Dans le Nord de la France, L’Envol est un centre d’accueil de jour. Grâce à quelques assistantes sociales et quelques bénévoles dévouées, des femmes à la rue peuvent y trouver un havre provisoire : de quoi se doucher et se restaurer, un peu de chaleur…
Mais, les services départementaux, qui reprochent à L’Envol de ne pas réussir à réinsérer ces femmes, le menacent de fermeture administrative. Pour ne pas les abandonner à leur sort, alors que les solutions alternatives font défaut, Manu (Corinne Masiero), Audrey (Audrey Lamy), Hélène (Noémie Lvovsky) et Angélique (Déborah Lukumuena) vont tout faire pour leur trouver un travail. Au risque de flirter avec les marges de la légalité…
Les Invisibles aurait pu être un documentaire. Il est tiré d’une enquête sociologique de Claire Lajeunie qui documente les épreuves subies par les femmes à la rue : violence, agressions sexuelles, insalubrité… Il en a d’ailleurs l’apparence pendant ses premières scènes qui montrent la foule bigarrée qui se presse au petit matin devant les portes de L’Envol avant leur ouverture. Mais bien vite, apparaissent les visages de comédiennes bien connues qui font basculer Les Invisibles du côté du feel good movie.
Louis-Jean Petit avait réalisé Discount dans la même veine : l’histoire bienveillante d’employés d’un magasin de grande distribution qui détournent les produits périmés ou sur le point de l’être pour les donner aux plus nécessiteux. J’avais dit le plus grand bien de ce film-là. Pourquoi être plus réservé à l’égard de ce film-ci qui en reprend pourtant les mêmes recettes éprouvées?
La première raison tient au scénario faiblard. Bien sûr, on ne regarde pas sa montre. Mais, pour autant, une fois que l’histoire est posée comme je l’ai résumée au premier paragraphe de cette critique, elle se déroule paresseusement, sans tension ni surprise. Le film aurait pu durer un quart d’heure de plus ou un quart de moins (en soustrayant quelques scènes inutiles sur la vie amoureuse des travailleurs sociaux ou de leurs proches destinées à nous montrer qu’eux aussi sont des gens comme les autres). Son épilogue ne verse pas dans l’angélisme – à la différence du Grand Bain dont c’était le principal défaut – mais avec suffisamment de délicatesse pour éviter de nous plomber le moral – comme avait le cran de le faire Une affaire de famille.
La deuxième raison tient à l’accumulation récente de films similaires. Le cinéma français, auquel on reproche à bon droit sa superficialité, cherche à s’ancrer dans le terrain social. Mais du coup, on a l’impression que les scénaristes se sont répartis les grands sujets de notre temps pour construire des films qui en cherchent à interpeler notre cœur autant que notre esprit. Après les greffes d’organe, la délinquance juvénile et l’accouchement sous X, voici les femmes à la rue en attendant peut-être demain la GPA. Qu’on ne se méprenne pas ! Je ne dis pas que Réparer les vivants, Shéhérazade ou Pupille – dont j’ai dit ici tout le bien que j’en pensais – ne sont pas de bons films, mais je dis que le systématisme avec lequel les sujets de société nourrissent, les uns après les autres, le cinéma français risque au bout du compte de s’épuiser.
La troisième raison est politique. Les Invisibles est construit autour d’une – légitime – révolte. Révolte à la fois contre le sort fait aux femmes et contre l’incapacité de l’administration à y apporter les réponses pertinentes. On verse sa larme – et je la verse plus qu’à mon tour – devant la scène volontairement lugubre d’évacuation d’un camp de SDF par une compagnie de CRS. Welcome fonctionnait selon le même procédé, qui décrivait l’initiative courageuse d’un Calaisien qui apprenait à nager à un jeune Afghan rêvant de traverser la Manche. Mais je suis gêné par ma propre schizophrénie : comment pouvons-nous « en même temps » plébisciter Welcome ou Les Invisibles et, tous les cinq ans, au nom d’un principe de réalité, apporter nos suffrages à des majorités parlementaires successives qui mettent en œuvre une politique autrement moins bienveillante à l’égard des plus fragiles ?
Découverte récente et faite presque par étourderie – je cherchais à voir le documentaire de Sébastien Lifshitz et ai cru le programmer sur la plate forme VOD -!
Un sujet qui pose problème : les SDF ! Ici , les femmes et ce qui existe pour leur venir en aide. Le quotidien : le 115 ; l’hygiène ; les têtes cassées par une histoire sordide ; l’absence de perspectives . Et puis, celles qui sont là pour elles : leur volontarisme alors que la vie ne leur fait également aucun cadeau ; leur fatigue !
Pour autant, on évite misérabilisme et atmosphère plombante ; on rit beaucoup sobriquets décalés de certaines ; blagues ; situations cocasses .
Superbe , l’idée d’avoir fait « jouer » des femmes qui ont connu la rue ;quant à Corinne Maspéro , qui souvent m’agace , je l’ai trouvée très convaincante ! Au total , un film qui compte sur un sujet plus que jamais d’actualité en raison de l’explosion de la pauvreté !
Le documentaire de Sébastien Lifshitz et le film de Louis-Julien Petit sont homonymes
Ils sont tous les deux remarquables.
k0hria