Split ★★☆☆

Trois adolescentes sont kidnappées et séquestrées. Leur gardien est affecté de graves troubles de la personnalité.

Shyamalan, roi du twist
J’étais allé voir « Sixième sens » le jour de sa sortie, en 2000, sans rien connaître de son réalisateur, ni de son intrigue. Arrivé à dix minutes de la fin du film, je me disais qu’il s’agissait d’une sympathique série B, hésitant à lui mettre une ou deux étoiles maximum. Quand soudain… BOUM ! M. Night Shyamalan clôturait son film par un twist final ahurissant, qui en modifiait radicalement le sens – et en rehaussait considérablement l’intérêt.

Le twist devint la marque de fabrique de ses films, au risque de l’y condamner. « Incassable », « The Village » valaient surtout par leur étonnant dénouement.

« Split » – qui n’a rien à voir avec la Croatie – est lui aussi désormais célèbre pour son twist final.

Du coup, on passe tout le film à l’attendre. On devient parano, voire schizophrène. Une moitié de notre esprit suit le film, admire l’étonnante prestation de James McAvoy, s’angoisse du sort qu’il réserve à ses otages. Une autre cherche derrière chaque image, chaque mot, chaque scène, un indice pour le mettre sur la voie de ce twist tant attendu.

Moi-même, sûr d’être plus malin que tout le monde, avais pensé l’avoir identifié dès les premières scènes. D’ailleurs mon intuition aurait fait un excellent twist (à suivre en mp). Mais, l’honnêteté m’oblige à confesser que je me trompais.

Alors ce twist ? Évidemment je ne le révèlerai pas. Pas tant pour vous priver du plaisir de le découvrir que du plaisir de l’attendre.

Je m’explique : ce twist est très décevant.
Je n’y ai d’abord rien compris. Après quelques lectures (le film est sorti depuis plusieurs mois aux États-Unis et les articles qui spoilent ce fameux twist sont désormais légion), je l’ai enfin compris.
Premier problème : ce n’est pas vraiment un twist. Ce n’est pas vraiment une révélation qui pousse à reconsidérer le film sous un tout autre chose.
Second problème : il suppose une culture cinématographique que je n’ai pas et dont je ne suis pas sûr que tous les spectateurs la possèdent.

Du coup, « Split » se réduit à l’attente excitante d’un twist frustrant. Un peu comme si on décollait vers la Croatie sans jamais y atterrir.

La bande-annonce

Chez nous ★★★☆

Dans le Pas-de-Calais, au pied des terrils, Pauline (Emilie Dequenne) déploie une infatigable énergie pour exercer la profession d’infirmière à domicile, élever seule ses deux enfants et s’occuper d’un père malade et ancien communiste. Sa popularité auprès des petites gens conduit le docteur Berthier (André Dussolier), un cadre du Bloc, à lui proposer de prendre la tête de liste aux prochaines élections municipales.

On a trop souvent dit que le cinéma français répugnait à se saisir des questions politiques les plus contemporaines pour ne pas se précipiter voir « Chez nous ». La circonstance que le Front national ait lancé une campagne diffamatoire contre ce film lui reprochant tout à la fois d’être un navet financé par les impôts du contribuable et un complot ourdi par « l’établissement » pour saper les chances de Marine Le Pen de remporter l’élection présidentielle ne peut que renforcer la sympathie spontanée que « Chez nous » suscite.

Cette curiosité n’est pas déçue. « Chez nous » est un bon film, qui soutient de bout en bout en bout l’intérêt et qui mérite trois étoiles. Il est servi par l’interprétation exceptionnelle de Emilie Dequenne, qui joue le rôle pas facile de la brave fille sympathique, un peu godiche, qui se laisse prendre aux miroirs aux alouettes du Front national – pardon du « Rassemblement national populaire ». Elle incarne à merveille le « Français moyen ». Travailleuse méritante, elle ne comprend pas que sa patiente marocaine puisse obéir à son mari qui refuse qu’elle soit examinée par un homme gynécologue. Venue de la gauche, mais écœurée par la classe politique (« PRAFiste » – comme « plus rien à faire » – pour reprendre la riche expression de Brice Teinturier), elle a depuis longtemps cessé de voter. Elle se laisse séduire par les raccourcis simplistes du programme frontiste et l’illusion d’exercer des responsabilités concrètes à la tête d’une mairie.

Jusque-là, le film est parfait qui dénonce les poisons que distillent le Front national auprès d’une France rongée par la peur du déclassement. Mais hélas, les scénaristes, pas assez sûrs d’eux pour nourrir leur film de ce message trop abstrait, ont voulu le lester d’une dimension plus dramaturgique. Avec le personnage de Stankowiak (Guillaume Gouix), dont Pauline tombe amoureuse, c’est la face sombre du Front national qui est mise en lumière : ses groupuscules néo-nazis, où il recrutait jadis ses militants mais dont il cherche à se distancer pour ne pas ternir son image, ses services d’ordre musclés, les ratonnades qu’il inspire…

Sans doute le Front national possède-t-il une face sombre qu’il faut dénoncer sans relâche. Mais ne voir qu’elle, c’est oublier le plus important et le plus dangereux. En en faisant le sujet de son film, Lucas Belvaux manque sa cible.

La bande-annonce

Noces ★★★☆

Zahira a dix-huit ans. Elle vit en Belgique avec son père, sa mère, son frère aîné et sa sœur cadette encore adolescente. À cheval entre deux cultures, elle est à l’aise dans l’une comme dans l’autre : elle fait ses cinq prières chez elle et n’est pas la dernière à s’amuser et à sortir avec ses amis du lycée.
Zahira est enceinte. C’est un drame. Pour elle. Pour ses parents auxquels elle ne cache pas son état. Mais ce n’est pas la fin du monde pour cette famille aimante.

Avortera ? Avortera pas ? Se mariera ? Se mariera pas ? Le scénario de Noces est remarquable qui maintient sur toute la durée un suspense.

Car Noces n’aurait pu être qu’un documentaire sur l’intégration difficile d’une jeune fille musulmane en Occident. Une sorte de Fatima belgo-pakistanaise. Cette seule dimension aurait suffi à faire l’intérêt de ce film. Très documenté, il répond à la question : comment peut-on être Pakistanais(e) en Belgique ? Comment concilier sa culture d’origine et celle du pays d’émigration ? Noces répond à ces questions à travers deux dialogues bouleversants, qui frisent la rigidité théâtrale sans y succomber. Le premier entre le père de Zahira et le père de sa meilleure amie se conclut par un constat douloureux d’incommunicabilité. Le second entre Zahira et sa sœur aînée, mariée contre son gré mais désormais heureuse en ménage, est tout aussi intelligent et tout aussi bouleversant.

Mais Noces ne se réduit pas à sa dimension documentaire. Noces est une tragédie grecque pleine de rebondissements. Elle a pour héroïne Zahira. Lina El Arabi est de tous les plans. C’est une révélation. Comme la Rosetta des frères Dardenne, son énergie est le moteur du film. À plusieurs reprises, on pourrait penser que le film va s’achever, une fois apportées les réponses aux questions posées. Mais une nouvelle question surgit. Jusqu’à la conclusion, aussi surprenante par sa violence que logique par son inéluctabilité.

Dans un paysage très encombré par le nombre de sorties, au milieu de films dont j’attendais beaucoup et qui m’ont déçu (Split, Lion, Certaines femmes…), Noces est le film-surprise de la semaine. Mon coup de cœur.

La bande-annonce

Lion ★★☆☆

Saroo, cinq ans, se perd dans un train qui l’emmène à des milliers de kilomètres de chez lui. Il se retrouve à Calcutta sans famille. Recueilli dans un orphelinat, il est adopté par une famille australienne. Vingt ans plus tard, il plonge dans ses souvenirs pour retrouver ses origines.

D’après une histoire vraie. Mieux : d’après une incroyable histoire vraie promet l’affiche ! « Lion » (un titre plus approprié pour un documentaire animalier que pour l’autobiographie d’un orphelin indien) est l’adaptation du livre de Saroo Brierley « A Long Way Home ». Il a séduit les Oscars qui l’ont six fois nominé et fait pleurer l’Amérique- je serais curieux de savoir l’accueil qu’a reçu ce film en Inde.

Difficile de rester insensible au traumatisme d’un garçonnet perdu dans l’Inde immense et à sa joie de retrouver sa famille au terme d’une longue quête (non ! ce n’est pas un spoiler ! toutes les critiques l’évoquent !)

Le problème de « Lion » est qu’entre ces deux moments, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Rien que de très convenu dans la description de Calcutta, mégapole multimillionnaire filmée à hauteur d’enfant : des policiers violents qui chassent les gamins des rues, un pensionnat insalubre où l’on devine les obscurs trafics qui s’y trament à la nuit tombée.

Un autre film commence quand Saroo arrive en Tasmanie dans sa famille d’accueil. Il a désormais les traits de Dev Patel, qui a la peau trop blanche et l’accent trop anglais pour incarner crédiblement le jeune orphelin monté en graine. On lui adjoint une fiancée, Rooney Maria, impeccable mais strictement décorative. Plus intéressant est le personnage de la mère adoptive qui donne deux scènes bouleversantes à Nicole Kidman. L’occasion pour elle de nous rappeler, malgré les ravages de la chirurgie esthétique, quelle grande actrice elle est. C’est le moment hélas où le film s’encalmine, les scénaristes ayant été incapable de donner de la vie à un personnage qui surfe sur Google Earth pour retrouver les paysages de son enfance.

La scène finale arrachera évidemment des larmes à un crocodile. Elle flirte trop avec la téléréalité pour ne pas laisser un sentiment de malaise.
Une publicité mensongère voudrait nous faire croire que « Lion » est de la même veine que « Slumdog Millionaire ». On en est loin.

La bande-annonce

Les Derniers Parisiens ★★☆☆

Nas (Reda Kateb) vient de sortir de prison. Son frère aîné, Arezki (Slimane Dazi), gère un bar à Pigalle. Nas aimerait lui donner une autre dimension et en faire un haut lieu de la nuit.

« Les Derniers Parisiens » est un film original à plus d’un titre.

Commençons par son titre. Et son affiche intemporelle comme on n’en fait plus depuis les années 50.

Évoquons ses deux réalisateurs, les rappeurs d’origine togolaise et algérienne du groupe La Rumeur, passés derrière la caméra.

Signalons – quoi qu’elles n’aient rien d’originales – l’excellente prestation de Reda Kateb, comme d’habitude parfait de justesse, et celle de Slimane Dazi, qu’on a déjà vu cent fois mais dont on sera désormais impardonnable d’oublier le nom – Mélanie Laurent, en revanche, est nettement moins à sa place.

Venons-en enfin au scénario, aux frontières du documentaire et de la fiction. Le héros du film, c’est Pigalle, ou plutôt ce qu’il en reste. Pas de plans complaisants sur les sex shops ou sur les files de touristes qui prennent d’assaut le Moulin-rouge. Pas non plus d’armes à feu ou de poursuites en voiture. Mais la nostalgie du temps où les macs et les voyous portaient beau. Hamé et Ekoué filment, caméra à l’épaule, le déclin de ce monde à travers l’histoire de deux frères que tout oppose : Arezki rêve de se ranger, Nas de se venger.

« Les Derniers parisiens » c’est un peu comme si les frères Dardenne filmaient la chute de « Bob le flambeur ».

La bande-annonce

Certaines femmes ★★☆☆

Laura (Laura Dern), la cinquantaine, est avocate dans une petite ville du Montana. Elle est harcelée par un client désespéré qui ne parvient pas à toucher de son assurance l’indemnité qui lui est due suite à un accident du travail.
Gina (Michelle Williams), la quarantaine, construit avec son mari une maison dans un champ désertique et sollicite un voisin pour qu’il lui cède de vieilles pierres.
Jamie (Lily Gladstone), la petite trentaine, travaille dans un ranch et tombe amoureuse de Beth (Kristen Stewart), une jeune avocate qui arrondit son salaire en donnant des cours du soir.

L’écrivain français Pierre Michon avait signé un recueil de nouvelles intitulées « Vies minuscules ». Ce titre aurait fort bien convenu au film de Kelly Reichardt, adapté de trois nouvelles de Maile Meloy (non traduites en français). Comme le livre de Pierre Michon, « Certaines femmes » raconte trois pans de vie minuscules. La construction est périlleuse : la mode des films à sketches est passée depuis longtemps et la juxtaposition de trois histoires conduit immanquablement à s’attacher à l’une plus qu’aux autres.

Indépendantes les unes des autres, ces trois histoires ont, à y regarder de plus près, beaucoup en commun. Elles ont toutes trois le même cadre : les plaines enneigées du Montana d’où transpire une ineffable tristesse. Ce paysage hivernal était déjà celui des précédents films de Kelly Reichardt, tous tournés dans l’Oregon proche.
Elles ont des héroïnes similaires : des femmes ordinaires confrontées aux défis ordinaires d’une vie ordinaire

Ces histoires flirtent avec l’insignifiance. C’est ce qui fait la beauté du film ; c’est ce qui constitue aussi sa principale limite.
Car de deux choses l’une. Soit on se laissera séduire par la petite musique triste que « Certaines femmes » distille. Soit on s’ennuiera ferme devant un refus si radical de toute dramaturgie.

La bande-annonce

American Honey ★☆☆☆

Star a dix-sept ans. Elle étouffe dans la misère crasse des petits blancs, obligée d’élever un frère et une sœur dont leur mère se désintéresse. Sur un coup de tête et sur un coup de cœur, elle quitte tout pour suivre Jake. Avec une bande de jeunes de son âge, Star sillonne l’Amérique.

American Honey est le quatrième film de la réalisatrice britannique Andrea Arnold. J’avais adoré les trois premiers et tout particulièrement Fish Tank, le portrait d’une adolescente en pleine rébellion.

Star est la cousine d’outre-Atlantique de Mia, l’héroïne de Fish Tank. Mais hélas son personnage est bien moins attachant que ne l’était celui de la jeune Anglaise. Pour trois raisons.

La première est la fadeur de l’interprétation de Sasha Lane, une inconnue… qui aurait dû le rester. Si Shia LeBoeuf joue à merveille le rôle du voyou canaille, la soi-disant jeune fille révoltée se contente de bader Jake avec des yeux de merlan frit du début à la fin du film.

Le deuxième est la minceur de l’intrigue. Star partage la vie d’une bande de jeunes qui arnaquent des Américains crédules en leur vendant des abonnements à des magazines. Cette joyeuse bande de paumés est cornaquée par Krystal, une mère maquerelle, à peine plus âgée qu’eux, mais qui possède une autorité naturelle que personne n’ose contester. Cette situation était riche de potentialités. Andrea Arnold refuse de les exploiter. L’intrigue n’avance pas.

La troisième est la longueur interminable de ce road movie que rien ne justifie : deux heures quarante trois. Il aurait pu durer une heure de plus – ou une heure de moins – sans que son équilibre n’en soit altéré.

« American Honey » est un road movie qui fait du surplace.

La bande-annonce

A Cure for Life ★☆☆☆

Broker à New York, Lockhart (Dane DeHaan) est envoyé par sa banque en Europe pour y retrouver un associé. Celui-ci semble avoir perdu la raison alors qu’il suivait une cure dans un établissement situé au cœur des Alpes suisses.

Après la trilogie « Pirate des Caraïbes », Gore Verbinski démontre qu’il a un vrai talent personnel. « A Cure for Life » vaut en effet par sa réalisation bluffante, qui vire parfois à l’esbroufe. Gore Verbinski et son chef opérateur ont réussi à construire un décor étonnant : un château néo-gothique, qui n’est pas sans rappeler par sa localisation celui de Louis II de Bavière, au sommet d’une montagne alpine. Dans ce château règne en maître un Dracula suisse : le docteur Volmer qui, avec un mélange de politesse mielleuse et de détermination froide, interdit à ses patients de quitter son établissement. Ses couloirs sont filmés comme des salles des machines dans une iconographie steampunk intemporelle.

Quel mystère cache-t-il ? Sans doute le pressent-on rapidement. Pour autant, cela ne gâche pas le plaisir sadique qu’on prend à voir Lockhart échouer encore et encore à s’échapper. Le film aurait été bien meilleur s’il s’était arrêté quinze minutes avant sa fin. Il sacrifie hélas aux règles d’un épilogue hollywoodien grand-guignolesque qui en affadit considérablement l’oppressante ambiance.

La bande-annonce

Rock’n Roll ★★★★

Guillaume Canet a quarante-deux ans. Une journaliste lui fait remarquer qu’il est de moins en moins « rock’n roll ». La jeune actrice (Camille Rowe, la top model de la pub Poison girl) qui partage l’affiche de son prochain film ne la contredit pas. La star française, assaillie par l’angoisse, va chercher par tous les moyens à vaincre les outrages du temps.

J’ai adoré ce film. Pour trois raisons. La circonstance que je traverse moi même depuis quinze ans au moins une persistante crise de la quarantaine ne sera pas ici développée.

La première, la plus importante peut-être, est que j’y ai beaucoup ri. Ri aux situations gaguesques dans lesquelles notre héros, en quête d’une seconde jeunesse, se retrouve. Ri aux apparitions, dans leur vrai rôle de Johnny Hallyday, de Kev Adams ou de Gilles Lellouche. Ri au virage complètement farfelu que prend le film dans son dernier tiers. Difficile d’en dire plus sur cette transformation bogdanovienne sans déflorer l’intrigue.

La deuxième est qu’il faut un sacré culot pour tourner un film pareil. Guillaume Canet va très loin dans l’auto-dérision. Il fait l’aveu de sa peur de vieillir comme Woody Allen fait rire de sa peur de mourir ou Beigbeder de sa peur d’aimer. La démarche pourrait sembler nombriliste. Elle ne l’est qu’en apparence. Car loin de se donner le beau rôle et de conclure son film par une morale toute faite (« la vieillesse, c’est dans sa tête », « vieillir c’est s’accepter »), Guillaume Canet ose aller au bout de la logique de son personnage.

La troisième est le jeu des acteurs auxquels on demande l’exercice difficile de jouer leur vrai rôle. On parle beaucoup de celui de Marion Cotillard qui passe la première moitié du film à s’exprimer en québécois pour préparer le prochain Dolan. On oublie son interprétation toute en nuances durant la seconde moitié, véritable déclaration d’amour à son conjoint parti en vrille.

Sans doute « Rock’n roll » ne mérite-t-il pas vraiment les quatre étoiles que je lui attribue. Mais, les occasions de rire aux éclats sont suffisamment rares pour ne pas m’autoriser une telle générosité.

La bande-annonce

Loving ★★☆☆

L’État de Virginie, ainsi que seize États du Sud des États-Unis, a longtemps interdit les unions interraciales. C’est seulement en 1967 que la Cour suprême, saisie par les époux Loving, a censuré cette législation.

La question raciale ne cesse d’interroger le cinéma américain. Quelques semaines après The Birth of a Nation, quelques jours avant Fences de Denzel Washington ou I am not your Negro de Raoul Peck, c’est au jeune réalisateur surdoué de Take Shelter, Mud et Midnight special de filmer l’un des procès les plus célèbres de l’histoire constitutionnelle des États-Unis.

Le problème de Loving est que, précisément, Jeff Nichols se désintéresse du procès auquel il consacre à peine quelques minutes. Il ne dit rien des arguments juridiques échangés de part et d’autre ou des débats qui se sont tenus devant la Cour suprême. Nous n’apprendrons rien non plus sur le combat pour les droits civiques qui agite la société américaine des années 60.

Le sujet du film, le seul, c’est celui que le titre et l’affiche du film annoncent : l’amour qui unit les bien-nommés Mr and Mrs Loving. L’argument est puissant, quasiment irréfragable : si la loi prohibant le mariage interracial est injuste, c’est tout simplement parce que Richard et Mildred Loving s’aiment.

Joel Edgerton, une masse de muscles taiseuse constamment occupée de ses mains, et Ruth Negga, une « brindille » rayonnante qui dit tout haut ce que son mari pense tout bas, sont l’un et l’autre parfaits dans leurs rôles – même si leur couple trop sage ne produit pas d’étincelle. Ce n’est donc pas eux qu’on blâmera pour le manque d’ambition de ce film qui, à force de se resserrer sur son sujet, à force de priver les personnages secondaires de toute existence, finit paradoxalement par en briser le bel élan.

La bande-annonce