Vouloir réaliser un film qui soit à la fois une mise en abyme et un jeu de rôles est pour le moins ambitieux. Le choix du titre avec le symbolisme qu’il véhicule ne l’est pas moins. La Sibylle de l’Antiquité prédisait l’avenir à travers des oracles difficiles à décrypter.
Quel est le sujet du nouveau film de Justine Triet?
Sibyl (Virginie Efira) est une psychanalyste qui décide d’abandonner sa clientèle pour (re)devenir romancière. La première scène dans un restaurant japonais où un éditeur lui dresse le portrait caricatural du monde de l’édition laisse augurer d’une comédie réjouissante qui louche du côté de Victoria, le précédent film de Justine Triet où la même Virginie Efira tenait déjà le rôle titre.
Mais Sibyl n’a pas hélas la légèreté de Victoria. Son héroïne est tout aussi paumée ; mais l’égarement de la psychanalyste que joue Virginie Efira dans Sybil n’a pas la drôlerie de celui de l’avocate qu’elle campait dans Victoria.
Sibyl n’a pas de véritable projet rédactionnel. Elle a beau vapoter, l’inspiration lui fait défaut. L’appel téléphonique de Margot (Adèle Exarchopoulos), une jeune actrice en détresse, va la sauver de la page blanche. Margot est enceinte d’Igor (Gaspard Ulliel), l’acteur principal du film sur lequel elle vient d’être engagée dont la réalisatrice, Mika (Sandra Hüller), se trouve être la compagne d’Igor. Vous me suivez ?
Margot est désemparée : annoncera-t-elle ou pas la nouvelle de sa grossesse au père de son enfant ? avortera-t-elle ou pas ? Sa carrière est en jeu car ce tournage est la chance de sa vie.
En violation de toutes les règles déontologiques qui régissent sa profession, Sibyl se nourrit de la crise existentielle de Margot. Le verbatim de ses séances avec Margot, qu’elle enregistre en cachette, devient la substance de son livre. Ce pillage intime va ramener l’ex-psychanalyste à ses angoisses et à ses failles personnelles (rupture avec son grand amour interprété par Niels Schneider, compagnon à la ville de Virginie Efira, décès/suicide de sa mère, maternité chaotique, alcoolisme…) C’est une descente aux Enfers qui pourrait basculer vers un compliqué mais passionnant thriller psychologique.
Le scénario prend une autre direction et nous transporte à Stromboli. Les plus beaux plans du film, sponsorisés par son Office du tourisme, donnent l’irrépressible envie d’y passer ses prochaines vacances. C’est là où se tourne le fameux film où jouent Margot et Igor sous l’œil de plus en plus excédé de Mika.
La production a engagé Sibyl comme médiatrice pour pouvoir gérer les acteurs principaux qui ne s’adressent plus la parole. De conseillère, elle se retrouve même à donner la réplique à Margot puis à diriger une scène d’amour torride sur le pont d’un bateau parce que Mika vient de se jeter à l’eau. Contre toute logique, Sibyl finit même dans les bras d’Igor.
On n’a guère avancé et on continue à se poser la même question : quel est le sujet de ce film qui n’épargne personne, ni Sibyl qui abandonne certains de ses patients et en vampirise d’autres, ni Margot qui confond réalité et fiction et accumule les caprices, ni Mika qui abandonne le tournage sur un coup de déprime ?
Alors que veut elle nous dire ? On n’en saura rien. Sibyl restera sibyllin.
Contente de me retrouver dans ta critique! J’ai voulu voir le film lors de sa diffusion récente à la TV en hommage à Gaspard Ulliel et ai vite abandonné. Consternation devant l’absence de vraisemblance, de tension, une catastrophe…