Zahia Ziouani s’est fait une place et un nom dans un milieu éhontément masculin. Elle est cheffe d’orchestre. Elle a créé l’Orchestre symphonique de Stains en Seine-Saint-Denis qui compte soixante-dix instrumentistes, se produit chaque année devant plus de cinquante mille spectateurs et mène des actions de sensibilisation à la musique classique vers des publics défavorisés.
Ce destin édifiant aurait pu nourrir un documentaire. Marie-Castille Mention-Schaar, dont les précédents films débordaient déjà de bonnes intentions (Les Héritiers sur le devoir de mémoire, Le ciel attendra sur la radicalisation, A Good man sur la transidentité…), s’en est emparée pour signer une fiction.
Comme dans ses précédents films, elle y est terriblement efficace…. et pathologiquement prévisible. Aucune surprise depuis la bande-annonce jusqu’à la dernière scène – qui a la prétention d’en être une alors que la toute première la laissait prévoir.
Aucun lieu commun ne nous est épargné. Zahia (Oulaya Amamara aussi à l’aise avec une baguette que moi sur des patins à glace) accumule les handicaps : c’est une femme, une Arabe, immigrée de deuxième génération, originaire du 9-3 honni. Un ami réactionnaire et néanmoins très drôle me glisse à l’oreille : eût-elle été lesbienne et unijambiste, elle aurait eu le prix Nobel Santo subito. Mais elle peut compter sur l’amour de son père (Zinedime Soualem), un travailleur humble qui, malgré son absence de diplôme, lui a transmis le goût de l’étude et de la musique, sur la complicité de sa sœur (Lina El Arabi) et sur la confiance d’un grand maestro (Niels Arestrup) pour franchir, à force de courage, de travail et de talent, tous les obstacles dressés devant elle.
Dès les premières images où l’on accompagne Zahia et sa sœur Fettima, dans la classe de terminale, option musique, d’un prestigieux lycée parisien, qu’elles viennent d’intégrer, les lieux communs se ramassent à la pelle. Les élèves, blancs, friqués, maniant des codes qu’eux seuls maîtrisent, leur réservent un accueil goguenard. Leur coqueluche, auquel le pupitre de chef d’orchestre est promis, s’appelle Lambert…. Lallemand (sic).
L’écueil de ce film n’est pas seulement sa prévisibilité. C’est aussi sa bien-pensance.
Elle est littéralement asphyxiante. Circonstance atténuante ou aggravante : tout le cinéma français semble aujourd’hui contaminé par ce mal. Le scénario de Divertimento paraphrase d’autres films récents construits exactement sur le même principe. Sorti en 2018, Au bout des doigts mettait en scène Lambert Wilson dans le rôle d’un professeur de musique décidé à donner sa chance à un génie du piano mal dégrossi. Ténor avait pour héros un jeune banlieusard passionné de rap qu’une professeur de chant à l’Opéra-Garnier (Michèle Laroque) convainc de se consacrer à l’art lyrique. Neneh Superstar, le mois dernier, mettait en scène une petite fille noire déterminée à devenir petit rat de l’Opéra. On voit ces temps-ci la bande-annonce de Sage-Homme avec Karin Viard qui glorifiera la formation d’un jeune Maghrébin à l’obstétrique. Aspirant scénariste : si vous voulez être produit, il faut renoncer à toute ambition et écrire l’histoire d’une Erythréenne excisée, contrainte à l’exil par la guerre qui sévit dans son pays, qui devient championne d’échecs en France, après avoir traversé la Méditerranée au péril de sa vie, et qui, dans la scène finale, a le courage de faire son coming out en déclarant sa flamme à sa coach.
Avant de conclure cette critique assassine, que d’aucuns jugeront à raison excessive et réactionnaire, l’honnêteté m’oblige à reconnaître un point. Les films de Marie-Castille Mention-Schaar – et celui-là comme les précédents – sont sacrément efficaces. Je n’ai pas été le dernier à verser ma larme devant le courage de Zahia et à partager sa joie devant le travail accompli. Aussi aurais-je mauvaise grâce à jeter la pierre aux amis qui ont eu raison d’insister pour que j’aille le voir, fût-ce plusieurs semaines après sa sortie, malgré mes réticences initiales.
La bande-annonce