La Bombe et nous ★☆☆☆

La Bombe et nous est un documentaire qui ne cache pas ses partis-pris. Son titre inutilement racoleur et son affiche l’annoncent sans fards : la bombe atomique constitue la principale menace à « notre » monde, une menace d’autant plus dangereuse qu’elle reste cachée.

Pourtant l’histoire de la bombe atomique contient suffisamment d’enjeux dramatiques et politiques pour mériter une grande fresque façon Apocalypse (un titre qui, au demeurant, lui conviendrait mieux qu’aux deux guerres mondiales).

Le documentaire de Xavier-Marie Bonnot souffre de son approche partisane et de ses moyens limités. Le réalisateur a certes rassemblé des archives impressionnantes. Mais il les expose sans rigueur, passant des essais français dans le Sahara au « Projet Manhattan » pour revenir au 6 août 1945 et aux témoignages émouvants des hibakusha, les survivants de l’explosion d’Hiroshima.

L’histoire de la bombe atomique aurait mérité une présentation plus structurée. Son invention d’abord au milieu de la Seconde guerre mondiale, sous l’aiguillon de la menace nazie. Ses deux premières utilisations non pas contre Hitler mais contre Hiro Hito et la question, toujours lancinante, de leur pertinence stratégique. L’acquisition de sa technologie par l’URSS qui ouvre l’âge de la destruction mutuelle assurée. La crise des missiles de Cuba en 1962 et la périlleuse acquisition par les deux Supergrands des règles de l’équilibre de la terreur. La doctrine nucléaire française et chinoise de la dissuasion du faible au fort. La constitution d’un « club nucléaire » en 1968 constitué des seuls États dotés qui interdit aux États non dotés de franchir le seuil nucléaire et le contrôle des armements dans les années 1970-80 (les accords SALT, START…). La reconnaissance internationale des mouvements anti-nucléaires : Pugwash puis ICAN, prix Nobel de la paix respectivement en 1995 et en 2017.

Soixante-dix minutes sont bien courtes pour présenter cette riche histoire. Et pour le faire avec objectivité. D’autant que la parole n’est guère donnée qu’à des anti-nucléaires – à la notable exception de Hubert Védrine dont le réalisme fait souvent mouche. Le documentaire de Xavier-Marie Bonnot n’aurait pas dû passer en salle. D’ailleurs, sorti le 1er novembre il n’a guère été diffusé que dans une seule salle confidentielle de la montagne sainte-Geneviève dont il a disparu, dès la seconde semaine, de la programmation après une ultime séance-débat hier soir.

La bande-annonce

2 commentaires sur “La Bombe et nous ★☆☆☆

  1. Cher Monsieur,
    Merci pour votre critique. Elle a le mérite d’exister.
    Mon film est partisan, certes et je ne m’en cache pas. N’allez pas pour autant imaginer que je suis un antimilitariste ou un dangereux gauchiste. Je ne suis ni un ni l’autre, même si ce film a été récupéré par des gens étiquetés à cette gauche extrême que vous semblez vomir. Au cas où vous l’auriez visionné, vous avez sans doute remarqué que mon film donne largement la parole au pro-nucléaire : les généraux Forget, Gaviard et Copel (qui n’est pas un anti), l’homme politique Hubert Védrine – pas très brillant sur ce sujet.
    Enfin, je vous informe que ce film passe dans toute la France. On en est je crois à une centaine de dates. Enfin, vous comprendrez que le propos nous a limité en moyens. La France est ainsi faite, pas d’argent pour une certaine réflexion. Sachez d’ailleurs que c’est bien l’armée qui a donné pas mal de choses. Eh oui. Le monde n’est pas aussi binaire comme vous semblez le signifier dans votre billet.
    Bien à vous. Xavier-Marie Bonnot

  2. Je reproche à votre film trois choses :
    – son titre et son affiche (qui vous ont peut-être été imposés par la production) lui donnent une connotation qu’il n’a pas : pourquoi « et nous « ? pourquoi un arbre ? « La Bombe – Histoire d’une arme absolue » aurait été sans doute moins vendeur mais plus fidèle au contenu de votre documentaire
    – sa structure brouillonne : suivre le fil chronologique aurait été mieux avisé que sauter d’une époque à l’autre. Vous concentrer sur la bombe française aurait renforcé l’unité d’une œuvre qui se perd aux États-Unis et au Japon.
    – son format trop court là où le sujet aurait mérité de plus amples développements : plutôt qu’une sortie en salles dans un format bâtard (soixante-dix minutes), une mini-série télévisée de 4*52 aurait touché un plus large public et vous aurait permis une présentation plus approfondie.
    Ma critique – où je ne vois pas que j’y vomisse l’extrême-gauche pas plus que j’y aurais une vision binaire du monde – se trompait sur un point : « La Bombe et nous » est encore à l’affiche en troisième semaine à La Clef où il sera diffusé mardi à 15h40. J’invite mes lecteurs à aller l’y voir.

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