Mucho, mucho amor. La Légende de Walter Mercado ★★☆☆

Walter Mercado est une star de la télévision dans toute l’Amérique latine. Ce jeune premier, originaire de Porto Rico, a commencé sa carrière au théâtre et à la télévision avant d’y présenter l’horoscope. Il y est devenu immédiatement célèbre grâce à ses accoutrements kitsch, ses décors grandioses et ses prévisions toujours bienveillantes. En 2006, Walter Mercado a brusquement quitté l’écran. Un documentaire produit par Netflix est parti à la recherche de la star.

Autant le dire sans détour : le suspense sur lequel est soi-disant bâti ce documentaire est levé dès ses toutes premières minutes. On y retrouve en 2018 Walter Mercado, vieilli, mais portant toujours beau, impeccablement maquillé, peigné et costumé, dans sa somptueuse demeure portoricaine, entouré des souvenirs kitschissimes d’une vie bien remplie. La star a quatre-vingts ans bien sonnés mais n’a rien perdu de sa radieuse énergie ni de son exubérante folie.

On apprend bien vite que son éclipse est due aux différends qui l’ont opposé à son agent, qui lui avait fait signer un contrat léonin se réservant le droit sans limitation de durée à son nom et à son image. Ce contentieux a fermé l’accès aux chaînes de télévision à Walter Mercado pendant six longues années. À quoi se sont ajoutés quelques soucis de santé. Si bien que c’est in extremis, début 2019, que la star peut inaugurer, quelques mois avant sa mort, l’exposition que lui consacre le musée d’histoire de Miami pour le cinquantième anniversaire de ses premières émissions d’astrologie.

Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans la découverte de cette personnalité hors du commun, si célèbre dans le monde hispanophone mais quasi-inconnue au-delà. Dans un environnement macho et homophobe, Walter Mercado a brisé les codes. Aussi maniéré que Liberace, aussi diva que Dalida, aussi botoxé que les frères Bogdanoff, Walter Mercado joue de son androgynie. Il refuse de répondre aux questions sur sa sexualité – même si le spectateur, à qui on ne la fait pas, n’en pensera pas moins. Les documentaristes le titillent sur l’astrologie et sur la scientificité de ses prédictions. Mercado, qu’on aurait pu suspecter de camoufler derrière ses capes et ses bijoux une bien triste arnaque, répond avec une honnêteté convaincante : il n’a jamais prétendu donner les résultats du loto mais vendre à quelques malheureux un peu de paix et beaucoup d’amour.

La bande-annonce

Seberg ★☆☆☆

En 1968, Jean Seberg (Kristen Stewart) a trente ans à peine et est déjà une star. La petite fiancée de l’Amérique, née à Marshalltown (Iowa) doit sa renommée à son interprétation de Jeanne d’Arc dans le film de Preminger – durant lequel elle fut gravement brûlée. Avec À bout de souffle de Godard, elle est devenue une icône de la Nouvelle Vague. Elle vit à Paris avec son mari, Romain Gary (Yvan Attal), dont elle a eu un fils.
Jean Seberg est aussi une femme engagée que le combat pour les droits de l’homme dans son pays ne laisse pas insensible. Adhérente au NAACP depuis son plus jeune âge, elle prend fait et cause pour les Black Panthers et leur verse des dons généreux. Ses engagements vont attirer l’attention du FBI qui la place sous surveillance. Harcelée, dénigrée, la jeune actrice va lentement glisser dans la folie.

Seberg n’est pas tout à fait un biopic. Il ne raconte pas toute la vie de Jean Seberg, mais se concentre sur quelques années bien particulières : celles de son engagement au côté des Black Panthers et de sa mise sous surveillance par le FBI.

Ce parti pris appelle plusieurs commentaires. Le premier est un regret : celui d’un choix qui laisse de côté la période la plus intéressante peut-être de la vie de l’actrice, celle des débuts de cette jeune ingénue, encore mineure, de son arrivée en France, de sa rencontre avec le flamboyant Romain Gary (la journaliste Ariane Chemin vient de consacrer un bref livre à leur mariage en catimini en 1962 dans un petit village corse).

Il appelle aussi une critique : les libertés prises avec l’histoire. Seberg a tendance à héroïser l’actrice, la transformant en pasionaria de l’antiracisme. C’est lui faire sans doute trop d’honneur. Seberg, qui était en pleine séparation avec son mari, le trompait éhontément et a eu une liaison avec Hakim Jamal, un lointain cousin de Malcom X, qui la battait et l’extorquait.

Le film est construit autour d’une seule idée : la paranoïa de Jean Seberg ne lui était pas imputable mais avait pour cause la mise sous écoute dont elle fut l’objet. Il voudrait se conclure avec une note positive, en inventant le personnage – totalement fictif – d’un agent du FBI qui, sous le poids du remords, lui dévoile le dispositif policier déployé autour d’elle. La fin de l’histoire, on le sait, est plus triste : Jean Seberg s’est lentement enfoncée dans l’alcool et dans les médicaments jusqu’à se suicider en 1979.

Seberg est une grosse production hollywoodienne portée par l’interprétation de Kristen Stewart. Yvan Attal se sort sans démériter de l’interprétation périlleuse de Romain Gary, dont il copie la barbe et les gilets. Projeté hors compétition à Venise et à Deauville en 2019, Seberg n’est jamais sorti en salles et n’est accessible qu’en VOD.

La bande-annonce

Lands of Murders ★★☆☆

Dans une région reculée de l’ancienne Allemagne de l’est tout juste réunifiée, deux inspecteurs que tout oppose, un ancien agent de la Stasi aux méthodes border line et un Allemand de l’ouest incorruptible, enquêtent sur la disparition de deux jeunes femmes. Les découvertes macabres qu’ils effectuent leur laissent augurer l’existence d’un réseau criminel à grande échelle.

Lands of murders est le remake fidèle de La Isla Minima, le thriller espagnol sorti en 2015. Il en a les qualités et les défauts. Comme lui, il prend le temps (le film dure plus de deux heures) de créer une « ambiance » glauque à souhait, en soignant les décors et les costumes. Les vues aériennes filmées en drone ne sont pas sans rappeler True Detective – dont je n’ai vu que la première saison tant j’ai entendu du mal de la deuxième – avec lequel Lands of Murders comme La Isla Minima partage le même sujet : deux flics dissemblables à la recherche d’un tueur en série.

Comme lui aussi, Lands of Murders a le défaut de raconter une histoire policière sans originalité. On a d’ailleurs l’impression que le réalisateur Christian Alvart s’en désintéresse, la bâclant dans un final convenu. Le plus intéressant était ailleurs : dans la description de cette Allemagne de l’est qui peine à s’occidentaliser, de ces périphéries asthéniques, lieu de tous les trafics qui prospèrent sur la misère crasse de la population.

La bande-annonce

The King of Staten Island ★★☆☆

Scott (Pete Davidson) a vingt-quatre ans. Il vit à Staten Island, le borough le plus calme de New York, le plus ennuyeux aussi, à une encablure de Manhattan. Même s’il s’en défend, il ne s’est jamais remis de la mort de son père, pompier professionnel, dans son enfance. Il habite encore chez sa mère, n’a d’autre projet professionnel que d’ouvrir un improbable resto-tattoo, n’ose pas s’engager dans une relation amoureuse avec une amie d’enfance. La décision de sa mère de se mettre en couple va l’obliger à prendre ses responsabilités.

Judd Apatow est de retour. Les comédies qu’il a produites (Disjonctée, SuperGrave, Mes meilleures amies), celles qu’il a réalisées (40 ans, toujours puceau, En cloque, mode d’emploi) ont marqué l’histoire du cinéma américain de ces vingt dernières années, donnant au genre une direction qu’il n’avait pas : plus régressif, plus authentique aussi. Son dernier film, Crazy Amy, remontait à 2015. On le retrouve cinq ans plus tard avec un film sorti directement sur Internet aux États-Unis, par la faute du Covid, et diffusé en salles en France à une date qui n’en a guère facilité la réception.

Dans The King of Staten Island, l’humour est moins potache, plus sombre aussi. Pete Davidson, une vedette de stand-up comedy (comme Seth Rogen ou Amy Schuster que Judd Apatow a contribué à faire connaître), y interprète un personnage très proche de lui qui a perdu son père dans l’incendie des Tours jumelles le 11 septembre 2001.

Mais comme dans ces précédents films, Judd Apatow a le don de donner à ses personnages une densité, une épaisseur uniques. Il y parvient en se donnant le temps de nous faire entrer dans leur intimité. Le film dure 2h17, un format inhabituel pour ce genre de comédie. Le revers de la médaille est qu’il souffre de baisse de rythme et qu’on s’y ennuie parfois un peu. Cet ennui n’est paradoxalement pas un défaut ; car il participe de l’expérience vécue du personnage, un « adulescent » que la vie ennuie faute d’avoir réussi à faire le deuil de son père.

Dommage que la fin – comme c’est souvent le cas des films d’Apatow finalement moins transgressifs qu’ils prétendent l’être – en soit si gnangnan.

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Just Kids ★☆☆☆

Jack, Lisa et Mathis forment une fratrie mise à mal par la mort de leur mère, frappée par une longue maladie, et la disparition de leur père. À la mort de leur père, les trois jeunes gens sont mis au pied du mur. Lisa (Anamaria Vartolomei) préfère la fuite. Jack (Kacey Mottet Klein), qui est à peine majeur, se voit confier la tutelle du petit Mathis (Andrea Maggiulli), âgé de dix ans à peine. La responsabilité est écrasante pour le jeune homme qui peine à l’assumer.

Le sujet de Just Kids est touchant. Comment une fratrie vit-elle le deuil de ses parents ? Comment un jeune majeur assume-t-il la responsabilité de son cadet ? Sujet d’autant plus touchant que le réalisateur, Christophe Blanc, nous dit qu’il est en partie autobiographique.

Le résultat hélas est bien fade et le semblera d’autant plus à ceux qui ont vu et aimé sur le même thème Amanda.

La faute n’en est pas aux deux acteurs principaux. Dans le rôle de Mathis, on découvre le jeune Andrea Maggiulli, les cheveux longs, quelques kilos en trop et une sacrée énergie. Dans celui de Jack, on retrouve Kacey Mott Klein. L’acteur a vingt ans à peine ; mais voilà bien une dizaine d’années qu’on le voit grandir sous l’œil d’abord de la Suissesse Ursula Meier (Home, L’Enfant d’en haut), d’Anne Fontaine (Gemma Bovery), d’André Téchiné (Quand on a 17 ans, L’Adieu à la nuit), de Xabi Mollia (Comme des rois) ou de Joachim Lafosse (Continuer). Les plus cinéphiles se souviendront que l’histoire de L’Enfant d’en haut où il interprétait un gamin espiègle vivant sous la seule garde de la très jeune Léa Seydoux, dont on comprendra à la fin du film qu’elle n’est pas sa sœur mais sa mère, anticipait la structure de Just Kids en diagnostiquant les relations entre un jeune adulte et un pré-adolescent.

Le problème n’est pas dans le jeu d’acteurs mais dans un scénario qui faute d’avoir grand-chose à dire le dit en prenant la tangente et en quittant Grenoble où la première moitié du film s’était déroulée. C’est d’abord une échappée belle en Espagne où Jack et Mathis vont récupérer à leur corps défendant une cargaison de jambons. Puis c’est l’installation sur la Côte d’Azur où Lisa a trouvé un job.

Devinez comment le film se termine ! Les deux frères vont lentement accepter la mort de leurs parents et Jack, mûri par l’expérience, est désormais capable d’assurer la tutelle de son cadet. Ça alors !

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Tijuana Bible ★☆☆☆

À la frontière du Mexique et des Etats-Unis, Tijuana est une ville violente rongée par la prostitution et le trafic de drogue. Nick (Paul Anderson, l’aîné des frères Shelby dans la série Peaky Blinders), un vétéran d’Irak, traumatisé par la mort de ses frères d’armes, est venu s’y enterrer vivant. Sa route croise celle d’Ana (Adriana Paz), une jeune Mexicaine qui recherche son frère, et celle de Topo (Noé Hernadez) un chef de gang sans foi ni loi.

Le réalisateur Jean-Charles Hue trace un sillon original. Ses deux premiers films, La BM du Seigneur et Mange tes morts, suivaient les pas d’une famille yéniche dans le Nord de la France. Son troisième change radicalement d’horizon et nous amène en Amérique du Nord, dans un territoire anomique que le réalisateur connaît bien pour le fréquenter depuis douze ans.

Son ambition, on le sent, est de nous faire toucher du doigt la réalité de cette ville violente et âpre. Avec son chef opérateur, il capte des jeux de lumière d’une beauté bouleversante, reflets du parcours intérieur du héros qui traque la poésie dans la fange. Il est aidé par la prestation impressionnante de Paul Anderson, dont l’interprétation à fleur de peau dans Peaky Blinders avait révélé l’immensité du talent. Nul doute qu’on tient ici une « gueule » hors pair qui, si elle sait choisir ses rôles et si Hollywood sait lui en écrire, peut espérer une carrière à la Willem Dafoe ou à la Mickey Rourke.

Mais cette visée documentaire est contredite par l’objet du film. Jean-Charles Hue signe une fiction avec un scénario. Le problème est que ce scénario est bien faiblard, même si la quête quasi-policière du fils disparu aurait dû suffire à le tendre. Sans doute aurait-il mieux fait de sauter le pas et de consacrer à Tijuana le documentaire qu’il avait envie de réaliser.

La bande-annonce

The Climb ★★☆☆

The Climb raconte sur plusieurs années, à travers sept chapitres tournés en plans séquences, l’amitié chaotique de Mike et Kyle. Les deux hommes, la petite quarantaine, ont grandi ensemble, mais ne se ressemblent guère. Kyle, un peu rondouillard, est bon comme le pain ; Mike, plus sportif (le vélo est sa passion avant de devenir son métier) est plus dépressif.
Le film s’ouvre par leur ascension en vélo du col de Vence au cours de laquelle Mike annonce à Kyle qu’il a eu une liaison avec Ava, la femme que Kyle est sur le point d’épouser.

Voilà plus d’un an, depuis sa projection à Cannes en 2019 où il a reçu le Coup de cœur du jury de la section Un certain regard qu’on attendait la sortie en salles de The Climb. La bande-annonce a été largement diffusée en février pour une sortie annoncée le 25 mars. On connaît la suite de l’histoire : le confinement la repoussait de quatre mois au 29 juillet. Le film le plus attendu du mois (de mars) devenait le film le plus attendu du mois (de juillet)

On évoquait un nouveau Woody Allen, aussi caustique que brillamment dialogué. C’est peut-être parce que je suis allé le voir avec trop d’attente que j’en ai été déçu.

J’ai trouvé The Climb bien prétentieux dans sa mise en scène. On a l’impression que le plan séquence est devenu depuis quelques années le Graal de réalisateurs en mal de reconnaissance. Ils y sont encouragés par des critiques et des spectateurs qui s’ébaubissent devant leur complexité. Autant son recours se justifie pour faire revivre en temps réel l’hystérie haletante de la survie dans les tranchées (1917 de Sam Mendes), autant on voit mal son intérêt pour raconter l’amitié entre deux Américains moyens.

Et surtout, je n’ai pas trouvé The Climb très convaincant dans l’histoire qu’il raconte.
Quel en est le sujet ? L’amitié. Quelle en est la morale ? L’amitié résiste à tout, même aux trahisons les plus radicales. Car l’amitié de Mike et Kyle va traverser bien des tempêtes. Je ne les raconterai pas pour ne pas en éventer les rebondissements – passablement crédibles. Mais j’avouerai que cette accumulation un peu répétitive de saynètes sur le même thème – la complicité oblative qui unit deux amis les oblige à une franchise destructrice – ne m’a pas conquis.

La bande-annonce

Hotel by the river ☆☆☆☆

Unité de temps, unité de lieu. Toute « l’action » de Hotel by the River se déroule, comme son titre l’annonce, dans un hôtel au bord d’une rivière glacée, en l’espace de vingt-quatre heures.
Un vieil homme y réside. C’est un poète au crépuscule de sa vie qui a été invité par le propriétaire de l’hôtel. Ses deux fils le rejoignent, qui ne cessent de se chamailler, pour passer une journée avec lui. Dans une chambre voisine, une femme seule tente de se remettre d’une récente rupture amoureuse. Une amie est venue l’épauler.

Hong Sangsoo tourne deux ou trois films par an. Celui-ci, sorti l’été dernier en France, a été bouclé en quinze jours, durant l’hiver 2018 et il vient s’ajouter à la liste déjà longue de ceux que j’ai chroniqués ici et que je continuerai à chroniquer.

Car, ma foi, comme on lit les romans de Modiano, on va voir les films de Hong Sangsoo. On va les voir parce qu’ils sont toujours précédés d’une critique élogieuse. On va les voir parce que Hong Sangsoo fait figure d’immense réalisateur coréen. Et enfin on va les voir parce qu’ils ne sont pas bien longs et que, s’ils ne nous plaisent pas, on les aura vite terminés.

Le problème est qu’on a parfois l’impression que Hong Sangsoo se fiche un peu du monde. Sans doute son noir et blanc est-il d’une grande élégance et la silhouette de ces femmes longilignes dans leur grand manteau noir sur la rivière gelée est-elle d’une infinie poésie. Sans doute aussi, la maturité approchant, Hong Sangsoo s’éloigne-t-il de ces sujets de prédilection et signe-t-il pour la première fois une réflexion sur la mort. Mais, ce film qui ne prend même pas la peine de s’éloigner de l’hôtel où ces cinq acteurs et son équipe technique étaient probablement installés, filmant à tour de rôle ses chambres sans attrait, son hall d’entrée, sa terrasse et le restaurant qui le jouxte, n’en donne pas moins l’impression d’avoir été bouclé à la va-vite histoire de tenir le rythme stakhanoviste que ce réalisateur trop prolifique s’est imposé.

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Felicità ★☆☆☆

Tim (Pio Marmaï) et Chloé (Camille Rutherford) sont de grands adulescents qui vivent à la cloche de bois. Paradoxalement, leur fille Tommy (Rita Merle) est, du haut de ses onze ans, plus raisonnable qu’eux. Son seul souci : être à l’heure pour la rentrée des classes. Le défi peut sembler bien modeste mais va s’avérer difficile à relever.

Je n’avais pas l’intention d’aller voir Felicità. Mais je me suis laissé convaincre par des critiques positives et un bouche-à-oreille enthousiaste. Et puis, avouons-le, en ces périodes de basses eaux post-Covid, alors que le robinet de Hollywood reste désespérément fermé, c’est l’occasion de donner sa chance au cinéma français.

J’attendais un vent léger, un conte enjoué, une réflexion décalée sur la parentalité portée par un trio d’acteurs irrésistibles. Je serais bien ingrat d’affirmer ne pas les avoir trouvés. Mais, je serais trop indulgent en prétendant en avoir été emballé.

La faute à un scénario qui enferme cette famille hors norme dans une journée de vingt-quatre heures où quelques événements sans grand intérêt se bousculent pour nous offrir un condensé de sa vie. La pauvreté, pour ne pas dire l’indigence, de cette trame scénaristique, nous empêche de nous attacher à cette famille que nous aurions pourtant tant aimé aimer.

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Abou Leila ★☆☆☆

1994. Un homme est abattu dans les rues d’Alger.
Deux autres traversent en voiture le Sud algérien. L’un, sous médicaments, est dans un sale état, les nuits peuplées de cauchemars, les jours plongés dans un brouillard nébuleux. L’autre inlassablement le soigne et l’encourage. On comprend qu’ils sont flics et qu’ils traquent Abou Leila, l’auteur du meurtre commis à Alger.

Abou Leila est un film ambitieux. Il voudrait évoquer la décennie noire en Algérie – qui opposa le gouvernement aux islamistes et fit environ une centaine de milliers de victimes – à travers la paranoïa d’un homme. La thèse est simple et forte : la guerre civile a fait basculer l’Algérie et sa population dans la folie. Elle est illustrée avec une maîtrise impressionnante pour un premier film. Le travail du son est en particulier remarquable. Les paysages du Sahara offrent au dernier tiers du film un écrin majestueux et presque trop écrasant.

Mais Abou Leila a le défaut de s’étirer en longueur. Le film dure deux heures et quinze minutes. Il aurait aisément pu être amputé d’un tiers sans nuire à son sujet. L’attention du spectateur ne se serait peut-être pas perdue dans les sables.

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