Le Privé (1973) ★★★☆

Philip Marlowe (Elliott Gould) est un détective privé qui vit seul à Los Angeles avec son chat. Par fidélité pour son ami, Terry Lennox, il accepte de le conduire en pleine nuit au Mexique avant d’apprendre à son retour que Sylvia, l’épouse de Terri, a été assassinée et que Terry est accusé du crime. L’annonce du suicide de Terri et de ses confessions ne suffit pas à dissiper les doutes de Marlowe qui décide d’élucider ce meurtre mystérieux.
Son enquête le mène chez les voisins des Lennox, les Wade. Roger Wade est un romancier alcoolique en panne d’inspiration. Eileen Wade suspecte son mari d’avoir eu une liaison avec Sylvia et de l’avoir tuée.

À sa sortie en 1973, Le Privé avait connu un bide retentissant. Les critiques et les spectateurs ne lui avaient pas pardonné les libertés qu’il avait prises avec le roman de Chandler et avec les règles iconiques du film noir.
Il est vrai qu’Elliot Gould ne ressemble guère à Humphrey Bogart ni les 70ies aux 40ies. Mais, à y regarder de plus près, Altman n’est pas si infidèle à Chandler qu’on le lui reproche. Certes, on n’imagine pas Humphrey Bogart câliner son chat comme Elliott Gould dans la première scène du film. Mais les deux hommes partagent le même code d’honneur, le même dandysme, le même refus des règles d’une société frelatée par le crime, la luxure et l’alcoolisme. Et si la fin du Privé s’éloigne considérablement de celle du roman de Chandler, elle en a le même esprit.

Aujourd’hui, Le Privé a été réhabilité. Il a trouvé sa place dans le panthéon du cinéma hollywoodien. Il le doit à l’aura de son réalisateur, le grand Robert Altman, et aussi à sa place dans l’histoire du film noir dont il constitue comme un post-scriptum seventies.

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Nome ★☆☆☆

Nome est une jeune garçon bissao-guinéen élevé par sa mère après le décès de son père. Amoureux de sa cousine, il lui fait un enfant, mais s’enfuit de son village par peur de la réprobation dont il risque de faire l’objet. Il rejoint la guérilla indépendantiste qui combat le colonisateur portugais.

Sana Na N’Hada est un réalisateur bissao-guinéen né en 1950. Enrôlé dès treize ans dans la guérilla indépendantiste du PAIGC, il est missionné en 1967 à Cuba pour y apprendre le métier de cinéaste. Revenu en Guinée-Bissao, il filme les combats qui se concluent en 1974 par l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise. La majorité de ces enregistrements ont été perdus. Mais ceux qui ont pu être sauvés sont utilisés dans Nome, qui voit alterner des images de fiction contemporaines en couleurs et des images documentaires d’époque en noir et blanc.

Pour autant, Nome n’est pas un documentaire historique qui raconte la guerre d’indépendance. C’est plutôt un conte centré sur son héros, dont le patronyme – « Nome » signifie en créole « homonyme » – sonne comme un programme. Nome est d’abord un enfant privé de son père, dont le fantôme l’accompagnera sa vie durant. C’est aussi un villageois habité par les croyances animistes qui lui ont été léguées. Il devient guerrier par hasard, sans verser dans la geste héroïque que les Pères de l’indépendance ont entendu écrire pour glorifier leur combat et en faire le ferment du nouvel État. Mais une fois cette indépendance durement acquise, il est le témoin du désenchantement révolutionnaire, quand les intérêts privés et l’appât du gain l’emportent sur l’intérêt général.

Soutenu par l’ACID, qui l’avait retenu dans sa sélection à Cannes, Nome est sorti en France en mars dernier. J’ai eu la chance de le voir en présence du réalisateur. J’ai été impressionné par sa haute stature et sa lente élocution.
Pour autant l’exotisme de ce cinéma et l’intérêt historique de Nome ne suffisent pas à gommer ses maladresses, notamment dans la direction d’acteurs.

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La Flèche brisée (1950) ★★★☆

Après la guerre de Sécession, un soldat démobilisé, Tom Jeffords (James Stewart), cherche de l’or en Arizona. La guerre y fait rage entre l’armée de l’Union et les Indiens apaches du chef Cochise (Jeff Chandler). Jeffords, qui avait secouru un jeune Apache blessé et bénéficié en retour de la clémence des Indiens, ne partage pas les préjugés des Blancs à leur égard. Il veut apprendre leur langue, comprendre leur culture et trouver avec eux un accord pour mettre fin aux guerres interminables qui les opposent aux Blancs.

La Flèche brisée est un film marquant dans l’histoire du western. Bien avant Danse avec les loups ou Pocahontas, il rompt avec l’imagerie traditionnelle qui prévalait jusqu’alors. Le western participait d’un mythe, celui de la frontier sans cesse repoussée. Les colons blancs, appuyés par l’armée américaine, y entreprenaient une œuvre prométhéenne : ils construisaient une nation, se battant contre une nature ingrate et contre ses occupants, violents et fourbes, ravalés à un statut quasi-animal de bêtes sauvages dont il fallait se défier et qu’il fallait exterminer. Ils étaient du côté du Bien, les Indiens du côté du Mal.

Loin du manichéisme d’un John Ford, Delmer Daves, qui a voyagé chez les Indiens et appris leur langue, cherche à les réhabiliter. Il y réussira en partie. Jeff Chandler, l’interprète légendaire de Cochise, personnifiera pour longtemps ce chef apache à la fois indomptable et ouvert au dialogue. Dans le rôle de « passeur de cultures », James Stewart effectue grâce à ce rôle et grâce à celui qu’il tient dans Winchester 73 qu’il tourne la même année, un tournant dans sa carrière. Le gendre idéal qu’il incarnait dans les comédies de Capra, de Cukor ou de Lubitsch, a vieilli. Il est plus aguerri, plus philosophe. Il devient le héros de western par excellence : L’Appât, L’Homme de la plaine, L’Homme qui tua Liberty Vallance, La Conquête de l’Ouest….

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En fanfare ★★★☆

Parce qu’il est brutalement frappé par une leucémie dont seule une greffe de moelle osseuse pourrait le sauver, un jeune et brillant chef d’orchestre (Benjamin Lavernhe) découvre qu’il a été adopté à sa naissance. Élevé dans une famille  bourgeoise des Hauts-de-Seine, Thibaut apprend simultanément qu’il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin) qui, lui, a été élevé dans les corons. Si tout en apparence sépare les deux frères biologiques, le même don pour la musique les rapproche.

Il y a deux façons de réagir aux feel good movies. La première – qui est souvent la mienne – est, comme Goebbels, de sortir mon revolver, d’en railler les facilités, de se méfier de la larme qu’ils veulent à tout prix faire couler. La seconde est de s’y laisser prendre.

Je l’avoue : je n’ai pas sorti mon revolver, j’ai versé ma larme et me suis laissé prendre à ce feel-good movie, lacrymal à souhait, débordant de bons sentiments. Il se déroule dans le bassin minier du Nord. On n’est pas à Bergues ; mais l’esprit de Bienvenue chez les Ch’tis n’est pas loin dans ce film qui joue sur la corde – si j’ose dire – du régionalisme.

Son scénario est particulièrement improbable. Mais le rythme enjoué avec lequel il est débité excuse ses outrances. La première moitié du film est particulièrement enthousiasmante ; la seconde l’est moins dont on a l’impression qu’Emmanuel Courcol et sa co-scénariste n’ont pas su y mettre un terme et y rajoutent une couche de pathos inutile et indigeste.

Le succès du film doit beaucoup à son interprétation. En tête, Benjamin Lavernhe, le gendre idéal du cinéma français – dont on peut espérer que l’interprétation de l’abbé Pierre ne soit pas mise à son passif depuis que les révélations s’accumulent sur le passé sulfureux du saint homme. Mais celui qui crève l’écran, c’est Pierre Lottin, dans le rôle taiseux du frère que le destin n’a pas favorisé, condamné à servir des nouilles à la cantine du collège alors que son don pour la musique le prédisposait à une carrière aussi brillante que celle de son frère. Un coup de chapeau aussi pour Sarah Suco qui, depuis bientôt quinze ans accumule les seconds rôles (DiscountLa Belle SaisonOrphelineAurore, Guy, Place publiqueLes Invisibles…) et mérite largement son nom en haut de l’affiche.

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Ailleurs, partout ★☆☆☆

Shahin est un jeune réfugié iranien qui au péril de sa vie a quitté son pays à la recherche d’une vie meilleure en Occident. Les réalisatrices l’avaient rencontré plein d’énergie et d’espoir, à l’aube d’une vie nouvelle, en Grèce en 2016 après qu’il avait réussi à traverser clandestinement la mer Égée. Un an plus tard, elles le retrouvent dans le Nord de l’Angleterre, qui se morfond dans l’attente fiévreuse d’un titre d’asile.

Il y avait mille façons de documenter l’odyssée de Shahin et sa longue attente dans un centre d’accueil anglais. Celle de Michael Winterbottom dans In This World (2002) ou, plus récemment celle de Ben Sharrock, dans Limbo (2020) une fiction qui documentait la vie vide de réfugiés moyen-orientaux ou africains assignés à résidence dans les Hébrides écossaises dans l’attente du traitement de leur demande.

Le parti pris par les deux réalisatrices, Vivianne Perelmuter et Isabelle Ingold, est original. Elles sont allées dégotter sur Internet des vidéos de télésurveillance, au grain grossier, filmant en d’interminables plans fixes des lieux anomiques : parkings, routes, supérettes….
Elles y ont ajouté le texte des SMS échangés avec Shahin pendant sa longue réclusion, l’enregistrement de ses conversations téléphoniques avec sa mère, à laquelle il cache une partie de la réalité, et la reconstitution de ses interrogatoires par la police britannique, qui essaie de débusquer les incohérences de son récit.

Le résultat est paradoxal. Clarisse Fabre du Monde, enthousiaste, parle d’une « œuvre godardienne hantée par le dessin, la photographie, la peinture ». Je serais moins dithyrambique. Je comprends volontiers le parti pris radical du refus d’une illustration sursignifiante du parcours d’un réfugié, déjà mille fois filmé. Mais je n’ai pas été convaincu du choix de ces vidéos anonymes et glaciales. Outre leur manque revendiqué de beauté, elles soulèvent bien des questions : pourquoi telle vidéo et pas telle autre ? à ce moment du film ? ou à celui-ci ? Sans doute ces choix ont-ils été mûrement réfléchis par les réalisatrices. Mais très vite, comme souvent face à l’incompréhension que suscite l’art contemporain chez les béotiens comme moi, perce le soupçon du grand-n’importe-quoi sinon du foutage de gueule.

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Assaut (1976) ★★★☆

Un commissariat de police est sur le point de fermer dans le sud de Los Angeles. Bishop, un lieutenant noir inexpérimenté, est chargé d’y assurer l’ultime garde en compagnie d’un sergent, d’une secrétaire et de la standardiste. Alors qu’un convoi transportant trois détenus vers un établissement de haute sécurité y fait une halte inopinée et qu’un père de famille, qui vient de perdre sa fille sauvagement assassinée, y pénètre, le commissariat est pris sous le feu d’une horde d’assaillants surarmés qui ont juré de venger la mort de six des leurs tués la veille par la police.

Quand il tourne en vingt jours Assault on Precinct 13, avec un budget de fortune, des acteurs inconnus, John Carpenter n’a pas trente ans et un seul film, passé inaperçu, à son actif. À sa sortie aux Etats-Unis en 1976, le film est un échec critique et commercial. Mais il bénéficie en Europe d’un bouche à oreille élogieux et devient bientôt culte. Carpenter accèdera à la célébrité deux ans plus tard avec Halloween et connaîtra son heure de gloire dans les années 80 en multipliant les succès : New York 1997, The Thing, Christine….

Ce qui frappe dans Assaut, c’est combien le manque de temps et de moyens, loin de nuire au film, a forcé son réalisateur à des solutions simples et efficaces. Unité de temps – tout se passe en moins de vingt-quatre heures – unité de lieu – l’action se déroule dans le commissariat et dans ses environs immédiats – unité d’action – les assiégés résisteront-ils à leurs mystérieux assaillants ?

Cette série B regorge de maladresses, de plans mal cadrés, mal montés. Sa musique, aussi iconique soit-elle devenue, est horriblement datée. Son scénario souffre d’un manque d’écriture. Ses acteurs sont calamiteusement dirigés. Pour autant, tous ces défauts font paradoxalement la qualité de ce film qui se regarde comme une confiserie sans âge. La raison en est peut-être que Carpenter – qui reconnaît sa dette aux classiques de Howard Hawks – a inventé un genre, à l’intersection du western et du film d’horreur (les assaillants, sans mots ni visages, évoquent les zombies de Romero). La raison en est tout simplement que Assaut se laisse regarder avec le plaisir régressif de passer un bon moment.

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La Plus Précieuse des marchandises ★☆☆☆

Dans un lieu et à une époque inconnus, une pauvre bûcheronne recueille, contre l’avis de son mari, un nouveau né abandonné sur les rails d’une voie de chemin de fer.

Inspiré d’un bref conte de Jean-Claude Grumberg, le film d’animation de Michel Hazanavicius brode une métaphore transparente : nous sommes au cœur de la Seconde Guerre mondiale, en Pologne, à une encablure du camp d’Auschwitz, sur le chemin des locomotives qui y conduisent par centaines de milliers les Juifs qui s’y feront gazer.

Un tel sujet ne peut que susciter une admiration révérencieuse. Le film a d’ailleurs été accueilli par une critique louangeuse et un bouche-à-oreille admiratif. Dans quelle mesure la renommée de Michel Hazanavicius, qui a signé quelques-uns des films les plus stimulants du cinéma français contemporain (les deux premiers OSS 117, The Artist, Coupez !) ? On peut se le demander. Aussi est-ce avec beaucoup d’humilité que je ferai entendre deux notes dissidentes.

La première ne concerne évidemment pas la représentation de la Shoah, au sujet de laquelle on ne rouvrira pas le débat lanzmannien, mais le scénario. Je lui ferais deux reproches. Le premier est de reposer sur un ressort bien mince : l’accueil dans ce foyer sans enfant d’un nouveau-né auquel la bûcheronne voue immédiatement un amour inconditionnel et auquel on sait par avance que le bûcheron, sous ses dehors de grand ours mal léché, finira par s’attacher. Le second n’est pas sans lien avec le premier : ce motif-là étant trop mince, le film, après être resté dans l’intimité de ce couple et de cet enfant pendant toute sa première moitié, se voit obligé de quitter ce huis-clos pour entamer une odyssée qui le déséquilibre.

La seconde concerne l’animation. Pourquoi avoir eu recours à cette technique ? Pourquoi ne pas avoir tourné une fiction avec des acteurs de chair et de sang ? Son utilisation répond-elle à un impératif esthétique ? scénaristique ? Suscite-t-elle plus l’émotion ou la réflexion qu’un film « ordinaire » ? Cette technique ne va-t-elle pas rebuter le public adulte auquel le film est destiné – même si on sait, bien entendu, que l’animation pour adultes est un genre qui connaît une popularité grandissante ? Ne risque-t-elle pas d’attirer des parents et leurs très jeunes enfants, comme ceux qui se sont enfuis au milieu de la séance à laquelle j’étais hier lorsque le récit a pris un tour horrifique ?

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Été violent (1959) ★★☆☆ / La Fille à la Valise (1961) ★★★☆

Valerio Zurlini est un réalisateur italien méconnu. Sa gloire a été éclipsée par celle de ses illustres contemporains : Rossellini, Visconti, Fellini, Pasolini…. Proche par son style introspectif d’un Antonioni, mais ouvert comme l’étaient les néo-réalistes à son époque, à son histoire et aux conflits de classe, Zurlini ne mérite pas l’oubli dans lequel il est tombé. Quelques-uns de ses films repassent parfois en salles ; certains ont même été restaurés. Le plus célèbre est son tout dernier, une adaptation du Désert des Tartares tournée, avant la révolution khomeyniste et sa destruction dans un tremblement de terre en 2003, dans la citadelle de Bam en Iran.

Été violent (1959) et La Fille à la valise (1961) sont ses deuxième et troisième films. Ils présentent plusieurs ressemblances. Ce sont deux productions franco-italiennes, comme il s’en tournait beaucoup à l’époque. Les capitaux venaient de France, le tournage se déroulait en Italie avec des acteurs et un plateau technique italiens. Un ou deux acteurs étaient quand même français fort mal doublés en italien : c’est Jean–Louis Trintignant dans Été violent, auréolé du succès sulfureux de …Et Dieu créa la femme, et Jacques Perrin dans La Fille à la valise, qui avait dix-neuf ans à peine. et que Zurlini refera tourner à plusieurs reprises.

Les deux films racontent une histoire d’amour déséquilibrée entre une femme plus âgée et un homme plus jeune, à peine sorti de l’enfance. Roberta (Eleonora Rossi Drago), l’héroïne de Été violent, est la veuve d’un officier de marine mort au combat (l’action se déroule en 1943 pendant la déroute des troupes italiennes) ; Aida (Claudia Cardinale), l’héroïne de La Fille à la valise est une chanteuse de cabaret d’origine modeste dont on apprendra qu’elle a laissé derrière elle un enfant. Roberta fait la connaissance de Carlo (Jean-Louis Trintignant), le fils d’un dignitaire fasciste, qui a jusqu’à présent réussi à ignorer la dure réalité des combats. Aida rencontre le jeune Lorenzo (Jacques Perrin) après avoir été abandonnée par son playboy de grand frère.

Comme chez Antonioni, Zurlini est un cinéaste du couple, de ses embrasements et de ses impasses existentielles aussi. Mais son cinéma est incarné dans un contexte socio-politique bien précis. Été violent se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme dans Une journée particulière, le chef d’oeuvre de Scola avec le couple mythique Loren-Mastroianni, la petite histoire, celle d’une rencontre, d’un coup de foudre et d’une séparation, y percute la grande.

Tournés dans un noir et blanc d’une folle élégance, les deux films valent le détour. Le second a un avantage sur le premier : l’interprétation radieuse de Claudia Cardinale, dans un rôle à la Bardot.

La bande-annonce de « Été violent »
La bande-annonce de « La Fille à la valise »

La Belle Affaire ★☆☆☆

Nous sommes en 1990 à la veille de la réunification allemande. Un quatuor d’Allemands de l’Est en rupture de ban mettent la main sur une montagne d’Ostmark voués à la destruction. Ils ont trois jours pour les échanger.

Sandra Hüller (Toni Erdmann, Sibyl, Anatomie d’une chute, La Zone d’intérêt), Max Riemelt (La Vague, Matrix 4) et Ronald Zehrfeld (Barbara, Phoenix, Fritz Bauer, un héros allemand) sont des acteurs allemands quadragénaires qui ont acquis, dans leur pays et à l’étranger, une certaine renommée. On a un peu l’impression que la réalisatrice leur a proposé de se retrouver quelques jours ensemble pour un tournage sympathique.

Ils s’en donnent à cœur joie dans une comédie qui s’inspire de faits réels, rappelés par les images d’archives qui accompagnent le générique de fin. Profitant du délai laissé aux Allemands expatriés pour changer leurs DDM au taux de deux pour un – ce qui éclaire le titre original Zwei für Eins – des Allemands de l’Est qui avaient réussi à mettre la main sur des sacs de vieux billets froissés ont décroché le jackpot.

L’arnaque est tellement compliquée, elle suppose la participation d’un si grand nombre de personnes, qu’on peine à croire qu’elle ait pu réussir, en tous cas pas avec le même épilogue que dans le film. Il s’agit, si je l’ai bien compris, d’acheter à vil prix en Ostmark des produits électroménagers à l’Est et d’aller les revendre à l’Ouest au taux fort.

Moins que cette arnaque compliquée, le vrai sujet du film est l’Ostalgie, la nostalgie paradoxale que nourrissent les Allemands de l’Est pour la période honnie et pourtant regrettée du communisme. Le film qui en a lancé la mode, avec le succès que l’on sait fut Good Bye Lenin! (2003). Etalon indépassable que La Belle Affaire hélas est bien loin de dépasser.

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After ☆☆☆☆

Une soirée techno à Paris. Les corps lâchent prise et se frôlent au son pulsatif de la musique électronique. Des substances s’échangent ; des rails de coke, coupés au pass Navigo, se sniffent. Félicie (Louise Chevillotte), en pleine rupture amoureuse, fait la rencontre de Saïd (Majd Mastouria), un chauffeur VTC, et lui propose de finir la soirée chez elle.

Comment filmer la danse ? comment filmer la transe ? Anthony Lapia tenait un beau sujet. Gaspar Noé l’avait approché dans Climax. Mais hélas il le gâche. Par manque de moyens : la dizaine de figurants recrutés pour le film peinent à donner l’illusion d’une rave party. Par manque d’ambitions : le scénario abandonne bien vite le dance floor pour se replier dans le studio de Félicie et y filmer un banal face-à-face.

Leurs dialogues sont caricaturaux et risibles. Le patronyme et la profession de Félicie – elle vient de passer le barreau – sont censés la caractériser : c’est une fille de la bourgeoisie qui a appris à s’accomoder cyniquement du « système » même si elle en récuse les règles in petto. Saïd est aussi grossièrement caricaturé : maghrébin, conducteur de VTC, révolté, il est prêt à tout casser pour laisser exploser sa colère.

After aurait pu se borner à filmer les corps. Sa durée réduite l’y aurait autorisé. Il y aurait eu beaucoup à en dire, beaucoup à en montrer. Mais comme son titre l’annonçait, After s’intéresse à ce qui vient après qui est hélas puissamment dépourvu d’intérêt.

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