Juste sous vos yeux ★★☆☆

Sangok est une actrice coréenne sur le retour qui a longtemps vécu aux Etats-Unis. On la suit pendant vingt-quatre heures alors qu’elle est revenue à Séoul chez sa sœur cadette qui l’héberge et qui se promène avec elle avant un rendez-vous important. Sangok doit rencontrer un réalisateur qui la vénère depuis toujours et qui souhaite lui proposer un rôle. Mais Sangok se voit dans l’impossibilité de l’accepter.

Voilà des années que je vais voir tous les films de Hong Sangsoo et que, systématiquement, je les déteste tous. Ce snobisme et ce masochisme interrogent. Mais étonnamment, ils auront fini par payer : alors que j’étais persuadé de ne pas aimer le vingt-huitième film de ce prolixe réalisateur, il m’a séduit à rebours de toutes mes préventions.

Pourtant il semblait réunir tous les ingrédients qui m’avaient fait détester ces précédents opus. Sa brièveté (quasiment aucun film d’Hong Sangsoo ne dépasse les quatre-vingt-dix minutes), ses interminables plans fixes dont la monotonie n’est guère rompue que par des zooms pas toujours maîtrisés, ses non moins interminables dialogues filmés alternativement en plein air ou dans un restaurant enfumé où l’alcool coule à flots et délie les langues, ses personnages enfin d’actrices en mal de rôles et de réalisateurs en mal de films….

Si Juste sous vos yeux m’a touché, c’est par son sujet, moins frivole que les précédents films de Hong Sangsoo. Ils avaient souvent pour thème des histoires d’amour malheureuses ou, plus généralement, l’incompréhension qui caractérise les rapports hommes-femmes. Est-ce l’effet de l’âge du réalisateur qui a franchi en 2020 le seuil des soixante ans ? Ils se lestent depuis quelques épisodes de sujets plus graves : la maladie, la mort… Mais l’inconséquence masculine en constitue toujours le contrepoint burlesque.

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Costa Brava, Lebanon ★☆☆☆

Soraya et Walid ont décidé de quitter Beyrouth et sa pollution pour s’installer dans une maison de famille sur les pentes désolées du Mont-Liban. Là, avec la mère de Walid, dont les poumons ne supportaient pas l’air empuanti de la capitale, et leurs deux filles, Tala et Rim, ils ont construit un phalanstère auto-suffisant qui suffit à leur bonheur.
Mais la construction d’une décharge sous leurs fenêtres va venir briser le fragile équilibre de cet éden familial et rouvrir les fractures qu’il avait réussi à combler.

Le carton sur lequel s’ouvre le film nous dit que son action se déroule au Liban « dans un futur proche ». Pourtant, son action n’a rien de futuriste et pourrait tout aussi bien se dérouler de nos jours dans un pays dont on sait, même si on n’y est jamais allé, qu’il est gangrené par la maladministration. L’explosion qui ravagea le port de Beyrouth en août 2020 y est évoquée ainsi que la crise des poubelles : faute de décharges, les poubelles s’accumulent régulièrement dans les rues de Beyrouth, attirant les rats et provoquant des maladies.

Soraya et Walid forment en apparence un couple soudé. Ils se sont rencontrés quelques années plus tôt, à Beyrouth, dans les manifestations. On les imagine volontiers insoumis, anticapitalistes, écologistes sans compromis. C’est le cas de Walid dont l’intransigeance l’a peu à peu enfermé dans des choix de vie radicaux. Soraya (interprétée par la lumineuse Nadia Labaki, la réalisatrice de Caramel et de Capharnaüm) est plus ambiguë. C’est une ancienne star de la chanson qui, malgré l’amour qu’elle porte à Walid et les valeurs qu’elle partage avec lui, regrette sa vie passée, la vie urbaine, les rencontres et les échanges qu’elle autorise.

Le couple formé par Soraya et Walid résistera-t-il aux nuisances visuelles et olfactives créées par la décharge en construction ? C’est l’enjeu de l’intrigue qui se déroule sous les yeux de leurs deux filles. À neuf ans, Rim est encore une enfant tout entière inféodée à son père et à son combat. Tala à dix-sept ans est moins entière, qui succombe à l’attraction que suscite en elle le bel ingénieur en charge du chantier. Et la grand-mère revendique avec une ironie contagieuse le droit de vivre librement ses derniers jours.

Malgré une interprétation sans faille, Costa Brava, Lebanon (quel titre déconcertant qui aurait mieux convenu à un film de plage que de montagne !) gâche un beau sujet par une mise en scène languissante et un scénario qui manque de rythme.

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Babi Yar. Contexte ★☆☆☆

Les 29 et 30 septembre 1941, dix jours après l’entrée de la Wehrmacht à Kiev, 33.371 Juifs furent assassinés dans le ravin de Babi Yar par des SS et des policiers allemands, aidés d’auxiliaires ukrainiens.

Le réalisateur ukrainien Serguei Loznista, né en Biélorussie soviétique en 1964, installé à Berlin depuis 2001, est l’auteur d’une œuvre protéiforme. Passionné d’histoire, chroniqueur de celle de son pays, il a réalisé des documentaires et des fictions : Dans la brume, Maïdan, Une femme douce, Donbass
Depuis plusieurs années, il souhaitait réaliser une fiction autour du massacre de Babi Yar. Mais, ne parvenant pas à boucler le budget de ce film ambitieux, il a pris le parti provisoire de plonger dans les archives, tant allemandes que russes, d’y retrouver des images souvent inédites et de les monter. Son principal obstacle pour parler de Babi Yar est qu’on n’en a quasiment aucune image, toute l’opération ayant été menée par l’occupant nazi sous le sceau du secret.

Comme son sous-titre l’annonce, ce documentaire remet le massacre en « contexte ». Il le fait tant et si bien qu’il finit presque par en oublier son sujet. C’est au bout d’une heure seulement, après que l’opération Barbarossa nous a été racontée dans le moindre détail, que seront évoqués, presqu’à la sauvette, les crimes commis à Babi Yar. Auparavant, on aura vu les colonnes de chars allemands partant à la conquête de l’URSS, les longues files de prisonniers de l’Armée rouge complaisamment filmés par la propagande nazie pour donner aux spectateurs l’impression d’une armée en déroute. Puis, les archives soviétiques montreront le même spectacle symétrique, lorsque Kiev sera reprise à l’automne 1943 : mêmes colonnes de chars, soviétiques cette fois-ci, mêmes prisonniers hagards, sous l’uniforme allemand désormais. Et dans un cas comme dans l’autre, les mêmes foules ukrainiennes qui applaudissent leur nouvel occupant: en 1941 les Allemands qui les libèrent du joug soviétique, en 1943 l’Armée rouge qui les libère de l’occupation allemande. Joie sincère d’être libérés ? ou collaborationnisme à tout crin, prompt à tous les revirements de vestes ?

Le documentaire de Serguei Loznitsa n’épargne personne. Ni les Nazis allemands, ni les Soviétiques, ni même les Ukrainiens dont la passivité semble être le seul trait de caractère – alors qu’il y aurait eu des choses à dire, sinon à montrer (car on imagine que ses images sont rares), de la résistance ukrainienne à la fois contre l’invasion allemande et contre la « libération » puis l’occupation soviétique de 1943-1945.

Babi yar. Contexte nous montre que les meurtres de Babi Yar ont été étouffés par l’URSS ou plutôt que leur mémoire a été travestie : leur caractère antisémite était nié par la propagande qui affirmait sans vergogne que des résistants communistes en avaient été les victimes sans faire mention de leur judéité.

Il y aurait eu aussi des choses à dire et à montrer sur les atermoiements de l’Ukraine indépendante depuis 1991 à ce sujet. Or, le documentaire de Sergei Loznitsa n’en dit mot. Pourtant plusieurs projets de mémorial ont été conçus à Babi Yar ; mais aucun n’a été réalisé. En 2014, l’avenue qui mène à Babi Yar avait été rebaptisée par le maire de Kiev avenue Stepan Bandera, du nom d’un nationaliste ukrainien anticommuniste qui collabora avec l’Allemagne nazie en créant la Légion ukrainienne, sous commandement de la Wehrmacht – une décision administrative que la justice ukrainienne n’a pas estimé bon d’annuler. Sans doute, le 30 septembre 2022, sensible à l’opinion internationale, le président Zelensky s’est-il rendu sur le site pour commémorer le 81ème anniversaire du massacre. Espérons que ce geste signe un infléchissement dans la politique mémorielle de l’Ukraine.

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Feu follet ★☆☆☆

En 2069 sur son lit de mort le roi Alfredo se remémore son passé. Encore prince, cinquante ans plus tôt, alors qu’il achevait ses études d’histoire de l’art, il avait obtenu de ses parents l’autorisation de travailler dans une brigade de sapeurs-pompiers. Il y était tombé amoureux de son instructeur, le bel Alfonso. Mais la mort du père d’Alfredo et son accession au trône avaient eu raison de cette idylle.

Sorti en salles en septembre dernier, désormais disponible en DVD, Feu Follet nous vient du Portugal. Son format est surprenant : il dure une heure et sept minutes seulement. Son style l’est encore plus : Feu Follet s’affiche comme une comédie musicale durant laquelle on verra à trois reprises les acteurs pousser la chansonnette et se lancer dans un ballet plus ou moins impromptu.

C’est surtout un film queer à la sensualité revendiquée et omniprésente. La passion que le jeune Alfredo nourrit pour la pinède royale est lourde d’arrière-pensées érotiques, de fiers troncs durs dressés, de montées de sève printanières. La caserne de pompiers où il est affecté est un nid d’éphèbes dénudés qui préparent la prochaine édition du calendrier. Les gestes de premier secours auxquels Alfonso initie Alfredo sont l’occasion de frôlements exquis.

Les deux jeunes gens se retrouvent bientôt seuls dans une forêt calcinée. Alfonso est nu, adossé à un arbre, dans une pose de Saint Sébastien. Alfredo ne reste pas habillé très longtemps. Les deux pompiers s’aiment en s’échangeant des mots doux qui résonnent avec le passé colonialiste du Portugal, leur différence de classe et leur différence de peaux.

Feu Follet est traversé par une légèreté qu’on trouvera, selon les cas, charmante ou superficielle. Son hédonisme joyeux est sans doute sa principale qualité, sa modestie son principal défaut.

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Coma ☆☆☆☆

Une adolescente (Louise Labèque, découverte dans Zombi Child) est recluse dans sa chambre. Son seul contact avec le monde extérieur est Internet. Elle est fidèle à la chaîne de la YouTubeuse Patricia Coma (Julia Faure) qui vend des gadgets et distille des conseils de vie dérangeants. Elle retrouve ses amies sur Face Time. Elle joue avec ses poupées Barbie et Ken – auxquelles le regretté Gaspard Ulliel, Laetitia Casta, Louis Garrel et Anaïs Demoustier prêtent leurs voix. La nuit, dans ses cauchemars, elle rejoint une forêt obscure peuplée d’ombres inquiétantes.

Le cinéma de Bertrand Bonello a le mérite de l’originalité : L’Apollonide, Saint Laurent, Nocturama, Zombi Child…. Il a ses inconditionnels afficionados. Il a aussi le don de m’horripiler. Je le trouve paresseux, creux, vain. Filmé à l’économie, Coma pousse au paroxysme ces défauts à mon sens rédhibitoires. Il mêle dans un grand n’importe quoi soi-disant lynchien une interview de Deleuze, des plans de rue en split screen filmés par des caméras de vidéosurveillance, des cartons de dessin animé, une lettre ouverte du réalisateur à sa fille (dont la lecture du dossier de presse nous apprend qu’elle a le même âge que l’actrice qui interprète l’héroïne), etc.

Pendant vingt minutes, on écarquille les yeux, étonné. Pendant l’heure qui suit, on les ferme, écrasé par l’ennui, dérouté par une accumulation aussi grotesque de non-sens prétentieux.

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Derniers jours d’un médecin de campagne ★★☆☆

Patrick Laine est médecin généraliste. Il exerce à Saulnot, une petite commune rurale de la Haute-Saône, entre Vesoul et Montbéliard. Depuis 1983, il reçoit à son cabinet et se rend au domicile de ses patients avec un dévouement exemplaire. Mais l’âge venant, le docteur Laine veut prendre sa retraite. Hélas, aucun successeur ne se présente.

En 2016, après avoir sans succès sollicité l’Ordre et l’ARS, le docteur Laine avait passé une annonce sur Le Bon Coin pour céder sa patientèle. Elle avait mis la puce à l’oreille du documentariste Olivier Ducray qui était venu le rencontrer et le filmer. Il en a tiré un documentaire de soixante-neuf minutes diffusé en 2019 sur LCP. Fin octobre 2022, il est sorti à L’Espace Saint-Michel devant un public clairsemé avant de disparaître rapidement de la programmation.

Derniers jours… est le portrait d’un homme admirable, véritable saint laïc, tout entier dévoué à sa tâche qu’il exerce avec une abnégation et une humanité qui forcent le respect. C’est aussi une démonstration à charge de l’extension des déserts médicaux, du vieillissement et de la raréfaction des médecins de campagne et des dangers qu’ils comportent. Leurs causes sont bien connues : les études de médecine privilégient les spécialisations, plus valorisées et mieux rémunérées, et les jeunes médecins d’aujourd’hui n’acceptent plus les conditions de vie harassantes de leurs aînés, prêts à sacrifier leurs nuits et leurs week-ends si leurs patients les appellent en urgence.

On pourrait pinailler en disant que ce documentaire occulte les autres professionnels de santé qui interviennent dans la prise en charge : les infirmières – auxquelles le docteur Laine devrait, pour gagner du temps, déléguer le soin de faire des prises de sang – les assistantes sociales, les aides à domicile…. On pourrait aussi lui reprocher une pratique désuète de la médecine qui ne fait pas assez de place à la collégialité. Mais ce serait faire au bon Dr Laine un bien méchant procès.

Post-scriptum : En allant fureter sur Internet, on apprend que, malgré tous ses efforts, le docteur Laine n’a pas réussi à trouver de successeur. Il a fermé la mort dans l’âme son cabinet en 2021, à soixante-et-onze ans, et en a fait don à la commune.

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Il nous reste la colère ★★☆☆

Sans rien cacher du caractère militant de leur engagement, Jamali Jendari et Nicolas Bernaert ont filmé pendant quatre ans les syndicalistes CGT de l’usine Ford à Blanquefort. Elle avait échappé à la fermeture en 2011 grâce à leur combat ; mais elle est à nouveau exposée à la même menace en 2018. Parmi ces syndicalistes émerge la figure charismatique de Philippe Poutou, délégué CGT et candidat à la présidentielle en 2017.

La caméra des deux documentaristes colle au plus près des ouvriers et des militants durant la longue négociation qui s’engage. Quatre acteurs y participent, aux intérêts contradictoires : Ford Europe qui entend plier les gaules et a présenté, comme la loi l’y oblige, un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ; l’Etat qui doit l’homologuer et qui essaie de retrouver un repreneur ; Punch Powertrain, un fabricant de boîtes de vitesses belge, qui a manifesté son intérêt à reprendre le site mais exige des salariés des sacrifices ; les salariés eux-mêmes divisés sur les objectifs de la lutte : défendre l’emploi à long terme en prenant le risque de se mettre en grève ou bien considérer que cette bataille-là est perdue d’avance et obtenir de Ford la prime de licenciement la plus généreuse possible.

Des documentaires sur des usines au bord du dépôt de bilan, on en a vu beaucoup. Au point de considérer qu’il s’agit désormais d’un genre à part entière : La Saga des Conti en 2013,  Des Bobines et des Hommes en 2017, Le Feu sacré fin 2020… On a vu aussi des films plus ou moins réussis sur ce thème : Ressources humaines de Laurent Cantet (qui n’avait pas encore gagné la Palme d’Or pour Entre nos murs) La Fille du patron, Reprise en main de Gilles Perret il y a quelques mois à peine… Le meilleur du genre, et de loin, est de mon point de vue un film exceptionnel accueilli avec un succès mérité : En guerre de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon dans le rôle d’un syndicaliste CGT poussé à bout, ex aequo avec le film suivant de Stéphane Brizé, avec le même Vincent Lindon, Un autre monde.

On frise l’overdose avec ce nouveau documentaire sur ce sujet décidément éculé. Deux facteurs le sauvent. Le premier est le suspense qui se crée naturellement, sans avoir besoin de recourir au moindre artifice, sur le sort de l’entreprise au cours d’une négociation riche en rebondissements car aucun de ses participants ne veut porter le poids de la responsabilité de son échec.
Le second est le portrait des syndicalistes. Loin des caricatures que les positions souvent radicales de Philippe Poutou laissaient augurer, on découvre un homme posé, philosophe, souvent drôle, jamais autoritaire, à qui la célébrité médiatique n’est pas montée à la tête. Son engagement pour ses camarades fait chaud au coeur.

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Hinterland ★★☆☆

Une demi-douzaine de soldats en piteux état regagnent Vienne en 1920 après avoir été prisonniers en Union soviétique. Ils ne reconnaissent rien à la capitale de l’ancien Empire austro-hongrois, dévastée par la guerre. Parmi eux, Peter Perg, un ancien inspecteur de police. Il va reprendre son ancien travail et enquêter sur une série de crimes sadiques qui frappent ses anciens compagnons d’armes.

Hinterland est constitué de deux ingrédients différents : un fond et une forme.

Le fond n’est pas très intéressant. Il s’agit d’une banale enquête policière, comme on en lit tant et tant dans ces romans policiers qui se voudraient attrayants parce qu’ils se déroulent en d’autres temps ou sous d’autres latitudes : polar islandais, enquête dans la Chine des Ming ou dans l’Irlande du Moyen-Âge. Je sais le succès de ces ouvrages – dont ma belle mère, notamment, raffole – mais je les trouve insipides et répétitifs. Les rebondissements dont est émaillé le scénario de Hinterland manquent trop de finesse pour me faire changer d’avis sur cette littérature.

En revanche, la forme de Hinterland m’a enthousiasmé. Faute de disposer des moyens de reconstituer la Vienne des années vingt, Stefan Ruzowitzky a choisi de filmer ses acteurs sur fond vet puis d’insérer des décors. Ces décors, aux lignes distordues, aux perspectives aberrantes, comme on en voit un échantillon en arrière-plan de l’affiche, sont bluffants. Au point qu’en les scrutant, on en perd le fil de l’action. Ils constituent autant d’hommages aux films expressionnistes allemands – qui étaient eux aussi filmés en studio avec des décors artificiels – mais aussi à la bande dessinée (on pense aux univers de Tardi ou au steam punk).

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Une femme indonésienne ★★☆☆

Indonésie. 1966. Nana est l’épouse d’un riche Javanais plus âgé qu’elle. Dans sa vaste résidence, assistée d’une nombreuse domesticité, elle élève ses quatre enfants en faisant mine d’ignorer l’infidélité de son mari et la liaison qu’il entretient avec Ino, la propriétaire d’une boucherie en ville. Des cauchemars troublent son sommeil : quinze ans plus tôt, alors qu’elle venait d’accoucher, son père avait été brutalement assassiné et elle avait dû s’enfuir avec sa sœur et son nourrisson. Son premier mari avait alors disparu.

L’Indonésie est un géant démographique, le quatrième au monde par la population ; mais c’est un nain cinématographique (note pour moi : je pourrais dire la même chose du Pakistan ou du Bangladesh). Ai-je déjà vu un seul film de ce pays ? Oui… à condition de pouvoir compter les deux documentaires époustouflants de Joshua Oppenheimer sur les massacres de 1966 : The Act of Killing et The Look of SIlence. Le reste semble-t-il n’en a guère franchi les frontières si ce n’est quelques films d’horreur ou d’arts martiaux pour un public pointu (je crois me souvenir de The Raid en 2011, épuisant baston d’une heure trente minutes).

L’exotisme est donc la première qualité de cette Femme indonésienne. Pourtant cet exotisme est un peu éventé : on croit voir en effet une copie parfaite de In the Mood for Love. Tout nous y ramène : l’époque délicieusement rétro, l’élégance des costumes, l’impassibilité des personnages, les ralentis qui accentuent la grâce féline des actrices dans leurs longs sarongs, le tempo languide de la musique omniprésente… Plagiat éhonté ou clin d’oeil révérencieux, la plus célèbre scène de In the Mood for Love est reproduite quasiment à l’identique.

Cette inspiration envahissante suffit-elle pour autant à disqualifier Une femme indonésienne ? Nullement. Tous les spectateurs n’ont pas vu le chef d’oeuvre de Wong Kar Wai. Et ceux qui, comme moi, l’ont vu à sa sortie en 2000, l’ont largement oublié depuis. Les uns comme les autres pourront se laisser hypnotiser par la beauté de ses deux héroïnes, Happy Salma et Laura Basuki, Ours d’argent de la meilleure performance de second rôle.

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Unicorn Wars ★☆☆☆

Depuis qu’un conflit ancestral les a expulsés de la Forêt magique, les Oursons nourrissent le projet de prendre leur revanche sur les Licornes et de les en déloger. Un peloton de jeunes recrues, après avoir suivi un stage d’entraînement dans un camp militaire, y est dépêché. Parmi elles, Célestin, un psychopathe persuadé que le sang des licornes lui donnera la vie éternelle, et son frère jumeau, Dodu.

Dans la filiation de Psiconautas, le précédent film de Alberto Vázquez, Unicorn Wars est un dessin animé paradoxal. Il convoque pour mieux les subvertir les ingrédients traditionnels de l’animation pour enfants : les oursons, les licornes, les câlins et les tons pastels. Son titre sonne comme un oxymore. Sa graphie sur l’affiche l’illustre : un point en forme de cœur surmonte le i de Unicorn, mais les lettres de Wars bavent comme dans les films d’horreur. Sous ce titre, on voit, qui s’opposent, trois oursons mignons en jaune, bleu turquoise et rose, menacés par trois licornes noires au regard inquiétant.

Le résultat est interdit aux moins de douze ans. Une interdiction qui pourrait sembler sévère mais qui se justifie par le souci d’éviter à des parents inattentifs l’erreur de le faire voir par leurs innocents bambins. Car, avec ses références revendiquées à Full Metal Jacket (pour les séquences d’entraînement sous l’autorité d’un sergent sadique) et à Apocalypse Now (pour la plongée dans une jungle méphitique), Unicorn Wars est violent. On pourrait même lui reprocher de se complaire dans sa violence. Autre reproche : celui de vouloir brasser trop large en dénonçant tout à la fois la masculinité toxique, le fanatisme religieux, le bellicisme écocide et le racisme.

On se demande bien quel public ce film touchera. Il n’est manifestement pas destiné aux plus jeunes qui, s’ils le voient, risquent d’être durablement traumatisés. Mais qui, parmi les plus vieux, aura envie d’aller voir un dessin animé avec des oursons et des licornes ?!

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