Une femme douce ★★☆☆

Dans la Russie, de nos jours, une femme décide de se rendre dans la prison où son mari est détenu pour lui remettre en mains propres son colis qui lui a été retourné. Après un long voyage en bus, en train puis en taxi, elle se heurte à une administration déshumanisée et corrompue.

Le nom de l’héroïne de Une femme douce ne sera jamais prononcé. Son anonymat, on l’aura compris, est tout un symbole. Dans la Russie post-soviétique, les individualités sont broyées. Est-ce un trait strictement contemporain ? Pas si sûr. Une femme douce est une adaptation – très libre – d’une nouvelle de Dostoïevski qui avait déjà en son temps inspiré Robert Bresson.

Le réalisateur ukrainien Sergeï Loznitsa instruit le procès à charge d’un pays rude. Son héroïne a beau s’entêter à vouloir délivrer son colis, rien n’y fait. Elle se heurte partout aux mêmes refus, motivés par l’application tatillonne d’un règlement imbécile (dans un bureau de poste, dans une prison), par l’esprit de lucre (au poste de police, dans la mafia) ou tout simplement par la vulgarité humaine (chez une troupe de fêtards abrutis par l’alcool). C’est avec un même insuccès qu’elle se tourne vers une association de défense des droits de l’homme dont la responsable, dans un long monologue bouleversant, lui fait la confession de son impuissance. On se doute que sa quête sera vaine. On attend que l’héroïne, muré dans un silence buté, explose de colère ou se brise de chagrin.

La force du réquisitoire vient précisément de cet effet de répétition. Mais cet effet de répétition constitue aussi la principale faiblesse du film qui s’étire pendant plus de deux longues heures. La monotonie est rompue dans le dernier quart du film qui se clôt par une longue scène d’un tout autre genre. Son onirisme emprunte à Fellini et à Lynch. Elle ne m’a pas convaincu. Surtout que le dernier plan qui la suit immédiatement et par lequel se conclut le film est d’un symbolisme pesant.

Quitte à dénoncer la Russie contemporaine, je recommande d’autres films plus efficaces : L’Idiot! (2015) de Yuri Bykov, Classe à part de Ivan Tverdovsky et, le meilleur d’entre tous, l’extraordinaire Leviathan (2014) d’Andrey Zvyagintsev – dont on attend avec impatience le prochain film le 20 septembre.

La bande-annonce

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