In the Summers ★★★☆

Vicente a deux filles. Leur mère a obtenu leur garde et les élève en Californie. Mais chaque été, Violeta et Eva prennent l’avion pour le Nouveau-Mexique et viennent passer quelques semaines de vacances chez leur père.

In the Summers est le premier film, tourné sans stars, d’une réalisatrice américano-colombienne qui a puisé dans ses souvenirs d’enfance. Sa bande-annonce m’avait laissé craindre le pire : l’incontournable rédemption d’un père qui réussira à combattre les démons qui le rongent pour retrouver l’amour de ses filles qu’il aime si fort.

Mais, primé à Deauville et à Sundance, In the Summers est autrement plus subtil que le pathos gluant que je m’étais inventé.

Sur la forme : avec quasiment aucune indication de lieu (même si on parvient à comprendre que l’action se déroule dans une petite ville perdue du Nouveau-Mexique proche de la frontière) ni de temps, In the Summers laisse lentement se deviner son sujet : raconter une relation père-filles à travers quatre étés passés ensemble, sans rien dire des (longues) périodes qui les séparent. Lors du tout premier, Eva et Violeta sont encore des fillettes d’une dizaine d’années à peine. Lors du quatrième, elles sont devenues adultes.

Sur le fond : In the Summers est beaucoup plus ambigu qu’une happy end story. Il doit sa justesse à son personnage principal interprété par René Pérez Joglar alias Residente, rappeur portoricain connu sur la scène musicale, qui se révèle un acteur étonnant. Dès la première scène, au soin maniaque qu’il prend à rapetasser sa maison pour y recevoir ses filles, on perçoit son anxiété, son souci de bien faire, sa peur que ses addictions à l’alcool et à la drogue ne reprennent le dessus. On ne dira rien de plus sur la façon dont sa relation avec ses filles évolue d’un été à l’autre, sachant qu’on en a déjà peut-être trop dit en évoquant l’absence de happy end. Disons simplement que le film réussit à nous surprendre en évitant les rebondissements les plus convenus.

Dépourvu de tout pathos et de toute complaisance, In the summers surprend par l’originalité de sa construction et par la justesse de son ton.

La bande-annonce

Le Rire et le Couteau ★★★☆

Sergio est un ingénieur embauché par une ONG pour réaliser en Guinée Bissau l’audit environnemental d’un projet de route censée désenclaver l’arrière-pays mais traversant une mangrove fragile. Ce jeune trentenaire taiseux rejoint son affectation en voiture, à travers le Sahara. Il découvre progressivement son travail et son environnement.

Le Rire et le Couteau a été projeté à Cannes dans la section Un certain regard. Sa durée est hors normes : trois heures trente. Je me plains trop souvent de l’obésité de certains films pour ne pas souligner que cette durée est, ici, parfaitement appropriée. Car elle nous laisse le temps de pénétrer un univers et de nous débarrasser de nos préjugés.

Le parcours de son réalisateur, Pedro Pinho, engagé dans la militance altermondialiste, et les interviews qu’il a données autour du film pouvaient laisser craindre une charge en règle contre le post-colonialisme et ses avatars capitalistes. Mais heureusement, son film évite le piège du manichéisme.

Loin d’opposer pied à pied les Noirs et les Blancs, les gentils et les méchants, Le Rire et le Couteau prend le temps d’analyser les relations qui se nouent autour de Marcello dans toute leur complexité. Il jette un regard d’une rare intelligence sur la « situation postcoloniale », pour reprendre le titre du livre séminal de Marie-Claude Smouts qui m’a nourri dans l’écriture de « La France en Afrique » (c’était le moment #Autopromotion !)

Le Rire et le Couteau interroge le sens de l’action humanitaire en Afrique. Est-elle utile ? ou donne-t-elle au Blanc bonne conscience ? les deux répond le film qui a l’intelligence d’examiner la question sous plusieurs aspects, en filmant par exemple la tournée en brousse d’une bande d’humanitaires blondinets interrogeant les habitants sur l’usage qu’ils font des latrines impeccables qui leur ont été livrées.

Il interroge aussi le sens du progrès. La route que Sergio construira bouleversera l’écosystème des paysans ; elle encouragera aussi l’exode rural ; mais elle facilitera l’accès aux villes, la commercialisation des productions, l’évacuation sanitaire des malades…

Sergio se rend sur un chantier situé en plein désert. De vieux Portugais y sont employés comme contremaitres. Ils vivent loin de leur famille, avec pour seule motivation l’appat du gain. Leur dur labeur est interrompu par quelques beuveries et par des sorties au night-club du village du coin tenu, mondialisation oblige, par une maquerelle chinoise.

Le Rire et le Couteau explore aussi le domaine de l’intime et ici encore propose de dépasser les frontières. Bisexuel, Sergio va faire deux rencontres. Gui, un travesti brésilien, moustachu et poilu, venu en Guinée Bissau à la recherche de ses racines africaines. Et Diara, une auto-entrepreneuse débrouillarde, reine de la nuit, perruquée, maquillée et piercée.

Après trois heures trente, Le Rire et le Couteau se termine en épingle à cheveux, sans répondre aux questions en suspens. On trouvera à bon droit cette issue frustrante habitué qu’on est à l’usage qui veut qu’un film se close sur lui-même. Mais celui-ci ressemble à la vraie vie qui, pour le meilleur et pour le pire, ne donne pas toujours les réponses aux questions qu’elle lance.

La bande-annonce

I Love Peru ★★☆☆

I Love Peru est un « mockumentaire », un documentaire parodique tourné par Raphaël Quenard et son pote Hugo David. Inconnu il y a quelques années à peine, Quenard est omniprésent depuis cinq ans sur les écrans et a tourné dans une trentaine de films. Avec son phrasé si particulier, sa gouaille et son sens de la répartie, il est devenu rapidement célèbre grâce au César de la meilleure révélation masculine qui lui a été décerné début 2024 pour Chien de la Casse puis ses rôles dans Yannick, Le Deuxième Acte (un de mes coups de cœur de 2024) ou L’Amour ouf (idem). Il endossera bientôt le rôle de Johnny dans le biopic que lui consacrera Cédric Jimenez.

Projeté à Cannes, sorti sur les écrans cette semaine, I Love Peru a été accueilli par une critique quasi-unanime : Raphaël Quenard a du talent, il sait être drôle, son humour auto-dépréciatif fait souvent mouche…. mais son documentaire tourne vite en rond et verse trop souvent dans une vulgarité malaisante.

Je n’aurai pas la dent si dure. Quenard m’est spontanément sympathique. Loin de m’horripiler, il m’amuse. J’ai franchement ri à ses outrances quand bien même elles tangentent dangereusement, voire transgressent sans vergogne, le politiquement correct. Son « documenteur » aurait-il été plus long, je l’aurais peut-être trouvé trop bavard et trop égocentrique. Mais il a la politesse de ne durer qu’une heure neuf à peine.

La bande-annonce

Other ★☆☆☆

Le brutal décès de sa mère oblige Alice (Olga Kurylenko) à revenir dans sa maison d’enfance, perdue au cœur de la forêt du Minnesota, pour y régler les formalités administratives. Elle replonge dans les souvenirs de son enfance traumatisante. Elle se retrouve prise au piège de cette maison qui semble hantée par une mystérieuse créature.

Sortent sur les écrans à flux régulier des films d’épouvante ou d’horreur destinés à un public d’adolescents et de jeunes adultes : The Ugly Stepsister, Sinners, Destination Finale Bloodlines, Companion, Speak No Evil, pour ne citer que les plus récents… Ils font de bons résultats au box office, ce qui explique la prospérité du genre. Mais ils ne révolutionnent que rarement le cinéma, sauf cas exceptionnels (The Substance, Nope, MaXXXine…).

Pourquoi diable me suis-je laissé piéger à aller voir Other ? La faute sans doute à une programmation faiblarde en ce début d’été. La faute aussi à Olga Kurylenko dont je suis tombé sous le charme depuis Quantum of Solace.

Toujours est-il que j’ai perdu mon temps au milieu d’une foule de spectateurs beaucoup plus jeunes et indisciplinés que ceux, CSP ++, amateurs de films en N&B moldo-slovaques, avec lesquels j’ai l’habitude de frayer.

Passée la première demi-heure et le suspense qu’elle installe, le reste du film, tourné dans la banlieue de Bruxelles mais qui pose au thriller made in USA, est une enfilade de jump scares déplaisants. Son affiche et son titre rappellent ceux de Split et laissent augurer une héroïne schizophrène. J’avais parié qu’on découvrirait que les cauchemars qu’elle vit étaient le produit de son cerveau malade. Pour m’avoir fait perdre ce pari, je donne à Other une étoile qu’il ne mérite pas et lui évite le « coup de gueule » qu’il aurait mérité de la part du vieux critique démodé que je suis.

La bande-annonce

Islands ★★★☆

Tom (Sam Riley) est prof de tennis dans un club de vacances aux Canaries. Il tape la balle avec quelques touristes, s’alcoolise en douce, fréquente la boîte de nuit locale et fait parfois des heures sup dans le lit d’une de ses élèves. Cette routine délétère est brisée par l’arrivée d’un jeune couple de riches Anglais au bord de la rupture. Séduit par Anne (Stacey Martin), Tom leur sert de guide sur l’île jusqu’au soir où Dave (Jack Farthing), son époux, disparaît mystérieusement. La police mène l’enquête et suspecte Anne.

Islands est un film d’un réalisateur allemand tourné en Espagne avec des acteurs anglais. Parce que son héros est un joueur de tennis (et que Sam Riley, massif et élancé, en a  parfaitement la silhouette), parce qu’il se déroule sous un soleil insolent, parce qu’il baigne dans une sensualité lourde, il m’a fait penser au récent Challengers avec ses trois acteurs jeunes, sportifs et triolistes. Mais Islands regarde ailleurs, du côté des polars élégants de Patricia Highsmith et de leur adaptation par René Clément (Plein Soleil) ou Anthony Manghella (Le Talentueux Mr Ripley) voire des films de Hitchcock et de ses mystérieuses héroïnes blond platine que rappelle Stacey Martin.

La bande-annonce de Islands, qui dévoile une grande partie de son histoire, comme mon résumé s’est autorisé à le faire, laisse à penser qu’il s’agit d’un vulgaire thriller balnéaire. Mais Islands est plus dense que cela. La disparition de Dave et l’enquête menée par la police n’en constituent pas le cœur. Le sujet est ailleurs, ce qui explique la fin à tiroirs de ce film qui dépasse les deux heures : c’est Tom qui en est le seul héros et la vie qu’il mène, semblable à celle du crooner de Rimini de Ulrich Seidl ou de l’hôtesse de l’air interprétée par Adèle Exarchopoulos dans Rien à foutre. Dans un lieu paradisiaque, éphémèrement traversé par des touristes de passage, c’est une coquille vide qui s’est absentée du monde pour fuir on ne sait quoi et qui se laisse lentement mourir.

La bande-annonce

Des feux dans la plaine ★☆☆☆

Dans une ville anomique du nord-est de la Chine, frappée par la crise industrielle, les chauffeurs de taxi sont en 1997 la cible d’un mystérieux tueur en série. Un policier, Jiang, espère piéger le meurtrier en se faisant passer pour un chauffeur de taxi. Une jeune fille, Li Fei, passionnée de dessin, rêve de quitter cette région déprimée pour le sud de la Chine. Son amoureux, Zhuang Shu, est en conflit avec son père qui s’enrichit sur le dos des ouvriers licenciés. Huit ans passent et le meurtrier court toujours.

Chef opérateur sur les films de Diao Yinan (Black Coal, Ours d’or à Berlin en 2014, Le Lac aux oies sauvages), Zhang Ji a adapté un roman de Shuang Xuetao, traduit en anglais mais inédit en France. Il fait partie d’un mouvement artistique, la « renaissance Dongbei » qui, dans la littérature, la musique et le cinéma, évoque le déclin industriel de la Mandchourie et le mal-être de ses habitants.

Des feux dans la plaine ressemble à ces petits polars poisseux qui nous venaient de Chine dans la seconde moitié des années 2010 : Un été à ChangshaLes ÉternelsUne pluie sans fin… Il n’a plus le parfum de nouveauté dont ces films étaient entourés. Son scénario est particulièrement difficile à suivre. Cette opacité interroge le spectateur occidental qui se demande si elle est la conséquence d’une volonté revendiquée du réalisateur ou si c’est la façon « normale » de raconter une histoire dans le cinéma chinois.

Cette opacité donne peut-être du sel à ce polar. Mais elle en constitue aussi la principale limite. Elle exige du spectateur une attention bien mal récompensée. On sort de la salle perplexe, triste de n’avoir pas tout compris, anxieux de reconstituer tous les éléments d’un puzzle dont on a peut-être saisi l’image d’ensemble mais dont on peine à distinguer les détails. Si on était consciencieux, on irait voir une seconde fois Des feux dans la plaine ; mais on se dit que le film ne le mérite pas et on reste bien seul avec ses questions irrésolues.

La bande-annonce

L’Aventura ☆☆☆☆

Sophie (Letourneur) part en vacances en Sardaigne avec ses deux enfants, Claudine, onze ans et Raoul, trois ans. Son compagnon Jean-Philippe (Philippe Katerine) les accompagne.

Sympathique trublion du nouveau cinéma français (La Vie au ranch, Les Coquillettes), Sophie Letourneur reproduit le même dispositif que celui qu’elle avait déjà utilisé dans Voyages en Italie : utiliser ses souvenirs de vacances pour en faire la matière d’un film de fiction…. où elle se met en scène en train de réfléchir au film qu’elle va tourner à partir de ses souvenirs de vacances. Rassurez vous ! Le dispositif est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Pour le résumer méchamment : c’est l’histoire d’une réalisatrice qui se regarde le nombril en train de bronzer.

Pour faire bonne mesure, elle utilise une nouvelle fois le titre d’un classique du cinéma italien. Après Rossellini, voici Antonioni. Un troisième volet est annoncé pour clore le triptyque. Où sera-t-il tourné ? À Rome ? Dans une île grecque ? Quel titre aura-t-il ? Vacances romaines ? Mamma Mia ?

Sophie Letourneur part d’un postulat très naturaliste : nos vacances, ce sont avant tout mille petites galères, les gamins stridents, le sable qui gratte sur les sièges en skaï d’une voiture chauffée à blanc, le GPS qui nous perd, la location meublée qui ne ressemble pas à l’image qu’on s’en faisait… Bref, les vacances ne ressemblent pas aux cartes postales qu’on envoie – ou qu’on poste désormais sur nos réseaux sociaux. C’est à cette vérité-là que Sophie Letourneur s’attache.

Mais ce parti pris séduisant vire dans un radicalisme qui devient vite insupportable. De ses vacances, la réalisatrice ne nous montre que ces moments-là, stressants, exaspérants, épuisants. Pas un seul moment de répit, de bonheur. Rien n’est à sauver dans ces vacances, pas un seul coucher de soleil, pas une seule seconde de félicité à se plonger dans la Méditerranée ou à lézarder au soleil, pas une seule rencontre… Comme si ce voyage en Sardaigne se réduisait à une somme de désagréments. Tout y passe : des cacas du gamin, des crises de jalousie de la gamine, de la misanthropie de Philippe Katerine – qui ne nous fait pas rire une seule fois.

On souffre déjà suffisamment dans le TGV aux côtés du gamin insupportable de nos voisins pour ne pas avoir le masochisme d’aller au cinéma voir le même se tortiller sur son siège pendant une heure trente !

La bande-annonce

L’Accident de piano ★★★☆

Après un mystérieux accident de piano, Magali Moreau, une célèbre influenceuse (Adèle Exarchopoulos), accompagnée de son secrétaire (Jérôme Commandeur), se réfugie dans un chalet au cœur des Alpes pour récupérer de ses blessures. Un fan (Karim Leklou) a tôt de fait de la reconnaître et de la harceler. Une journaliste (Sandrine Kiberlain) a vent d’un lourd secret et menace de l’éventer si Magali n’accepte pas une interview exclusive.

Quentin Dupieux est de retour, un an tout rond après Le Deuxième Acte qui avait fait l’ouverture de Cannes et dont le culot transgressif m’avait bluffé, dix-huit mois après Daaaaaalí ! et deux ans après Yannick qui, sans m’enthousiasmer autant, étaient déjà sacrément bluffants.

Quentin Dupieux se heurte désormais à un défi. L’effet de surprise ne joue plus. Pire : son cinéma, basé sur la transgression, semble condamné à une impossible surenchère. Le risque pour lui est de sombrer dans le grand n’importe quoi. On pouvait d’ailleurs craindre avec Mandibules ou Fumer fait tousser que Quentin Dupieux y ait cédé.

Mais Dupieux réussit avec L’Accident de piano à nous surprendre, à nous faire grincer des dents et à nous faire réfléchir.

La surprise, elle vient de l’interpétation déjantée d’Adèle Exarchopoulos. On l’avait, et moi plus souvent qu’à mon tour, rangée au nombre des bimbos de service, trop sexy pour être tout à fait honnête, pas assez intelligente pour assumer des rôles plus exigeants. Ce qu’elle ose ici, dans ce rôle absolument haïssable, est sidérant. Elle a réussi à s’inventer un rictus impayable, mi hyène mi humain.

Les dents grincent devant un film dont le scénario ne recule devant aucune outrance. La misanthropie atteint des sommets. Dupieux use de la liberté que sa célébrité lui a donnée. Il s’autorise des développements qu’aucun producteur ne soutiendrait chez un réalisateur moins connu. À ce titre, pour une fois, Dupieux clôt son propos – il nous avait frustrés avec des films ultra brefs et des fins bâclées – avec des choix scénaristiques chaque fois plus radicaux que les précédents

Et nos cerveaux sont stimulés dans un film moins absurde que les précédents. Dupieux prend depuis Yannick un tour plus politique en interrogeant la question de la célébrité et en dénonçant notre culture superficielle du paraître. Magali, nous dit-on, est devenue mondialement célèbre en tournant des séquences vidéo d’une rare bêtise. Sa célébrité, loin de la responsabiliser, l’a aigrie et a aggravé son égoïsme et sa rancœur. Ses fans, incarnés par Karim Leklou et son petit frère, sont au moins aussi bêtes et aussi veules qu’elle.

Rien n’échappe à cette purge radicale. On rit beaucoup devant L’Accident de piano. On ne rit pas de gaîté de cœur. C’est un rire amer, grinçant. Mais qui a dit que le cinéma devait faire du bien ?

La bande-annonce

Rapaces ★★☆☆

Samuel (Sami Boudjila) est reporter pour Détective, un hebdomadaire spécialisé dans le fait divers, dirigé d’une main de fer par Elizabeth (Andréa Bescond) que ses collègues, Christian (Jean-Pierre Darroussin), Solveig (Valérie Donzelli) et Aubin (Stéfan Crépon), ont surnommée ironiquement maman. Avec sa fille Ava (Mallory Wannecque), étudiante en journalisme recrutée comme stagiaire à la rédaction, il est missionné dans le Nord pour couvrir un féminicide. Son reportage le conduit sur la piste d’une bande de dangereux CBistes masculinistes.

La débauche de publicité qui accompagne la sortie de ce petit film français a de quoi surprendre. Ses distributeurs espèrent avoir le même succès que La Nuit du 12, un polar sans tête d’affiche sur les violences faites aux femmes, qui a remporté en 2022 un succès inattendu public (500.000 entrées) et critique (six César dont celui du meilleur film).

Il y a loin de la coupe aux lèvres. Rapaces n’arrive pas à la cheville de La Nuit du 12. La faute à un scénario mal écrit qui se perd dans des histoires secondaires sans intérêt : qu’apportent le personnage interprété par Jean-Pierre Darroussin – aussi grande que soit la vénération qu’on voue à cet acteur impeccable – et sa mission à Chambéry sur les traces de deux jumelles dont on a tôt fait de se désintéresser ?
La faute aussi à un casting bancal. Sami Bouajila joue le personnage principal. C’est un acteur honnête. Mais il souffre d’un handicap dirimant : chacune de ses apparitions fait regretter l’absence de Roschdy Zem, qui le dépasse sur tous les tableaux. Quant à Mallory Wanecque, star montante, marchant sur les traces d’Adèle Exarchopoulos voire d’Isabelle Adjani, révélée dans Les Pires (je disais d’elle qu’elle y était « belle comme un cœur, affolante Lolita d’une sensualité alarmante ») et consacrée par L’Amour ouf, elle est trop sexy, trop maquillée, pour être crédible dans un rôle qui requérait plus de cerveau et moins de poitrine.

Au bout d’une heure, je pensais que les jeux étaient faits et que Rapaces ne valait décidément pas bézef. Quand, soudain, l’histoire m’a cloué dans un restoroute au milieu des champs (de houblon ?) dans une scène haletante, l’une des meilleures qu’il m’ait été donné de voir récemment. La scène dure une quinzaine de minutes, déséquilibre le film, mais lui donne une saveur dont sans elle il aurait été cruellement dépourvu.

La bande-annonce