Jinpa, Un conte tibétain ★☆☆☆

Un routier traverse un haut plateau tibétain. Son attention détournée par le vol d’un vautour, il percute une brebis et la tue. Quelques kilomètres plus loin, il prend un voyageur en stop. L’homme lui confie se rendre à un village proche pour s’y venger de l’assassin de son père.

Pema Tseden est un réalisateur tibétain qui a accepté de passer sous les fourches caudines de la censure pékinoise pour réaliser des films. Aussi ne faut-il y chercher aucun message politique, aucun arrière-texte militant. Après Tharlo, le berger tibétain, sorti il y a deux ans, il revient sur les écrans français avec Jinpa, un conte tibétain qu’il a réalisé à partir de deux nouvelles, l’une de sa plume, J’ai écrasé un mouton, l’autre de Tsering Norbu, L’Assassin.

Jinpa, un conte tibétain est produit par Wong Kar Wai et l’ombre du maître, plane sur le film. Jinpa a des faux airs de western comme Les Cendres du temps. Son héros, le routier, a le look arty des héros de WKW, lunettes de soleil, blouson en cuir, pull violet. La bande son qui place en majesté une version très contemporaine de O Sole Mio entonnée à tue-tête par le héros, rappelle les curieux mélanges musicaux de In the Mood for Love. Enfin et surtout, le travail hyperstylisé de Lu Songye, le directeur de la photographie, rappelle celui de 2046.

Hélas, comme dans 2046, on n’y comprend vite plus grand chose dans ce récit pourtant minimaliste sinon que les deux héros, qui portent le même prénom, vivent l’expérience troublante d’une transsubstantiation plus ou moins fantastique, le corps de l’un passant dans celui de l’autre comme les âmes migrent dans le bouddhisme. On accepte de se laisser entraîner durant la première moitié du film, au fur et à mesure que la cohérence du scénario se délite ; dans la seconde en revanche, notamment dans une interminable scène de saloon revécue deux fois à travers les yeux des deux héros, notre adhésion se délite.

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Adam ★★☆☆

Samia erre dans les rues de la Médina de Casablanca, à la recherche d’un travail, d’un repas, d’un toit. La jeune femme arrive au terme de sa grossesse. Toutes les portes se ferment devant elle. Sauf celle de Abla, la boulangère, qui vit seule avec sa fille et qui accepte de l’accueillir.

On connaît Maryam Touzani. Elle est la compagne de Nabil Ayouch, le célèbre réalisateur marocain de Much Loved. C’est elle qui tenait l’un des rôles principaux de Razzia, son film suivant. C’est son beau visage qu’on voyait sur son affiche. Ces deux films militants dénonçaient le sort fait aux femmes dans un Maroc hypocrite.

Adam s’inscrit dans cette filiation qui prend pour héroïnes deux femmes – qui pourraient être mère et fille – contraintes par des circonstances dont on ne saura quasiment rien à prendre seules leur vie en main. À ces deux femmes s’en adjoint une troisième, la petite Warda, la fille unique de Abla, un rayon de soleil dans un foyer sur lequel sa mère refuse, depuis qu’elle vit seule, de laisser entrer la joie. Les hommes sont quasi absents de ce gynécée.

Adam est, malgré son titre, un film de femmes, tourné par une femme, sur les femmes, avec des femmes. Aucun male gaze dans ce huis clos qui ne franchit quasiment jamais les portes de la boutique de Abla et de l’appartement qui la jouxte. C’est ce qui en fait le charme. C’est ce qui en fait aussi la limite. Adam raconte une histoire dont on sait par avance l’évolution. On sait par avance que la froideur initiale de Abla s’effritera au fil du temps. On sait par avance que les deux femmes s’adopteront progressivement, avec la complicité active de la facétieuse petite Warda. Quant au sort d’Adam, que Samia souhaitait abandonner après sa naissance, je vous laisse le deviner…

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Toutes les vies de Kojin ★★☆☆

Kojin est kurde et homosexuel. Une identité difficile à vivre dans une société patriarcale et homophobe.
Le documentariste Diako Yazdani, kurde d’origine iranienne, réfugié politique en France depuis 2011, l’accompagne au Kurdistan irakien pour faire respecter ses orientations sexuelles et comprendre les racines de l’homophobie ambiante.

Le dialogue est toujours enrichissant. Fin 2014, Mehrand Tamadon, un documentariste iranien, avait filmé les discussions qu’il avait eues, durant tout un week-end, avec quatre mollahs, à la recherche d’un impossible vivre-ensemble rassemblant en Iran musulmans et non-croyants. Le titre de ce documentaire : Iranien.

Toutes les vies de Kojin aurait pu s’intituler : « Homosexuel ». Est-il possible d’être homosexuel dans une société qui ne l’accepte pas ? La réponse est dans la question. Elle est négative. Toutes les vies de Kojin raconte l’homophobie viscérale qui prévaut dans une société musulmane traditionnelle. Il essaie de nous en faire rire, tant sont ridicules les propos tenus par un imam charlatanesque qui prétend guérir « du Sida et d’Ebola » et prophétise la fin de l’humanité si l’homosexualité se généralisait. Mais ils font froid dans le dos, ces avertissements plusieurs fois répétés : « si j’avais un pédé dans ma famille, je le tuerai de mes propres mains ».

Au passage, Toutes les vies de Kojin a le mérite de souligner en creux les avancées de nos sociétés occidentales qui, depuis quelques décennies, ont accepté la pluralité d’identités sexuelles et pénalisé leur discrimination. S’il n’est guère aisé d’être homosexuel au Kurdistan – et dans les dizaines de pays au monde qui pénalisent l’homosexualité – il est désormais sinon facile du moins permis de l’être en France.

Représentative de la moyenne bourgeoisie kurde éclairée, la famille du réalisateur récuse l’orientation sexuelle de Kojin en s’interdisant d’afficher trop ouvertement sa réprobation. La mère du réalisateur vit dans l’angoisse qu’on croie son fils homosexuel lui aussi. Elle exhorte Kojin à se faire soigner, persuadée que son état trouve uniquement sa cause – et son remède – dans la médecine. C’est là où le documentaire est particulièrement fin : moins dans la dénonciation répétitive de l’homophobie des plus radicaux, aussi outrancière qu’inquiétante, qui tourne vite en rond, que dans la présentation des sentiments du réalisateur et de sa famille, représentatifs de préjugés toujours tenaces qui n’ont d’ailleurs pas cours seulement dans les sociétés musulmanes les plus rétrogrades.

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Mickey and the Bear ★★☆☆

Tout le monde l’appelle Mickey. Vanessa de son vrai nom fête ses dix-huit ans. Elle vit seule avec son père, un vétéran d’Irak, dans une caravane miséreuse au fond du Montana. Brisé par les TSPT et la mort de sa femme, accro aux médicaments, il est incapable de se passer d’elle. Mais si Mickey reste auprès de lui, elle risque de s’étioler.

Mickey est une figure bien connue du cinéma indépendant : celle de l’adolescente que les carences d’une parentèle déficiente ou absente oblige à plonger trop tôt dans l’âge adulte. Une jeune inconnue avait ouvert la voix dans un petit film passé quasiment inaperçu : Winter’s Bone de Debra Granik. Elle s’appelait… Jennifer Lawrence. On connaît la suite….

C’est tout le mal qu’on souhaite à Camila Morrone, la révélation du film. Les péripéties qui lui arrivent en l’espace de quelques journées sont assez convenues : les oscillations du cœur entre son ancien boyfriend et son futur, autrement plus séduisant, les crises de manque de son père, la complicité bienveillante d’une psy qui accepte de lui signer une ordonnance…. Mais la grâce et la justesse avec laquelle Camila Morrone les interprète laissent augurer une carrière qu’on espère aussi exceptionnelle que celle de sa prestigieuse aînée.

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Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn ★☆☆☆

Harley Quinn (Margot Robbie) a cassé. Elle a quitté le Joker qui l’avait entraînée dans une spirale de crimes nihilistes. Mais la jeune fille n’en a pas fini avec la pègre de Gotham. Face à Roman Sionis alias Black Mask (Ewan McGregor), elle aura besoin du soutien de ses amies Huntress, Black Canary et Renée Montoya, pour sauver la petite Cass qui a subtilisé un diamant au prix inestimable.

Je ne m’étais pas rué dans les salles début février pour voir Birds of Preys. Parce que j’avais gardé un souvenir calamiteux de Suicide Squad. Parce que, dans les jours qui suivirent (le film n’avait pas été montré à la presse avant sa sortie), les critiques les plus calamiteuses s’étaient accumulées. Enfin et surtout parce que les univers MC et DC me semblent, à tort ou à raison, des machines à cash sans intérêt cinématographique uniquement voués à attirer le gogo décérébré mangeur de popcorns (Y a-t-il du mépris de classe dans la phrase qui précède ? Oui !!!).

Le coronavirus et l’angoisse qu’il avait, à raison, provoquée chez moi de voir interdit l’accès des salles pendant longtemps m’avait poussé début mars à m’y rendre plus que de coutume. Aussi me suis-je retrouvé quasiment seul pour une séance de rattrapage à l’UGC Ciné Cité Les halles la semaine dernière devant Birds of Prey. M’en suis-je mordu les doigts ? Non. Car j’en avais entendu tellement de mal, j’en escomptais si peu, que j’ai été plutôt favorablement surpris.

Certes, le scénario est plat comme une limande. On nous refait l’histoire mille fois racontée de la bande désassortie qui doit se lier contre un méchant très méchant. Et le film ne prend même pas la peine de nous expliquer pourquoi tout ce petit monde court après le diamant qu’une gamine kleptomane et en surpoids est allée dérober.
Certes, en entourant Harley Quinn d’une policière latino, d’une chanteuse caribéenne et d’une gamine sino-américaine, le scénario semble vouloir à tout prix cocher toutes les cases du film-respectueux-de-la-diversité.
Certes, l’humour bad ass du film louche trop ouvertement du côté de Deadpool qui semble devenu depuis quelques années la référence indépassable des films de superhéros condamnés à ne pas se prendre au sérieux.
Certes enfin, avec une démagogie trop affichée, Birds of Prey revendique un esprit girl power, à l’heure de #MeToo, en rupture avec tous les clichés masculinistes – au risque parfois, à force de vouloir les renverser, de les endosser à son tour, comme dans cet éloge très viril de la sororité.

Pour autant, si on passe sur tous ces défauts, aussi nombreux soient-ils, si on accepte a priori de débrancher ses neurones, on se laissera gentiment séduire par le charisme de Margot Robbie qui a pris un plaisir décidément communicatif à se déguiser en Harley Quinn et on passera un agréable moment de divertissement.

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Tu mourras à vingt ans ★☆☆☆

Un incident funeste intervenu au cours d’une cérémonie religieuse laisse augurer, peu après sa naissance, la mort à vingt ans du jeune Muzamil. Son père, ne supportant pas cet augure, abandonne le foyer laissant à la mère de l’enfant la charge de son éducation.
L’enfance et l’adolescence  de Muzamil se déroulent sous la menace écrasante de sa mort prochaine : les enfants du village l’ostracisent, les jeunes filles se détournent de lui.

Tu mourras à vingt ans nous vient du Soudan. Cette origine suffit à elle seule à exciter l’intérêt tant il est rare de voir des films de ce pays. Le tout récent documentaire Talking about trees, qui se déroule dans la banlieue de Khartoum, aura néanmoins déjà un peu étanché notre soif d’exotisme.

Tu mourras à vingt ans satisfait à toutes les clauses de son cahier des charges. Il nous montre la vie paisible d’un petit village soudanais hors du temps (rien ne permet de déterminer si l’action se situe au vingtième siècle ou au vingt-et-unième), lové au bord du Nil bleu. Il nous rend attachant les interrogations d’un fils, les inquiétudes d’une mère, le désarroi d’un père. Naima, l’amoureuse de Muzamil, est sans doute un peu trop jolie pour le rôle ; mais on serait bien hypocrite de s’en plaindre.

C’est le premier film de Amjad Abu Alala, qui a tenu à le tourner dans son village natal. Il fait preuve d’une étonnante maîtrise, tant dans l’image particulièrement raffinée que dans la direction d’acteurs laquelle constitue souvent le point faible de ce genre de réalisation. Et il réussit à dénoncer, sans trop y insister, le poids des traditions religieuses qui brisent toute velléité d’émancipation.

Pour autant, Tu mourras à vingt ans peine à se hisser au delà de ce qu’il est : un conte philosophique sur la sortie de l’enfance.

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Chut…! ★☆☆☆

Alain Guillon et Philippe Worms ont posé leur caméra à la bibliothèque municipale de Montreuil pendant plusieurs mois. Ils y ont filmé une équipe de jeunes bibliothécaires, dynamiques et conscientisés, un public bigarré qui vient y chercher qui un livre, qui un endroit pour travailler, qui un lieu chaud pour s’abriter des frimas de l’hiver. Ils y ont filmé Ahmed, le sympathique agent d’accueil qui a un mot gentil pour chacun et un tour de magie pour tous. Ils y ont filmé les expositions temporaires, les cours d’initiation à l’informatique pour les seniors et les ateliers de conversation pour les apprenants de la langue française.

Chut…! souffre de l’ombre portée de Ex Libris l’immense documentaire que Frederik Wiseman, sans doute le plus grand documentariste vivant, avait consacré, il y a deux ans à peine à la New York Public Library. New York vs. Montreuil, 3h18 vs. 1h47, Wiseman vs. Guillon & Worms : le match était perdu d’avance.

Chut…! est construit autour d’un joli paradoxe annoncé par son titre et par son affiche. Une bibliothèque municipale n’est pas une cathédrale silencieuse vouée au culte intimidant du savoir. C’est un lieu de vie où les populations se rencontrent, un oasis de gratuité dans nos sociétés capitalistes, un espace de valorisation respectueuse de toutes les cultures dans une ville bigarrée marquée par les vagues successives d’immigration malienne et indochinoises et en voie de boboïsation avancée.

Difficile de trouver à redire à ces beaux principes. Difficile de ne pas se laisser séduire par les jeunes bibliothécaires, pleins d’enthousiasme, qui vivent leur métier avec une telle foi, comme si chaque jour était le premier.

Difficile aussi, quand on est un vieux scrogneugneu comme moi, de ne pas trouver un peu excessif le déploiement d’autant de bien-pensance.

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Judy ★☆☆☆

Judy n’est pas un biopic qui raconterait la vie de la « petite fiancée de l’Amérique » depuis ses premières apparitions sur les planches à l’âge de deux ans seulement, son triomphe dans Le Magicien d’Oz en 1937 jusqu’à sa mort en 1967, à quarante sept ans à peine, trop tôt vieillie par l’alcool, les médicaments, une vie d’excès et quatre divorces.
Judy se concentre sur l’ultime tournée de l’artiste à Londres, où elle garde encore quelques vieux admirateurs alors que sa réputation en Amérique s’est fanée. Sans toit, sans argent, elle accepte ce contrat pour retrouver la garde de ses enfants que leur père lui dispute.

Judy sort tardivement sur les écrans français auréolé de la moisson de récompenses glanée par son actrice principale. Renée Zellweger a tout gagné : l’Oscar, le Golden Globe, le Bafta… Si les Césars avaient récompensé la meilleure actrice dans un film étranger, nul doute que le trophée lui aurait été décerné, suscitant moins de polémique que celui du meilleur réalisateur.

Alors, bien sûr, on n’aura pas le culot de dire que Renee Zellweger joue mal. Sa performance est bluffante. Elle s’est appropriée le rôle. Elle incarne Judy, ses gestes, sa voix. On ne voit qu’elle – au risque d’oublier un peu vite les autres acteurs, et notamment la toujours juste Jessie Buckley déjà remarquée dans Chernobyl, Wild Rose et Jersey Affair.

Si on peut faire des reproches à Judy, c’est sur deux autres plans.

Le premier est celui de ces films tout entier organisés autour de la reconstitution, aussi fidèle que possible d’un homme et de son époque. Avec les progrès de la technique, on peut se demander quel avenir ils ont. Dès lors qu’on pourra, à partir de photos et d’images d’archives, utiliser le visage d’un personnage historique pour l’incruster dans un film, quel intérêt de demander à un acteur aussi talentueux soit-il d’essayer à tout pris de lui ressembler et d’en copier la moindre mimique ? Comme la peinture a dû se repenser après l’invention de la photographie, un certain cinéma est condamné à l’obsolescence par la motion capture.

Le deuxième est moins structurant. Il s’agit du sujet du film : une star de cabaret qui interprète à la fin des années soixante des standards démodés. Démodés en 1967, les tubes chantés par Judy Garland ne le sont pas moins cinquante ans plus tard. Il n’y a guère de glamour dans les numéros de cabaret, pauvrement chorégraphiés, qu’on nous montre. Et quand on entend enfin le si longtemps retardé Over The Rainbow, on est partagé entre l’émotion et le soulagement de savoir que le film touche enfin à sa fin.

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2040 ★☆☆☆

Il y a deux ans, l’acteur-producteur-réalisateur australien Damon Gameau avait suivi un régime pauvre en graisse et riche en sucres à base de barres chocolatées et de smoothies. Le résultat après soixante jours : un surpoids de onze kilos, des boutons, une humeur en dents de scie et un documentaire distrayant sur les méfaits d’une alimentation déséquilibrée. Deux ans après Sugarland, Damon Gameau revient sur les écrans avec un documentaire similaire dans la forme sinon dans l’objet.

2040 est une utopie optimiste. À rebours des discours apocalyptiques qui égrènent les mille et un fléaux qui ne manqueront pas de s’abattre sur notre malheureuse planète si nous ne renversons pas sa dérive anthropocène, 2040 se veut positif. Il ne s’agit pas de se lamenter sur les problèmes, mais de se réjouir des solutions qui existent déjà et qui pourraient, si elles était mises en oeuvre, rendre notre futur meilleur.

2040 est construit selon le même schéma que Demain, le documentaire écolo de Cyril Dion et Mélanie Laurent qui avait, en 2016, remporté un succès mérité. Damon Gameau fait le tour du monde pour chercher, secteur par secteur (énergie, transport, agriculture…) des solutions concrètes aux défis posés par la dégradation de l’environnement. Il les trouve et il les décrit : énergie solaire, véhicules électriques alternatifs, permaculture marine, agroforesterie… Damon Gameau imagine pour chacune leur application et leurs bénéfices à vingt ans.

2040 se présente sous la forme d’une lettre ouverte écrite par Damon Gameau à sa fille de quatre ans, Velvet. C’est l’occasion de séquences familiales attendrissantes autour de la charmante fillette – que la fillette reverra probablement avec une moue renfrognée dans une dizaine d’années. C’est surtout l’occasion de rabâcher une formule mille fois répétée sur le défi intergénérationnel lancé à nos générations de consommateurs inconscients : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».

2040 se présente comme un documentaire pédagogique et volontiers ludique où le réalisateur se met en scène dans une succession de mini-reportages. Ils sont tous construits selon le même schéma répétitif : 1. La planète est en danger 2. Les solutions existent. 3. À nous de les mettre en oeuvre sans tarder. Une approche instructive, stimulante… mais un brin naïve.

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Wet Season ★★☆☆

Ling est une Chinoise de Malaisie qui s’est installée depuis une dizaine d’années à Singapour. Elle y vit avec son mari, qui, au fil du temps s’est lentement éloigné d’elle, et avec son beau-père lourdement grabataire. Elle suit sans succès un protocole médical exigeant pour avoir enfin un enfant. Elle enseigne le chinois dans un lycée de garçons. C’est là qu’elle rencontre un de ses étudiants, Wei Lun.

Coïncidence des calendriers, Wet Season arrive sur les écrans français trois semaines après La Beauté des choses, un film suédois qui racontait déjà la relation amoureuse entre une professeure et son étudiant. Ce film-ci datait de la fin des années 90 ; celui-là est contemporain. Celui-ci nous vient d’Europe, celui-là d’Asie. Deux façons donc, différentes dans le temps et dans l’espace, d’évoquer le même sujet.

La première différence est la façon dont est traitée la sexualité. Elle est omniprésente dans le film suédois, joyeuse, libérée. De là à dire que nous autres, Européens, sommes libidineux, il n’y a qu’un pas que je n’oserai franchir. Rien de tel dans le film singapourien où la relation entre Ling et Wei Lun est quasiment platonique. La moiteur équatoriale annoncée par le titre n’est pas au rendez-vous.

La seconde – qui n’est pas sans lien avec la première – est la place respective de l’individu et de la famille. Sans exagérer les différences (les deux films leur donnent à l’une comme à l’autre une place importante) et risquer les raccourcis caricaturaux, les déterminants familiaux sont plus importants dans le film asiatique que dans le film européen. Ling est engluée dans une famille qui l’étouffe – un mari de plus en plus absent, un beau-père de plus en plus malade. Elle cherche avec Wei Lun le fils qu’elle ne parvient pas à concevoir. Wei Lun quant à lui, dont les parents sont cruellement absents, cherchent en Ling une mère de substitution.

Wet Season est entièrement filmé du point de vue de Ling, tissant le beau portrait d’une femme en plein désarroi, confrontée à des choix existentiels : quitter son mari ? retourner en Malaisie auprès de sa mère ? avoir un enfant ? Seul défaut de ce parti pris : laisser dans l’ombre la figure de Wei Lun réduit à un rôle accessoire.

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