La (Très) Grande Évasion ★☆☆☆

Yannick Kergoat est un monteur reconnu (il a obtenu le César du meilleur montage en 2001 pour Harry, un ami qui vous veut du bien) passé à la réalisation. Documentariste engagé à la gauche antilibérale, il avait réalisé en 2012 Les Nouveaux Chiens de garde qui dénonçait la collusion entre les médias français et le pouvoir politique.

L’évasion fiscale est pour lui un sujet rêvé pour dénoncer les tares du capitalisme et stigmatiser un bouc émissaire : les ultra-riches et les multinationales dont les sommes faramineuses cachées dans les paradis fiscaux échappent à l’impôt et ne financent pas l’école, l’hôpital, l’aide sociale, dont l’immense majorité des citoyens a si cruellement besoin. S’il n’y a pas d’argent magique – une citation d’Emmanuel Macron, horresco referens, dont on comprend mal le lien avec le sujet – il existe en revanche, à en croire Yannick Kergoat, un remède magique : venir à bout de l’évasion fiscale.

Pour traiter de ce sujet complexe, Yannick Kergoat, aidé au scénario par le journaliste d’investigation Denis Robert qui avait révélé le scandale Clearstream, essaie d’être pédagogue et drôle. Il multiplie les infographies et les courtes saynètes animées et exhume des archives des vidéos, des photos ou des petites phrases qui ridiculisent ceux qui les prononcent (voir Jérôme Cahuzac parader dans un événement consacré à la lutte contre la fraude fiscale est en effet rétrospectivement croustillant) et mettent les ricaneurs de son côté.

Le principal défaut de son documentaire est son manichéisme. Il y a d’un côté les entreprises multinationales qui cachent leurs profits dans des paradis offshore pour éviter l’impôt. Ils ont pour complices la classe politique dont les discours volontaristes ne suffisent plus à masquer la passivité. Face à eux se dressent quelques lanceurs d’alerte vertueux, journalistes, juges, économistes, qui semblent détenir le monopole de la vertu…. mais qui pourtant échouent avec une belle constance à endiguer le Mal.

L’autre défaut de ce documentaire militant est qu’on n’y apprend pas grand chose, malgré sa durée – près de deux heures. Un exemple parmi d’autres : que répondre aux multinationales qui, pour se défendre du procès en évasion fiscale instruit contre elles, invoquent la pratique parfaitement légale de « l’optimisation fiscale » ? L’une – la fraude – serait illégale ; l’autre – l’optimisation – ne le serait pas. Cette dernière serait-elle blâmable pour autant car « immorale » ?

La bande-annonce

Les Années super 8 ★★☆☆

Les Années super 8 montre les images muettes tournées par Philippe Ernaux entre 1974 et 1981 de sa femme Annie et de leurs deux fils, Eric et David, sur la caméra super 8 que le couple venait de s’offrir.
Si l’idée du film et sa réalisation sont antérieures à l’attribution à l’écrivaine du prix Nobel de littérature, sa sortie sur les écrans coïncide opportunément avec le discours qu’elle a prononcé samedi dernier à Stockholm pour sa réception.

Les Années super 8 filme une famille ordinaire, ses moments heureux et festifs : les anniversaires, les réunions de famille, les vacances au bord de la mer, les voyages au long cours… Il apporte sa pierre à une sociologie encore à faire de la bourgeoisie française sous Giscard, de son mode de vie, de sa consommation culturelle, de ses lieux de vacances. On pense aux travaux d’Ivan Jablonka et au livre dans lequel il raconte ses vacances en camping-car avec ses parents dans les 70ies-80ies.
À quelques années près, j’ai le même âge que les enfants d’Annie Ernaux et ma mère a le même âge qu’elle. Avec une nostalgie toute particulière, j’ai retrouvé dans ces films super 8 le même grain que dans les photos prises par mes parents et pieusement conservées dans l’album familial, avec la photocopie de mes bulletins scolaires. J’ai retrouvé aussi les mêmes habits hideux que ceux que nous portions : les cols roulés aux couleurs criardes, les shorts en éponge, les sandalettes….

Mais Les Années super 8 ne filme pas n’importe quelle famille. Annie Ernaux est devenue une grande écrivaine consacrée par le prix littéraire le plus prestigieux au monde. Ces images banales n’auraient pas eu une telle publicité si elle n’y figurait pas. Les voir aujourd’hui, c’est évidemment porter sur elle un regard rétrospectif et regarder cette belle jeune femme d’une trentaine d’années, semblables en tous points à tant d’autres, comme la future prix Nobel qu’elle n’était pas encore.

Les bobines de films captent des moments exceptionnels de la vie quotidienne, qui elle n’avait pas de raison d’être filmée. Pourtant, Annie Ernaux n’y est jamais gaie. Elle arbore toujours une mine grave et triste, de laquelle il est trop facile d’inférer aujourd’hui qu’elle réfléchit au grand-oeuvre qu’elle est en train de commencer à écrire : elle publie Les Armoires vides, son premier roman, en 1974, et La Femme gelée, son troisième, qui hâtera son divorce, en 1981. On ne peut non plus s’empêcher de regarder ces images en sachant que la famille idyllique qui y est filmée va exploser avec ce divorce que l’on sait fatal.

Sur les images muettes de ces années, Annie Ernaux a écrit un texte qu’elle lit de sa belle voix grave. On y retrouve ce qui fait la profondeur de ses livres : la beauté de son style, la simplicité de ses mots… On est frappé par la froideur clinique avec laquelle elle se regarde et regarde les autres. Quand elle parle de son mari, qu’elle désigne systématiquement par les mots « Philippe Ernaux », il n’y a jamais aucune tendresse, même quand elle évoque son décès d’un cancer de la gorge.

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Falcon Lake ★★★☆

Bastien a treize ans. « Bientôt quatorze » ajoute-t-il dans le désir de se vieillir d’une année à cet âge charnière. Il vit en France et vient passer ses vacances dans une cabane perdue au fond des Laurentides au Québec. Ses parents et lui y retrouvent une amie et sa fille, Chloé, qui vient d’avoir seize ans. Entre les deux adolescents s’installe vite une complicité ambiguë.

Charlotte Le Bon, une actrice québécoise qu’on regrette de ne plus avoir vue depuis longtemps à l’écran, passe derrière la caméra pour son premier film. Elle s’est inspirée de Une sœur, un roman graphique de Bastien Vivès (l’auteur de Polina qui avait déjà été adapté à l’écran), dont l’action se déroulait en Bretagne. Elle en transpose l’action dans les Laurentides où elle passa toutes ses vacances pendant son enfance. Elle y filme, comme on en a déjà tant vu, une initiation amoureuse entre deux adolescents. Mais elle le fait avec une immense sensibilité.

Bastien et Chloé ont trois ans d’écart. Mais un monde les sépare. Lui entre dans l’adolescence ; elle est sur le point d’en sortir. Il ne se passe pas grand chose dans ce film qui ne quitte guère le petit chalet au fond des bois où les estivants se sont installés et le lac avoisinant où ils vont se rafraîchir. Pas grand chose jusqu’à son dénouement aussi surprenant que logique.

Plane au dessus de Falcon Lake une ombre menaçante. Une légende urbaine – ou plutôt forestière – voudrait qu’un fantôme qui s’y est jadis noyé hante ses berges. Cette légende a beaucoup impressionné Chloé qui, avec le goût, vaguement gothique, du paranormal qu’ont parfois les ados à cet âge, s’essaie à reconstituer, avec l’aide de Bastien, des scènes morbides et à les photographier.

Joseph Engel, que Louis Garrel avait déjà dirigé dans L’Homme fidèle et dans La Croisade, interprète à la perfection la confusion des sentiments, la peur du sexe et son attrait, l’enthousiasme des premières fois et les déchirements qu’elles provoquent. La révélation Sara Montpetit lui donne la réplique.

Couronné par le prix Louis-Delluc du premier film, Falcon Lake malgré son apparente modestie fait souffler un vent frais dans le genre pourtant essoré du coming-of-age movie.

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Nos frangins ★★☆☆

Quelques mois à peine après la mini-série qui lui était consacrée, Malik Oussekine, bastonné à mort par la police dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, en marge des manifestations étudiantes contre le projet de loi Devaquet, revient en tête d’affiche. Une affiche qu’il partage avec un autre Arabe, tué le même soir que lui par une bavure policière aussi scandaleuse, mais dont la mémoire collective n’a pas retenu le nom : Abdel Benyahia.

Le réalisateur Rachid Bouchareb tisse une œuvre qui peut se lire comme la construction de la mémoire d’une identité maghrébine en France. Indigènes (2006) racontait l’histoire des  grands-parents, tirailleurs algériens et goumiers marocains, venus combattre en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Hors-la-loi (2010) évoque les parents, engagés pour l’indépendance de l’Algérie. Nos frangins, dont le titre lui a été inspiré par la chanson « Petite » de Renaud (« Cicatrices profondes pour Malik et Abdel / Pour nos frangins qui tombent… ») est un mausolée érigé à ces frères qui n’aspiraient qu’à s’intégrer et qui furent les victimes d’un « racisme ordinaire » qui le leur refusait.

Rachid Bouchareb sait y faire. Son film est haletant. Il entremêle des images d’archives qui ressuscitent une époque, celle de mon adolescence qui garda à jamais le souvenir de ce drame. Car Malik Oussekine est un nom qui résonne à nos oreilles et que nous n’avons pas oublié.

Deux personnages et deux acteurs sortent du lot. Le premier est Samir Guesmi, décidément un des plus doués de sa génération, dans le rôle pourtant silencieux et ingrat, du père d’Abdel Benyahia, d’abord incrédule et bientôt pétrifié par le chagrin. Le second est Raphaël Personnaz – qui est ex aequo avec Anaïs Demoustier l’acteur le plus sexy que je connaisse – dans le rôle fantomatique – et créé de toutes pièces par les scénaristes – d’un inspecteur de l’IGS

Le parti, on l’a dit, de Nos frangins est de réhabiliter la mémoire d’Abdel Benyahia. Ce parti est louable. Mais il nuit à la cohérence d’un scénario qui aurait gagné à se focaliser sur l’étudiant assassiné rue Monsieur-le-Prince.
On découvre, avec son frère (Rada Kateb), stupéfait de cette découverte, que Malik était en train de se convertir au catholicisme et qu’il souhaitait devenir prêtre. Soit. Mais cela importe-t-il vraiment ? Plus intéressant aurait été d’approfondir les conséquences de ce crime : les marches silencieuses organisées dès le lendemain, le retrait du projet Devaquet et la démission du ministre de l’enseignement supérieur, la récupération de cette affaire par François Mitterrand qui lui permettra dix-huit mois plus tard d’être facilement réélu, les conséquences sur le mouvement étudiant et sur toute une génération de militants (Jean-Christophe Cambadélis, Julien Dray, David Assouline…).

Nos frangins présente, à mes yeux, un dernier défaut. Il voudrait nous faire croire que le crime de Malik Oussekine est toujours d’actualité alors que trente-six ans ont passé. L’intégration des immigrés maghrébins s’est améliorée et même si le « racisme ordinaire » n’a pas disparu, les crimes abjects commis à l’époque ne sont plus de mise. Le projet de loi Devaquet a certes été retiré ; mais la sélection à l’entrée des études universitaires et la concurrence entre universités ont finalement été instaurées. Quant aux violences policières, dont le film voudrait nous faire croire qu’elles perdurent, en signalant que les brigades motocyclistes démantelées après l’affaire Oussekine ont été réinstaurées pour lutter contre les Gilets jaunes, elles ont été significativement réduites grâce à l’effet conjugué d’une formation plus stricte, d’une déontologie aux manquements sévèrement sanctionnés et d’une exposition médiatique qui ne permet plus de les cacher.

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Les Pires ★★★☆

Gabriel (Johan Heldenbergh), un quinquagénaire flamand, a décidé de tourner son premier film, un drame social, dans une cité HLM de Boulogne-Sur-Mer. Au terme d’un long casting, il a recruté quatre gamins Lily, Ryan, Jessy, Maylis pour tenir les rôles principaux de son film.

Lise Akoka et Romane Guéret sont directrices de casting et coaches d’enfants. Elles ont l’expérience des castings sauvages, de la détection des talents, de la gestion parfois délicate de ces personnalités souvent explosives. Elles avaient réalisé ensemble un court métrage en 2016, Chasse royale, qui se focalisait sur le casting. Les Pires parle, lui, du tournage proprement dit.

Et il le fait avec une infinie justesse. Une justesse qui provient précisément de la direction de ces jeunes acteurs dont on imagine combien elle fut délicate : il s’agissait pour les réalisatrices de faire jouer à ces enfants des rôles d’enfants en train de jouer des rôles !

Parmi les quatre, deux crèvent l’écran. L’interprète de Ryan, le blondinet de l’affiche, dix ans à peine, une boule d’énergie toujours sur le point d’exploser. Et l’interprète de Lilly, quinze ans, belle comme un cœur, affolante Lolita d’une sensualité alarmante à un âge aussi jeune. À l’un comme à l’autre, on souhaite un brillant avenir. Mais il ne faut pas oublier les deux autres : l’interprète de Jessy qui ressemble tant à Benoît Magimel et celle de Maylis qui cache derrière sa moue boudeuse une homosexualité qu’elle n’ose pas assumer.

L’autre réussite du film est la façon dont il décrit le tournage. Les précédents sont écrasants, à commencer par La Nuit américaine de Truffaut, référence indépassable du film sur le film. Les deux réalisatrices savent faire preuve d’auto-dérision dans le portrait qu’elles dressent du réalisateur, Gabriel, et de l’équipe technique qui l’entoure. Elles font également preuve de lucidité en montrant les limites vers lesquelles on tangente en poussant les acteurs, surtout lorsqu’ils sont si jeunes et si fragiles, dans leurs retranchements. Et elles n’ignorent pas la question éthique qu’un tel tournage pose : ne risque-t-il pas de stigmatiser encore un peu plus des quartiers et des populations qui le sont déjà beaucoup ?

Grand prix de la section Un certain regard à Cannes au printemps dernier, Les Pires est pour moi le meilleur film de la semaine sinon du mois. Sa dernière scène ferait pleurer les pierres et ne m’a pas laissé de marbre…

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Les Bonnes Etoiles ★☆☆☆

Une jeune femme abandonne, par une pluvieuse nuit d’été, son bébé dans une « baby box » à Busan en Corée. Au lieu d’être recueilli par l’association charitable dont c’est le rôle, ce bébé est kidnappé, par deux filous, Dong soo, un enfant trouvé lui aussi, et Sang-hyeon (Song Kang-Ho, le héros de Parasite, dont l’interprétation ici lui a valu le prix d’interprétation masculine à Cannes), le propriétaire d’un pressing au bord de la faillite. Poursuivis par deux policières qui les traquent en attendant de les arrêter en flagrant délit et bientôt rejoints par la mère du bébé, prise de remords, Dong soo et Sang-hyeon prennent la route pour vendre le bébé à un couple en mal d’adoption.

Le dernier film d’Hirokazu Kore-eda mettait l’eau à la bouche. On avait adoré les précédents films de ce grand réalisateur japonais, en particulier Nobody Knows (2004) sur une nombreuse fratrie abandonnée par sa mère et condamnée à survivre tant bien que mal sans elle. Une affaire de famille recevait la Palme d’or en 2018, une distinction qui récompensait autant sinon plus une œuvre tout entière qu’un seul film.

Les Bonnes étoiles – dont le titre prend un parti beaucoup plus bienveillant que son titre original, « Broker », un terme anglais nettement plus péjoratif, qui désigne un courtier ou un intermédiaire – explore une fois encore un thème cher à Kore-eda : la famille. De qui sommes-nous les enfants ? De nos parents biologiques ou de ceux qui nous ont élevés ? À longueur de films Kore-eda ressasse la même question, dont il faut reconnaître que la réponse ne fait guère de doute : les liens de l’affection ne sont pas moins puissants que ceux du sang.

J’attendais énormément de ces Bonnes Etoiles. Je n’en ai été que plus amèrement déçu. J’avoue avoir été perdu par un scénario inutilement compliqué, qui multiplie les fausses pistes. Plus grave : alors que je pensais pleurer des rivières, je n’ai pas été ému un seul instant, même pas dans cette dernière demi-heure que les critiques m’avaient promise lacrymale à souhait. Est-ce le signe que j’ai un cœur de pierre ? que je suis passé à côté du film ? qu’il vaut moins que ce qu’on en dit ?

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Museum ★☆☆☆

Yonathan Levy est allé à Auschwitz Birkenau. Il n’en est pas revenu avec les images vues et revues du porche d’entrée d’Auschwitz I (avec l’inscription Arbeit Macht Frei), du mirador d’Auschwitz et des rails de chemin de fer qui y mènent, de la cheminée d’une chambre à gaz ou des montagnes de lunettes conservées dans le musée et immortalisées par Alain Resnais dans son documentaire Nuit et Brouillard.
Yonathan Levy s’est intéressé aux touristes qui visitaient Auschwitz et à eux seuls. C’est eux qu’il filme et surtout c’est eux dont il enregistre les propos triviaux ou décalés.

Ce changement de focale était terriblement stimulant sur le papier. Il annonçait une sociologie des visiteurs d’Auschwitz : qui sont-ils ? qu’attendent-ils de cette visite ? Il annonçait surtout une analyse de leurs réactions : comment réagissent-ils à ce choc ?

Hélas, la première question n’est pas abordée. On ne saura rien du profil type d’un visiteur d’Auschwitz : de quel pays vient-il ? quel âge a-t-il ? pourquoi vient-il visiter Auschwitz : parce que l’un de ses membres de sa famille y a été tué ? parce qu’il s’intéresse à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ? parce qu’il passe des vacances dans la région ?

Quant à la seconde, la réponse qui y est donnée est vite décevante et répétitive. Les visiteurs d’Auschwitz – comme tous les visiteurs de n’importe quel musée au monde – sont moutonniers et bêtes. Pour en rajouter une louche, Yonathan Levy les a filmés en plein été, à une époque de l’année où leur nombre très élevé fait ressembler les couloirs du musée d’Auschwitz à ceux de la gare Saint-Lazare aux heures de grande affluence et où leur tenue débraillée, tongs et T-shirts, détonne dans un lieu aussi solennel. Le même contraste déplaisant aurait sauté aux yeux à Saint-Pierre de Rome ou sur l’île de Gorée.

Les bribes de dialogues qu’il a captées – mais qu’une mauvaise prise de son l’a obligé à post-synchroniser en studio – sont croustillantes, au point de constituer une collection de « perles » d’un goût parfois douteux. Les unes sont triviaux : « j’ai perdu mess clés » « il faudra faire du change » « j’ai renversé ma bouteille de Coca ». Les autres, franchement malaisantes, frisent le négationnisme : « pourquoi y a-t-il tant de photos si le lieu était top secret ? ». Tous laissent transpirer la déception de ne rien « voir » à Auschwitz, posant la question fondamentale : que va-t-on « voir » à Auschwitz ?

Bien entendu, il n’y a rien à dire à Auschwitz. La seule réaction appropriée est le silence et le recueillement voire le sanglot que ne peut contenir la jeune fille émue aux larmes filmée dans le dernier plan du film. Il était intelligent de clore le documentaire avec ce plan-là ; mais on peut interroger le choix, partisan, d’avoir filmé une jeune fille drapée dans un drapeau israélien comme si le chagrin suscité par la visite d’Auschwitz était l’apanage d’une seule nation.

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