on sera bien hardi d’en dire ici du mal. On le sera d’autant plus qu’on tient Jacques Audiard pour le plus grand réalisateur français contemporain avec Abdellatif Kechiche : tous ses films, à l’exception peut-être de Dheepan, qui ne méritait pas la Palme, sont des chefs d’œuvre inoubliables de Sur mes lèvres à De rouille et d’os en passant par Un prophète et De battre mon cœur s’est arrêté.

On lit qu’il tourne un « western crépusculaire ». Expression ô combien galvaudée depuis que le western, genre éminemment daté, contemporain d’un âge d’or américain, qui n’en finit plus de connaître un long épuisement et dont on se demande diable ce que le réalisateur français est allé y chercher, dans des décors naturels espagnols ou roumains et avec des acteurs américains recrutés à prix d’or.

On lit aussi qu’il raconte « un sublime récit de fraternité » en mettant en scène deux frères au patronyme déroutant. On n’y voit pourtant, comme on l’a vu mille fois, qu’un duo de cowboys, ici unis par les liens du sang, qui incarnent chacun à leur façon des caricatures : l’aîné incarne la voix de la raison laissant au puîné le rôle du débauché capricieux et immature.

On lit enfin qu’il s’agit d’une « réflexion terrassante sur la banalité du mal », un sujet qui traverse l’œuvre de Audiard. C’est sans doute faire beaucoup de cas à ce quatuor de personnages dont l’histoire ne surprend guère, sinon par la scène, attendue pendant près de deux heures durant laquelle Warm teste enfin sa formule. Elle restera gravée dans les mémoires. Elle ne justifie pas à elle seule les éloges excessifs venus saluer cette odyssée américaine d’un réalisateur dont on espère le retour rapide à des horizons plus familiers.

La bande-annonce

Leave No Trace ★★★☆

Tom (Thomasin McKenzie) a quinze ans. Elle vit seule dans les bois de l’Oregon avec son père Will (Ben Foster) qui fuit un passé qui le hante. Leurs contacts avec la société des hommes sont réduits au minimum.
Mais la police, qui ne tolère pas une telle marginalité, les pourchasse et les déloge. Les services sociaux placent le père et sa fille dans un haras. Tom semble se faire à sa nouvelle vie. Mais Will ne s’y fait pas.

Le dernier film de Debra Granik est tiré d’une histoire vraie et du roman My Abandonment qu’elle avait inspiré en 2010 à Peter Rock. Il brasse des sujets qui font écho à notre temps : l’écologisme radical, le retour militant à la nature, le refus des conventions sociales, la marginalité souhaitée ou subie… En témoigne le nombre de films, souvent excellents, qui en ont recemment traité : Into the Wild de Sean Penn, Wild de Jean-Marc Vallée, Vie sauvage de Cédric Kahn… Mais la référence qui vient immédiatement à l’esprit est Captain Fantastic de Matt Ross avec Viggo Mortensen, un des tout meilleurs films de 2016, avec qui Leave No Trace fait – presque – jeu égal : l’histoire d’un veuf et de sa nombreuse progéniture élevée dans les bois et contrainte de revenir à la civilisation.

Le mérite en revient à la retenue de la mise en scène qui fuit tout sensationnalisme. Ni sexe ni violence, presque pas d’action dans Leave No Trace où pourtant on ne s’ennuie pas une seconde. Pas non plus d’esthetisation ampoulée ni de divination panthéiste d’une nature dont l’inhospitalité n’est pas euphémisée : Leave No Trace n’est pas un film écolo béat.

La jeune Thomasin McKenzie, quasi-inconnue (la Néo-Zélandaise jouait un petit rôle dans le dernier Hobbit) crève l’écran. Il y a huit ans, Debra Garnik donnait déjà son premier rôle dans Winter’s Bone, l’histoire d’une fratrie abandonnée à elle même dans les Appalaches, à une inconnue. Son nom : Jennifer Lawrence…

La bande-annonce

Avant l’aurore ★★★☆

Ben se travestit sous le pseudo de Miranda. Il se prostitue à Phnom Penh. Accro à la drogue il partage une chambre avec un amant khmer. Son amie Judith, qui enquête sur le génocide pour le Tribunal international, l’aide.
Un jour, Ben/Miranda croise une enfant perdue qui se donne au premier venu pour cinq dollars.

Avant l’aurore sort enfin sur les écrans. Il avait été présenté à l’ACID à Cannes en 2015 sous le titre « De l’ombre il y a ». Ses difficultés à se frayer un chemin jusqu’aux salles s’expliquent aisément : le film est dur et ne se donne pas facilement. Il l’est d’autant que sa narration, remplie d’ellipses, est volontairement heurtée.

Nathan Nicholovitch veut nous raconter, façon Gloria la rédemption de deux êtres. Il ne s’agit pas comme chez Cassavetes d’une femme et d’un petit garçon, mais d’un homme et d’une petite fille. Lui fuit au Cambodge on ne sait quel démon. Il se perd dans la drogue – comme avant lui Billy Moore, le héros d’Une prière avant l’aube qui se déroulait pour l’essentiel dans une prison thaïlandaise. Elle, pauvre gamine, ne trouve que son mutisme à opposer à l’enfer qu’elle vit.

Le sujet serait simpliste ; mais il n’est pas traité simplement. Car l’action se déroule au Cambodge, un pays dont les investigations de Judith rappellent qu’il peine à panser les plaies du génocide. Et le film a pour héros David d’Ingéo, un acteur caméléon dont le corps émacié rappelle tout à la fois Mick Jagger et Iggy Pop. C’est un monstre en perruque blonde, talons aiguilles et faux seins qu’on voit durant la première partie du film. Nathan Nicholovitch le filme jusqu’au malaise prodiguant une fellation à un client dans des toilettes sales (c’est la première scène du film), dansant nu dans un nightclub, le corps marqué par les ans, les coups, la drogue. Il retrouve progressivement et non sans mal son humanité après un détour par Pailin, sur la trace d’un ancien Khmer rouge recherché par Judith, puis au bord de l’océan à Sihanoukville sur celle des parents de la petite Panna.

On ne ressort pas indemne de ce film trop long, trop lourd, trop confus, et pourtant porté par une énergie et une grâce rarement vues.

La bande-annonce

L’amour est une fête ★★☆☆

1982. Pigalle. Deux agents des impôts sous couverture dirigent un peep show pour piéger les barons du X.

Cédric Anger, qui a déjà à son actif quelques films intéressants (Nos années folles, La prochaine fois, je viserai le cœur avec Canet déjà, L’Avocat…), se prend les pieds dans le tapis dans un film plein de bonnes intentions mais couturé de défauts.

On comprend progressivement qu’il veut restituer le climat d’une époque – une démarche d’autant plus intrigante qu’elle est l’œuvre d’un réalisateur et d’une bande d’acteurs trop jeunes pour l’avoir connue. Car la clé du film est dans son titre dont on tarde à saisir le lien avec l’intrigue. Comme Michel Spinoza dans La Parenthèse enchantée, L’amour est une fête se déroule durant cette courte période, entre la pilule et les années Sida, où le X avait explosé avant qu’on réalise qu’il n’était pas l’expression joyeuse d’une sexualité libérée mais l’instrument d’un asservissement des femmes.

Pour raconter cette époque, Cédric Anger signe un scénario passablement alambiqué où Canet (le cheveu scandaleusement blond) et Gilles Lellouche (les rouflaquettes très 70ies) jouent, sans guère de crédibilité deux inspecteurs under cover. Mais l’essentiel est ailleurs : dans ces superbes filles aux seins parfaits et à la croupe aguichante, complaisamment filmées de pied en cap (ou de pied sans cape). Ces quatre drôles de dames, aussi sexy et fraîches les unes que les autres, dont émerge la ravissante Camille Razat, carburent à la coke et forment avec leurs deux maquereaux une joyeuse bande (si l’on ose dire) qui trouvera dans l’épilogue du film un destin inattendu.

Sans me faire plus bégueule que je ne le suis, j’ai été gêné par L’amour est une fête. À supposer que le X ait pu être « cool » dans ses premières années, on ne peut, sans ignorer ce qu’il est devenu ensuite, relater innocemment cette histoire aujourd’hui. Si tel était le propos de Cédric Anger, il aurait dû le faire avec plus de nostalgie ou d’humour, cruellement absent. Si au contraire, son propos s’était voulu plus critique, il aurait dû gommer de son film aguicheur sa complaisance.

La bande-annonce

Climax ★☆☆☆

Une troupe de jeunes danseurs fête la fin des répétitions avant de partir en tournée. La soirée commence dans la liesse. Mais bientôt, le trip devient very bad. La sangria a semble-t-il été préparée au LSD plongeant les participants à la fête dans un état de transe anxiogène.

Gaspar Noé est l’un des réalisateurs français les plus marquants de sa génération. Il traîne derrière lui la réputation d’un cinéaste sulfureux et provocateur. Après Carne et Seul contre tous, Gaspar Noé a accédé à la célébrité en 2002 avec Irréversible, présenté à Cannes en compétition officielle. En treize séquences antichronologiques (en commençant par la fin), y était raconté un viol. Avec Monica Bellucci, Vincent Cassel (qui, à l’époque formaient un couple hypissime) et Albert Dupontel, le film, interdit aux moins de seize ans, fit scandale. Huit ans plus tard, Gaspar Noé revenait avec Enter the Void, l’histoire filmée en caméra subjective d’un dealer entre la vie et la mort abattu par la police. Son dernier film, Love, sorti en 2015, se frottait à la pornographie, filmant des scènes de sexe non simulé – qui lui valurent une interdiction aux mineurs de dix-huit ans par la justice administrative saisie par l’association Promouvoir. J’en avais fait à l’époque une critique débordante d’enthousiasme que je relis quatre ans plus tard, gêné par autant d’euphorie.

On comprendra donc mon impatience à voir Climax… et ma déception.

Gaspar Noé reste un cinéaste virtuose qui signe des plans séquence vertigineux. C’est, depuis l’origine, sa marque de fabrique. Et Climax nous en donne notre lot qui suit les danseurs dans leurs folles chorégraphies puis dans leurs déambulations erratiques dans cette maison sans fenêtre où ils passent la soirée. Les images sont d’autant plus puissantes que la musique est forte, produisant peu à peu un effet de transe pulsative, une sidération hypnotique.

Le problème est que cette forme somptueuse n’est au service de rien. On cherche en vain dans Climax des personnages ou une histoire. Parmi la troupe de danseurs, on ne s’attache à personne – sinon peut-être à Selva interprétée par Sofia Boutella qui creuse sa voie entre Paris et Hollywood. Quant à l’histoire, il n’y en a pas. Aucun des fils égrenés en début de film (ce drapeau tricolore de l’affiche, cette danseuse qui confesse sa phobie du noir…) n’est tiré.

Noé avait caressé le projet de faire un documentaire sur la danse. Il a finalement décidé de réaliser une fiction mais a oublié en chemin d’écrire un scénario. Si bien que Climax se réduit à un long clip. Certes bluffant. Certes trippant. Mais un clip rien de plus.

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Peppermint ☆☆☆☆

Riley North (Jennifer Garner) a une gamine adorable et un mari aimant dont le seul défaut est d’avoir approché de trop près la mafia de la drogue. Quand il est éliminé par les sicaires à ses trousses et que sa fille meurt d’une balle perdue, Riley North voit sa vie s’effondrer. Si elle reconnaît les assassins et les fait juger, un juge véreux les fait libérer.
La mère de famille, assoiffée de vengeance, décide d’obtenir justice par ses propres moyens.

L’affiche de Peppermint rappelle celle de la série The Leftovers avec laquelle, hélas, ce vigilante film n’a rien en commun. Un vigilante film a pour thème l’auto-justice et pour héros un citoyen ordinaire, confronté à l’impuissance des pouvoirs publics, qui décide de se venger seul du meurtre de sa famille. Le genre est fécond depuis Charles Bronson dans Un justicier dans la ville et son récent remake avec Bruce Willis.

Le parti pris de Peppermint, avec son titre déroutant de friandise sucrée, est de faire endosser le rôle vedette par une femme. Pierre Morel est à la manœuvre, un Frenchie qui, depuis Banlieue 13 et Taken, est parti à Hollywood monnayer son talent à chorégraphier les scènes d’action sans se montrer trop regardant sur le scénario qui en est le prétexte. Son cynisme revendiqué, la complaisance avec laquelle il filme les meurtres à la chaîne commis par son héroïne pour remonter jusqu’à l’odieux chef de gang responsable de la mort de sa fille et de son mari font question.

Le plus gênant peut-être est que Pierre Morel sait y faire, qu’il sait tourner des fusillades, qu’il sait tenir en haleine son public jusqu’à un dénouement qu’on connaît pourtant d’avance. Et Jennifer Garner, révélée au début des années 2000 dans Alias et Daredevil, qui s’était perdue depuis une dizaine d’années dans des comédies familiales sans relief, fait honnêtement le job.

On tremble que Peppermint fasse un carton chez les ados, qui oublieront les dilemmes éthiques posés par le film et n’en retiendront que l’efficacité des bastons.

La bande-annonce

Première année ★★☆☆

Antoine (Vincent Lacoste) a eu beau travailler jour et nuit, il triple sa première année après avoir échoué d’un cheveu à obtenir la dernière place en médecine offerte par le numerus clausus. Au début de la nouvelle année, il rencontre sur les bancs de la faculté un jeune bachelier Benjamin (William Lebghil) qui ne semble pas mesurer l’ampleur de la tâche mais se révèle très vite redoutablement doué.

Vous êtes médecin/normalien/énarque ? vous avez passé entre 18 et 22 ans les quatre années les plus traumatisantes mais aussi les plus enrichissantes de votre vie ? vous avez consommé plus de Guronsan et de boules Quies que d’ecstasy dans les soirées et de bouchons anti-bruits dans les concerts ? vous avez les mains moites en regardant Questions pour un champion ? vous faites des cauchemars en vous imaginant redoubler ? Première année est pour vous qui raconte, comme peu de films l’ont fait, une histoire difficile à filmer, mais qui est le lot commun de nombreux étudiants qui sacrifient leur vie – amicale, amoureuse, culturelle – pour décrocher le Graal du concours hypersélectif.

En tout état de cause, vous avez aimé Hippocrate ou Médecin de campagne, les précédents films de Thomas Lilti, un ancien médecin passé à la réalisation ? Vous apprécierez cette nouvelle plongée dans le monde des carabins, même si on y perd de vue la noblesse de ce métier et la belle humanité qui s’y déploie.

Si vous avez encore des hésitations, jettez un œil à la bande annonce. Et laissez vous séduire par sa communicative énergie.

Le problème de Première année est qu’il n’a pas grand chose de plus à offrir que cette bande annonce. Filmer des étudiants qui étudient est ingrat. Et Thomas Lilti se refuse, à raison, à agrémenter ce récit d’histoires annexes qui ne lui auraient rien apporté. Pas d’amourettes – sinon une voisine de palier chinoise (ou philippine ?) avec qui Benjamin partage un café à ses heures perdues. Pas de drames familiaux, sinon des parents inquiets de voir leurs progénitures se dessécher dans des études épuisantes. Bref, des étudiants qui vont en cours, en bibliothèque, au resto U, en révisant, révisant, révisant encore.

En creux bien sûr se dessine une critique cinglante de ce bourrage de crâne imbécile, de ce mode de sélection absurde qui recrute des médecins sur leur capacité à remplir des QCM et non à soigner des patients. Mais le sujet du film n’est pas là. Il n’a d’autre ambition que de nous faire partager le quotidien de deux étudiants dans un tunnel de révision.

Vincent Lacoste (25 ans) et William Lebighl (28 ans) sont peut-être un peu trop vieux pour rendre tout à fait crédibles des étudiants de première année. Mais leurs personnages posent un autre problème plus délicat. Le premier est censé incarner l’étudiant d’origine modeste, obligé à des allers-retours épuisants en banlieue. Le second au contraire a un père chirurgien, camarade de promo du doyen de la faculté, et s’est vu payer une chambre à une encablure de l’université. Le second maîtrise les codes ; le premier ne les maîtrise pas. Or, les études de médecine, leurs critères de sélections, en première année au moins, sont sans doute les cursus qui prêtent le moins le flanc à la critique bourdieusienne, à la différence d’autres parcours où l’oral, la manière d’être, de s’exprimer ont autrement d’importance.

La bande-annonce