Inquiet d’une tache qu’un premier IRM a révélée, le célèbre essayiste Fabrice Toussaint (Denis Podalydès) en passe un deuxième dans un grand hôpital parisien. Il y croise le professeur Augustin Masset qui lui fait visiter le service de soins palliatifs qu’il dirige. Il lui raconte les patients qui y ont défilé. Entre l’homme de lettres et le médecin pétri d’humanisme, une amitié se noue.
Même s’il est des films plus adaptés à une soirée de Saint-Valentin (Bridget Jones 4 dans la salle d’à côté affichait complet), je tenais à aller voir Le Dernier Souffle. À ça deux raisons. La première : l’immense renommée de Costa-Gavras, le cinéaste franco-grec dont l’oeuvre aura marqué le siècle (Z, L’Aveu, Missing, Amen…). La seconde : son sujet, la fin de vie qui, comme tout un chacun, m’interroge, partagé entre deux philosophies opposées, la stoïcienne qui prône d’y penser chaque jour pour mieux s’y préparer, l’épicurienne qui au contraire recommande de n’y penser jamais et de la laisser advenir le moment venu.
Quelle ne fut pas ma déception ! Costa-Gavras est parti du livre co-écrit par Régis Debray et Claude Grange. J’irai lire ce court essai de 130 pages à peine. Je fais confiance au bouillant philosophe – qui fut quelques mois conseiller d’Etat par le fait du Prince avant de considérer que le métier était trop ardu pour le modeste prestige qui y était associé – et au grand médecin pour avoir eu un échange de haute tenue. Costa-Gavras, auquel on ne saurait reprocher de ne pas être un grand réalisateur, échoue hélas complètement à en tirer un film.
L’incarnation de ces deux hautes figures est une catastrophe et une bouffonnerie. Denis Podalydès, immense acteur s’il en est, joue l’hypocondriaque, hanté par la mort qui vient, flottant dans la blouse blanche trop grande que lui fait porter le professeur Masset. Kad Merad est plus mauvais encore. Il livre une prestation plus exécrable que dans le dernier Lelouch. C’est dire… Chaque ligne de ses dialogues trop écrits est prononcée d’une voix sentencieuse, avec un demi sourire censé symboliser à la foi une profonde sagesse et une infinie bienveillance.
Le film est construit autour de plusieurs cas. On voit défiler militairement quelques visages connus, dont on se dit qu’ils ont accepté de passer un jour ou deux sur le plateau par amitié ou par admiration pour le réalisateur nonagénaire : Charlotte Rampling, un spectre cadavérique soucieux de garder jusqu’au bout sa dignité, Françoise Lebrun, pleine d’une sagesse inspirée de la philosophie bouddhiste, Hiam Abbass, épouse aimante, exigeant contre toute raison la poursuite pour son mari d’un traitement inutile, Agathe Bonitzer, une jeune femme incapable d’accepter l’injustice de sa mort précoce, Ángela Molina, matriarche gitane droite comme un i, Karin Viard, cancérologue compatissante, etc.
Si, pendant vingt minutes, on se dit que le film part sur une mauvaise voie mais que son sujet n’en demeure pas moins passionnant (des dimensions rarement évoquées de la fin de vie y sont traitées, notamment le rôle déterminant de l’entourage familial, bénéfique ou maléfique selon les cas), cette accumulation de courtes scènes caricaturales, tellement artificielles, si mal interprétées, devient vite ridicule. Au point que l’envie débilitante et rarissime de quitter la salle m’a pris.
Si le sujet de la fin de vie vous intéresse – et Dieu (!) sait qu’il est intéressant – allez plutôt voir le dernier Almodovar, De son vivant avec l’excellent Benoît Magimel, l’adaptation du roman de Emmanuèle Bernheim, Tout s’est bien passé, le déchirant Blackbird ou, le meilleur de tous, Quelques heures de printemps.