Donbass ★★☆☆

Le Donbass est cette région de l’est de l’Ukraine qui, en rébellion avec l’autorité de Kiev et avec le soutien de la Russie, s’est placée depuis 2014 en état de sécession. Le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa reconstitue en treize tableaux les dérives d’une société en régression qui bafoue les droits de l’homme et humilie ses citoyens.

Sergei Loznitsa s’est fait connaître en 2013 en Occident par une premier film dont l’action se déroulait durant la Seconde guerre mondiale. La facture de Dans la brume annonçait celle de ses œuvres suivantes : des plans-séquences interminables, une quasi absence de dialogues, une virtuosité intimidante… Les mêmes recettes étaient utilisées l’année suivante dans Maidan, un documentaire sur la chute du président Ianoukovitch durant l’hiver 2014, et Une femme douce le portrait d’une héroïne dostoïevskienne dans la Russie post-soviétique.

Donbass s’inscrit dans cette généalogie. Sur la forme : un cinéma qui étend les plans au point d’en épuiser le spectateur et parie autant sur son intelligence que sur sa sensibilité. Sur le fond : une critique radicale d’une société post-soviétique où, à force de frustrations et de rancœur, l’homme est (re)devenu un loup pour l’homme.

Cette société pré-hobbesienne est décrite à travers treize plans-séquences d’une durée variable. Certains ne durent que quelques instants : la destruction d’un bus par une roquette et la mort de ses passagers. D’autres s’étirent jusqu’à l’insoutenable : le lynchage d’un prisonnier de guerre, la déambulation dans des souterrains insalubres où la population se terre, un mariage aussi vulgaire que brillant, l’assassinat méthodique d’un groupe de civils par la milice…

On imagine volontiers l’impact de ce cinéma sur les populations concernées : à Kiev où Loznitsa fait figure de héros national, à Donetsk ou à Moscou où au contraire on lui reproche son parti pris. Pour elles, tout fait sens : les tenues des soldats, leurs brassards, leurs drapeaux, leurs chants. L’ensemble est plus opaque pour un spectateur étranger qui n’est pas au fait de l’état des forces dans l’est de l’Ukraine.

Mais, quand bien même on est spontanément favorable aux forces démocratiques et pro-européennes de Kiev contre celles, nationalistes, anti-libérales et pro-russes, de Lougansk et de Dniepropetrovsk, on ne peut réprimer un certain malaise à une charge aussi rude, aussi noire, aussi engagée, qui jamais ne donne la parole à la partie adverse et se complait dans la description voyeuriste des pires basses humaines.

La bande-annonce

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