Sapphire Crystal ★★☆☆

Une huitaine de jeunes Genevois, issus des classes privilégiées, passent une soirée ensemble. Ils la commencent dans le carré VIP d’une boîte de nuit, la poursuivent dans la luxueuse villa des parents de l’un d’eux et l’achèvent au bord du lac en regardant le jour se lever.

Le titre de ce moyen-métrage de trente-et-une minutes peut sembler bien obscur. Il ne l’est pas. Sapphire désigne un verre transparent de la plus haute qualité pour la fabrication des montres. La Crystal shower consiste à commander des bouteilles de champagne dans une boîte de nuit et à en asperger les convives. En deux mots, le décor est campé : l’élite festive et décadente de la bourgeoisie genevoise.

Filmé avec un IPhone rudimentaire, pour accentuer l’effet de réalité, Sapphire Crystal se veut un faux documentaire. Il a été réalisé avec des étudiants en cinéma de la Haute Ecole d’art et de design (HEAD) de Genève mais s’inspire d’anecdotes et de photos postées sur Instagram.

Le propos de Sapphire Crystal est simple sinon simpliste : crucifier ces jeunes dépravés pour leur bêtise et leur arrogance, pour leur goût de l’argent facile et leur inconscience des privilèges de classe dont ils ont hérité. La charge est lourde, pour ne pas dire écrasante, qui les montre sniffer de la coke à base d’or pur ou se remémorer des histoires scatologiques.

Sapphire Crystal réussit en trente minutes à peine à susciter chez le spectateur toute une gamme de réactions face à la bêtise satisfaite de ces night-clubbers : la stupéfaction, la colère, le rire et à la fin une certaine commisération face à ces jeunes gens qui, à l’instar des chats dont on sait qu’ils sont tous gris à la nuit tombée, sont bien quelconques quand le jour se lève.

Un extrait

La Nuit venue ★★★☆

Jin est un jeune immigré chinois à Paris. Sans papiers, sans argent, il rembourse sa dette  à la triade chinoise qui a payé son visa en conduisant chaque nuit un VTC. C’est là qu’il rencontre Naomi, une stripteaseuse. Naomi veut « décrocher », quitter Paris et le monde de la nuit, s’installer dans le Sud. Jin n’en peut plus du quasi-esclavagisme dans lequel ses employeurs le maintiennent et aimerait se livrer à sa passion : la musique.

Paris, la nuit, constitue à lui seul un genre cinématographique à part entière. On ne compte plus les films, grands ou petits, français ou même étrangers, qui ont exploré cette veine : Les Portes de la nuit de Carné/Prévert, Bob le flambeur, Ascenseur pour l’échafaud, Le Samouraï, Midnight in Paris de Woody Allen, un des cinq sketches de Night on Earth de Jim Jarmusch, Mauvais Sang, Diva, etc. La liste est longue et Frédéric Farrucci qui signe son premier film était bien audacieux de vouloir la rallonger encore.

Mais il a eu une idée de génie : filmer ces immigrés clandestins chinois à Paris qu’on n’avait jamais vus dans le cinéma français sinon dans le très réussi – et très injustement invisible – Les Fleurs amères qui s’attachait aux pas d’une prostituée chinoise de Belleville.

Du coup, il mêle avec bonheur deux registres. D’une part, le film noir avec l’histoire d’amour impossible entre Jin et Naomi dont on pressent qu’elle connaîtra une fin tragique, même si l’ultime plan du film s’ouvre sur un message d’espoir. D’autre part, le quasi-documentaire sur les populations immigrées qui hantent les rues de la capitale « la nuit venue », les Chinois prisonniers de leurs passeurs convertis à l’ubérisation, les Noirs travaillant dans des fourgues clandestins et tous les autres qui s’entassent dans des abris de fortune sous le périphérique. Au surplus, La Nuit venue, dont le héros aspire à redevenir DJ, a soigné sa musique, signée du compositeur électro Rone et sa lumière.

La bande-annonce

Né à Jérusalem (et toujours vivant) ★☆☆☆

Ronen est né et a grandi dans le cœur de Jérusalem. Il a vécu dans sa chair les attentats meurtriers qui ont scandé la « deuxième Antifada » au début des années 2000. Estimant fausse la vision aseptisée que les guides offrent de sa ville, il propose à des groupes de touristes de plus en plus nombreux un tour gratuit et original des lieux où ont été commis des attentats.

Yossi Attia, secondé par David Ofek, porte à l’écran et interprète le seul-en-scène qu’il avait monté en 2012 sur ce scénario original : montrer de la Ville sainte non pas ses monuments les plus célèbres hérités d’une histoire plurimillénaire, mais les stigmates récents des attentats que tous les Hiérosolymitains ont intimement vécus.

Le pitch est astucieux. La bande-annonce met à l’eau à la bouche, qui laisse augurer un film intelligent et frais – un peu comme le voyage en Pologne sur les pas de leurs aïeuls décimés par la Shoah des deux héros de Lune de miel. Mais le résultat est décevant. Car, même si Né à Jérusalem ne dure qu’une heure et vingt-trois minutes, le scénario fait très vite du surplace privant le film de toute dynamique. Même la charmante histoire d’amour esquissée dans la bande-annonce, qui aurait pu constituer le fil rouge du film et son enjeu, se résout en deux plans à peine.

Alors que Jérusalem est peut-être la ville la plus chargée d’histoire au monde, la ville où les tensions géopolitiques, religieuses et humaines sont les plus électriques, les deux films qui viennent de lui être consacrés sur un mode quasi-documentaire – Un tramway à Jérusalem de Amos Gitai et ce Né à Jérusalem – se soldent par des échecs piteux.

La bande-annonce

Madre ★★★☆

Dix ans ont passé depuis la disparition inexpliquée d’Ivan, son fils âgé de six ans seulement, sur une plage landaise. Elena ne s’en est jamais remise, qui a quitté l’Espagne et est venue s’installer sur les lieux du drame.
C’est là qu’elle rencontre Jean, un adolescent qui aurait eu l’âge de son fils et pour lequel elle ressent une attirance trouble.

Le pitch de Madre est particulièrement efficace qui laisse entrevoir un thriller façon Ne le dis à personne dont l’enjeu serait d’élucider les conditions de la disparition d’Ivan voire de le retrouver vivant.

Mais le film prend une direction différente. Il s’agit moins d’un polar que d’un drame intime. Le scénario se désintéresse de la disparition d’Ivan pour se focaliser sur l’impossible reconstruction de sa mère. Comment reprendre une vie normale quand on a perdu son fils ? Comment faire son deuil quand les conditions matérielles de ce deuil – la certitude du décès de l’être disparu et la disposition de son corps – ne sont pas réunies ?

Pour Elena la rencontre avec Jean constitue un quitte ou double. Cet adolescent si beau, si vivant risque de lui rappeler avec une douloureuse acuité la perte de son fils. Ou bien, elle peut espérer à son contact se mithridatiser et renaître enfin.

Il y a dans la relation entre Elena et Jean, son cadet de plus de vingt ans, une dimension incestueuse avec lequel le film tangente – comme l’avait fait en son temps Le Souffle au cœur de Louis Malle. Ce n’est peut-être pas la partie la plus intéressante de Madre dont on regrette qu’il prenne ce parti là dans sa seconde moitié – quand bien même l’interprétation toujours juste de Marina Pieto lui évite de sombrer dans le pathétique.

Reste toutefois la bluffante maîtrise de Rodrigo Sorogoyen. Le réalisateur de Que Dios nos Perdone et de El Reino accumule les plans séquence d’une impressionnante maestria à commencer par le premier qui dure pas moins de quinze minutes – et que le réalisateur avait dans un premier temps sorti en court métrage. Le procédé est repris tout le long du film au point qu’on puisse parfois y voir de l’esbrouffe. Mais, pratiqué à ce niveau, l’art du plan séquence inspire plus d’admiration que de réprobation.

La bande-annonce

Beloved ★★☆☆

Avigail travaille dans un établissement gériatrique où elle dispense des soins attentionnés à des patients en fin de vie. Elle est mariée à Rashi et poursuit avec lui un traitement long et pénible pour avoir un enfant. Épuisé par cette attente infructueuse, le couple bat de l’aile.

On avait vu la semaine dernière Chained, qui racontait le couple Avigail/Rashi du point de vue du mari. Et on avait dit ici tout le bien qu’on en pensait. On le retrouve cette semaine dans Beloved du point de vue de l’épouse.

La perspective est bien différente. Elle l’est tellement d’ailleurs que ce deuxième film pourrait presque se regarder indépendamment du premier tant l’histoire qu’il raconte s’en éloigne, jusqu’à sa conclusion, si brutale dans Chained, si douce dans Beloved.

Si l’on voulait résumer Beloved d’une phrase, on pourrait dire qu’il raconte la lente reconstruction d’une femme en résistance à la violence masculine. Sauf que la violence masculine qu’on a vu se déployer dans Chained est très discrète dans Beloved au point de se faire oublier. Le couple Avigail/Rashi passe à l’arrière plan. Et parfois même, comme si le scénario n’avait pas été suffisamment bien ficelé, le réalisateur semble se désintéresser d’Avigail pour se concentrer sur ses amies.

En particulier de longs développements sont consacrés à deux sœurs, Yael et Na’ama, dont le père grabataire vient d’être placé dans l’établissement où travaille Avigail. Victime dans son adolescence d’un traumatisme, Yael s’est transformée en gourou qui dispense à ses amies toutes sortes de conseil de vie. On la voit notamment procéder à l’accouchement d’une parturiente dans une piscine lors d’une scène documentaire particulièrement émouvante. Au contraire, Na’ama – dont on imagine qu’elle a connu les mêmes souffrances que sa sœur dans son enfance – n’a jamais trouvé la paix et en fait l’amer reproche à Yael.

Ces deux personnages sont justes et touchants. Mais ils nous éloignent de Avigail sur laquelle on aurait aimé se focaliser – autant que Chained s’était focalisé sur Rashi. L’actrice manquait-elle de talent ? son personnage manquait-il de profondeur ? On a l’impression que le réalisateur a baissé les bras en cours de route, renonçant à creuser ce personnage. Pourtant il y aurait eu à dire sur son parcours que résume l’évolution de sa coiffure : ses tresses sévères sont dénouées dévoilant une luxuriante toison, avant d’être coupées dans un symbolique geste libérateur.

La bande-annonce

Le Sel des larmes ★★★☆

Luc (Logann Antofuerno) vit dans le Nord avec son père (André Wilms) et veut marcher dans ses pas. Comme lui, qui est menuisier, Luc deviendra ébéniste et ambitionne d’intégrer la prestigieuse école Boulle.
À Paris où il est venu passer le concours d’entrée, il rencontre Djamila (Oulaya Amamra révélée par Divines) qui tombe éperdument amoureuse de lui même si la réciproque n’est pas vraie. En province, où il est retourné attendre les résultats, il retrouve Geneviève (Louise Chevillotte découverte dans le précédent film de Philippe Garrel), une amie d’enfance longtemps perdue de vue, avec laquelle se noue une idylle bientôt avortée. Enfin, une fois admis à l’école Boulle il s’installe à Partis avec Betsy (Souheila Yacoub) auprès de laquelle se nouera une relation particulière.

Le cinéma de Philippe Garrel, rompant avec l’hermétisme un peu vain de ses débuts, a pris depuis une dizaine d’années un tournant marqué. S’éloignant de Godard, il s’est rapproché de Rohmer, filmant en noir et blanc, des jeunes gens s’initiant aux jeux de l’amour dans un Paris nocturne et poétique.

Dans son film précédent, L’Amant d’un jour, sorti en 2017, Garrel avait pour héroïne une femme (précisément interprétée par la belle Louise Chevillotte) et se focalisait sur le désir féminin. Dans Le Sel des larmes, il ne quitte pas d’une semelle Luc pour mettre en question le désir masculin.

Il n’y a pas la moindre trace des débats contemporains sur la domination masculine dans le regard que Garrel lui porte. On pourrait d’ailleurs lui en faire le reproche en constatant la désinvolture de Luc et son absence de toute culpabilité à l’égard des deux amoureuses qu’il abandonne lâchement.

Mais ce serait lui faire un bien méchant procès. Car d’une part, Luc expie dans la seconde moitié du film, notamment dans sa relation avec Betsy et dans un épilogue dont on ne dira rien, les fautes qu’il a commises dans la première. Mais surtout d’autre part, Garrel aspire à se placer au-delà des modes et des époques et réussit à dessiner une carte du tendre, intemporelle et gentiment surannée.

La bande-annonce

Exit ★★☆☆

Rie est journaliste. Elle réalise un reportage sur la construction d’une nouvelle ligne du métro de Copenhague. Alors qu’elle se trouve au fond d’un tunnel, un incendie se déclare qui la contraint à se réfugier de toute urgence dans un caisson hyperbare en compagnie de deux techniciens, Bahran et Ivo. la température augmente, l’oxygène se raréfie.

Exit relève d’un genre bien particulier : le survival movie claustrophobe ou, pour le dire autrement, le film dont le héros lutte pour sa survie dans un espace clos. Le genre est une gageure scénaristique qui pousse au paroxysme la consigne de Boileau (« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli… »). Comment filmer un héros immobile dans un lieu clos ?

Le défi était superbement relevé dans Buried qui ne quittait jamais le trou de terre dans lequel était enterré vivant un soldat américain en Irak. Même réussite dans Tunnel, un thriller coréen avec un conducteur coincé dans sa voiture dans un tunnel écroulé. Je devrais aussi citer, même s’ils se déroulent en plein air The Wall (un soldat américain, réfugié derrière un pan de mur, sous le feu d’un sniper irakien), All is lost (un navigateur en solitaire sur un bateau en train de sombrer) ou 127 heures (un randonneur américain dont le bras est coincé sous un rocher).

Exit s’ajoute à cette liste déjà longue. Cet honnête film danois n’y détonnera pas ; mais il ne s’en démarquera pas non plus.

Son réalisateur gagne un peu de temps par une longue introduction qui suit l’héroïne dans son reportage. C’est l’occasion d’un échange savoureux qui souligne le fossé culturel qui la sépare des ouvriers du chantier qui ne parlent ni le danois ni l’anglais. C’est aussi la préfiguration des malentendus qui s’élargiront avec Ivo, le chef de chantier slovène qui a accepté ce travail grassement payé pour financer l’éducation de ses enfants, et de Bahran qui a traversé au péril de sa vie le Sahara et doit encore rembourser à sa famille restée en Érythrée le prix de son passage.

Exit n’est pas un film solitaire mais un film de groupe qui en sonde les dynamiques contradictoires – comme, toutes choses égales par ailleurs, Lifeboat de Hitchcock. Deux réactions contradictoires s’opposent : d’un côté l’élan de solidarité qui conduit au plus noble des altruismes, de l’autre l’instinct de survie qui suscite le plus criminel des égoïsmes. La scène finale les confronte jusqu’à une conclusion ambigüe et ouverte que je ne suis pas sûr d’avoir totalement comprise.

La bande-annonce

Été 85 ★★☆☆

Menottes au poing, Alexis, seize ans, comparaît devant une éducatrice avant son jugement imminent. Quel crime a-t-il commis ?
Quelques mois plus tôt, au Tréport, il a fait la connaissance de David, son aîné de deux ans. Entre les deux adolescents, l’amitié est immédiate à laquelle s’ajoute bientôt un sentiment plus ambigu et plus puissant.

Été 85 est un film paradoxalement déroutant.

C’est un film d’un grand classicisme, d’une grande simplicité, presque un teen movie qui raconte une histoire d’amour qui finit mal entre deux adolescents – sa seule originalité étant, à supposer que cela en soit une, que les deux ados soient du même sexe. Cette histoire simple – comme l’aurait dit Sautet qui fut l’historiographe des années soixante-dix – se déroule à l’été 85, reconstitué avec un soin méticuleux. Quiconque a vécu ces années là ne pourra que ressentir une puissante bouffée de nostalgie en en retrouvant les costumes, les coiffures et la musique.

C’est ce classicisme qui paradoxalement dérange de la part d’Ozon. Le réalisateur, particulièrement prolifique, a déjà donné naissance à une oeuvre riche et diverse qui investit et qui mêle toutes sortes de genres, de la comédie ébouriffante Huit femmes au film à thèse Grâce à Dieu, du film en costumes Frantz au huis clos étouffant Swimming Pool. Dans cette filmographie immense, sans doute l’une des plus riches du cinéma français contemporain, Été 85 détonne, qui ressemble plus à la première oeuvre très autobiographique d’un jeune diplômé de la Fémis qu’au dix-neuvième film d’un des réalisateurs les plus manipulateurs qui soient.

De la part d’Ozon, on s’attendait à autre chose, et, pour dire la vérité, on s’attendait à mieux. On imaginait qu’il donnerait à cette romance un peu mièvre un tour plus surprenant, l’entraînant vers le drame ou vers la comédie. Mais rien n’arrive sinon le déroulement sans surprise d’une histoire sagement racontée.
Seul étonnement : le crime qu’a commis Alexis n’est pas celui qu’on croit. Mais j’en ai déjà trop dit…

La bande-annonce

L’Envolée ★☆☆☆

Leigh a quatorze ans. Elle vit seule avec son père depuis le départ de sa mère. Elle n’a qu’une passion : la gymnastique qu’elle pratique intensément avec un coach qui croit en son potentiel. Tandis que s’approche une compétition importante pour laquelle Leigh s’entraîne d’arrache-pied, déboule chez elle un adolescent qui s’avère être son demi-frère. La jeune fille est fascinée par ce garçon plus vieux qu’elle et l’accompagne dans ses virées nocturnes qui prennent bientôt un tour dangereux.

Des films sur la sortie de l’enfance mettant en scène les premiers émois amoureux d’une jeune adolescente mal dans son corps, on en a vus treize à la douzaine. Pour autant, on ne mégote pas son plaisir quand le treizième est réussi.

C’était le pressentiment qu’on en avait en en voyant la bande annonce. On imaginait volontiers un film quelque part entre Ken Loach pour la description d’une Angleterre à la dure et de gens de peu et Andrea Arnold pour le portrait de son héroïne (son Fish tank restant en la matière un modèle quasi indépassable). On doit avouer une certaine déception.

Car, passée la mise en place des caractères, la découverte de Leigh et de son milieu, l’arrivée de Joe son demi-frère, l’histoire fait du surplace. Les petits larcins de Joe auxquels il associe Leigh manquent d’enjeu. L’attraction incestueuse qu’éprouve la jeune fille pour son séduisant demi-frère suscite plus de gêne que de trouble.

Au final, aussi grande que fut notre disposition à s’enthousiasmer, on sort de la salle indifférent et déçu.

La bande-annonce

Malmkrog ☆☆☆☆

Dans l’hiver russe, cinq personnages discutent à bâtons rompus. Autour de Nikolaj, un riche propriétaire terrien, se sont réunis Ingrida, l’épouse d’un général, Olga, une jeune chrétienne fervente, Edouard, un libre-penseur et Madeleine, une piquante Française. La discussion, dans un français parfait, va bon train et roule sur des thèmes aussi ambitieux que la guerre, la morale et la religion.

Malmkrog est un film intimidant. Intimidant par sa durée : 3h21. Intimidant par son sujet : l’adaptation à l’écran d’un essai philosophique d’un obscur penseur russe de la fin du XIXème siècle Vladimir Soloviev. Intimidant par sa mise en scène : six scènes seulement filmées selon les cas dans de longs plans fixes savamment agencés ou dans des champs-contrechamps qui jouent sur les visages des orateurs et de ceux qui les écoutent.

Il y a deux réactions possibles à ce film.
La première est la fascination enthousiasmée face à ce discours ininterrompu aussi dense que complexe, face à cette mise en scène aussi épurée qu’exigeante.
La seconde hélas est celle de la capitulation. J’avoue avoir très vite renoncé à suivre cette logomachie philosophique autour d’enjeux qui, à supposer qu’ils passionnassent les esprits éclairés de l’époque [j’use de l’imparfait du subjonctif car Malmkrog en use et en abuse], ont perdu beaucoup de leur résonnance aujourd’hui.

Soit que je ne sois pas assez snob, soit que je ne sois pas assez intelligent, je garderai un souvenir calamiteux des 3h21 de ce film. Le zéro pointé que j’avais donné aux 2h53 de Sieranevada aurait dû pourtant me mettre la puce à l’oreille. Cristi Puiu n’est décidément pas un cinéaste pour moi.

La bande-annonce