Ce qui nous lie ★★☆☆

Le film commence avec le retour de Jean au bercail, dans la ferme vinicole qu’il a quittée cinq ans plus tôt pour aller faire le tour du monde, laissant sa sœur Juliette et son frère Jérémie avec ses parents.

Jean est revenu car son père se meurt. Les héritiers doivent se partager l’héritage. Vendra ? Vendra pas ?

Le défaut de Ce qui nous lie est qu’on sait dès les premières images comment le film finira. Bien évidemment, Jean, Juliette et Jérémie vont s’engueuler. Mais bien évidemment ils se réconcilieront et trouveront une solution qui saura ménager les intérêts de chacun : Jean et ses désirs d’exotisme, Juliette et son génie hérité de son père pour le vin, Jérémie et sa belle-famille compliquée.

Autre défaut, le tire-larmisme revendiqué de la moindre scène. Mais un tire-larmisme auquel, malgré qu’on en ait, on se laisse prendre, mouillant volontiers un coin de mouchoir lorsque Jean retrouve le fils qu’il a eu à l’autre bout du monde avec une jolie Australienne ou lorsque Juliette se laisse embras(s)er par un joli vendangeur.

Car Cédric Klapisch sait y faire. Il n’a pas signé quelques uns des meilleurs films français de ces trente dernières années pour rien : Le Péril jeune, Un air de famille, L’Auberge espagnole… Il sait donner vie à ses personnages, occuper un décor, filmer les groupes. Il n’est jamais meilleur que dans des scènes purement gratuites d’humour burlesque : ici celles où les héros gentiment alcoolisés laissent s’exprimer leurs refoulements.

Même si on trouvera convenue l’histoire de ce retour au bercail d’un fils prodigue, on se laissera prendre au jeu de sa bien-pensance si reposante (si si ! c’est une critique positive !)

La bande-annonce

Creepy ★☆☆☆

Creepy s’ouvre par un court préambule qui explique comment l’inspecteur Takakura doit quitter la police après avoir laissé échapper un dangereux psychopathe qui sera abattu non sans avoir au préalable assassiné un otage. On retrouve l’ex-inspecteur, devenu professeur de criminologie, quelques années plus tard, installé avec sa femme dans un petit pavillon de banlieue.
Tandis qu’un ancien collègue lui demande de l’aider à élucider une vieille affaire, sa femme se rapproche de leur voisin au comportement inquiétant.

Kiyoshi Kurosawa est la nouvelle coqueluche du cinéma japonais. Pour être plus précis, il est la nouvelle coqueluche française du cinéma japonais. Au point d’avoir tourné en France même son dernier film, Le Secret de la chambre noire, dont Kurosawa lui-même admet volontiers les limites.

Le prolixe réalisateur revient au pays et à ses premières armes. Sur le modèle de Cure (1997), le film qui l’avait rendu célèbre, il tourne un film d’horreur sur un tueur en série.

Je m’y suis profondément ennuyé.
D’abord en raison de sa durée inutilement étirée : deux heures et dix minutes.
Ensuite par la faute de son faux suspens : il ne fait aucun doute que le mystérieux auteur des crimes irrésolus sur lesquels Takakura enquête sera précisément l’horrible voisin au sourire sardonique qui tourne mielleusement autour de sa fragile épouse.
Mon intérêt aurait pu être ranimé par le dernier tiers du film qui nous fait pénétrer dans l’antre du monstre. mais ce qu’on y découvre est à la fois tellement horrible et tellement prévisible que je me suis rendormi jusqu’au générique final.

La bande-annonce

K.O. ★☆☆☆

Antoine Leconte (Laurent Lafitte) travaille à la télévision. Cynique et dominateur, il exerce sur ses collaborateurs comme sur ses proches une autorité implacable. Un animateur qu’il a évincé le blesse à bout portant. À sa sortie de l’hôpital, Antoine Leconte ne reconnaît plus son environnement.

N’est pas M. Night Shyamalan ou David Fincher qui veut. Sans doute Fabrice Gobert peut-il s’enorgueillir d’être l’auteur des Revenants, l’une des plus excitantes séries françaises qui soutient sans faillir la comparaison avec ses cousins d’outre-Atlantique. Sans doute son premier film Simon Werner a disparu, enquête kaléidoscopique autour de la disparition d’un lycéen, réussissait-il à exciter l’intérêt. Mais son second déçoit.

Il déçoit parce qu’il frustre. Il frustre du plaisir qu’on croyait y prendre durant toute la première heure. Une première heure tendue par la résolution d’un mystère : que s’est-il passé ? Pourquoi un patron de chaîne se retrouve-t-il du jour au lendemain à remplacer Miss Météo ? On imagine toutes sortes de scénarios : immense complot comme dans The Game, dédoublement de personnalité comme dans Fight Club, hallucination post-mortem comme dans Sixième sens ? La clé de l’énigme, révélée à l’ultime seconde, est, si je l’ai bien comprise, d’une étonnante pauvreté. Avec elle, tout le film s’effondre, comme un château de cartes, laissant le spectateur à sa frustration et, pire, à son humiliation : tout ça pour ça…

La bande-annonce

Sans pitié ★☆☆☆

Un caïd est en prison. Il prend sous son aile un jeune codétenu qui y a été infiltré par la police. Mais le caïd a vent de la manœuvre. Plutôt que de démasquer la taupe, il en fait son bras droit à sa sortie de prison.

Difficile de présenter la complexe mécanique de Sans pitié sans en dévoiler une partie de l’horlogerie. Les cinq lignes du résumé que je viens d’en faire en révèlent déjà une bonne moitié. Mais, amateurs des intrigues à double fond et allergiques aux spoilers, soyez rassurés : il en reste encore une bonne moitié à découvrir.

J’adore les films compliqués. Les films qui exigent du spectateur une attention de chaque instant. Les films dont tous les détails comptent. Les films qui nous mènent en bateau avant de nous laisser estomaqués devant leur révélation finale. L’Arnaqueur (1961) de Robert Rossen ou Engrenages (1987) de David Mamet constituent pour moi les modèles indépassable de ces films à double fond. Usual suspects (1995) mérite aussi sa place dans ce panthéon. Mêlant à son tour l’arnaque au crime, Martin Scorsese réalisait en 2006 un polar nerveux, Les Inflitrés, inspiré d’un film hong-kongais Internal Affairs.

Ce sont exactement les mêmes recettes qu’un réalisateur coréen, dont c’est le premier film sorti en Occident, utilise. C’est ce qui fait sa qualité. C’est ce qui m’inspire certaines réserves et, au final, une seule étoile.

Car, les amateurs du genre – et j’en suis – en auront pour leur argent. Jae-Ho, le caïd au rire sardonique, et Hyun-su, le jeune flic surdoué, se livrent au jeu du chat et de la souris sans qu’on sache, jusqu’à la dernière séance, qui des deux deux arnaquera l’autre. La situation se complique par les interventions d’un troisième protagoniste : l’inspectrice de police Cheon qui pilote Hyun-su avec une mâle détermination et un cynisme consommé.

Pour autant, le plaisir qu’on prend à regarder ce film laisse étonnamment peu de traces. Sans pitié s’oublie (très) vite, ce qui est le signe des mauvais crus. Parce que les recettes qu’ils utilisent sont éculés. Parce que ses rebondissements sont trop nombreux et finalement trop artificiels pour marquer vraiment.

La bande-annonce

The Last Girl – Celle qui a tous les dons ★★★☆

Une épidémie a dévasté le monde, transformant l’immense majorité de l’humanité en zombies cannibales et laissant une poignée de militaires et de scientifiques tentant de survivre en recherchant un vaccin. Ces derniers placent tous leurs espoirs dans les enfants de la seconde génération, nés de zombies, mais possédant encore à la différence de leurs parents, une intelligence cognitive. La jeune Melanie semble être la plus douée. Mais  son institutrice (Gemma Arterton) et la directrice du programme de recherche (Glenn Close) divergent sur le sort à lui réserver.

Les zombies ont décidément la côte. Après la grosse machinerie hollywoodienne World War Z, après la parodie hilarante Shaun of the Dead, après l’indépassable 28 jours plus tard, après la série à succès Walking Dead, avant le dessin animé Zombillénium, nous vient d’Outre-manche l’adaptation du roman à succès de M. R. Carey Celle qui a tous les dons.

Difficile de faire du neuf avec du vieux. Pourtant The Last Girl y parvient.
Grâce à une idée très maline : créer entre les humains luttant pour la survie et les zombies menaçants une catégorie intermédiaire, celle d’enfants mi-humains mi-zombies. Les premières scènes du film sont à ce titre exceptionnelles qui plongent le spectateur dans un univers incompréhensible. Tant pis pour vous, cher lecteur, qui êtes en train de lire cette critique et qui saurez déjà que ces enfants qu’on réveille au son du clairon, qu’on bâillonne sur une chaise roulante et que l’on conduit dans une salle de classe sont en fait de dangereux carnivores prêts à se ruer vers leur enseignant si son odeur humaine, trop humaine, vient à chatouiller leurs narines.

La suite du film est hélas plus convenue, qui reprend les recettes traditionnelles du genre. The Last Girl emprunte alors les voies bien balisées du survival movie, racontant l’histoire d’une petite bande d’humains désespérés cherchant à zigzaguer entre des zombies qu’un bruit suspect ou une odeur inhabituelle risque de sortir de leur torpeur.

The Last Girl a un dernier atout, à mes yeux décisif : Gemma Arterton. Même en treillis militaire, en pull troué, le maquillage défait et les traits tirés, elle garde ce charme fou et cet accent merveilleusement britannique qui me font chavirer.

La bande-annonce

Visages villages ★★★☆

Deux artistes en goguette : Agnès Varda et JR sillonnent la France. Caché derrière ses lunettes noires, il prend des photos dont il fait d’immenses tirages qu’il colle sur les surfaces les plus improbables : un mur de village, une falaise, un amoncellement de containers… Diminuée par l’âge, elle n’a plus vraiment bon pied ni bon œil, mais l’accompagne dans ses déambulations artistiques.

Je connaissais Agnès Varda, pour Cléo de 5 à 7, Sans toit ni loi et Jacquot de Nantes (bouleversant hommage à son mari Jacques Demy). Je ne connaissais pas JR – deux initiales qui pour ma génération évoquent plus Dallas que la photographie contemporaine. Et je me méfiais de ce docu dont le pitch me semblait à la fois trop artificiel – réunir deux artistes susceptibles d’attirer deux générations de spectateurs – et trop flou – les envoyer sur les routes de France sans projet préétabli.

Mes réticences ont été confortées par les premières images du film. Un dialogue se noue entre Agnès Varda et JR. Avec une fausse spontanéité, des paroles très écrites, mais d’une rare niaiserie, sont échangées : il lui parle gentiment comme à une vieille mamie qu’on ménage, elle lui répond avec une malice surjouée sur le mode j’ai-beau-être-vieille-je-ne-suis-pas-encore-gâteuse.

Dernier défaut qui aurait pu être rédhibitoire : les saynètes se succèdent au risque de la répétition, dans le Nord, près de Sisteron, sur les falaises de la Manche, avec à chaque fois, des rencontres, des photos, un collage…

Et pourtant, le charme prend lentement. Sans se pousser du col, JR mène à bien son projet à la fois simple et ambitieux : aller à la rencontre des gens et éveiller en eux une conscience artistique, créer du beau là où on ne l’imagine pas. Et la gentillesse de sa muse, loin d’exaspérer, finit par attendrir. Visages villages est un film sur le regard. Un regard toujours bienveillant sur les gens et les choses. Un regard qui traque le beau et le met en scène. Jusqu’à une scène finale qui nous mène, à notre corps défendant, jusqu’aux bords des larmes.

Qu’on me permette en guise de conclusion ou de post-scriptum une réflexion égocentrique et prétentieuse. Je ne suis pas très sensible au « beau ». Les coups de foudre esthétiques ne sont pas mon genre. J’aime Les Demoiselles d’Avignon ou Carré blanc sur fond blanc non pas pour leur soi-disant beauté, mais pour leur place dans l’histoire de l’art. Aussi je suis d’autant plus étonné de l’émotion que suscitent chez moi des œuvres qui n’appellent pas à ma raison.  D’autant plus étonné et d’autant plus ravi.

La bande-annonce

Retour à Montauk ★★☆☆

Max est un écrivain renommé. Il est marié à Clara, une femme plus jeune que lui qui l’aide dans son travail. Il est de passage à New York pour la sortie de son dernier roman. Il y évoque, sur un mode autobiographique, l’amour d’une femme disparue. Cette femme, c’est Rebecca, une Allemande qu’il a rencontrée et aimée à New York dix-sept ans plus tôt. Max veut à tout prix la revoir.

Faut-il mieux avoir des remords ou des regrets ? Des remords d’avoir fait. Des regrets de n’avoir pas fait.

Max veut remonter le temps. Il veut retrouver Rebecca et recommencer avec elle la folle histoire d’amour qu’ils ont vécue ensemble. Il est prêt à sacrifier à cette quête désespérée l’amour de Clara qui l’aime pourtant avec la même fougue que celle que Rebecca avait manifestée vingt ans plus tôt. Rebecca, elle, est allée de l’avant. Elle vit toujours seule avec ses chats, mais elle est devenue une brillante avocate et s’est installée dans un splendide duplex. Elle n’est pas prête à revisiter ce passé même si le retour de Max ne peut que la troubler.

La psychologie de Max est bien frustre. Il ne se définit que par son entêtement à reconquérir Rebecca. Celle de Rebecca au contraire m’a semblé si ambiguë qu’elle m’est restée incompréhensible : pourquoi après avoir refusé de revoir Max pour ensuite lui céder ? pourquoi entreprendre à Montauk – où l’on comprend qu’ils vécurent jadis leur idylle – ce pèlerinage condamné par avance à l’échec ?

Retour à Montauk aurait pu être bouleversant, comme le laissait espérer sa bande-annonce. Je dois avouer en être sorti déprimé, tristement conscient du temps qui passe inéluctablement et de l’âge qui vient, écrasé de remords et de regrets.

La bande-annonce

Nothingwood ★★★☆

Qui connaît le cinéma afghan ? Personne. Et pour cause : il n’y existe aucune industrie cinématographique. Ni Hollywood. Ni Bollywood. Rien. Rien … sauf Salim Shaheem, un auteur de série Z qui, avec trois bouts de ficelle filme à la chaîne des romances, des drames, des comédies musicales plus ou moins autobiographiques.

Un héros bigger than life. Il suffit de jeter un œil à la bande annonce pour se laisser séduire par ce cinquantenaire ventripotent, par son inépuisable faconde, par sa mythomanie revendiquée, par son optimisme à tout crin. La documentariste Sonia Kronlund y a succombé. Fine connaisseuse de l’Afghanistan, elle a mis ses pas dans les siens le temps d’un documentaire, heureuse de présenter de l’Afghanistan une image plus riante que celle d’un pays saigné à blanc par le fondamentalisme, l’occupation étrangère et les retards de développement.

Sonia Kronlund a décroché un sujet en or. Elle fait le portrait du héros de l’inépuisable réalisateur, de ses fidèles collaborateurs et aussi, en filigrane, de la société afghane. Celle-ci apparaît moins monolithique qu’on ne l’imagine. Certes, les images de Nothingwood révèle une société qui suinte la misère : des routes défoncées, des intérieurs délabrés et – ce qui choque immanquablement l’audience occidentale – des foules exclusivement masculines. Mais l’accueil bon enfant que cette société réserve aux provocations de Salim Shaheen surprend au moins autant : Qurban Ali, l’acteur de la troupe qui endosse systématiquement des rôles efféminés et dont l’homosexualité ne fait guère de doute, ne fait l’objet d’aucune réprobation.

Sonia Kronlund s’est peut-être laissée aller à la facilité, se bornant à filmer le temps d’un tournage Salim Shaheem à Bamiyan, là où s’élevaient les Bouddhas géants dynamités par les Taliban en 2001. Elle ne creuse pas assez des questions qui auraient mérité de l’être : comment Shaheem finance-t-il ses films ? comment en assure-t-il la distribution ? Quelles relations entretient-il avec les autorités ? avec la censure ? Pour autant, son héros est tellement exotique, tellement euphorisant qu’on se contente volontiers de le suivre pendant une heure vingt-sept sans se poser trop de questions.

La bande-annonce

Les Lauriers-roses rouges ★★☆☆

Roya est une actrice reconnue à Dacca. Depuis douze ans, elle joue au théâtre Nandini, l’héroïne de la pièce « Les Lauriers-roses rouges » du grand dramaturge bengali Rabindranath Tagore. Son mari, un riche homme d’affaires, la presse d’interrompre sa carrière pour avoir un enfant. Mais Roya veut approfondir son art et faire de Nandini une héroïne plus moderne, à mille lieux du classicisme engoncé dans lequel son metteur en scène l’oblige à jouer. Elle va s’inspirer de l’expérience de sa bonne, Moyna, qui après être tombée enceinte et avoir quitté le service de Roya, travaille dans des conditions misérables dans l’industrie textile.

Le cinéma du sous-continent indien – ou plutôt l’infime partie de ce qui s’y produit et qui s’exporte en Occident – semble s’être fait du féminisme une spécialité : La Saison des femmes, Déesses indiennes en colère pour ne citer que deux films sortis ces dernières années.

Les Lauriers-roses rouges est un film réalisé par une femme, joué par des femmes, ciblant un public féminin. Sur la (petite) vingtaine de spectateurs venus le voir dans l’une des deux (petites) salles parisiennes qui le diffusent, j’étais le seul homme. Cela ne m’a pas empêché d’être sensible aux états d’âmes de Roya, que la caméra de Rubaiyat Hossain ne cherche pas à sublimer : elle est tour à tour d’une beauté fascinante quand elle monte sur scène et très banale, presque bouffie, quand elle retire son maquillage.

Les Lauriers-roses rouges ne nous vient pas d’Inde, mais du Bangladesh. C’est une rareté, les films bangladais diffusés en France se comptant sur les doigts d’une main. Il présente, pour le spectateur français, une dimension nettement documentaire que la réalisatrice ne renie pas. Elle nous fait ressentir la touffeur de Dacca, l’encombrement de sa circulation. En faisant expressément référence à la catastrophe du Rana Plaza – l’effondrement d’un immeuble qui abritait des usines textiles provoquant la mort de plus d’un millier d’employés – elle entend rattacher son pamphlet féministe à l’actualité la plus brûlante.

Les Lauriers-roses rouges n’a ni la frivolité ni les interludes musicaux de ses cousins de Bollywood. Son affiche, le regard grave de son héroïne entre deux âges, le slogan trop sentencieux qui l’orne annoncent la couleur : on n’est pas là pour rigoler.

La bande-annonce

Wùlu ★★☆☆

Savez-vous ce qu’est un coxeur ? C’est la profession qu’exerce Ladji dans la capitale malienne. Debout sur le marchepied d’un minibus, il harangue les clients, encaisse le prix de leur trajet, guide le chauffeur en fonction des arrêts demandés.
Mais soyez rassurés, Wùlu n’est pas un film sur la sociologie des transports à Bamako. C’est plutôt l’histoire d’un Scarface malien qui gravit les échelles de la pègre.

On lui demande d’abord de faire de la contrebande à la frontière sénégalo-malienne. L’ingéniosité dont il fait preuve lors de sa première mission lui attire la confiance de ses commanditaires qui lui confient des missions plus difficiles en Guinée, puis dans le Nord du pays. Mais c’est lui qui, en cheville avec un trafiquant vénézuélien a l’idée de faire prendre à son business un toute autre envergure.

Le cinéma africain fait lentement son entrée dans le grand bain du cinéma mondial. Longtemps condamné à faire de la figuration dans les grands festivals, il en décroche désormais les premiers prix : Un homme qui crie (Prix du jury à Cannes en 2010), Timbuktu (César du meilleur film en 2015), Félicité (Grand prix du jury à Berlin en 2017). Pour autant, le cinéma africain reste un cinéma de niche, handicapé par la faiblesse de ses moyens. On attend toujours le premier blockbuster africain. Wùlu cherche à sortir de ce ghetto en investissant le champ du polar, un genre jusqu’alors étranger au continent.

Il n’y parvient qu’à moitié. Certes, la mise en scène est nerveuse. Certes, le destin de Ladji est attachant dont l’ascension se paie du prix de l’amour des siens (son meilleur ami, sa sœur…) Mais la direction des acteurs laisse à désirer. Autre défaut : le scénario embrasse trop de problématiques et les étreint mal : la criminalisation des sociétés africaines, condamnées, si elles veulent réussir, à sortir de la loi, la corruption des élites (l’histoire se déroule avant le coup d’État de janvier 2012 qui allait conduire à l’effondrement de l’État malien), la quête d’identité d’individus à cheval sur deux cultures…

Malgré ses défauts, Wùlu – dont la palette chromatique de l’affiche rappelle celle de La Cité de Dieu de Fernando Meirelles qui, lui aussi, importait au pays de la salsa le polar et ses violences – mérite le détour.

La bande-annonce