Un havre de paix ★☆☆☆

Trois frères se retrouvent dans le kibboutz de leur enfance pour porter en terre la dépouille de leur père, décédé un an plus tôt. Avishaï, le cadet, effectue son service militaire et est sur le point d’être envoyé avec le corps expéditionnaire israélien au Liban. Yoav a été durablement traumatisé par son passage sous les drapeaux et souhaite en préserver son benjamin. Itaï, l’aîné, qui est resté au kibboutz auprès de ses parents, considère au contraire que cette expérience va aguerrir Avishaï.

Tchekhov a écrit Trois sœurs. Ce film aurait pu s’intituler Trois Frères. En raison de son sujet qui vient d’être rappelé. Et parce qu’il a été tourné par une vraie fratrie, les frères Rozenkier, dont l’aîné se charge de la réalisation.

Un havre de paix est en même temps un film ancré dans une réalité typiquement israélienne et qui aspire à l’universalité en racontant une histoire de famille qui pourrait se dérouler sous toutes les latitudes. Hélas, sur les deux terrains, l’objectif est raté. Le kibboutz décrit ressemble plus à une colonie de vacances ou à une maison de retraite qu’à une communauté de travail. Les relations au sein de la famille, qui gravite autour du père défunt (dont on nous épargne de justesse l’évocation à travers un embarrassant flash-back), n’ont rien que de très ordinaire.

On imagine volontiers quelle catharsis familiale son écriture et son tournage ont permise. Pour autant, le résultat à l’écran peine à convaincre.

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Le Choc du futur ★☆☆☆

Paris, 1978. Ana Klimova (Alma Jodorowsky) vit dans l’appartement d’un ami dans le dix-neuvième arrondissement. Elle essaie non sans mal d’y inventer la musique du futur.

Le Choc du futur part d’une bonne idée : raconter, sur le mode de la fiction, l’émergence d’un style musical, en imaginant la journée d’une jeune compositrice, de son réveil à son coucher. Il choisit de le faire en donnant le rôle principal à une femme et en rendant ainsi hommage aux compositrices (dont une liste apparaît dans le carton de fin), moins connues que leurs homologues masculins.

Il réussit à filmer le travail, ce qui constitue au cinéma une gageure : combien de biopics sont tournés sur des écrivains qu’on ne voit pas écrire, sur des peintres qu’on ne voit pas peindre ? Ici, au contraire, la meilleure scène du film montre l’héroïne Ana Klimova (pourquoi ce patronyme à la Dostoïevski ?) remettre l’ouvrage cent fois sur le métier avec la chanteuse Clara Luciani – même si, dans la réalité, une chanson ne s’invente pas en quinze minutes.

Ce sont hélas les seules qualités d’un film qui tourne court – et qui a la modestie de le reconnaître. L’absence criante de budget se voit. Les décors se cantonnent aux limites du petit appartement d’Ana sinon pour une escapade nocturne sur les bords du canal de l’Ourcq. La musique n’a pas la richesse et la diversité qu’un tel sujet appelle. Et le scénario a l’indigence d’un film x : Ana se réveille, fait sa gym en culotte blanche, a une panne de synthé, accueille son agent excédé par ses retards, rencontre une chanteuse, organise une soirée entre amis avec un producteur snob et méchant, etc.

Si on est tout surpris de reconnaître l’intro de Oxygène de Jean-Michel Jarre qu’on n’a plus entendu depuis ses dix ans, l’émotion fait long feu.

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Conséquences ★★☆☆

Andrej a une gueule d’ange. Il plaît aux filles mais ne leur manifeste pas l’intérêt qu’elles lui portent. Une jeune fille dont il a repoussé les avances l’accuse de viol. Ses parents, avec lesquels il est en conflit permanent, ne prennent pas sa défense. Il est envoyé en centre de redressement.
Andrej y croise Zeljko, un jeune psychopathe, drogué et violent, et tombe sous son charme. Avec Niko, le trio multiplie les provocations.

Conséquences nous vient de Slovénie. Ayant déjà fait une plaisanterie similaire au sujet d’un récent film nord-macédonien, je ne dirai pas que c’est le meilleur – et le seul – film slovène que j’aie jamais vu. Mais la tentation est grande….

Conséquences explore un sillon déjà maintes fois creusé : celui de la jeunesse délinquante, en mal d’affection et de repères. On pense évidemment aux Quatre cents coups, au Petit Criminel de Doillon, à La Tête haute, à Fish Tank (qui avait révélé la réalisatrice Andrea Arnold), à Dog Pound de Kim Chapiron ou à Clip, un film serbe qui avait donné des sueurs froides à la censure.

Mais il le fait avec un angle d’attaque singulier : l’accent mis sur les inclinations homosexuelles de son héros et les difficultés à les assumer. Cette dimension est souvent sous-jacente dans les films de prison. On se souvient d’une scène de Midnight Express. Mais elle reste toujours secondaire. Elle est ici au contraire au centre de la relation toxique entre Andrej et Zeljko.

Si les jeunes acteurs sont tous épatants, le scénario n’évite malheureusement pas l’écueil du manichéisme. On pressent que l’attirance du beau Andrej pour le vicieux Zeljko finira mal. On redoute autant qu’on espère que leur pacte diabolique finisse par se rompre. Il manque ce je-ne-sais-quoi à Darko Štante – qu’avait trouvé Jean-Bernard Marlin avec  Shéhérazade – pour faire d’un drame convenu une histoire poignante.

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Bixa Travesty ★☆☆☆

Né en 1990, Linn da Quebrada (littéralement « la belle des bas-fonds ») est une idole queer à São Paulo. Il se définit comme un « terroriste du genre » au « physique désobéissant » qui s’est toujours refusé à changer de sexe, mais revendique néanmoins son identité féminine.
Sa musique électro-baile funk enflamme les salles. Sur la chaîne de radio Canal Brasil, il bat en brèche le machisme dominant.  Avec son amie Jup do Bairro, un trans noir au physique sculptural, ils forment un duo aussi détonnant qu’attachant.
Claudia Priscilla et Kiko Goifman – auteurs en 2011 de Look at me again sur un transgenre – lui consacre un documentaire couronné par le Teddy Award à la dernière Berlinale.

Bixa, « tapette », est une insulte en portugais. Comme les manifestants de la Gay Pride, « enculés et fiers de l’être » (je cite), Linn da Quebrada entend retourner en fierté l’insulte censée le flétrir. Il est une travestie ; mais il se revendique « tapette ». Entre trans- et cis- il entend imposer son identité à nulle autre pareille : celle d’une femme dans un corps d’homme.

Plusieurs documentaires récents ont suivi des hommes transgenres dans leur processus de réassignation identitaire : Finding Phong au Vietnam, Coby aux États-Unis. Innombrables sont les fictions qui ont mis en scène des héros androgynes, souvent pour souligner les difficultés qu’ils/elles avaient à trouver leur place dans une société qui leur renvoie l’image d’un monstre déviant : l’excellent Girl et sa conclusion tétanisante, Il ou elle, Une femme fantastique

La position de Linn da Quebrada n’est pas la même : il ne s’agit pas d’un homme qui souhaite changer de sexe mais d’un homme à l’identité féminine qui veut faire entendre sa voix.

Le duo musical qu’il forme avec Jup do Bairro – dont on regrette qu’elle passe au second plan tant sa personnalité éveille, elle aussi, la curiosité – est bluffant. Leurs performances sur scène sont d’une volcanique énergie.
La « douce radicalité de [cette] artiste brésilienne hors normes » (dixit Le Monde) ne laissera pas indifférent.

Toutefois, le documentaire, qui dure 1h15 à peine, tourne vite en rond. On voit Linn da Quebrada sur scène, à la radio, en famille. On apprend, à travers quelques images d’archives, qu’il a survécu à un cancer. On voit aussi complaisamment son sexe et son anus, gros plans dispensables dont on comprend mal la nécessité, si ce n’est de choquer le bourgeois, de défier la censure (le film est interdit aux moins de douze ans en France) et d’épicer un sujet qui l’était déjà suffisamment sans en rajouter.

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Beau joueur ★★☆☆

La saison 2015 s’est terminée sur un exploit pour l’Aviron bayonnais : arriver en tête de la ProD2 et remonter dans le Top14. Mais la saison 2016 s’annonce difficile tant la concurrence est rude dans l’élite du rugby français.
Quand Delphine Gleize pose sa caméra dans les vestiaires du club, rien ne va plus dans le club bayonnais qui accumule les défaites.

Une semaine avant La Grand-messe, un documentaire sur les spectateurs de la Grande Boucle dont j’ai déjà eu l’occasion de dire le plus grand bien, sortait dans le même anonymat ce Beau Joueur. Joli titre polysémique : le beau joueur est celui qui accepte la défaite le front vaillant, mais c’est aussi le joueur beau dont la documentariste filme le corps sculptural.

Les deux documentaires partagent un même regard décentré. Pas plus que La Grand-messe ne s’intéressait à la course, Beau joueur ne filme pas les matchs. La caméra de Delphine Gleize se focalise sur les joueurs et sur eux seuls. Elle filme les remplaçants sur le banc de touche en train de regarder jouer leurs camarades. C’est à travers leurs expressions qu’elle nous fait suivre le match, les essais marqués et, plus souvent qu’à leur tour, encaissés. Elle les filme dans les vestiaires où leur entraîneur essaie sans succès de les galvaniser. Elle les filme à l’entraînement, au lendemain de leurs lourdes défaites ou à la veille de leurs prochains matchs.

Beau Joueur risque de décevoir les amateurs de rugby ; car il ne montre pas le jeu ni ne discute de stratégie. Mais il réussit à montrer quelque chose qu’on ne voit pas lors des retransmissions télé. La peur physique qui manque de tétaniser les rugbymen au moment d’entrer dans le stade ; la peur de prendre des coups, d’avoir mal. Peur bien réelle si l’on en croit l’état des corps quelques minutes plus tard, griffés, frappés, commotionnés, ensanglantés.

Beau Joueur n’est pas une happy story ni un feel good movie. Au contraire, c’est la chronique d’une défaite annoncée. Sans doute en décidant de suivre ce club la réalisatrice n’avait-elle pas dans l’idée d’immortaliser son naufrage. Elle nourrissait même l’espoir irraisonné d’une invraisemblable remontada. Mais très vite la réalité s’impose : le groupe n’a pas le niveau. Pire, il n’a pas le moral. La caméra hélas n’aura pas réussi à se faire indiscrète au point de saisir les engueulades qui n’ont sans doute pas manqué hors champ. Mais elle aura réussi le pari culotté de rendre la défaite belle.

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Ville Neuve ★☆☆☆

Joseph, la soixantaine, est au bout du rouleau. Après une rixe, il quitte la ville et part dans une maison prêtée par un ami au bord de la mer. Il convainc Anna, son ex-femme, de l’y rejoindre.

Librement adapté d’une courte nouvelle de Raymond Chandler, La Cabane de Chef, Ville Neuve est un film d’animation canadien. De la Belle Province, ses personnages ont l’accent reconnaissable entre mille. Ils en partagent la même histoire, l’action se déroulant en 1995, à la veille du référendum sur l’indépendance du Québec dont on sait qu’il échoue d’un cheveu mais auquel le réalisateur, usant de la liberté que lui autorise la fiction, donne un résultat différent.

Ville Neuve ne manque pas de qualités esthétiques : mobilisant une cohorte de dessinateurs sur plusieurs années, il impressionne par la beauté formelle de son encre de Chine et de ses lavis. Mais le recours à l’animation ne coule pas de source et on peut se demander sa valeur ajoutée, si ce n’est pour quelques scènes oniriques pas toujours compréhensibles, par rapport à un film qui aurait été tourné en plans réels.

Mettant en scène un vieil homme désabusé qui fait retour sur sa vie, Ville Neuve se veut une réflexion, aussi bien intime que politique, sur les choix qu’on fait et qu’on regrette, sur les rêves qu’on n’a pas réalisés. Sa gravité, son austérité inspirent deux réactions contradictoires : le recueillement et l’écrasement.

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Golden Glove ★★★☆

Au début des années soixante-dix, dans le quartier chaud de Sankt-Pauli à Hambourg, Fritz Honka assassina au moins quatre prostituées, les dépeça et en dissimula les restes dans les soupentes de son appartement. Le réalisateur turco-allemand Fatih Akin reconstitue les faits avec un grand souci de réalisme.

J’ai découvert Fatih Akin au début des années 2000 en regardant lors d’un festival du film européen au Kenya son deuxième film, inédit en France, Im Juli. Je n’avais pas prêté attention au nom du réalisateur ; mais il m’est revenu à la mémoire trois ans plus tard à la sortie de Head On, une histoire d’amour tragique. Et, en 2007, ce fut le choc De l’autre côté : un scénario complexe, primé à Cannes, filmé avec une fluidité magistrale, qui auscultait le rapport  entre la Turquie et l’Allemagne.
Depuis hélas, Fatih Akin s’était perdu. Soul Kitchen était une comédie brouillonne, The Cut une fresque historique laborieuse sur le génocide arménien. J’avoue ne pas être allé voir In the Fade, l’histoire d’une femme qui peine à se reconstruire après la mort de son mari, malgré le battage publicitaire fait autour de Diane Kruger. Le parfum de scandale qui entoure ce Golden Glove m’a incité à donner une dernière chance à Fatih Akin.

Bien m’en a pris. Car son dernier film ne laisse pas indifférent.
Interdit aux moins de seize ans en France (et aux moins de dix-huit en Allemagne), il décrit sans en rien cacher les violences sordides infligées par Honka à ses victimes, les coups, les insultes, les meurtres puis le démembrement de leurs dépouilles – façon Le père Noël est une ordure – et leur dissimulation. Il réussit à nous faire sentir l’odeur putride des corps en décomposition dans laquelle baigne la mansarde crasseuse qui lui sert d’appartement.
Voûté, édenté, affublé de lunettes monstrueuses, Jonas Dassler (aperçu l’an passé dans La Révolution silencieuse et qu’on retrouve dans le nouveau film de Florian Henckel von Donnersmarck L’Œuvre sans auteur) est méconnaissable. La reconstitution du rade minable où Honka avait ses habitudes, « Der goldene Handschuh » (littéralement « Le Gant d’or », en anglais « Golden Glove ») donne l’occasion de scènes tout droit sorties de Fassbinder. Dans les tons marronnasses sans lesquels il n’est pas de reconstitution des années soixante-dix défile la lie de la terre : poivrots bavards, prostituées syphilitiques, ancien soldat SS borgne…

Derrière le portrait d’un homme, pointe, comme chez Fassbinder, l’ambition de faire le procès d’un pays et d’une époque : l’Allemagne d’après-guerre à la peine avec son passé. C’est peut-être beaucoup pour un film dont le sujet se suffit à lui-même.

Ce n’est pas la première fois que le cinéma se coltine à la figure du serial killer : Henry Portrait of a serial killer (1986), Bad Boy Bubby (1993), American Psycho (2000), The House That Jack Built (2018)… À chaque fois l’expérience est éprouvante. La reconstitution des meurtres barbares dont ces assassins se sont rendus coupables en constitue un passage obligé qui retourne l’estomac. Certains s’essaient à la psychologie, essayant de comprendre les motifs de ces assassins. D’autres en restent au pur naturalisme de leurs faits.

Golden Glove ne dit rien du passé de Fritz Honka, si ce n’est qu’il avait une grande fratrie dont on n’aperçoit un frère aîné à peine plus équilibré que lui et aussi porté sur la bibine. Il nous fait partager son quotidien sordide jusqu’au haut-le-cœur. L’expérience est écœurante. Et fascinante. Welcome back Herr Akin!

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Le Daim ★★☆☆

Georges (Jean Dujardin) a tout quitté : sa femme, sa ville, son emploi et… son blouson qu’il jette dans les toilettes d’une station service d’autoroute. Il en rachète un nouveau, 100 % daim, à un aigrefin (Albert Delpy) qui le déleste de ses dernières économies et lui offre un caméscope.
Installé dans une station d’altitude pyrénéenne sans âme, Georges s’y lie d’amitié avec Denise (Adèle Haenel), qui gagne sa vie derrière le comptoir d’un café et pratique à temps perdu le montage. Il lui fait croire qu’il prépare le tournage d’un long métrage.
Mais, en vérité, Georges est en train de sombrer dans la folie. Son blouson en daim lui dicte sa conduite, l’incitant à convaincre les propriétaires de blouson de s’en débarrasser, quitte à les assassiner s’ils s’y refusent.

Avec son neuvième (non-)film, Quentin Dupieux creuse un (non-)sillon bien à lui : celui d’un humour décalé qui frise avec l’absurde. Avec Rubber, il avait donné le rôle d’un serial killer à un pneu. Le Daim est moins absurde, plus réaliste, qui filme la dérive de son héros dans la folie et son basculement dans le gore. C’est précisément ce qui crée le malaise : Georges est-il un personnage de fiction dont il faut rire ? ou un psychopathe bien réel qui doit nous effrayer ?

Le Daim a été présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs au dernier festival de Cannes. Il y a reçu des réactions très clivées. Il en a enthousiasmé certains ; il a laissé sur le bord du chemin beaucoup d’autres.

Ne goûtant guère l’absurde, ayant besoin pour aimer un film de le comprendre, je n’avais pas aimé les précédents films de Quentin Dupieux. J’attendais donc le pire du Daim. Aussi ai-je été agréablement surpris. Si l’on accepte le postulat de départ (un blouson en daim parle à son propriétaire), le reste du film est moins non-sensical qu’on ne le redoutait. Sa maîtrise formelle est remarquable. L’atmosphère poisseuse est dépressive à souhait (véritable repoussoir aux vacances en vallée d’Aspe à la morte saison). La tonalité chromatique marronnasse est omniprésente. Et l’interprétation des stars Dujardin & Haenel, dont on ne peut que se féliciter que leur statut ne les conduise pas à snober le cinéma d’auteur, est un régal.

[Attention spoiler : Enfin , il y a une vraie jubilation, intellectuelle à déchiffrer le vrai sens du titre. Le daim dont il s’agit n’est pas seulement ce blouson qui parle. C’est aussi Georges lui-même qui, après l’achat d’un blouson, se procure successivement un chapeau, un blouson, un pantalon, des gants de la même matière et qui, transformé en « daim », tombe sous la balle tirée par le fusil à lunettes d’un chasseur.] 

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Nevada ★★☆☆

Roman (Matthias Schoenaerts) purge une longue peine pour avoir laissé pour morte son épouse. En prison, il s’est muré dans le silence, refusant tout contact avec sa fille. Son agent de probation lui propose un programme de réhabilitation : avec une poignée d’autres détenus, il aura en charge le dressage de mustangs destinés à la vente.

Nevada tenait un sujet en or, une histoire vraie dont quelques photos sépia à la fin du film, portent le souvenir : une hippothérapie proposée aux détenus dans les États de l’Ouest américain.

Le film s’intitule The Mustang dans sa version américaine. Le succès inattendu du film turc éponyme obligea Laure de Clermont-Tonnerre à lui trouver un autre titre pour sa sortie en France. Va pour Nevada. Utah ou Colorado aurait également fait l’affaire.

Comme l’affiche n’en fait pas mystère, il repose sur les épaules, musculeuses et mutiques, de Matthias Schoenaerts, qu’on retrouve dans des rôles similaires à ceux qu’il a déjà endossés dans Bullhead, De rouille et d’os et Maryland – et dont on admire au passage la perfection de son accent américain.

Nevada est un curieux mélange entre le film de prison et le film de chevaux. Une sorte de « prophète qui murmurait à l’oreille des chevaux ». Au premier, il emprunte les codes : ainsi du chantage exercé par le caïd de la prison sur Roman, dont le scénario aurait pu faire l’économie. Du second, il copie les tics : les longues séances de dressage, les cavalcades sur la plaine déserte…

La métaphore est parfois pesante : en domptant le fier mustang, le héros cabossé va juguler la violence qui l’étouffe. Comme de bien entendu, cette thérapie le réconciliera avec sa fille. Sa rédemption attendue ne laisse guère de surprise dans un scénario cousu de fil blanc.

Il n’est pas évident que Nevada trouve son public. Les films de prisons, réputés pour leur virile violence, attirent un public plutôt masculin. Les films de chevaux, au contraire, séduisent un public plutôt féminin. 55.000 spectateurs seulement sont allés voir Nevada en première semaine. La deuxième semaine a été un peu meilleure grâce à la fête du cinéma. Mais l’exploitation est globalement décevante.

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La Femme de mon frère ★★☆☆

La vie de Sophia (Anne-Élisabeth Bossé) est dans une impasse. La trentaine bien entamée, elle soutient sa thèse sur « les intrications des dynamiques familiales et politiques chez les continueurs d’Antonio Gramsci » (sic) mais se voit refuser un poste de titulaire à l’université, prisonnière de ses coteries. Célibataire, elle est enceinte et décide d’avorter. Sans toit, elle est hébergée par son frère Karim (Patrick Hivon) auquel la lie une complicité fusionnelle.

Drôle de titre. Si Karim se met en couple avec la médecin qui procède à l’avortement de Sophia, la femme du frère reste très secondaire. La vraie vedette, c’est Sophia, quasiment de chaque plan, sorte de Bridget Jones québecoise, plus dépressive, mais pas moins drôle, dont on imagine volontiers ce que la réalisatrice, dont le père est tunisien et le frère doctorant, a emprunté  à sa propre biographie.

La Femme de mon frère creuse le sillon bien connu de la comédie célibattante. On en a déjà vu treize à la douzaine, plus ou moins réussies, d’Ally Mc Beal à Sex and the City.

La Femme de mon frère contient quelques passages aussi drôles qu’intelligents. Ainsi du couple paradoxal que forment les parents de Sophia, un immigré maghrébin et une québécoise militante gauchiste, divorcés depuis plus de vingt ans mais habitant sous le même toit et unis par une longue complicité. C’est dans la bouche de cette mère attachante qu’on entend la réplique la plus mordante du film (hélas déflorée par la bande-annonce) : « Une femme passe la moitié de sa vie à se trouver grosse, l’autre à se trouver vieille et grosse ».

La limite du genre est qu’il enchaîne les scènes sans toujours réussir à les relier entre elles. La Femme de mon frère n’échappe pas à ce travers. Il l’accentue par la surenchère typiquement « dolanienne » (la réalisatrice Monia Chokri avait tourné sous la direction de Xavier Dolan dans Les Amours imaginaires) qu’il pratique. Sophia est dans une constante hystérie. Elle est souvent hilarante. Mais elle devient à la longue épuisante.

La bande-annonce