Paranoia ★★★☆

Sawyer (Claire Foy) est une working girl au bord du burn out, qui se relève difficilement d’une expérience douloureuse : elle a dû quitter Boston pour fuir un amoureux trop pressant. Après avoir consulté un docteur et lui avoir fait la confession de ses névroses suicidaires, elle se retrouve contre son gré enfermée dans une unité de soins psychiatriques. Elle y retrouve l’homme qui la persécutait.

Steven Soderbergh a annoncé plusieurs fois qu’il quittait le cinéma. Il n’en a rien fait. Et c’est tant mieux. Après une Palme d’Or et quelques uns des titres les plus fameux du cinéma des années 2000 (Traffic, Ocean’s Eleven, Erin Brockovich…) le petit génie n’a certes plus grand chose à prouver. Mais il a encore beaucoup à donner. Ces derniers films le montrent qui oscillent entre deux courants : des comédies dramatiques mainstreams qui s’attachent à des personnages décalés (Ma vie avec Liberace, Magic Mike, Logan Lucky) et des thrillers qui jouent efficacement avec nos nerfs (Piégée, Contagion, Effets secondaires…).

Paranoia appartient clairement de la seconde catégorie. S’il n’était pas signé par l’un des réalisateurs les plus connus du moment, il pourrait aisément passer pour le premier film d’un wonder kid. Il en a l’apparence, tourné à l’économie, sur un mode quasi-documentaire. Il en a aussi les ingrédients : un mélange à la Get out entre une intrigue assez conventionnelle (une femme persécutée par un harceleur) et un message politique (les dérives des cliniques privées qui hospitalisent d’office leurs patients). La juxtaposition de ces deux sujets pourrait sembler par trop artificielle sans l’habileté des deux co-scénaristes, Jonathan Bernstein et James Greer.

Paranoia nous prend en otage. Le spectateur s’identifie à la malheureuse Sawyer (Claire Foy aussi convaincante à Buckingham Palace que dans une cellule capitonnée) dont la fragilité laisse un doute sur la réalité des perceptions : est-elle, comme elle le clame, la victime innocente d’une machination ou, au contraire, une malade qui a authentiquement besoin de soins ? L’hypothèque est hélas levée à la moitié du film. On craint alors une succession prévisible d’événements qui débouchera sur deux fins possibles : soit Sawyer parvient à se libérer, soit elle n’y parvient pas. C’est en effet la voie que suit le film dans sa seconde moitié. Jusqu’à une ultime scène qui ré-instille un peu d’ambiguïté là où on craignait qu’elle ait complètement disparu.

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Parvana ★★☆☆

Nous sommes en 2001. Parvana a onze ans. Elle vit à Kaboul que contrôlent pour quelques mois encore les Talibans. Son père, un ancien professeur qui a perdu sa jambe dans la guerre contre les Soviétiques, est arrêté par la milice. La mère de Parvana et sa sœur aînée ne peuvent quitter le domicile familial sans violer la règle qui interdit aux femmes de se déplacer seules sans mari ou sans frère. Seule solution pour permettre au foyer de survivre : déguiser Parvana en garçon.

Co-produit par Angelina Jolie, Parvana est l’adaptation du bestseller de jeunesse de la canadienne Deborah Ellis, The Breadwinner (littéralement : le soutien de famille), écrit à partir des témoignages recueillis dans les camps de réfugiés du Pakistan. Sa réalisation est signée de Nora Twomey, une réalisatrice Irlandaise remarquée pour sa participation au très beau Brendan et le secret de Kells, un conte gaélique.

C’est du côté du conte que Nora Twoney tire Parvana. Simplifiant volontiers la trame narrative du livre de Deborah Ellis, elle choisit d’entrelacer l’histoire de la jeune Parvana, dont le courage et la malice viennent à bout des obstacles semés sur son chemin, avec celle de Suleiman, le héros d’un conte traditionnel qui, pour récupérer les semences volées à son village, défia un terrible roi-éléphant perché au sommet d’une montagne mystérieuse. Chaque histoire est racontée selon une technique différente : la ligne claire et les couleurs pastels pour celle de Parvana, les collages inspirés des marionnettes persanes ou indiennes dans des tons violemment contrastés pour celle de Suleiman.

Les techniques utilisées et le public visé ne sont pas les mêmes que dans Persépolis ou Téhéran Tabou, deux films d’animation qui, eux aussi, nourrissaient une ambition politique. Il s’agit ici de toucher le (très) jeune public au risque de décevoir les spectateurs plus âgés que le simplisme de l’histoire risque de rebuter. Parvana n’en reste pas moins une fable humaniste et universelle, une ode pudique à la dignité humaine et aux droits des femmes, qui émouvra tous les âges.

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L’Île au trésor ★★☆☆

L’île de loisirs est une base nautique construite dans un méandre de la Seine près de Cergy-Pontoise. Guillaume Brac y a posé sa caméra l’espace d’un été, y filmant ses usagers : des ados dragueurs, des retraités nostalgiques, des gamins resquilleurs, un veilleur de nuit guinéen, un Adonis du pédalo, des Philippins qui jouent à la balle à la nuit tombée…

Guillaume Brac fait partie de ces nouveaux réalisateurs qui avec Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet), Justine Triet (La Bataille de Solférino) et Thomas Salvador (Vincent n’a pas d’écailles) sont en train d’insuffler un grand courant d’air frais dans le cinéma français. Il a tourné dans l’île de loisirs de Cergy Pontoise un marivaudage rohmérien qui sortira le 25 juillet. En ouverture de rideau, il nous livre son making of inspiré qui en décrit le cadre dépaysant : une base de loisirs aux portes de la capitale, un morceau de banlieue loin des clichés de la banlieue.

On pourrait y voir à première vue un documentaire dans la veine des chefs d’oeuvre de Frederik Wiseman (Ex Libris, In Jackson Heights…) : le décryptage d’une institution et de ses règles de pouvoir. C’est l’impression que donnent les scènes filmées avec le directeur et son adjoint sécurité qui tentent tant bien que mal de faire régner l’ordre sur la base.

Mais là où Wiseman ausculte les règles, Brac préfère montrer leur transgression. Il filme avec tendresse des gamins resquilleurs qui tentent de s’introduire sur la base sans payer, des plongeurs qui attendent que les vigiles aient le dos tourné pour nager dans une zone de baignade interdite, des moniteurs qui se sont laissés enfermer dans le parc à la nuit tombée…

De briques à Brac. Le documentaire procède de rencontres en rencontres, sans logique apparente, au risque parfois de la platitude et de la répétition. Il aurait pu durer une demie heure de moins ou, comme un documentaire de Wiseman, trois heures de plus. Autre défaut : il cède parfois à la célébration béate d’un vivre-ensemble sans accroc, comme si les pathologies des banlieues (pauvreté, enclavement, communautarismes, incivilités) trouvaient soudainement leur antidote en maillot de bain.

Pour autant, la caméra de Guillaume Brac a une vertu rare : sa bienveillance. Chacun des personnages qu’elle filme est fait du lait de la tendresse humaine, même ce retraité qui se lance dans une histoire scabreuse qu’on craint l’espace d’un instant de voir dériver. Brac filme un bout d’Eden, la magie de l’enfance éternelle, où le temps semble suspendu, sans ignorer que l’été se terminera bientôt et que la pluie de septembre obligera les estivants à quitter le parc.

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Woman at War ★★★☆

Halla, la cinquantaine, est une battante, une femme solitaire qui mène une double vie. Elle est musicienne et cheffe de chœur. Mais elle consacre son temps libre à mener des opérations clandestines pour la protection de l’environnement et contre l’implantation en Islande d’une usine de production d’aluminium.
L’adoption d’une jeune orpheline ukrainienne place Halla face à un dilemme : ses nouveaux devoirs de mère lui permettront-ils de poursuivre son combat ?

J’avoue avoir eu quelques hésitations face au pitch de Woman at War. Je le trouvais trop simpliste voire rétrograde : une femme obligée de sacrifier sa vocation à sa maternité. Heureusement Woman at War n’est pas une comédie tire-larmes sur les joies de l’adoption mais un thriller écologique remarquablement rythmé.

On ne quitte pas d’une semelle son héroïne, Halldora Geirhardsdottir, qui réussit même à se dédoubler puisqu’elle interprète aussi le rôle de la sœur jumelle de Halla, Asa, dont l’utilité au scénario s’éclairera à la fin du film. L’énergie de ce Robin des bois des temps modernes – Halla porte le prénom d’un bandit de grand chemin qui défia l’autorité étatique au XVIIème siècle – est communicative. On admire sa force physique et son intelligence quand elle réussit à échapper à ses poursuivants en courant dans la lande islandaise, en se jetant dans les flots glacés d’un torrent ou en se cachant sous la dépouille d’une brebis. Personnage d’autant plus admirable quand on sait dans quel mépris le cinéma tient les femmes de cinquante ans – quatre fois moins présentes au cinéma qu’elles ne le sont dans la société française selon une récente enquête de l’AAFA.

Mais l’énergie terrienne de son héroïne et la beauté impressionnante des paysages ne sont pas les seuls atouts de ce conte moderne. Une loufoquerie inattendue et surréaliste le traverse, incarnée par ce cycliste sud-américain qui croise le chemin de Halla aux moments les plus inattendus et par une fanfare (un piano, des percussions et un soubassophone) accompagnant un trio de choristes ukrainiennes.

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À la dérive ★★☆☆

Tami et Richard sont sur un bateau. Richard tombe à l’eau…

À la dérive est adapté d’une histoire vraie. En 1983, à Tahiti, Tami Oldham rencontre Richard Sharp. Les deux amoureux décident de convoyer un voilier jusqu’en Californie. Mais le bateau, pris dans un ouragan, démâte et dérive pendant quarante-et-un jours jusqu’à Hawaï.

Réalisateur islandais passé à Hollywood, qui commença sa carrière par des petits films islandais (Jar City) avant de signer consciencieusement des blockbusters sans âme (Everest), Balthasar Kormakur a hésité entre deux affiches. La première montre les deux navigateurs front contre front unis face à l’adversité. La seconde, plus angoissante, photographie l’océan immense et immobile. En choisissant la première, il tire À la dérive vers l’histoire d’amour. Et c’est bien dommage.

Il y a cinq ans, sur un thème similaire, J.C. Chandoor avait réalisé un tour de force : filmer un homme seul à bord d’un bateau qui coule sans voix off ni flashback. À la dérive n’a pas la force de All is lost. Si son premier plan est saisissant, qui filme Tami reprenant conscience à bord d’un bateau dévasté par l’ouragan et y recherchant en vain son compagnon tombé à la mer, le reste n’a pas la même force. On la voit repêcher Richard et tenter avec lui de réparer le bateau et de l’orienter vers la terre. Mais cette histoire est entrecoupée de flashbacks inutiles qui racontent leur rencontre et leur coup de foudre quelques mois plus tôt dans un décor tahitien de carte postale.

Ajouté à cela le tour de passe-passe façon L’Histoire de Pi, qu’on sent venir à des kilomètres, À la dérive n’est pas le survival aquatique qu’on attendait même si Shailene Woodley, son actrice principale, rendue célèbre par Divergente et Nos étoiles contraires, qui a coproduit le film, donne de sa personne avec une bluffante énergie.

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Le Dossier Mona Lina ★☆☆☆

Naomi (Neta Riskin) est une agent du Mossad qui peine à se reconstruire après la tragédie qu’elle a vécue. Son chef, Gad (Lior Ashkenazi), lui propose une mission a priori sans risque : être la babysitteur de Mona (Golshifteh Farahani), une taupe exfiltrée du Hezbollah durant sa convalescence après l’opération esthétique qu’elle vient de subir afin de changer d’identité.

Le cinéaste israélien Eran Riklis n’est pas un inconnu. Il a déjà réalisé plusieurs films remarquables qui interrogent la place des Arabes dans la société israélienne : La Fiancée syrienne, Les Citronniers, Mon fils… Il change de registre en signant un film d’espionnage  que l’affiche et le sous-titre sursignifiant destinent pachydermiquement à un public féminin.

Pourtant Le Dossier Mona Lina n’a rien de féminin ni de féministe si ce n’est le sexe de ses deux principaux protagonistes. Il s’agit d’un polar comme on en a déjà vu beaucoup. Le genre suit des règles éprouvées. Le Dossier Mona Lina n’y déroge pas. Mais les séries américaines (Homeland) ou française (Le Bureau des légendes) placent désormais la barre très haut qu’il n’est pas toujours facile de franchir.

Dans sa première partie, Le Dossier Mona Lina réussit à entretenir une ambiance paranoïaque. Le spectateur se met dans la peau de Naomi et, comme elle, voit partout des menaces : un appel téléphonique soi-disant mal aiguillé, un vendeur de journaux au regard insistant, un voisin à son balcon… Tout est dangereux, pour elle qui est parano et pour le spectateur qui est habitué à donner une signification à chacun des signes qu’on lui montre.

Le film perd de son intérêt dans sa seconde partie. Les deux personnages principaux sont lestés d’une lourde psychologie qui, sans qu’il soit ici question de déflorer l’intrigue, a trait à leur relation à la maternité.Et le film se termine, comme il est désormais d’usage, par un twist passablement alambiqué auquel je ne suis pas certain d’avoir tout compris.

Le résultat est globalement décevant qui nous avait mis l’eau à la bouche mais nous laisse sur notre faim.

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Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête ☆☆☆☆

Bruno Weintraub a écrit un premier roman encensé par la critique. Mais depuis vingt ans, il n’a pas transformé l’essai. De romans avortés à des histoires d’amour sans lendemain, sa vie fait du surplace. Il ne quitte plus guère l’appartement en étages qu’il partage avec une jeune Femen.
Ses parents décident de l’interner. Ils demandent à une psychiatre, à un ancien ami, à une ex fiancée de l’en convaincre.

Quel beau titre, emprunté à la conclusion de La Critique de la raison pure où Kant oppose la loi morale en chacun de nous et le ciel étoilé qui nous surplombe… et quel film décevant !

Ilan Klipper tenait pourtant deux beaux sujets. Le premier : la malédiction d’un succès trop précoce pour un homme incapable de s’en relever. Le second : l’HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers). Deux sujets graves qu’il décide de traiter sur le mode de la comédie.

S’ensuit un de ces petits films français, comme on en a déjà vu treize à la douzaine (Ouf de Coridina, Anna M. de Spinosa…), filmé à l’arrache dans un appartement mal éclairé. Petit par l’ambition et petit par la durée : soixante-dix-sept minutes seulement. Laurent Poitrenaux, souvent repéré dans des seconds rôles, en campe le premier : celui d’un cinquantenaire en slip kangourou glissant lentement mais sûrement dans la folie douce, dont l’hystérie devient vite lassante. Autour de lui s’agitent une galerie de personnages caricaturaux : des parents possessifs, un pote un peu lourd, une ex contrariée, une psychiatre bientôt dépassée par les événements… Le tout se termine par un grand n’importe quoi et une pirouette qui se voudrait tendre.

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3 jours à Quiberon ★☆☆☆

Avril 1981. Romy Schneider a quarante-deux ans. Elle est au faîte de sa gloire mais au bout du rouleau. Elle enchaîne les films à succès. Mais sa vie privée est un champ de ruine. Son fils aîné David, dont le père vient de se suicider, refuse de la voir. Elle est en train de divorcer du père de sa fille cadette Sarah. L’actrice abuse de l’alcool et des médicaments qui la tueront un an plus tard.
Elle décide de partir en cure au Sofitel de Quiberon. Hilde, une amie d’enfance, l’accompagne. Un journaliste du Stern, Michael Jürgs, et un photographe Robert Lebeck, la rejoignent pour une longue interview.

Voilà l’exemple d’un film construit autour d’une fausse bonne idée : reconstituer l’ultime interview à la presse allemande de Romy Schneider. On aurait pu imaginer un documentaire. La frappante ressemblance de Marie Bäumer avec l’interprète de Sissi, l’usage du noir et blanc entretiennent le doute. Ce documentaire aurait été l’occasion de faire retour à la fois sur sa riche carrière et sa tumultueuse vie privée : ses débuts en Allemagne sous l’emprise d’une mère possessive, sa gloire précoce, sa « fuite » en France, sa rencontre avec Alain Delon, les chefs d’œuvre tournés avec Deray, Zulawski, Visconti, Sautet, ses mariages, ses enfants…

Mais la réalisatrice Emily Atef n’a pas recours au flash-back. Elle préfère filmer un huis clos interrompu par quelques trop rares échappées sur la Côte sauvage ou dans les rues de Quiberon à la nuit tombée. Les scènes s’enchaînent et le film fait du surplace.

Aussi habitée soit-elle, Marie Bäumer n’a pas grand chose d’intéressant à dire, pas grand chose qu’on n’escomptait pas et qui du coup ne nous surprend pas. L’actrice est tour à tour exubérante et catatonique, aimante et égoïste, candide et manipulatrice. Malgré son talent, elle ne réussit pas à rendre émouvante la solitude d’une star malheureuse.

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Football infini ★☆☆☆

Marre du foot à la télé ? Allez en voir au cinéma !

Laurentiu Ginghina habite Vaslui, en Roumanie près de la frontière de la Moldavie. Considérant que le football est trop violent, la circulation du ballon pas assez « libre », il propose d’en modifier les règles.

Depuis que Cristian Mungiu a décroché la Palme d’or à Cannes en 2007 pour Quatre mois, trois semaines, deux jours, le cinéma roumain ne cesse de nous étonner.
Parmi les réalisateurs de cette Nouvelle vague, Corneliu Porumboiu ne nous est pas inconnu. Son premier film, 12h08 à l’est de Bucarest, aux frontières du documentaire et de la fiction, disséquait les réactions des Roumains à l’annonce de la chute de Ceaucescu. Son dernier, Le Trésor, était un modèle d’humour noir, raillant les travers d’une société gangrenée par la corruption.

Fils d’un ancien arbitre professionnel, Corneliu Porumboiu avait consacré un documentaire à un match opposant les deux équipes de Bucarest durant les dernières heures du communisme sous la neige. C’est à nouveau au football qu’il s’intéresse avec un documentaire au format court (soixante-dix minutes seulement) dont la sortie coïncide avec la Coupe du Monde 2018.

Laurentiu Ginghina fut victime durant son adolescence sur un terrain de football d’un tacle meurtrier qui lui fractura le péroné et compromit son avenir professionnel. Faute d’avoir entrepris des études de sylviculture, faute d’avoir réussi à s’installer durablement aux Etats-Unis, Ginghina a pris un obscur poste de bureaucrate dans l’administration de Vaslui. On le voit, encravaté derrière son bureau, tentant sans conviction de démêler les tracas administratifs d’une vieille babouchka.

Ginghina se rêve en super-héros dont le train-train ennuyeux serait en fait une couverture. Ginghina aspire à une autre vie, dans laquelle il ne croupirait pas derrière un bureau. Ginghina imagine d’autres règles au football comme il fantasme d’autres règles à sa vie.

Du coup, après avoir écouté un temps avec amusement ses propositions, d’ailleurs pas si saugrenues, on s’en désintéresse vite pour se focaliser sur celui qui les énonce. On comprend que le sujet du film n’est pas le football mais la folie douce d’un homme plein d’imagination.

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How To Talk To Girls At Parties ★★★☆

En 1977. À Croydon dans la banlieue de Londres. Enn (Alex Sharp) étouffe chez sa mère et ne vit que par le punk avec ses deux inséparables amis.
Après un concert organisé par Boadicea (Nicole Kidman), le trio débarque dans une soirée organisée par des hôtes à la tenue et au comportement déroutants. Il s’agit en fait d’une colonie d’extraterrestres venus étudier les mœurs des humains avant de sacrifier à un funeste rite de passage.
Enn tombe sous le charme de Zan (Elle Fanning), une extra-terrestre qui se révolte contre le sort qui lui est promis.

John Cameron Mitchell s’est taillé la réputation d’une icône gay par quelques films devenus cultes : Hedwig and the angry inch, Shortbus, Rabbit Hole… À cinquante ans passés, il revient avec un film assagi qui n’en garde pas moins un zeste de folie qui en fait le charme.

How to talk to girls at parties pourrait être une gentille bluette punk, l’histoire du déniaisement d’un ado londonien dans les années 70. C’est ce que le titre et l’affiche laissent croire.

Mais il ne faut s’arrêter à cette première impression. Il s’agit en fait de l’adaptation d’une courte nouvelle de Neil Gaiman, un célèbre auteur de sciences fiction. Il y raconte comment Enn et son ami Vic (le duo du livre est devenu trio dans le film) débarquent dans une soirée et y draguent des filles dont on comprend progressivement la bizarrerie. La nouvelle se termine lorsque Enn et Vic fuient la soirée, horrifiés de leur découverte. Mais le film va plus loin avec le personnage de Zan, absent du livre, ses rêves de révolte qui recoupent ceux de Enn.

How to talk to girls at parties emprunte à plusieurs sources. Son héros, fou de musique rappelle John Cusack dans High Fidelity ou le jeune groopie de Almost Famous. Les scènes de concert évoquent celles que John Cameron Mitchell avait filmées dans Hedwig… ou celles du biopic consacré au leader du groupe Joy Division, Control. L’ambiance décalée qui règne dans la demeure des extraterrestres évoque les décors du tournage de Moonwalkers. Le personnage de Zan et de ses congénères n’est pas sans évoquer Scarlett Johansson dans Under the skin. Mais nul besoin pour apprécier How to talk… de connaître ces références qu’un critique prétentieux égrène comme d’autres enfilent des perles…

Car Elle Fanning mérite à elle seule le déplacement. Le rôle de Zan lui va comme un gant : un peu d’ici, un peu d’ailleurs, encore enfant, déjà adulte. Sa beauté laisse pantois, qui a quelque chose de surnaturel : sa blondeur, sa peau translucide, son cou interminable. À vingt ans à peine, Elle Fanning a déjà une filmographie qui force l’admiration. Dès ses tout premiers films (Somewhere en 2010, Super 8 en 2011), l’acteur-enfant impressionnait par son aisance face à la caméra sans jamais sombrer dans le cabotinage qui gâte si souvent le jeu des plus jeunes stars. Avec The Neon Demon, elle se révélait dans un rôle adulte, avec quelle troublante efficacité. Si besoin était How To Talk… le confirme : le bébé-star est devenue une grande star.

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