Coby ★★★☆

Suzanne est un garçon manqué. Depuis son plus jeune âge, elle a la conviction que la nature s’est trompée en lui donnant un corps de fille. Avec l’assentiment de ses parents, elle décide d’en changer. Suzanne deviendra Jake. Mais le temps de la « transition », il/elle est Coby.

Les hasards du calendrier amènent sur les écrans ce documentaire qui décrit le changement de sexe d’une jeune Américaine, un mois à peine après Finding Phong, qui racontait celui d’un jeune Vietnamien. Les deux documentaires racontent ces deux histoires symétriques avec le même parti pris : nous faire voir et comprendre sans voyeurisme un processus qui suscite une curiosité parfois malsaine, le désamorcer de tout ce qu’il pourrait avoir de choquant ou de ridicule. Parce qu’il n’a pas la charge exotique des Lady Boys asiatiques, parce qu’il nous ressemble, Coby nous touche plus que Phong.

On découvre un foyer bobo de l’Ohio : une mère aimante dont on comprend qu’elle a eu, plus jeune, une vie moins rangée et un premier enfant, le réalisateur français de ce documentaire, un père déjà âgé et dont les commentaires révèlent une rare humanité, un frère aîné dont la ressemblance avec son cadet s’accentuera au fur et à mesure de la masculinisation de ce dernier et enfin une petite fille dont les photos d’enfance – dont celle stupéfiante qui fait l’affiche du film – révèlent immanquablement le trouble identitaire.

Christian Sonderegger, qui est donc le demi-frère de Coby, filme ce foyer en 2016 alors que Coby hésite à pratiquer l’hystérectomie qui la transformera irrévocablement en homme. Cinq ans plus tôt, elle a commencé un traitement à la testostérone qui a radicalement modifié son apparence physique : pilosité, musculature, tessiture… Rien ne laisse supposer que ce séduisant barbu fut jadis une adolescente en fleurs. Les interviews que le réalisateur a avec les membres de la famille – ainsi qu’avec Sara dont on comprend qu’elle est depuis toujours la petite amie de Suzanne/Coby et qu’elle l’accompagne amoureusement dans sa transition – sont entrecoupés d’images d’archives : Coby s’était longuement filmé pour expliquer sur un forum transgenre sa transformation.

Comme Les Invisibles de Sébastien Lifshitz qui décrivait la vie ordinaire de couples homosexuels, en démontrant, à rebours des outrances incendiaires des opposants au mariage pour tous, que les gays n’étaient ni des monstres dénaturés ni des pervers partouzeurs, que l’homosexualité pouvait se vivre sereinement, Coby témoigne que la « réassignation sexuelle » – l’expression savante pour désigner le changement de sexe – peut se vivre sans drame.

La bande-annonce

Sonate pour Roos ★★☆☆

Au terme d’un long voyage automobile dans la Norvège enneigée, Roos, la trentaine, photographe professionnelle, rejoint Louise, sa mère, une ancienne concertiste, et Bengt, son jeune demi-frère passionné d’acoustique. Entre la pianiste et la jeune femme, la tension est palpable, nourrie de rancœurs et de non-dits. Roos a un secret à partager dont elle tarde à s’ouvrir.

Sonate pour Roos est un film européen. Son réalisateur et ses deux actrices principales sont néerlandais. Son action se déroule en Norvège. Ses dialogues sont en anglais.

Son sujet est plus classique. Il traite des relations mère-fille dans une ambiance hivernale et morbide qui n’est pas sans rappeler Ingmar Bergman. Car le besoin d’amour de Roos se heurte au mutisme dédaigneux de sa mère, que la pratique exigeante de son art et la vie recluse dans le nord de la Scandinavie n’ont pas habituée aux épanchements maternels. Seules sources de réconfort pour Roos : la douceur d’un ancien amant qu’elle retrouve pour une courte étreinte et l’amour de son jeune frère, empli d’une rage artistique que la vie isolée qu’il mène avec sa mère peine à satisfaire.

Le sujet pourrait être plombant. Il est traité sans afféterie. Les mots sont rares dans ce film silencieux et volontiers contemplatif qu’emplissent la musique de Louise, les sons de Bengt et les photos de Roos. Il se termine par une scène glaçante dont je ne crains que trop d’avoir compris la signification.

La bande-annonce

Milla ★☆☆☆

Milla et Léo sont à peine sortis de l’enfance. Ils vivent d’amour et d’eau fraîche en périphérie d’une petite ville côtière du bord de la Manche. Ils y squattent un pavillon abandonné. Ils rient. Ils lisent. Ils volent leur nourriture. Ils écoutent en boucle Add it up du groupe folk punk Violent Femmes. Leo trouve à s’employer sur un chalutier. Milla est enceinte.
Un drame survient. La vie de Milla pourrait s’en trouver brisée. Mais la jeune femme résiliente va de l’avant.

Le sujet épuré de Milla pouvait se prêter à toutes les formes possibles de traitement. L’amour fou façon Lelouch avec musique tourbillonnante et travelings échevelés. La critique sociale façon Ken Loach avec des dilemmes déchirants. Le drame érotique façon Oshima avec du sexe à gogo.

Le parti pris de la jeune réalisatrice, qui signe son second long après Nana (2012) [Valérie Massadian aime décidément les titres brefs], est tout autre. Elle opte pour une approche quasi documentaire filmant en longs tableaux silencieux, séparés par de déroutantes ellipses, la vie de Milla qui s’écoule.

Le sujet aurait pu tenir en quinze minutes. Il dure plus de deux heures. La patience du spectateur est mise à rude épreuve. D’ailleurs nombreux sont ceux qui ne s’en laissent pas compter et quittent la salle. J’avoue que la tentation m’a frôlé, l’espace d’un instant. J’y ai vaillamment résisté et en suis heureux ; car le voyage mérite d’être mené jusqu’à son terme quand bien même aucun twist, aucun cliffhanger ne le ponctue. Est-ce à dire pour autant que j’ai été séduit par cet ascétisme arty ? Ce serait pousser le snobisme un peu trop loin.

La bande-annonce

Une femme heureuse ★★★☆

Tara a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux bambins débordants de vie. Mais Tara s’ennuie. Tara étouffe. Cette jolie trentenaire, femme au foyer, ne supporte plus son mari, son égoïsme. Elle a beau chérir ses deux jeunes enfants, elle ne supporte plus leurs cris et la vie asservissante à laquelle ils la condamnent.
Un beau jour, elle décide de fuir. Destination Paris où elle rêve de voir de visu La Dame à la licorne. Escapade sans lendemain ou évasion définitive ?

Filmer l’ennui n’est pas facile. Une femme heureuse, dont le titre français, on l’aura compris, est une antiphrase, y réussit pourtant. C’est un mal insidieux, qui guette nos sociétés repues – et dont Wall-e par exemple rendait compte merveilleusement dans sa première demie-heure. L’Ennui de Moravia – porté à l’écran sans démériter par Cédric Kahn en 1998 – l’envisageait du point de vue masculin. L’ennui qui sourd des vies à moitié vides des femmes au foyer est un sujet souvent traité par la littérature (Emma Bovary, Anna Karenine, Effi Briest, Ariane Deume…) et au cinéma (Belle de jour avec Catherine Deneuve, Loin du paradis avec Julianne Moore,  Little Children avec Kate Winslet, La Vie domestique avec Emmanuelle Devos…)

Une femme heureuse n’est pas un film spontanément sympathique. Plusieurs spectateurs ont d’ailleurs quitté la salle en cours de séance. Pendant sa première moitié, on y voit en très gros plan une femme qui pleure, broyée par une inexorable dépression. Pendant la seconde, on la suit prendre la poudre d’escampette à Paris dont même les façades lépreuses des immeubles haussmanniens du dixième arrondissement, au sortir de la gare du Nord, sont pour la Londonienne la promesse d’une renaissance. Jusqu’à un dénouement inattendu que je ne suis pas sûr d’avoir d’ailleurs totalement compris.

Mais Une femme heureuse est portée par la grâce de son actrice principale qui a produit elle-même ce film. Gemma Arterton est de tous les plans. Depuis que je l’ai découverte dans Tamara Drewe, je suis incapable de parler de ses films sans consacrer un long paragraphe à l’adoration suspecte que je lui voue. Son visage triste, sa lippe, son accent, tout en elle m’émeut. Et dans ce film plus que dans tous autres, parce qu’elle joue sans fard une femme désespérée, parce qu’elle refuse tout glamour, Gemma Arterton émeut.

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Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma ☆☆☆☆

Tandis que le producteur Jean Almeyreda (Jean-Pierre Mocky) s’échine à renflouer sa société, le réalisateur Gaspard Bazin (Jean-Pierre Léaud) fait passer des auditions. Entre eux, Eurydice (Marie Valéra), la femme de Almeyreda et l’actrice de Bazin.

En 1986, quelques mois avant sa privatisation, TF1 diffusait en prime-time le samedi soir ce téléfilm de Godard. Il a été projeté au dernier festival de Locarno l’été dernier et est sorti en salles en octobre 2017.

Je n’ai jamais été un grand godardien. Soigne ta droite est d’ailleurs le seul film dont je sois sorti de la projection en cours de séance. C’était en 1988 dans une petite salle à Toulon, fermée depuis belle lurette. Il y a prescription. Bien sûr, j’ai aimé les films du Godard de la première époque : À bout de souffle, Le Mépris… Mais à partir de Alphaville et de Pierrot le fou, Godard m’égare. Et dans les années 1970, il me perd définitivement.

Je comprends son désir d’aller au-delà des formes convenues du cinéma tel qu’on le pratiquait alors. Michel Hazanavicius a réussi avec beaucoup d’intelligence à capter ce tournant-là dans Le Redoutable. Mais je ne comprends pas ce qu’il a fait de ce désir et les formes vers lesquelles sa quête l’a entraîné.

Alors, bien sûr, je continue à aller voir les films de Godard, par révérence due à son écrasante réputation. J’ai vu Adieu au langage en 2014. Je me suis copieusement barbé. J’irai voir Le Livre d’image le mois prochain. Je me barberai probablement.

Je trouve les films de Godard artificiels, prétentieux, vains et creux. J’y entrevois aussi quelques références qui hélas me dépassent (Almeyreda est le pseudonyme du père de Jean Vigo, Bazin le patronyme d’un célèbre critique de cinéma des années 50). J’y découvre parfois quelques fulgurances. Par exemple dans Grandeur et décadence… un essai d’une criante vérité avec une actrice anonyme qui hurle son chagrin face à la caméra. N’allez pas, comme moi, perdre votre temps à chercher cette séquence dans le film. Regardez la bande-annonce : elle y est.

La bande-annonce

Marion ☆☆☆☆

Hervé Pierre-Gustave alias HPG est un hardeur qui veut faire sortir le porno du ghetto. En 1999, il signe HPG, son vit, son œuvre … tout un programme. En 2012, il confiait au documentariste Raphaël Siboni les milliers d’heures de making-of de ses tournages X.  Le documentaire qui en fut tiré – si j’ose dire – s’intitulait Il n’y a pas de rapport sexuel.

Le titre du dernier film de HPG est moins sursignifiant. Marion – qui était déjà le prénom de l’héroïne de son premier film « normal » Les Mouvements du bassin – est le prénom de la femme aimée, cette femme que HPG, nous dit-il dans sa note d’intention, cherche à travers toutes les femmes.

C’est une façon bien romantique de présenter ce film qui se constitue en fait de cinq scènes de sexe, filmées sans grâce, où HPG batifole avec diverses partenaires plus ou moins siliconées, faisant l’amour mécaniquement pendant qu’il discute avec elles, comme on le ferait autour d’un café.

Cette façon de faire pourrait porter à sourire voire à réfléchir, d’autant que HPG, un brin masochiste, ne se donne pas le beau rôle, campant volontiers le rôle d’un bourrin mal dégrossi. Mais hélas, ce serait faire trop d’honneur à Marion que d’y voir une mise en abyme du porno ou une distanciation bienvenue. Pas excitant, pas drôle, pas subtil, pas beau, Marion – dont on nous annonce une version non expurgée qui sortira directement en VOD – ne mérite pas l’heure de sa courte durée.

Mes provinciales ★★★☆

La vingtaine, Étienne monte à Paris poursuivre ses études de cinéma. Il laisse derrière lui Lucie, sa petite amie, dont sa nouvelle vie va lentement mais sûrement l’éloigner. Il partage un appartement avec Valentina puis avec Annabelle, qui préfère aux bancs de l’université l’ambiance militante des luttes prolétariennes et dont il tombe amoureux. Il se fait des amis à Paris VIII, en classe de cinéma, Jean-Noël, un fidèle second, toujours de bonne humeur, et surtout Mathias qui embrasse une conception intransigeante de son art au risque de se mettre ses camarades à dos.

Il existe une bonne demie-douzaine de raisons de détester ces Provinciales. Son titre prétentieux, avec son adjectif possessif, singulier et narcissique, sa référence prétentieuse à Pascal (il y vilipendait les « petits arrangements » des Jésuites). Son noir et blanc chichiteux. Le jeu artificiel de ses acteurs qu’illustre par exemple une scène de classe aux dialogues trop lus. La vie oisive sans compas ni boussole de ses personnages. Leur manichéisme dans l’opposition entre William, qui ne jure que par Fincher et Verhoeven, et Mathias, qui se réclame de Murnau et de Ford.

Mais, on pourrait aussi, pour les mêmes exactes raisons, y voir un des meilleurs films de l’année.
Mes Provinciales n’emprunte pas seulement au titre de Pascal et à son sujet, mais aussi à cette faune de Parisiens que nous avons tous connus et dont nous avons parfois fait partie, d’autant plus « parisiens » qu’ils n’étaient pas nés dans la capitale, qu’ils venaient d’y « monter » et qu’ils étaient désireux d’en comprendre les codes et d’en adopter les tics.
Un noir et blanc qui donne au film une patine intemporelle – même si l’actualité la plus récente est évoquée incidemment qu’il s’agisse de l’élection d’Emmanuel Macron ou des ZAD – et filme au plus près des visages encore adolescents d’une émouvante beauté.
Une pléiade d’acteurs qu’on a déjà vus dans des petits films français et qui déploient, avec la grâce touchante de leurs vingt ans un jeu tout en nuance : Andranic (quel drôle de prénom) Manet, le double autobiographique du réalisateur, l’incandescente Sophie Verbeeck (Le Collier rouge), la fragile Diane Rouxel (Les Garçons sauvages), la mutine Jenna Thiam (L’Indomptée, L’Année prochaine), Corentin Fila (Quand on a 17 ans)…
Des dialogues sans doute trop écrits, mais d’une rare profondeur, comme l’illustre précisément cette scène de classe où s’affrontent deux conceptions antinomiques du cinéma, l’une guidée par le plaisir qu’il doit donner au spectateur, l’autre campée sur l’intransigeance de sa seule pureté.
Et enfin la vie tout simplement. Celle de ces jeunes adultes que nous avons tous été, au temps où l’horizon des possibles nous était infini, au temps où nous étions sur le point de réussir notre vie, au risque de la rater, avant tout bêtement que de la vivre.

La bande-annonce

Ready Player One ★☆☆☆

En 2045, l’humanité se morfond dans des villes surpeuplées et polluées. Pour échapper au quotidien, les habitants se réfugient dans des mondes parallèles. L’Oasis est le plus populaire. L’inventeur de cette réalité virtuelle vient de mourir à la tête d’une immense fortune. Il propose de la céder à qui trouvera « l’œuf de Pâques » qu’il a caché dans un recoin du jeu.
Wade Watts est un jeune orphelin qui, sous les traits de Parzival, joue régulièrement. Avec quelques amis virtuels, Aech, le colosse bricoleur, Art3mis, la jolie motarde, Daito, le samouraï et Sho, le guerrier ninja, il se lance dans la quête de l’œuf de Pâques. Mais Sorrento, le puissant directeur de la multinationale IOS , entend bien mettre la main sur le magot le premier.

Ready Player One a été accueilli par des louanges dithyrambiques. Du Monde à Libération, en passant par Télérama et Les Inrocks, la critique fait preuve d’un unanimisme suspect. Et les spectateurs ont réservé un accueil triomphal à Ready Player One qui a fait près d’un million d’entrées en France durant sa première semaine d’exploitation.

Les critiques ont salué en particulier, dans des articles qui résonnaient parfois comme autant d’éloges funèbres, le génie de Steven Spielberg. Nul doute qu’il mérite ses éloges au regard de son impressionnante filmographie qui accumule les chefs d’œuvre et les succès. Cette filmographie compte deux veines principales. La première, à laquelle Spielberg semblait s’être abonné ces dernières années, sont les grands films sérieux tournés avec un classicisme efficace : Pentagon Papers, Le Pont des Espions, Lincoln, Cheval de guerre, Munich, Il faut sauver le soldat Ryan, La Liste Schindler… La seconde, qu’il semblait au contraire avoir abandonnée, est destinée à un public plus jeune : E.T., Indiana Jones et ses suites, Jurassic ParkReady Player One marquerait le retour de Spielberg à cette veine.

Et c’est bien là, à mon sens que le bât blesse. Car Ready Player One veut jouer sur les deux tableaux. D’un côté les références nostalgiques aux 80ies, aux jeunes années de Steven Spielberg (né en 1948… et qui n’était donc plus si jeune que cela) qu’on imagine volontiers fasciné par les premiers jeux Atari, par les films de Kubrick et les tubes de Van Halen, les Bee Gees, A-ha, Depeche Mode. De l’autre le film de science fiction, gonflé jusqu’à la gorge d’effets spéciaux et de combats épiques.

Ni l’un ni l’autre ne m’ont séduit. Je hais les années quatre-vingt – quand bien même elles coïncidèrent avec le vert paradis de mes amours enfantines – ses coloris marronnasses, ses musiques pop trop sucrées. Je hais les jeux vidéo d’hier et d’aujourd’hui auquel je n’ai jamais rien compris et auxquels je n’ai pas vraiment joué. J’ai trouvé par exemple la course automobile dont je lis qu’elle est « à couper le souffle » ennuyeuse à mourir, puis les allers-retours incessants entre le monde réel et l’univers virtuel d’Oasis incompréhensibles.

Que dire de l’histoire manichéenne au possible (un méchant très méchant dont on sait par avance que les sinistres machinations seront déjouées par des gentils très gentils) sinon qu’elle est d’une platitude achevée ? Cette chasse au trésor, découpée en trois étapes (trois clés doivent être découvertes pour accéder à l’œuf), fait irrésistiblement penser aux scénarios des jeux vidéo où il faut relever un défi pour accéder au niveau supérieur. Quant à la composition ethniquement équilibrée du « clan » de Wade/Perzival et à la romance téléphonée qui se noue entre le héros et la jolie motarde – dont les traits rappellent ceux des Minimoys de Luc Besson – soupirs…

La bande-annonce

La Mort de Staline ★★★☆

Le soir du 28 février 1953, après de copieuses libations en compagnie de Malenkov, Béria, Khrouchtchev et Molotov, Joseph Staline, le tout puissant secrétaire général de l’Union soviétique, est victime d’une attaque cérébrale. Son corps, trempé d’urine, est découvert au matin par sa gouvernante. Sa garde rapprochée accourt. Personne n’ose toucher le corps de peur de commettre un acte fatal qui lui serait immédiatement reproché. Les meilleurs docteurs, dont Staline redoutait qu’ils attentent à sa vie, ont été déportés au goulag.
C’est seulement une semaine plus tard, après plusieurs réveils, que Staline est déclaré mort, au petit matin du 5 mars.
Pendant ce temps, ses proches se déchirent sa succession. Malenkov, le secrétaire général adjoint est censé l’assumer. Mais Beria, le chef de la police politique, l’âme damnée du Père des peuples, chargé de prononcer son éloge funèbre le 9 mars sur la Place rouge, se verrait bien le remplacer. Molotov entend, lui, rester fidèle à la figure de Staline. Khrouchtchev, avec l’aide du maréchal Joukov, réussira à coaliser l’opposition à Beria.

L’histoire est tragique. Le réalisateur britannique (comme son nom ne l’indique pas) Armando Iannucci choisit de la raconter sur un mode comique en adaptant la bande dessinée en deux tomes des français Fabien Nury et Thierry Robin. La Mort de Staline est une immense farce politique qui colle à la réalité des faits, tels que je viens de les présenter, pour ne s’en éloigner que lorsque les nécessités de l’intrigue l’exigent – ainsi de l’exécution de Beria qui, en fait, eut lieu trois mois plus tard.

La Mort de Staline réussit à rester sur la corde raide du drame et de la comédie. Il montre sans les euphémiser les exécutions arbitraires pratiquées dans les caves de la Loubianka et décrit l’atmosphère paranoïaque qui prévalait dans l’entourage de Staline où le moindre mot de travers pouvait valoir à son auteur la déportation sinon la mort. Mais cette violence absurde est décrite sur le mode loufoque de la comédie la plus triviale : Malenkov est un sot, Khrouchtchev un bouffon, Molotov un pleutre, Béria un traitre de comédie. La palme revient à Joukov, qui fait son apparition dans la seconde moitié du film, costumé comme un empereur romain, le torse couvert de médailles.

Qu’il ait été censuré en Russie, où l’on ne plaisante pas avec la réputation des hôtes du Kremlin, montre amplement que La Mort de Staline a touché juste.

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Abracadabra ★★☆☆

À Madrid, de nos jours, Carmen est mariée à Carlos, un grutier qui passe son temps à regarder le foot à la télé et à l’agonir d’injures. Jusqu’au jour où Carlos est hypnotisé et change du tout au tout. Le butor devient un mari aimant, excellent danseur, qui passe l’aspirateur et apporte à sa femme le petit déjeuner au lit.
Avec son cousin Pepe, Carmen découvre que Carlos est en fait victime d’un envoûtement. Tito, un serial killer atteint de schizophrénie, a pris possession de son corps.

Pablo Berger avait signé en 2012 Blancanieves, une réécriture fascinante du conte de Blanche Neige, filmé en muet et noir et blanc dans l’Andalousie franquiste. Couvert de récompenses (sept Goyas), ce film m’avait enthousiasmé. Son suivant n’est pas au diapason.

Abracadabra en effet hésite entre plusieurs genres. Farce loufoque, drame fantastique, enquête policière (dont le sujet macabre et les décors madrilènes rappellent le récent Que Dios Nos Perdone), pamphlet féministe, voire même comédie musicale, Abracadabra trop embrasse et mal étreint. Ses acteurs ne déméritent pas : Antonio de la Torre réussit à rendre tour à tour crédible l’époux macho et l’amant délicat, Maribel Verdu, l’héroïne de Blancanieves, joue à merveille, l’épouse soumise qui se bat contre sa condition. Mais le jeu excellent des acteurs ne suffit pas à mettre de l’ordre dans un film qui en manque trop.

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