Mon ami robot ★★★☆

Pour rompre la solitude de son appartement new-yorkais trop propret, un chien anthropomorphe prénommé DOG commande un robot prénommé ROBOT. Une amitié profonde naît progressivement qui se termine sur la plage de Coney Island où ROBOT a imprudemment accompagné DOG dans une joyeuse baignade qui a grippé tous ses rouages. Un concours de circonstances malheureux – la fermeture de la plage aux touristes, l’hiver qui vient – oblige DOG à abandonner ROBOT sur cette plage jusqu’au printemps.

Pablo Berger est un réalisateur espagnol surdoué – Blancanieves, film muet, en noir et blanc, est pour moi l’une des plus grandes claques de la décennie passée. À soixante ans, il signe son premier dessin animé. Il adapte le roman graphique de Sara Varon publié en 2007. Son action se déroule dans le New York joyeusement bigarré des années 80, dominé par la haute silhouette des Twin Towers.

Son titre français niaiseux (l’original Robot Dreams est beaucoup plus convaincant) et son affiche bon enfant ont failli me dissuader d’aller le voir, le croyant réservé aux moins de dix ans. J’aurais raté l’un des meilleurs films de l’année (passée). Car Mon ami robot est un bijou.

C’est un bijou de réalisation. Par l’économie de moyens qu’il déploie. Un graphisme 2D loin des sophistications et des surenchères auxquelles Pixar et les studios Ghibli se sentent désormais obligés de se livrer. Des couleurs pastel. Pas une ligne de dialogue. Un scénario où s’intercalent des séquences oniriques et qui reste pourtant d’une parfaite lisibilité. Des références ludiques qui réjouiront les cinéphiles à Yoyo de Pierre Etaix, au Magicien d’Oz ou à Shining.

Et surtout un message profondément universel, qui touchera les petits comme les grands. On craignait par avance une fin téléguidée. Pablo Berger évite cet écueil et nous surprend comme le dernier quart d’heure de La La Land (ce qui, sous ma plume, est un sacré éloge !). Son film parle de la séparation, amoureuse ou amicale, de la fidélité à ses promesses, mais aussi du temps qui passe et de la vie qui continue. Si vous avez envie de commencer l’année aussi bien que je l’ai achevée, courez le voir !

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Une affaire d’honneur ★☆☆☆

Le maître d’armes Clément Lacaze (Roschdy Zem) et le colonel Louis Berchère (Vincent Perez) sont d’anciens héros de guerre que tout oppose. Le premier, repu de violence, refuse les honneurs et exerce son art dans la salle d’armes dirigée par son vieil ami Eugène Tavernier (Guillaume Gallienne) ; le second au contraire se pavane en uniforme et défie en duel tous ceux qui ont l’impudence de lui tenir tête. C’est le cas notamment d’Adrien, le propre neveu de Lacaze, un jeune étudiant en médecine, épris de la fille de Berchère.

La trêve des confiseurs est riche en sucreries et pauvres en bons films. Entre Milady et plusieurs disney-niaiseries américaines interchangeables, Une affaire d’honneur, son casting alléchant et son sujet original étaient a priori le spectacle le plus intéressant de la semaine.

Je suis allé le voir dans une salle bondée, ce qui, passé le désagrément de devoir partager mon accoudoir, devrait me rassurer sur l’avenir du cinéma français. Mais, las, ma déception fut à la hauteur de mon attente.

Une affaire d’honneur se conclut sans surprise par le duel des deux héros. Pour nous faire patienter en attendant ce dénouement attendu, quatre autres duels sont organisés toutes les vingt minutes. Y participent outre le neveu précité – dont on aura déjà deviné le funeste destin – une féministe endurcie qui combat pour le vote des femmes… et leur droit de porter le pantalon (Dora Tillier) et un directeur de journal misogyne (Damien Bonnard) dont, comme de bien entendu, la goujaterie sera  punie par la féministe précitée.

S’il faut reconnaître à cette Affaire d’honneur qu’on ne s’y ennuie pas, que ses décors et ses costumes sont soignés, ce sont là ses seules qualités. Sa mise en scène n’a aucun relief. Ce film, platement chronologique, dépourvu du moindre humour, se prend terriblement au sérieux. Il sent la naphtaline et aurait pu être tourné à l’identique dans les années 80.

Ses acteurs sont engoncés dans leur caricature : Roschdy Zem, toujours excellent à condition d’être dirigé, n’a tout au long du film qu’une seule moue, celle du héros marmoréen à la violence contenue ; Dora Tillier échoue à rendre crédible un personnage anachronique, censée défendre en 1887 une cause qui n’était pas encore d’actualité ; on a connu Damien Bonnard plus convaincant dans des rôles plus denses ; quant à Vincent Perez, il confirme, si besoin en était, que son seul talent résidait dans sa beauté qui, à près de soixante ans, se fane lentement.

PS : Sur le pantalon, Une affaire d’honneur réussit en trois phrases à commettre trois erreurs. 1. Ce n’est pas une loi mais une ordonnance de 1800 qui en interdit le port aux femmes. 2. Une loi ne stipule pas ; elle dispose 3. La « loi » de 1800 n’a pas été abrogée en 2013 ; mais, à cette date, la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Benkacem, en réponse à la question écrite d’un sénateur, a constaté que, du fait de son incompatibilité avec le principe constitutionnel d’égalité et avec les engagements européens de la France, elle n’était plus appliquée ni applicable.

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L’Innocence ★★★☆

L’action se déroule dans une petite ville de province japonaise et débute le soir où un incendie, dont on découvrira plus tard l’origine criminelle, dévaste un immeuble abritant un bar pour hôtesses. Élève en classe de CM2, le jeune Minato est orphelin de père. Sa mère, qui l’élève seule, note des détails troublants qui la conduisent à mettre en cause son école, et notamment son professeur, M. Hori. Mais, la vérité se révèlera tout autre.

Dans la filiation revendiquée de Ozu, l’oeuvre pleine d’humanisme de Hirokazu Kore-Eda compte parmi les plus significatives du cinéma japonais contemporain. Elle a été consacrée par la Palme d’or à Cannes en 2018 pour Une affaire de famille. Mais son film le plus marquant est à mes yeux Nobody Knows en 2004 dont le sujet traumatisant – quatre jeunes enfants sont abandonnés pendant plusieurs mois par leur mère défaillante et se débrouillent pour survivre – m’avait durablement marqué.

Comme dans ses films précédents, L’Innocence interroge la famille et la figure du père absent – ou, dans le cas de Hoshikawa, défaillant. Il le fait avec une infinie délicatesse, mais aussi – comme c’était déjà le cas dans Une affaire de famille – en égratignant les faux-semblants de la société japonaise, son formalisme excessif, son illusion à vouloir résoudre le moindre différend par la présentation théâtralisée d’excuses outrées.

Le jeune Minato est-il la victime innocente de son professeur ? ou est-il au contraire le tourmenteur de son camarade de classe, Hoshikawa ? ou bien la réalité est-elle encore plus complexe ? Le sujet est déjà, en soi, passionnant. Mais Kore-Eda a l’intelligence – ou la rouerie – de le rendre plus passionnant encore en en sophistiquant le montage. Selon la technique dite Rashomon – du nom du film de 1950 de Akira Kurosawa qui l’utilisa le premier – les mêmes faits sont successivement revisités selon trois perspectives différentes : celle de la mère de Minato, celle de son professeur, celle enfin de Minato lui-même. Chacune ajoute à la précédente une couche de sens, révélant in fine une « vérité » autrement plus subtile que celle, binaire, qu’on avait pu imaginer.

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Maestro ★☆☆☆

Leonard Bernstein (1918-1990) est beaucoup plus célèbre aux Etats-Unis que dans le reste du monde. C’est dire la notoriété de ce compositeur de génie qui fut aussi un immense chef d’orchestre, un pédagogue hors pair et un dénicheur de talents.
Maestro prend le parti de raconter sa vie à travers sa relation avec Felicia Montealegre, une actrice chilienne qu’il épousa en 1951 et avec laquelle il eut trois enfants.

Maestro est LE film Netflix des fêtes, celui que, dans le monde entier, des millions de spectateurs ont regardé  en famille, réunis par la magie de Noël, noyés dans les vapeurs alcoolisées du (mauvais ?) champagne bu la veille et les reflux acides de saumon et de foie gras. Pour faire bonne figure, c’est donc dûment équipé de mon tube de citrate de bétaïne que je l’ai regardé entre mes deux fils avant-hier. Le premier nous a quittés au bout d’une heure ; le second m’a stoïquement accompagné jusqu’au bout. Son jugement, implacable, n’en est pas moins tombé : « décousu »

Certes Maestro est un film magistral. On sait par avance qu’il vaudra à ses deux acteurs au moins une nomination et peut-être une statuette aux prochains Oscars, sauf si Cilian Murphy (Oppenheimer) et Lily Gladstone (Killers of the Flower Moon) se mettent sur leur chemin. Co-producteur, réalisateur, co-scénariste, Bradley Cooper fait le pari réussi de singer Bernstein au prix d’un maquillage stupéfiant. Si l’Oscar du meilleur nez était attribué, il l’emporterait haut la main ! Mais c’est aussi sa voix qu’il restitue, qui nous est si familière depuis qu’on a été biberonné à sa présentation de Pierre et le loup, et qui l’est plus encore à des générations d’Américains qui l’ont entendue chaque semaine.
Quant à Carey Mulligan, certaines critiques affirment non sans motifs qu’elle est l’héroïne du film. C’est sans doute lui donner plus d’importance qu’elle n’en a. Son personnage n’en reste pas moins essentiel. Fan de la première heure depuis Une éducation qui est l’un de mes films fétiches, en passant par Drive, Shame, Loin de la foule déchaînée et She Said, je manque de l’objectivité la plus élémentaire pour la critiquer sans verser dans le dithyrambe.

Il n’en reste pas moins, comme le disait mon aîné d’un mot, que Maestro est « décousu ». Décousu dans sa forme, qui, si elle suit globalement la chronologie, s’autorise des flash forwards et des ellipses parfois déconcertantes. Un exemple : le film, sans qu’on en comprenne vraiment la raison, oscille entre le noir et blanc et la couleur, le 16:9 et le 4:3. Pourquoi ?

Décousu surtout dans le sujet qu’il entend traiter. S’agit-il du génie musical de Bernstein ? Sans doute. Bradley Cooper a apporté par exemple un soin jaloux à reconstituer mimétiquement la fameuse direction par Bernstein de la symphonie n° 2 de Mahler en 1973 dans la cathédrale d’Ely près de Cambridge. Mais, on aurait aimé en voir plus et surtout en entendre plus. Quelle frustration de passer sous silence West Side Story, le chef d’oeuvre de Bernstein, dont on ne saura rien de la composition et dont on entendra à peine quelques mesures de l’introduction.

On aura compris que le vrai sujet de Maestro est la vie privée de Bernstein, sa bisexualité revendiquée, étonnamment transgressive pour son temps. Le problème est qu’à force d’être normalisée, à force d’être « cool » (on rit volontiers quand Bernstein cajole un bambin en racontant qu’il a été successivement l’amant de sa mère et de son père), cette bisexualité n’a plus rien de problématique. Elle n’est ni douloureuse, ni enthousiasmante, pour Bernstein lui-même comme pour son épouse aimante. Elle nous devient tout simplement indifférente.

Et c’est bien le comble pour un film qui aurait dû nous transporter. Sa luxuriance nous laisse sur le bord du chemin.

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Sergent-major Eismayer ★☆☆☆

Charles Eismayer est instructeur dans l’armée autrichienne. Sa réputation le précède : un militaire implacable qui prend un plaisir sadique à maltraiter les jeunes recrues sous prétexte de les faire rentrer dans le moule. En fait, sous le masque de dureté qu’il affiche volontiers et sous l’apparence d’un bon mari et d’un bon père, Eismayer cache un secret. Il éclatera à l’arrivée de Mario Falak, un jeune engagé d’origine étrangère qui n’hésite pas à afficher son homosexualité.

Ce film autrichien est tiré d’une histoire vraie. Sponsorisé par Têtu, on en connaît par avance, au vu de son affiche et de son résumé, l’enjeu sinon le dénouement.

Il faut lui reconnaître son originalité – Le Monde écrit joliment qu’il s’agit d’un croisement de Full Metal Jacket et de Love Story – et sa sensibilité – il faut du courage pour faire son coming out dans l’institution militaire volontiers viriliste sinon homophobe. Mais Sergent-major Eismayer est écrasé par le didactisme qui le porte et tué dans l’œuf par l’absence de surprise de son scénario.

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Déménagement ★☆☆☆

Ren a onze ans. Ses parents divorcent. Elle ne le supporte pas.

Malgré le succès que sa projection à Cannes en 1993 avait rencontré, Déménagement n’était jamais sorti en salles en France. Cet oubli est réparé trente ans après, trop tard hélas pour donner à son réalisateur, Shinji Somai (1948-2001) la place qu’il aurait méritée dans le cinéma japonais entre les grands anciens (Kurosawa, Oshima, Imamura…) et la nouvelle pousse (Kitano qui l’éclipse, Miike, Kiyoshi Kurosawa, Kore-Eda…).

Sans doute, Déménagement fait-il son âge, avec ses longs travellings, le grain de son image en 16mm, son son parasité. Mais il a bien vieilli. Son histoire est de tous les temps et de toutes les latitudes, celle du divorce de deux parents et de ses répercussions sur leur enfant : Diabolo Menthe en France, Kramer contre Kramer aux Etats-Unis, ce chef d’œuvre glaçant qu’était Faute d’amour en Russie…

Le film est porté par l’énergie de sa jeune actrice, Tomoko Tabata, qui a poursuivi depuis une brillante carrière au cinéma et au théâtre et qui raconte dans Le Monde les conditions du tournage qui ne seraient plus tolérées de nos jours. Son interprétation rappelle celle de Jean-Pierre Léaud dans Les Quatre Cents Coups.

Mais hélas, Déménagement, qui dure plus de deux heures, m’a perdu dans sa dernière demi-heure où l’on voit la jeune héroïne s’égarer dans la forêt avant de se retrouver au bord du lac Biwa et d’y accepter l’inéluctable séparation de ses parents. Je comprends que ce long détour était nécessaire à l’économie du film. Mais sa longueur et sa langueur, qui contrastent avec la pétillante énergie du reste du film, ont eu raison de ma résistance.

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Augure ☆☆☆☆

Après une longue absence, Koffi (Marc Zinga) revient au Congo présenter sa compagne Alice (Lucie Debay), enceinte de jumeaux, à sa famille. Mais Koffi, qui souffre d’épilepsie et a un angiome sur la joue gauche, passe pour un sorcier chez les siens qui l’accueillent froidement. Pendant son séjour, il croisera le chemin de trois personnes frappées comme lui d’ostracisme en raison de leur originalité et de leur refus des convenances.

Le musicien et cinéaste Baloji aurait pu, pour son premier film, tourner un banal retour au pays natal. Né au Katanga, émigré très jeune en Belgique, sans doute aurait-il pu puiser dans son histoire personnelle pour le raconter. Mais il a opté pour un autre parti, plus onirique, qui s’inspire du « réalisme magique ».

Le résultat, qui fait la part belle aux costumes et à la musique auxquels Baloji lui-même a mis la main, a été salué à Cannes dont il est reparti avec le Prix de la nouvelle voix. Augure avait été choisi pour représenter la Belgique pour l’Oscar du meilleur film étranger ; mais il ne figure pas dans l’ultime liste des quinze titres restés seuls en lice.

Le résultat n’en est pas moins déconcertant. Une fois passé le choc de la rencontre avec la famille de Koffi, le scénario s’étiole dans une succession de rencontres inutiles. Avec elles, l’attention du spectateur s’évapore. Très vite, on se désintéresse du sort de Koffi et d’Alice pour sombrer dans l’ennui.

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Shttl ★★★☆

Mendele, un jeune Juif prometteur, a quitté son village en Galicie, à la frontière de la Pologne récemment occupée par le Reich, et s’est arraché à l’amour de Yuna, sa promise, pour aller étudier à Kiev. Devenu officier de l’Armée rouge, il en revient le 21 juin 1941 pour apprendre qu’un chidoukh, un mariage arrangé, va unir Yuna à son ami d’enfance, Folie, qui a versé dans l’hassidisme et renie toute forme de collaboration avec les Soviets. Le lendemain, Hitler lancera l’opération Barbarossa qui va entraîner l’invasion de ces territoires par la Wehrmacht et l’anéantissement de ses populations juives.

Shttl est une réalisation franco-ukrainienne tournée, avant l’invasion russe de 2022, à une heure de route de Kiev, dans un shtetl, un ancien village juif entièrement reconstruit pour l’occasion. Le réalisateur est français. L’équipe est largement ukrainienne. Le film est tourné en yiddish, cette langue germanique parlée par les Juifs ashkénazes que la Shoah a quasiment annihilée.

Ady Walter raconte avoir voulu parler de la Shoah sans la montrer. Sacrée gageure ! Il a eu l’idée de raconter le quotidien de ce petit village juif en faisant planer sur lui, dès la première scène, la menace d’un anéantissement imminent. Le film tout entier repose sur cette tension-là : le spectateur sait que, demain, ces êtres de chair et d’os qui se disputent sur leur avenir seront froidement exécutés par l’envahisseur nazi.

Ady Walter raconte avec une grande fidélité historique les tensions qui traversent un petit village juif d’Europe orientale. Deux voire trois courants s’y opposent. Le premier, bundiste, voit dans l’occupation soviétique et la collaboration une opportunité, une ouverture possible à la modernité. C’est Mendele qui l’incarne dans le film. En réaction, le deuxième, profondément réactionnaire, revendique le repli identitaire, le refus de toute hybridation, la défense de la pureté hassidique. Folie en est dans le film la figure presque caricaturale Un troisième se fait lentement jour – qui s’attire l’hostilité des deux premiers – qui voit dans la constitution en Palestine d’un Foyer national juif la seule issue possible à l’insoluble tension née de la confrontation du bundisme et du hassidisme.

Ces débats historiques et politiques sont aussi passionnants qu’ardus. Ady Walter fait le pari audacieux de ne pas les simplifier dans un manichéisme réducteur – par exemple dans la façon dont il se refuse à caricaturer l’antisémitisme ukrainien mais à montrer au contraire l’interpénétration des populations et des idiomes (le personnage de Damian, l’ami ukrainien de Mendele, est particulièrement intéressant à ce titre).
Il évite le piège du didactisme en optant pour une forme audacieuse et très efficace. Shttl est filmé en plans-séquences virevoltants, la caméra toujours en mouvement, suivant à la trace ses héros qui arpentent le village en tous sens. Ce choix technique confère une énergie folle au film qui donne l’impression d’être tourné en temps réel. Elle culmine dans la scène finale, qui ne nous surprend guère mais qui ne nous sidère pas moins.

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Légua ★★☆☆

Dans un petit village du nord du Portugal, une belle maison est entretenue par Emilia, une vieille domestique acariâtre. Ana, la quarantaine, l’assiste. Le mari d’Ana est un maçon  qui la pousse à émigrer en France pour y trouver plus d’opportunités. Le fils d’Ana a déjà quitté le nid familial et sa fille est sur le point de le faire. Mais quand la santé d’Emilia décline, Ana, avec une fidélité indéfectible, reste à ses côtés pour l’accompagner dans ses derniers jours.

J’ai rarement vu affiche plus mal choisie que celle de ce film. On y voit de dos l’héroïne, Ana, au milieu d’une vallée sauvage, noyée dans la brume. On en escompte un film où la nature jouera un grand rôle alors qu’au contraire l’essentiel de Légua se déroule entre quatre murs.

Le sujet du film est rude. Il traite de la fin de vie. Le mot évoque les débats politiques sur le droit à mourir qui entourent le projet de loi promis par le président Macron. Pourtant à aucun moment, durant la lente agonie d’Emilia, le sujet n’est évoqué. C’est la mort simplement que Légua regarde en face. La mort nue, lente, inexorable. Celle qui attend nos proches – ou qui les a emportés déjà – notre père, notre mère, notre compagne ou notre compagnon…

Abandonnée à elle-même, sans famille ni amis, Emilia n’a qu’Ana pour l’aider. Ana pourrait se dérober. Rien ne la lie à son aînée, avec laquelle la relation n’était pas spécialement chaleureuse, qui ne lui a jamais manifesté beaucoup d’amitié, sinon le métier qu’elles ont exercé ensemble. Ana accepte pourtant sans mot dire, malgré l’incompréhension des siens, cette tâche bien ingrate. Le film est long, éprouvant, qui nous montre les efforts silencieux d’Ana pour égayer Emilia, la nourrir, la baigner, la langer….

On sort de la salle le moral dans les chaussettes en se demandant si on aura ce courage, cette humanité et en se demandant aussi qui les aura pour nous…

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The Survival of Kindness ★☆☆☆

Une femme noire en haillons est prisonnière d’une cage au milieu du désert. Elle réussit à s’en échapper. Le monde autour d’elle a été dévasté par une terrible maladie contagieuse. Les rares survivants se protègent avec des masques à gaz. Les populations blanches poursuivent inlassablement les gens de couleur et les exécutent sans sommation.

Le réalisateur Rolf De Heer – qui a réalisé en 1993 Bad Boy Bubby qui restera à jamais gravé dans ma mémoire – raconte que le confinement l’a empêché de réaliser le film à gros budget qu’il était sur le point de tourner. Son équipe et lui ont été contraints de travailler à un projet plus modeste, impliquant moins d’acteurs et moins de moyens.

Le résultat est pourtant loin d’être minimaliste. The Survival… nous fait traverser des paysages spectaculaires, depuis le désert de l’Australie méridionale jusqu’aux montagnes de Tasmanie. Comme les grands films post-apocalyptiques (Mad Max, Terminator, La Route, The Walking Dead…), il crée une « atmosphère », décalée et inquiétante.

Une fois campé le décor, le film post-apocalyptique a deux ressources, éventuellement cumulables. La première, la plus banale, est de raconter une histoire, comme n’importe quel film d’action. C’est ce que font les grands classiques du genre que je viens de citer. La seconde, plus difficile à manier, est de revenir sur les causes de l’apocalypse. C’est ce que fait magistralement La Planète des singes dans son ultime plan saisissant – peut-être le meilleur « dernier plan » de l’histoire du cinéma (avec celui de Psychose ?) – ou L’Armée des douze singes.

Le défaut de The Survival… est de ne faire ni l’un ni l’autre. L’histoire qu’il raconte peine à débuter et, quand elle débute enfin, s’avère bien ténue. Quant à éclairer les circonstances qui ont conduit le monde dans l’état qu’il est, il renonce paresseusement à nous éclairer. Sa fin m’a laissé pantois. Je n’y ai rien compris. Vos lumières, en commentaires ou en DM, me seront précieuses.

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