Coup de chaud ★★★★

Voilà un film français passé inaperçu, plombé d’avance par sa date de sortie au milieu de l’été 2015. Pourtant « Coup de chaud » a de quoi séduire.

On est dans un petit village du Lot-et-Garonne écrasé par la chaleur d’un été sans pluie. On pourrait être dans un western ou sur une scène de théâtre.
Une dizaine de personnages solidement campés : un maire bonhomme victime de sa gentillesse (Jean-Pierre Darroussin), une agricultrice en colère (Carole Franck), un artisan récemment arrivé (Grégory Gadebois) et Joseph (Karim Leklou, César du meilleur espoir 2015), l’idiot du village qui n’a jamais fait de mal à un chat mais qui met tout le monde mal à l’aise.

Le film décrit un fait divers, un engrenage stupide et fascinant. Sans jamais verser dans le manichéisme. La chronique sociale se double d’un whodunit qui nous tient en haleine.
Et la fin du film donne lieu à de belles questions : « et toi qu’aurais tu fait ? »

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La Niña de Fuego ★☆☆☆

La Niña de fuego nous arrive d’outre-Pyrénées précédé d’une réputation flatteuse. Pour Almodovar c’est la « révélation du siècle ». Pas moins !

Et il est vrai que cette Niña-là rappelle les derniers films du maître. Même ambiance glacée que dans La Piel que habito ; même scenario compliqué que dans Étreintes brisées.

Mais la comparaison s’arrête là hélas. Car ce qui marche si bien chez Almodovar ne fonctionne jamais chez Vermut. La froideur des personnages et des situations nous réfrigère sans nous glacer. La complexité du scenario – pour ne pas dire ses invraisemblances – nous égare sans nous stimuler.

Merci au bon Samaritain qui m’expliquera le dénouement auquel je n’ai rien compris !

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La Belle saison ★★★★

Vous avez adoré les hommes qui s’embrassent dans « Brokeback Mountain » ? Vous adorerez les filles qui se roulent des pelles dans « La Belle saison » !

Tout sonne juste dans ce film qui est à la fois une reconstitution historique et un drame amoureux.
Reconstitution historique. La France pompidolienne de 1971. Les combats du MLF. L’avortement clandestin et l’homosexualité honnie.
Drame amoureux. Delphine aime les filles et Carole les garçons. Delphine est une fille des champs, montée à Paris pour fuir la ferme familiale. Carole est une fille des villes qui milite au MLF. Delphine tombe amoureuse de Carole mais doit rentrer dans la Creuse reprendre l’exploitation familiale. Carole plaque tout pour l’y suivre.

Tout est réussi dans le film de Catherine Corsini. Le récit tient la durée jusqu’à l’épilogue qui arrachera une larme aux plus endurcis. La caméra filme les corps nus sans sombrer dans l’esthétisme ou le voyeurisme. Les personnages ne sont jamais manichéens. Les acteurs sont extraordinaires : Cécile de France confirme qu’elle est capable de tout jouer, Noémie Lvovsky est parfaite dans le rôle de la mère, même Kevin Azais (découvert dans « Les combattants » au côté de Adèle Haenel) réussit à rendre attachant le personnage du soupirant berné.

« La Belle saison » n’a pas décroché l’Oscar, ni même le César. Il a été vu par mille fois moins de spectateurs que le film d’Ang Lee. Pourtant il n’est pas loin de l’égaler.

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Amnesia ★★☆☆

La Vergangenheitsbewältigung, tel est le sujet du dernier film de Barbet Schroeder, un Suisse allemand à la filmographie éclectique qui ne parle plus sa langue maternelle.

La Vergangenheitsbewältigung, c’est la capacité à regarder son passé dans les yeux. Marthe et Jo en sont tous les deux incapables à leur façon. Dans la blanche Ibiza des années 90, la première refuse l’amnésie collective de ses contemporains. Son refus prend la forme d’un déni : elle ne parle plus l’allemand, ne monte pas dans une Volkswagen, ne boit pas de Riesling. Le second, jeune DJ fraîchement débarqué de Berlin, mixe à l’Amnesia, le club à la mode, au motif que les enfants ne sauraient être tenus responsables des crimes de leurs pères.
Ainsi posé, le sujet est passionnant, qui ressemble à une dissertation de philosophie.

Son traitement, trop théâtral, est décevant qui nous conduit paresseusement à un dénouement attendu.

Reste la relation troublante entre Marthe et Jo, dont on se demande quel tour elle prend et sur laquelle le voile n’est pas levé.

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Dheepan ★★☆☆

Le premier quart d’heure de Dheepan annonce un grand film. Jacques Audiard plante le décor et nous prend aux tripes en quelques plans : un rebelle tamoul démobilisé trouve dans un camp de réfugié une femme et une fille pour demander l’asile familial en France.

Mais ensuite tout se gâte. Dheepan est engagé comme concierge d’une barre d’immeubles gouvernés par des dealers. On ne saura rien des motifs de la guerre des gangs qui y fait rage. Mais notre héros, qui croyait avoir quitté l’enfer, s’y retrouve plongé à son corps défendant.

Documentaire sur les banlieues françaises en déshérence ? Hymne à l’intégration républicaine ? Glorification hyperviolente de l’auto-défense louchant du côté de Charles Bronson ? Grand film romantique sur un homme en pleine reconstruction ? Dheepan – un titre sponsorisé par Pizza Hut ? – hésite entre ces registres

Jacques Audiard est l’un des plus grands réalisateurs contemporains. « Un prophète », « De rouille et d’os », « De battre mon cœur s’est arrêté », « Sur mes lèvres » sont des chefs d’œuvre.

Il méritait la Palme d’Or pour l’ensemble de son œuvre. Pas sûr que « Dheepan » la méritât.

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Mediterranea ★★☆☆

Deux migrants (réfugiés ?) burkinabés traversent le Sahara et la Méditerranée au péril de leurs vies. Ils débarquent en Sicile et y survivent tant bien que mal. L’un se fond dans le système, acceptant un logement insalubre, un travail au noir et les railleries racistes des Italiens ; l’autre ne l’accepte pas et se révolte.

La sortie de « Mediterranea » en septembre 2015 avait exactement coïncidé avec la mort du petit Aylan Kurdi.

L’immigré devient une figure cinématographique. Les films se multiplient qui retracent son voyage périlleux (« La pirogue » de Moussa Touré, « In this land » de Michael Winterbottom) et l’accueil pas toujours bienveillant qui lui est réservé à son arrivée en Europe (« Welcome » de Philippe Lioret, « Terraferma » de Emmanuele Crialese).
Tous ces films ont en commun de se focaliser sur des individus représentés dans leur humanité souffrante et courageuse.

Ce bel unanimisme est problématique. Sans doute faut-il se féliciter que le cinéma véhicule un tel message et ne se fasse pas le fourrier de thèses xénophobes. Mais il n’en demeure pas moins que ce cinéma bien-pensant est en décalage avec une opinion publique qui ne l’est pas ou qui ne l’est que par éclipses.

On va au cinéma le samedi soir compatir aux destins tragiques des héros de « Welcome » et de « Mediterranea »… et on vote dimanche matin pour des partis politiques qui ont renoncé à accueillir toute la misère du monde.

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Le tout nouveau testament ★★★☆

Le réalisateur : « On a besoin de 8 Meuros pour faire un film.
Avec plein d’acteurs bankables : Poelvoorde, Deneuve, Damiens… »

Le producteur : « Super ! pas de problème ! Et votre film il parlera de quoi ? »

« Poelvoorde jouera le rôle de Dieu. Il est méchant. Il habite à Bruxelles dans un HLM »

« Ah… Et Deneuve ? »

« Elle tombe amoureuse d’un gorille et couche avec. »

« Euh… et François Damiens ? »

« Il aura un petit rôle et aucun dialogue »

« Euh… »

« On avait aussi pensé à Yolande Moreau pour jouer le rôle de la femme de Dieu »

« Parce que Dieu a une femme ? »

« Oui oui ! Et une fille ! ce sera elle l’héroïne ! Elle en a marre de son père et elle fugue. »

« Mais Dieu il a un fils non ? »

« ….ah mince. On avait oublié celui-là. On va le rajouter au montage. En revanche on a pensé aux Apôtres. il y en aura 18 ! »

« 18 ? mais je croyais qu’il y en avait 12 »

 » …t’es sûr ? je vérifie sur Wikipedia. Ah zut. T’as raison »

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Life ★☆☆☆

Conçu pour le 60ème anniversaire de la mort de James Dean, « Life » a pour personnage principal… le photographe de Life (oh ! subtile polysémie du titre) et non James Dean (oh ! subtil décentrage du propos). Ledit photographe est joué par Robert Pattinson (oh ! qu’il est subtil de faire jouer le rôle du paparazzi par la star sur-médiatisée de « Twilight »). Et James Dean par un acteur inconnu (oh que le chiasme est subtil ! la star est jouée par un inconnu et l’inconnu est joué par la star).

L’objet du film : reconstituer avec un soin maniaque les photos prises en février-mars 1955, avant que la sortie de « À l’Est de l’Eden » ne propulse le jeune acteur au sommet du star system.
Sauf que la reconstitution n’est jamais parfaite.
Et qu’à ce film plagiaire on préfèrera tout bêtement regarder les originaux mythiques en noir et blanc autrement plus authentiques.

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Elvis & Nixon ★☆☆☆

En 1970, l’homme le plus puissant du monde libre, Richard M. Nixon, reçoit à la ‎Maison-Blanche la star la plus adulée de son temps, Elvis A. Presley. Que se sont-ils dits ? Probablement pas grand’chose. Mais cette rencontre mythique a stimulé l’imagination de Liza Johnson qui en a fait un film.

Bien mal lui en prit. Car « Elvis &Nixon » est totalement dénué d’intérêt. L’histoire ? Il n’y en a pas. Sinon celle d’une rencontre que peine à organiser l’entourage de la star (qui tente tant bien que mal de satisfaire ses lubies) et celui du président (deux énarques à lunettes qui ont compris l’impact qu’une photo avec le King pourrait avoir sur la popularité du Président républicain). Bien piètre tension dramatique !

Le film se réduit au cabotinage de ses acteurs principaux. Michael Shannon est un immense acteur, par le talent et par la taille. Il endosse les costumes improbables du King et joue à merveille la folie mégalomane de la star au crépuscule de sa carrière. Que dire en revanche de Kevin Spacey, horriblement grimé pour ressembler à « Tricky Dick » (Richard le roublard) ? Il doit son rôle à son interprétation de Franck Underwood dans « House of Cards ». Dix ans plus tôt, le rôle aurait été confié à Martin Sheen, le président de « West Wing ». Il aurait été plus ressemblant et plus convaincant.

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La Fille inconnue ★★★☆

Je place les frères Dardenne au sommet. Au sommet de mon palmarès personnel : « Rosetta », « Le Silence de Lorna », « Le Gamin au vélo » figurent parmi mes films préférés. Au sommet, je crois aussi, de la cinématographie de ce début de siècle. Je prends le pari que, dans un siècle, leurs noms seront cités parmi la dizaine de réalisateurs marquants de notre temps.

Aussi chacun de leur film est-il un événement que j’attends avec une impatience joyeuse.

Celui-ci ne m’a pas étonné tant il ressemble aux précédents.

Par son cadre d’abord : les bords de la Meuse à Liège, une fois encore, gris et laids, mais filmés sans misérabilisme.

Par son héroïne ensuite : une femme, seule, de chaque plan, constamment en mouvement, souvent filmée de dos, mue par une idée fixe. Emilie Duquenne dans « Rosetta », Cécile de France dans « Le Gamin au vélo », Marion Cotillard dans « Deux jours, une nuit ».

Par son titre également : un titre court, qui claque et qui prétend, par sa brièveté même, à l’universel.

Par le dilemme moral qu’il pose : Olivier Gourmet acceptera-t-il l’apprenti qui a provoqué la mort de son fils (« Le Fils ») ? Lorna abusera-t-elle l’homme qu’elle doit épouser pour régulariser sa situation administrative (« Le Silence de Lorna ») ? Marion Cotillard convaincra-t-elle ses collègues de renoncer à leur prime pour qu’elle garde leur emploi (« Deux jours, une nuit ») ?

Dans « La Fille inconnue », les frères Dardenne posent une question pour y répondre immédiatement. Pouvons-nous rester indifférents à la misère du monde ? La réponse est évidemment négative. La mystérieuse inconnue, qui vient frapper à vingt heures passé à la porte du cabinet du docteur Davin et qui trouve porte close, va obséder la jeune praticienne qui s’estime coupable de sa mort.

Mais « La Fille inconnue » est moins un film sur les réfugiés qui meurent anonymes dans nos rues, que sur la médecine et sa pratique. « Le Docteur » ou « La Consultation » – le titre d’un livre de Martin Winckler auquel le film des Dardenne emprunte énormément – aurait été plus approprié. Car c’est l’éthique du médecin que le film questionne : sa porte ouverte à la détresse physique et morale, ses gestes patients et compatissants, les connaissances qu’il doit mobiliser pour établir un diagnostic exact, la disponibilité de chaque instant.

« La Fille inconnue » est un film à montrer à tous ceux et celles qui se destinent au beau métier de médecin.

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