L’Ange du Mossad ★★☆☆

Ashraf Marwan (1944-2007) épousa la fille de Nasser, le raïs égyptien, avant de devenir l’un des plus proches collaborateurs de son successeur, le président Sadate. Il transmit au Mossad des informations ultra-secrètes sur la préparation de la guerre du Kippour. Depuis sa mort, à Londres, dans des conditions mystérieuses, l’Egypte et Israël revendiquent sa mémoire. Pour les uns, il fut un traître ; pour les autres, un agent double.

En 2016, le professeur Uri Bar Joseph, spécialiste de la guerre du Kippour, publia The Angel: The Egyptian Spy who Saved Israel. C’est ce livre que Netflix décida d’adapter à l’écran, en confiant la réalisation à Ariel Vromen et rassemblant autour de lui un casting international.

L’Ange du Mossad embrasse clairement les thèses israéliennes : le recrutement de Marwan par le Mossad y est décrit non pas comme le produit d’un machiavélique double jeu, mais, plus prosaïquement, comme la conséquence de la frustration d’un jeune homme brillant face aux brimades de son beau-père et à son panarabisme belliqueux. Le film y perd en ambiguïté. On imagine ce qu’un John Le Carré en aurait fait.

Pour autant, L’Ange du Mossad se laisse regarder sans déplaisir. L’ambiance du Swinging London, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix y est reconstituée avec soin. Ses acteurs se sont glissés dans leurs rôles comme dans une seconde peau. On ne s’ennuie pas une seconde…. Mieux : comme dans une série Netflix, on brûlerait presque d’en regarder l’épisode suivant.

La bande-annonce

Le Poulain ★★★☆

Rien ne prédisposait le jeune Antonin Jaurès (Finnegan Oldfield qui réussit à jouer sur le fil le candide ni trop benêt ni trop roué), sinon son illustre patronyme, à faire de la politique. Repéré par un sous-couteau (Philippe Katerine, décidément excellent dans les seconds rôles), il est recruté par Agnès Karadzic (Alexandra Lamy, une main de fer dans un gant de velours), la directrice de cabinet de Catherine Beressi (Valérie Karsenti), une candidate à la primaire « démocrate ». Mais, lorsque Pascal Perenois (Gilles Cohen), le favori de la primaire, l’emporte, sonne l’heure des choix.

J’avais raté, à sa sortie en septembre dernier, cette comédie française, dissuadé par une bande-annonce qui me faisait craindre sa médiocrité. Je me trompais.

Bien que signé par Mathieu Sapin, fin observateur de la vie politique française (embedded dans l’équipe de campagne de François Hollande puis à l’Elysée, il en avait tiré deux romans graphiques : Campagne présidentielle et Le Château), Le Poulain n’est pas toujours crédible. La vie de cabinet est, hélas, autrement plus terne que celle que le cinéma fantasme et qu’il est bien obligé d’inventer pour retenir l’attention d’un auditoire qui, si la morne réalité des jours lui était racontée, aurait tôt fait de déserter les salles. C’est le travers de toutes les fictions qui s’y sont colletées, aussi réussies soient-elles, depuis Quai d’Orsay à Baron noir en passant par L’État de Grâce (la mini-série de 2006 avec Anne Consigny qui prophétisait la victoire de Ségolène Royal à la présidentielle de 2007), L’Exercice de l’État (le film avec Olivier Gourmet et Michel Blanc), Les Hommes de l’ombre (la série avec Nathalie Baye).

La politique y est décrite par le petit bout de la lorgnette avec un cynisme qui ne la grandit pas. Le fond importe peu – d’ailleurs on n’identifie pas l’orientation des candidats du parti « démocrate » qui se disputent la primaire. Rien n’est dit de la France, des Français et de leurs maux – le film sortirait alors que la jacquerie des Gilets jaunes était sur le point d’exploser. Le jeu politique est réduit à une farce jouée par des pantins libidineux, ivres de pouvoir.

Mais une fois acceptée cette reductio ad pathologicum, il n’en reste pas moins que Le Poulain fonctionne parfaitement. On s’attache à son personnage principal, ce jeune stagiaire qui découvre, à son corps défendant (c’est le cas de le dire !), les dessous de la politique. On s’attache même à sa patronne, qui devient presqu’humaine dans le dernier tiers du film. Après avoir vu Le Poulain, on ne dira plus jamais avec la même légèreté : « je te rappelle sans faute ».

La bande-annonce

À la recherche de Ingmar Bergman / Bergman, une année dans une vie ★★☆☆

Ingmar Bergman aurait eu cent ans le 14 juillet 2018. À l’occasion du centenaire de sa naissance, deux documentaires sont sortis quasi-simultanément sur nos écrans.

Le premier, À la recherche d’Ingmar Bergman, est une œuvre de commande à la célèbre réalisatrice allemande Margareth von Trotta, qui n’hésite pas à se mettre en scène pour montrer comment elle découvrit l’œuvre de Bergman dans les cinémas d’art et d’essai de Paris où elle était venue faire ses études dans les années soixante.

Le second, Bergman, une année dans une vie, prend comme point de départ l’année 1957 où Bergman sort Le Septième Sceau et tourne Les Fraises sauvages tandis qu’il monte au théâtre Peer Gynt et Le Misanthrope.

Les deux documentaires se ressemblent – qui présentent d’ailleurs une affiche quasiment similaire où l’on voit Bergman de trois quarts dos coiffé du même béret. Ils décrivent un monstrueux génie et un monstre génial.

Durablement traumatisé par la stricte éducation qu’il avait reçue de son père, pasteur de l’Église réformée, Ingmar Bergman était affligé d’une série de troubles psychosomatiques : ulcères d’estomac, insomnies, syndrome des jambes sans repos… Il transcendait sa profonde angoisse existentielle par trois remèdes : le sexe, le travail…  et un régime alimentaire à base de yaourt et de biscuits. Sa vie sentimentale, sur laquelle chacun des documentaires revient longuement, fut chaotique : Bergman fut marié cinq fois et eut neuf enfants, légitimes ou naturels. Il négligea ses obligations familiales, ignora ses enfants et n’eut sa vie entière qu’une seule passion dévorante et narcissique : son œuvre créatrice au théâtre comme au cinéma.

Il est croustillant d’imaginer les réactions que susciteraient aujourd’hui une telle personnalité. Son comportement donjuanesque lui attirerait les foudres des féministes et sa nonchalance à l’égard de sa progéniture celle des associations familiales.. La discipline de fer qu’il faisait régner sur ses plateaux lui vaudrait des procès en harcèlement. Ses dérèglements morphologiques le forceraient à une cure stricte faute de quoi les assurances refuseraient de couvrir ses films.

Cet homme névrosé, déréglé, égoïste, en un mot profondément antipathique, a pourtant produit quelques uns des plus grands films du siècle passé. Les deux documentaires qui lui sont consacrés ont cette double vertu : ne rien taire des démons de l’homme, éclairer la grandeur de son œuvre.

La bande-annonce de À la recherche de Ingmar Bergman
La bande-annonce de Bergman – Une année dans une vie

Le Pape François – Un homme de parole ★☆☆☆

Le pape François. Wim Wenders. Affiche attrayante pour le cinéphile, pour le croyant et, plus largement, pour tous ceux qu’intéresse la personnalité du 266ème Souverain pontife, le premier pape du Nouveau monde, le premier venu de l’hémisphère Sud, le premier Jésuite, le premier à avoir choisi le prénom de François d’Assise.

Sans doute le croyant, conquis d’avance, ressortira-t-il de la salle plus convaincu encore – sauf à appartenir aux franges les plus conservatrices de l’Église que le modernisme du nouveau pape pourrait effrayer. Car François a de quoi séduire. Il a le sourire généreux, l’œil malicieux. Surtout il tient un discours d’une humanité bouleversante qui résonne avec les défis de notre temps sans rien renier au dogme. Chaussant les bottes de Jean-Paul II, son antéprédécesseur – dont pourtant il n’évoque jamais la mémoire – il parcourt le monde, de Bangui à Philadelphie, de Jérusalem à Rio à la rencontre des plus humbles et des plus puissants (on voit défiler dans le bureau du pape Obama, Trump, Poutine et Erdogan – mais ni François Hollande ni Emmanuel Macron).

L’observateur lucide de la papauté analysera le contenu de ce documentaire comme le témoignage de ce que son service de relations publiques entend laisser voir au monde. Il ne s’agit pas en effet d’un biopic qui raconterait la vie de Jorge Mario Bergoglio mais plutôt d’un exposé méthodique des grands dossiers dont le pape s’est saisi : la pauvreté et l’inégalité des revenus, l’environnement, la famille, l’immigration… François est filmé seul. On ne le voit jamais entouré de ses collaborateurs. Cette présentation, si elle est cohérente avec l’objet du documentaire qui a le pape pour héros, renvoie de la papauté, qui repose sur un seul homme, une image paradoxalement fragile

Les sujets les plus polémiques ne sont pas tus. En réponse à une question sur le « lobby gay », François affirme que les homosexuels sont des enfants de Dieu et doivent être traités avec amour. Au sujet des prêtres pédophiles il prône une tolérance zéro – qu’on aimerait voir mise en pratique avec la même fermeté que celle avec laquelle il la promet. Seule sortie de route : les femmes dont la « complémentarité » (sic) avec les hommes est vantée, François renvoyant dos à dos « machistes et féministes » (re-sic).

Reste le cinéphile, laissé pour compte. On se pince de voir la signature de Wim Wenders sous cette œuvre de propagande, ce documentaire convenu, qu’on croirait tout droit sorti du  Centro Televiso de Vaticano. Où est passé le réalisateur si prometteur de Paris Texas et des Ailes du désir ? Pourquoi a-t-il abandonné la fiction pour le – mauvais – documentaire ?

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L’Ombre d’Emily ★★☆☆

Stephanie Smothers (Anna Kendrick) est une jeune veuve qui, dans une petite ville du Connecticut, consacre toute son énergie à l’éducation de son fils et à l’animation de son vlog, un blog illustré de vidéos présentant à d’autres mères de famille ses meilleures recettes de cuisine. Elle tombe immédiatement sous l’emprise de Emily Nelson (Blake Lively), une femme dont le style, l’emploi chez un grand couturier new yorkais et la maison ultra-moderne sont aux antipodes de la vie rangée de Stéphanie.
Mais Emily disparaît brutalement. Stephanie se lance à sa recherche.

Une femme disparaît… Le thème n’est pas nouveau. Hitchcock en avait même fait le titre de l’un de ses films d’avant-guerre. Récemment, David Fincher y consacra un film Gone Girl et le livre de Paula Hawkins, adapté à l’écran avec Emily Blunt et Rebecca Ferguson, La Fille du train, connut un immense succès.

La « disparition » dont il est question, on le sait par avance, appelle une « réapparition ». Il s’agit donc d’une histoire à tiroirs avec son lot de révélations et de rebondissements. Ce n’est hélas pas le point fort de cette Ombre d’Emily, les motifs de la disparition d’Emily et la façon dont elle réapparaîtra – dont on ne peut évidemment rien dire – étant particulièrement abracadabrantesques.

Mais l’intérêt du film est ailleurs, dans le duo formé par les deux actrices qui se partagent l’affiche. Blake Lively, d’une froide élégance, n’a jamais été aussi sexy ni aussi venimeuse. Mais c’est surtout Anna Kendrick qui crève l’écran. On l’avait déjà remarquée en 2010 dans In the Air un film de Jason Reitman avec George Clooney. Elle avait confirmé son potentiel comique dans The Hit Girls et ses suites (Pitch Perfect 2 et 3). Elle est épatante dans ce film entièrement tourné de son point de vue : mère de famille voulant bien faire, coincée dans la médiocrité de sa vie d’Américaine moyenne, dont l’ingénuité et les maladresses burlesques la rendent immédiatement attachante…

La bande-annonce

Rafiki ★★☆☆

Kena et Ziki vivent dans le même quartier de Nairobi mais tout les sépare. Autant Kena, avec sa poitrine plate, ses pantalons informes et ses loisirs de garçon, est masculine ; autant Ziki, ses tresses afro, ses robes colorées et ses courbes girondes, est féminine. La première est d’origine modeste alors que la seconde appartient à la classe moyenne. Leurs pères s’affrontent aux prochaines élections locales.
Elles éprouvent l’une pour l’autre une attraction immédiate et irrésistible. Mais l’homosexualité est mal vue au Kenya : elle est punie par la loi et condamnée par l’Église.

Rafiki arrive sur nos écrans précédé d’une réputation sulfureuse. Ce film, programmé à Cannes dans la section Un certain regard puis à Cabourg, a été censuré par la Commission kenyane de classification. La décision administrative a été partiellement censurée par la Haute Cour du Kenya qui a autorisé sa diffusion pendant une semaine dans une salle commerciale – condition nécessaire et suffisante pour que Rafiki puisse concourir à l’Oscar du meilleur film étranger.

Il n’y a pourtant pas de quoi choquer grand monde dans ce film romantique et girly, si ce n’est que le couple qu’il met en vedette est homosexuel. Aucune provocation, aucun prosélytisme. La romance qui les unit est très chaste et aucune scène de sexe n’est filmée, aucune nudité dévoilée. Le film est tous publics en France et c’est justice.

La réalisatrice Wanuri Kanui raconte une histoire universelle qui pourrait se dérouler sous n’importe quelle latitude. Qui espérait voir (ou revoir) Nairobi serait bien déçu : les décors d’une banlieue sans caractère, ni huppée ni miséreuse, sont à mille lieux de tout exotisme.

Si Rafiki avait été l’œuvre d’un réalisateur européen ou américain, on ne s’y serait pas arrêté sinon pour lui reprocher son manque d’originalité. Mais venant d’un pays dont la production cinématographique est bien chiche, traitant d’un sujet qui y est encore tabou et tombant, pour ce motif, sous le coup d’une censure qui nous semble, vu d’Occident, bien obscurantiste, Rafiki retient notre attention pour des motifs qui n’ont pas grand chose de cinématographique.

La bande-annonce

I Feel Good ★☆☆☆

Jacques (Jean Dujardin) a un rêve : devenir riche comme Bill Gates ou Bernard Tapie, ses idoles. Même à bout de ressources – et en peignoir de bain – rien ne saurait l’en détourner.
Quand il s’installe auprès de sa sœur Monique (Yolande Moreau) qui dirige un village Emmaüs près de Pau, il crée sa société dénommée « I Feel Good ». Son objet : proposer aux plus pauvres des opérations de chirurgie esthétique very low cost en Bulgarie.

Le duo Delépine & Kervern est de retour. Plus il avance, plus il gagne en ambition. Elles sont loin leurs premières œuvres à l’humour grolandais et absurde dans lesquels les deux réalisateurs se mettaient en scène (Aaltra, Avida). En chemin, ils ont enrôlé Benoît Poelvoorde (Louise-Michel), Gérard Depardieu (Mammuth), et Albert Dupontel (Le Grand soir). Cette fois-ci, c’est Jean Dujardin qui les rejoint, le héros de Brice de Nice et d’OSS 117, le seul Français à avoir jamais décroché l’Oscar du meilleur acteur.

La superstar s’adapte parfaitement au cinéma de Delépine & Kervern. Il y trouve naturellement sa place, comme si elle l’attendait depuis toujours. Au point qu’il semble n’avoir pas besoin de modifier d’un iota la performance de crétin séduisant qui a fait sa gloire.

Ce personnage faisait des étincelles dans Bruce de Nice et dans OSS 117 car il y était drôle. Le problème est qu’il ne l’est guère ici. On sourit à quelques gags – hélas déjà entrevus dans la bande-annonce ; on ne rit vraiment jamais sinon peut-être pour celui du twist final dont on ne peut hélas rien dire.

À défaut de faire rire, I Feel Good pourrait ambitionner de nous faire réfléchir. Il esquisse une critique du macronisme – la première au cinéma à ce jour – accusé, dès le slogan qui barre l’affiche (« Il n’y a pas de grand pays sans grands patrons »), de vouloir tous nous transformer en milliardaires en puissance. À supposer que la critique soit fondée, elle fait long feu. On comprend bien vite la folie de Jacques. On n’y croit pas une seconde – pas plus qu’on ne croit dans le succès de son entreprise. Du coup, on en est réduit à attendre gentiment le dénouement d’une histoire qui doit nous entraîner en Bulgarie pour se redonner du souffle.

La bande-annonce

Un peuple et son roi ★☆☆☆

Jeudi Saint de l’an de grâce 1789. Comme ses prédécesseurs avant lui, Louis XVI (Laurent Lafitte) lave les pieds des pauvres à Versailles. Ce sera la dernière fois. Car la Révolution éclate. En octobre 1789, une foule de femmes trempées par la pluie vient en délégation à Versailles et force le Roi et sa famille à les raccompagner à Paris.
Tandis que l’Assemblée constituante se réunit dans le manège des Tuileries, on suit la vie au jour le jour d’un verrier du Faubourg Saint-Antoine : L’Oncle (Olivier Gourmet), sa femme (Noémie Lvovsky), leurs deux filles, Françoise (Adèle Haenel) et Margot (Izïa Higelin).
Après la fuite à Varennes (juin 1791) et la fusillade du Champ-de-Mars par les troupes de La Fayette (juillet 1791), l’animosité à l’égard du monarque ne cesse de croître. la monarchie constitutionnelle a vécu. Les Tuileries sont prises d’assaut le 10 août 1792. Plus de six cents gardes suisses sont tués. Le Roi et sa famille sont faits prisonniers. La royauté est abolie ; la République est proclamée. Le procès de Louis XVI s’ouvre qui conduira à sa condamnation et à son exécution le 21 janvier 1793.

Révélé en 2011 pour L’Exercice de l’Etat, un film qui ambitionnait de percer les arcanes du pouvoir, Pierre Schoeller, avec un budget de 16.9 millions d’euros s’est lancé à l’assaut d’un Himalaya : la Révolution française. D’autres s’y sont frottés avant lui : Jean Renoir – dont j’oserais affirmer, au risque de me faire guillotiner en place de Grève, que sa Marseillaise (1938) a bien mal vieilli – Jean-Paul Rappeneau et les rebondissants Mariés de l’an II (1971), Andrzej Wajda et son fiévreux Danton (1983), Robert Enrico et son académique diptyque bicentenaire (1989), Eric Rohmer et le so British L’Anglaise et le duc (2001), Sofia Coppola avec une Marie-Antoinette Fashion victim (2006), etc.

Pierre Schoeller a une double ambition : nous raconter la Révolution en consacrant une vignette à chacun de ses épisodes les plus marquants (la chute de la Bastille, la fuite à Varennes, la prise des Tuileries, l’exécution de Louis XVI…) et nous faire partager le quotidien des Parisiens durant cette période. Il ne parvient ni tout à fait à l’un ni tout à fait à l’autre.

Son film, trop court, dont le financement et le tournage du second volet dépendent du succès rencontré par le premier, ne brille pas par sa clarté pédagogique. Il faut avoir quelques connaissances historiques – ou une bonne 4G – pour comprendre tout ce bruit et toute cette fureur. Et Pierre Schoeller fait plusieurs fois fausse route à vouloir en actualiser les enjeux, par exemple en en faisant un combat féministe ou en mettant dans la bouche d’Adèle Haenel un slogan soixante-huitard (« Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner »).

Pour louable que soit son souci de nous faire toucher du doigt la vie quotidienne des Parisiens, Pierre Schoeller, qui s’est entouré des conseils de l’historienne du sensible Arlette Farge, n’y parvient pas non plus. Par exemple, la longue scène, qui alterne les déclarations des députés durant le procès de Louis XVI et l’apprentissage de Basile (Gaspard Ulliel) au métier de verrier, ne fait guère sens.

Le film de Pierre Schoeller a un mérite qu’il faut lui reconnaître : il échappe à la vision téléologique qu’on a trop souvent de la Révolution. Il évite de lire les événements de 1789 et de 1791 au prisme de ce que nous savons de la Terreur et du Directoire. Mais, son échec relatif a des causes plus profondes et hélas plus définitives : si la Révolution française fut un événement historique considérable, il n’est pas certain qu’elle suscite encore un écho chez le spectateur du début du XXIème siècle.

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Help ☆☆☆☆

Dans les montagnes de l’arrière-pays niçois, les crimes se multiplient. L’inspecteur Kaplan (Frédéric Cerulli) a perdu sa femme et ses deux enfants. Il est bien décidé à retrouver le tueur en série. Il croit l’avoir identifié après la mort d’une randonneuse qu’il suspecte son frère d’avoir tué. Mais l’assassin n’est pas celui qu’il croit.

La lecture du pitch ci-dessus ne laisse rien deviner de la calamiteuse nullité ni de l’hilarante maladresse de la nouvelle réalisation des Films à fleur de peau, la société de production de Franck Llopis. Pourtant, qui a vu Pas comme lui, sorti l’hiver dernier, aurait dû se méfier.

Help pourrait faire figure de cas d’école de tout ce qu’il ne faut pas faire derrière une caméra. Le jeu d’acteurs est affligeant, plombé par un son post-synchronisé qui leur fait perdre définitivement toute crédibilité et souligne l’artificialité des dialogues. Le réalisateur, qui s’offre le rôle principal, coproduit le film et dirige la photographie, semble avoir découvert avec un enthousiasme puéril la technologie du drone et les possibilités qu’elle offre. Du coup, à chaque plan, il fait décoller sa caméra en de longs plans vertigineux qui donnent le tournis. Et le scénario de s’étirer interminablement dans un film qui flirte avec les deux heures.

Bref tout est à jeter dans ce film navrant, candidat sérieux aux prochains Gérards du cinéma, sinon les éclats de rire que ses maladresses provoquent involontairement dans une salle hilare.

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Ma fille ★★☆☆

Hakim et Latifa ont fui la guerre civile algérienne, vingt ans plus tôt, pour se réfugier en France. Ils se sont installés dans le Jura où Hakim travaille comme contremaître dans une scierie. Ils ont eu deux filles : Leïla, qui est montée à Paris suivre une formation de coiffeuse, et Nedjma.
Sans nouvelles de Leïla depuis plusieurs mois, Hakim décide de partir à sa recherche en compagnie de sa cadette. Il ne la retrouve ni dans le salon où elle était censée travailler ni dans l’appartement qu’elle était censée occuper. L’inquiétude du père pour sa fille grandit au fil de ses découvertes.

L’intrigue de Ma fille vous est-elle familière ? La raison en est peut-être que vous aurez déjà vu, à l’occasion d’une de ses nombreuses rediffusions, Le Voyage du père, un film de 1966 de Denys de La Patellière. Fernandel y joue le rôle principal, celui précisément d’un père à la recherche de sa fille dont il apprend bientôt qu’elle a quitté son travail pour se prostituer.

Le film de 2018 présente quelques différences avec celui de 1966 – et avec le roman de Bernard Clavel publié l’année précédente qui l’avait inspiré. L’action se déplace de Lyon à Paris, moderne Babylone. Le film inclut une séquence dans une boîte échangiste, qui semble constituer désormais le passage obligé de tous les scénarios français avides d’exciter le chaland. Surtout, le personnage principal, un « blédard » dont l’amour paternel se fracasse sur l’amoralité de la capitale, n’est plus joué par un paysan, mais par un immigré. Ce changement de perspective signe, mieux que de longs essais, une évolution majeure dans la société française : la fracture sociale ne passe plus – ou plus seulement – entre paysans et citadins mais entre immigrés et Français de souche.

Pendant vingt-quatre heures, Hakim et Nedjma sillonnent Paris pour retrouver Leïla. Ma fille vaut moins par les rebondissements de cette histoire trop prévisible, qui ressemble parfois à une visite guidée des bas-fonds parisiens, que par l’interprétation de Roschdy Zem. Il a étonnamment les mêmes qualités et les mêmes défauts que Fernandel. L’un et l’autre jouent à merveille le rôle de ce père aimant, culpabilisé par le départ de sa fille du foyer familial et par sa disparition, prêt à tout pour la retrouver – on tremble, l’espace d’un combat à mains nus dans la cuisine d’une boîte de nuit, que Roschdy Zem ne se mue en Liam Neeson version Taken. L’un et l’autre en font un peu trop, surjouant leur rôle de provincial déplacé au risque de l’enfermer dans une caricature.

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