A Very English Scandal ★☆☆☆

À une époque où l’homosexualité n’avait pas encore été dépénalisée, le député libéral britannique Jeremy Thorpe (Hugh Grant) a eu une liaison avec le jeune Norman Scott (Ben Whishaw). Craignant le chantage de son amant, il décide de le faire taire.

La BBC a recruté Stephen Frears, le célèbre réalisateur, pour raconter, dans une mini-série de trois épisodes d’une heure chacun, un des faits divers les plus marquants de la vie politique britannique contemporaine. Avec un soin scrupuleux, mais sans atteindre la magnificence des décors de la saison 3 de The Crown, A Very English Scandal ressuscite l’Angleterre des années soixante-dix.

L’affaire Thorpe était dramatique. Elle s’est conclue par un procès retentissant pour tentative de meurtre qui a révélé à la fois la duplicité de la classe politique et la partialité de la justice.

Stephen Frears aurait pu, à partir de ce scandale passablement abracadabrantesque, croquer un tableau crépusculaire de l’élite politique britannique dans les années 70 ou nouer une intrigue policière tant les rebondissements de l’affaire étaient nombreux et surprenants. Mais il prend un autre parti.

Dans le rôle de Jeremy Thorpe, Hugh Grant cabotine outrancièrement. Son personnage ressemble moins à Franck Underwood, le héros machiavélique de House of Cards, qu’à un personnage des Monty Python voire à Mr Bean. L’interprétation de Ben Whishaw est plus subtile, même s’il a parfois tendance à en rajouter dans le registre drama queen.

Le problème est que cette bouffonnerie outrée n’est pas vraiment drôle. Un poisson nommé Wanda reste indépassable.

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Paris – Brest ★☆☆☆

Colin (Anthony Bajon) vient d’avoir dix-huit ans. Il ne supporte plus la mesquinerie de ses parents et rêve de quitter Brest pour aller poursuivre ses études à Paris et y réaliser le rêve de sa vie : l’écriture. Deux êtres le retiennent : sa grand-mère et sa fiancée.
Pourtant Colin franchira le pas. Cinq ans plus tard, il est de retour chez lui et solde ses comptes.

Même s’il est peu à peu éclipsé par une génération de réalisateurs plus jeunes, Philippe Lioret reste l’un des grands noms du cinéma social français. On a tous vu et aimé Welcome en 2009 où Vincent Lindon campait un maître nageur généreux. Philippe Lioret a souvent adapté des écrivains français contemporains : Olivier Adam (Je vais bien, ne t’en fais pas), Emmanuel Carrère (Toutes nos envies), Jean-Paul Dubois (Le Fils de Jean). Son dernier film, produit pour la télévision, est tiré d’un roman de Tanguy Viel, un des auteurs-étendards des Editions de Minuit, qui depuis une vingtaine d’années y publie des romans faussement policiers aux thèmes récurrents : les drames intimes, les secrets de famille, les inégalités sociales…

Aussi ai-je profité de sa diffusion en replay – jusqu’au 25 avril – pour voir ce Paris-Brest sur Arte. J’y étais d’autant plus incité que le rôle titre était confié à un acteur prometteur, Anthony Bajon, nommé cette année et l’année précédente au César du meilleur espoir masculin pour Au nom de la terre et La Prière, deux films que j’avais adorés.

Paris-Brest, un titre trompeur. Car il ne s’agit pas d’un aller-simple mais d’un aller-retour entre deux époques que cinq ans séparent : l’époque où Colin décide de quitter Brest et celle où il revient de paris. Et car la sécheresse du récit et le drame à son mitan n’ont pas la légèreté d’une friandise sucrée.

Malheureusement le résultat est décevant. La construction du récit est certes intelligente qui entrelace les deux temporalités. Mais c’est bien la seule subtilité d’une réalisation sinon bien paresseuse. D’habitude si juste, Philippe Lioret cède à la simplicité, réduisant ses personnages à des caricatures univoques : les parents de Colin sont mesquins, sa grand-mère est généreuse, sa fiancée est égoïste. Il n’est pas jusqu’au personnage de Colin lui-même qui manque d’épaisseur. Quand au « drame » autour duquel l’intrigue se noue, il n’a rien de bien dramatique ni de bien surprenant.

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7. Koğuştaki Mucize ☆☆☆☆

Memo est simple d’esprit. Il vit avec sa mère et sa fille, Ova, qu’il élève seul depuis la mort en couches de son épouse dans un petit village turc de carte postale sur les bords de la Méditerranée.
Un drame y survient : la fille d’un haut gradé de l’armée turque meurt accidentellement. Memo, qui était présent sur les lieux et que tout accable, est accusé. Il est jeté en prison et condamné à mort malgré ses cris de dénégations et les tentatives de sa fille de retrouver un témoin qui pourrait l’innocenter.

On en parle beaucoup depuis sa sortie sur Netflix le 23 mars. Sans doute le confinement a-t-il largement contribué à sa popularité. Mais 7. Koğuştaki Mucize avait déjà été accueilli avec enthousiasme en Turquie où il a terminé l’année 2019 en tête du box office.

Si l’on en croit les commentaires très clivés qu’on en lit, 7. Koğuştaki Mucize est en train de susciter une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, opposant la France d’en haut à celle d’en bas, les Gilets jaunes et les élites parisiennes arrogantes, ceux qui croyaient à la chloroquine et ceux qui n’y croyaient pas.

Les uns, les plus sincères, crient au génie, évoquent un « déluge d’émotions », encensent  » le film le plus triste [qu’ils ont] vu depuis La Ligne verte » « d’une moralité sans nom » (sic).

Les autres reconnaissent honnêtement avoir versé leurs larmes. Mais, pas étouffés pour un sou par leur mépris de classe, ils se moquent d’une affiche tape-à-l’oeil, comme on n’en fait plus depuis les années soixante, d’une musique sirupeuse et envahissante, de ses ralentis maladroits, d’une lumière qui rappelle les pires télénovelas brésiliennes, de personnages manichéens à souhait (le héros forrestgumpien, la gamine attendrissante, la mamie vieillissante, la maîtresse d’école sexy à souhait, le colonel très très méchant…) d’un scénario aux rebondissements prévisibles et surtout d’une insistance putassière à vouloir à chaque scène faire pleurer dans les chaumières.

Devinez dans quel camp je me range…

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Port Authority ★☆☆☆

Paul (Fionn Whitehead, un prénom pas facile à porter de ce côté-ci de la Manche, qui tenait pourtant le rôle principal de Dunkerque) débarque à Port Authority, l’immense terminal routier de Manhattan. Sa demi-sœur, censée venir l’y chercher, est aux abonné.e.s absent.e.s. Le jeune homme à la face d’ange, qui a trouvé refuge dans une rame de métro, se la fait défoncer par un trio d’agresseurs. Lee (Mc Caul Lombardi, beau gosse en diable dans Nous les Coyotes, Sollers Point et American Honey) lui vient en aide, l’accueille parmi sa communauté et lui offre un toit en échange d’une sale besogne : prêter main forte à l’expulsion de locataires en retard de paiement.
Au hasard des rencontres, Paul rencontre une communauté LGBT, les McQueen (du nom du couturier), adepte du voguing – un style de danse urbaine, nous dit Wikipédia, « caractérisé par la pose-mannequin, telle que pratiquée dans le magazine américain Vogue (…) avec des mouvements angulaires, linéaires et rigides du corps, des bras et des jambes ». Il tombe amoureux de Wye (Leyna Bloom) sans réaliser qu’elle est transsexuelle.

Si la présentation que j’en ai faite est bien longue, l’histoire de Port Authority se résume à pas grand-chose : un coup de foudre entre un garçon et une fille pas tout à fait comme les autres. On comprend sans peine que le film fasse un tabac dans les festivals LGBTQI dont il coche toutes les cases : récit d’émancipation, hymne à la tolérance, BOF planante, New York nocturne et pluvieux, caméra au plus près des corps…

Le propos n’échappe pas à la caricature : Lee et ses nervis sont des Blancs homophobes bas du front tandis que les « sœurs » de Wye sont d’une sensibilité à fleur de peau.
On se laisse un temps séduire par ce premier film sensible, sorti en salles en septembre dernier, aujourd’hui accessible en VOD. Puis hélas, on s’en désintéresse lentement jusqu’à sa conclusion téléphonée.

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Unorthodox ★☆☆☆

Esty (Shira Haas) a dix neuf ans à peine. Élevée par sa tante et par ses grands parents dans la communauté juive ultra-orthodoxe de Williamsburg à New York, elle vient de se marier. Sa vie l’étouffe. Elle décide de partir à Berlin rejoindre sa mère qui, quelques années plus tôt, a pris la même décision radicale qu’elle.

Unorthodox est la mini-série Netflix dont on parle ces jours-ci. Dans le monde d’avant, les films sortaient le mercredi, étaient précédés d’avant-première, de publicités sur les bus et dans le métro. Dans le nouveau monde, les films et les séries sortent n’importe quand ; il n’y a plus d’avant-première et les publicités de Pinocchio et de Sans un bruit 2 continuent d’orner les flancs de bus à moitié vides. Décidément, ce monde n’est pas pour moi…

Unorthodox fait donc le buzz. Beaucoup de bruit pour rien ?

La vie dans une communauté religieuse orthodoxe, l’observation stricte des règles qui la régissent, le décalage surprenant avec les usages de nos sociétés contemporaines constituent un formidable matériau cinématographique. Qu’on l’ait vu ado à sa sortie comme le vieux boomer que je suis, ou plus tard à la télévision, on se souvient tous de Witness, le film avec Harrison Ford qui se déroulait dans la communauté Amish.

La vie dans une communauté juive ultra-orthodoxe a souvent été traitée au cinéma : Kaddosh (1999), Prendre femme (2004), Brooklyn Yiddish (2017)… En 2018 sortait en France Désobéissance qui racontait l’histoire d’amour impossible entre deux femmes d’une communauté juive ultra-orthodoxe londonienne : Ronit (Rachel Weisz) et Esti (Rachel McAdams).

Unorthodox marche sur les traces de ces oeuvres précédentes sans vraiment renouveler le genre. Il est adapté d’une histoire vraie sans que cette caution, désormais obligatoire à Hollywood, lui apporte une qualité supplémentaire.
Son format est peut-être sa seule originalité : une mini-série en quatre épisodes d’une durée totale de trois heures trente. Cette durée dilatée se justifiait-elle ? Nullement. On aurait volontiers compressé ce scénario pas vraiment rebondissant dans la durée plus classique d’un film de deux heures.

Seule originalité, et non des moindres, de Unorthodox : sa minuscule héroïne. 1m52, une quarantaine de kilos à vue de nez, la tête rasée après son mariage comme le veut la coutume, engoncée dans des robes hideuses, le physique de Shira Haas défie tous les canons de la beauté contemporaine. On ne peut qu’être ému par la baignade qu’elle s’autorise dans le lac de Wannsee, à une encablure de la villa où fut décidée la Solution finale en janvier 1942, aux faux airs de baptême régénérateur.

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Uncut Gems ★★★☆

Howard Ratner ne s’arrête jamais. Ce Juif new-yorkais de 48 ans, propriétaire d’une bijouterie, vit dans un angoisse permanente. Atrabilaire, il est convaincu de souffrir du même cancer du côlon que celui qui a emporté son père. Sa vie privée est chaotique, entre sa femme, dont il est en train de se séparer, ses enfants et sa maîtresse qu’il a installée dans l’appartement qu’il possède en ville. Mais c’est surtout ses problèmes d’argent qui le minent. Accro aux paris sportifs et au basket, Howard engage le moindre dollar qu’il gagne sur des mises de plus en plus hasardeuses sans mesurer l’impatience grandissante de ses créanciers qui entendent bien récupérer leur mise. Pour résoudre tous ses problèmes, Howard a peut-être trouvé la martingale : une opale noire éthiopienne dont la valeur estimée avoisine le million de dollars.

Imaginez un semi-marathon mené au rythme d’un 400 mètres, une voiture roulant en troisième à 180 km/h, une pavane jouée au tempo d’une mazurka. Bref imaginez un film en sur-régime de 2h15. Vous aurez Uncut Gems.

Car sitôt passée la première scène qui se déroule dans une mine éthiopienne et aboutit par un étonnant tunnel dans le colon du héros, le film démarre à un rythme haletant qu’il ne quittera jamais. Uncut Gems ne nous laisse pas respirer, qui suit pas à pas la course folle de Howard – dont on s’étonne qu’il ne finisse pas terrassé par un arrêt cardiaque. Ce rythme fou est encore accentué par une musique envahissante.

L’expérience est rude. Et je mentirai en disant que j’y ai pris du plaisir. J’avais éprouvé les mêmes sentiments devant le précédents films des frères Safdie, Good Time, en 2017. Mais, après la scène finale qui m’a cloué à mon siège – ou plutôt à mon canapé, car hélas, Uncut gems, production Netflix, n’est pas sorti en salles – et le générique de fin, au moment de réfléchir à ce que j’allais écrire dans ma critique, je n’ai eu qu’un mot : Waouh !

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Kongo ★☆☆☆

Au Congo, les Ngunzas sont une confrérie de guérisseurs qui promettent à leurs fidèles, en échange d’une offrande plus ou moins généreuse, de recouvrer la santé ou de renouer avec la chance.
Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav, sont allés filmer l’un d’eux, l’apôtre Médard, la quarantaine déjà bien entamée, qui officie dans la banlieue de Brazzaville. Ils le rencontrent à un carrefour de sa vie. Médard vient d’être mis en cause pour sorcellerie dans la mort accidentelle de deux de ses patients. Et les investisseurs chinois qui transforment les forêts congolaises en carrières poussiéreuses obligent les esprits avec lesquels Médard dialogue à déménager.

Kongo nous fait une belle promesse : nous emmener au Congo-Brazzaville, moins souvent filmé que son grand voisin de l’autre côté du fleuve. Il nous promet aussi de nous faire découvrir le monde invisible des guérisseurs.

Mais la promesse n’est qu’à moitié tenue. Sans doute la dernière demie heure qui montre – à l’instar de l’affiche – ce prêtre dans son déguisement solennel – errer l’âme en peine à la recherche de ses djinns au milieu d’une nature défigurée par des caterpillars chinois est-elle envoûtante. Mais je suis si indécrottablement rationaliste que je n’ai pu regarder l’heure précédente, qui suivait l’apôtre Médard dans ses rites exotiques, sans le soupçonner de charlatanisme.

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The Crown – saison 3 ★★★☆

Série porte-étendard de Netflix, censée lui rallier l’audience des boomers (dont je suis), The Crown raconte la vie d’Elizabeth II. Les deux premières saisons, sorties en 2016 et 2017, s’étaient focalisées sur la jeunesse de la reine, interprétée par Clare Foy (couronnée en 2017 par le Golden Globes de la meilleure actrice dans une série dramatique). La troisième saison, sortie en novembre 2019, retrouve la reine en 1964 à l’approche de la quarantaine sous les traits de Olivia Colman (Oscar et Golden Globes 2019 de la meilleure actrice pour son interprétation dans La Favorite).

Vous avez aimé Downton Abbey ? Vous adorerez The Crown. On y retrouve les mêmes qualités : l’élégance aristocratique de la haute noblesse britannique, une intrigue foisonnante, des décors et des costumes à couper le souffle…
La comparaison s’arrête là : Downton Abbey était une fiction feuilletonesque, The Crown est un biopic scrupuleusement attaché à la vérité historique.

Le défi était imposant : comment raconter la vie de la souveraine britannique sans verser dans l’hagiographie ni dans le procès à charge ? Peter Morgan, qui avait signé en 2006 le scénario de The Queen de Stephen Frears, le relève avec brio. Il ne pare pas la reine de qualités qu’elle n’a pas ; il braque sans complaisance les projecteurs vers ses secrets les plus honteux (l’infidélité de son mari, les excentricités de sa sœur…). Mais il lui reconnaît une qualité : le sens du devoir. Il présente la couronne non pas comme un privilège indu mais comme une charge qui a échu à une reine que rien ne prédestinait à régner et dont la seule passion était l’élevage de chevaux. Son rôle constitutionnel lui impose une stricte neutralité politique. Constamment sous le regard du public, qui juge chacun de ses gestes, elle n’a pas le droit de se défendre des attaques dont elle fait l’objet.

La série est construite autour d’un principe simple, au risque d’être répétitif. Chaque épisode évoque un événement majeur de l’actualité politique et internationale qui met en lumière un aspect plus intime de la personnalité de la reine ou de ses proches. Ainsi les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune à l’épisode 7 sont-ils l’occasion pour le prince Philip de prendre conscience de la dépression qui le mine. Ainsi l’intronisation de Charles comme prince de Galles à l’épisode précédent fait-il le constat désabusé de l’impossible émancipation de l’héritier de la couronne.

La saison 3 se termine en 1977. Elle enterre le duc de Windsor ; elle révèle Camila Shand, l’amour de jeunesse de Charles. On attend avec impatience l’arrivée de Margaret Thatcher et de Diana Spencer à la saison 4, avant l’ultime saison qui verra Imelda Staunton reprendre le rôle principal.

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Kedi – Des chats et des hommes ★☆☆☆

À Istanbul, les chats sont chez eux. Comme les vaches en Inde, ils sont respectés et choyés. À la différence de l’Occident où les chats errants sont chassés et mis en cage de peur des maladies qu’ils transmettent, ils vivent à Istanbul en paix dans les rues, sur les quais, dans les arrière-cours et y jouissent de la bienveillance des Stambouliotes.
Kedi raconte l’histoire de sept d’entre eux.

Vous aimez les chats ? les photos tellement kawaï de chatons-mignons vous font fondre ? Vous adorerez ce documentaire. Vous ne les aimez pas ?…

Avant de souligner le peu d’intérêt de ce docu gnangnan, reconnaissons-en d’abord honnêtement les mérites. Le premier est technique. On imagine volontiers les difficultés qu’a dû rencontrer Ceyda Torun pour tourner son documentaire. Rien de plus difficile qu’un film avec des animaux et rien de plus difficile encore qu’un film avec des animaux rétifs à toute forme de domestication. Sans doute, existe-t-il des films ayant des chiens pour héros (Lassie chien fidèle, Beethoven, Belle et Sébastien…) mais si quasiment aucun n’a eu de chat pour personnage principal c’est précisément en raison de la quasi-impossibilité de leur faire tenir un rôle. On n’en sera que d’autant plus admiratifs des images qu’elle a réussi à capter – et de toutes celles qu’elle a ratées pour une mauvaise lumière ou quelques secondes de retard.

On saura gré également à la jeune réalisatrice d’avoir évité le piège de l’anthropomorphisme, si fréquent dans les documentaires animaliers, ou, pire, celui de la voix off. Comment dès lors faire comprendre les particularités de chaque chat aux pas desquels elle s’attache sans perdre le spectateur ? En faisant parler les humains – bizarrement plus d’hommes que de femmes – qui s’attachent à eux : un pêcheur, un restaurateur…

Le problème est qu’au bout de vingt minutes, le procédé s’épuise. Kedi a beau ne durer qu’une heure vingt, c’est une heure de trop.
Plus grave, s’il a pour cadre Istanbul, dont les rues et les toits sont longuement filmés, Kedi ne nous dit rien de la Turquie contemporaine. Il aurait pu être tourné à New York ou à New Delhi, il aurait été strictement le même.

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Baron noir – saison 3 ★★★★

Chers lecteurs,
J’ai dans la vie trois passions : le cinéma (vous le saviez déjà), l’hydroxychloroquine (vous le découvrez à votre corps défendant depuis deux semaines sur ma page FB)… et les séries TV.
Comme vous, je les consomme sans modération pendant les longs dimanches d’hiver, les courtes nuits d’été et évidemment durant ce confinement.

J’avais adoré les deux premières saisons de Baron noir. J’ai adoré la troisième. Et je me lèche déjà les babines en attendant la quatrième.

Pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler, un court résumé.
« Baron noir » est le surnom donné à Philippe Rickwaert (Kad Mérad), député maire socialiste de Dunkerque, militant de toujours. Trahi par son mentor, le président de la République PS Francis Laugier (Niels Arestrup), Rickwaert, encourage les ambitions politiques de l’une de ses conseillères, Amélie Dorandeu (Anna Mouglalis). Elle est élue à la présidence de la République ; mais Ricwaert est rattrapé par son passé et condamné à la prison. Il vient d’être libéré au début de la saison 3, fermement décidé à prendre sa revanche et à se présenter à la prochaine élection.

On a souvent dit que la France ne savait pas filmer sa vie politique. C’est de moins en moins vrai. Au cinéma, il y a eu L’Exercice de l’État, Quai d’Orsay, Alice et le maire et, dans un registre comique, le très drôle Le Poulain. À la télévision, on a vu deux mini-séries qui faisait la part belle, signe des temps, aux femmes politiques : L’État de Grace (avec Anne Consigny) et Les Hommes de l’ombre (avec Nathalie Baye).

Et puis il y a eu Baron noir qui tue le match par sa richesse, sa complexité, son rythme. C’est sans doute autant de qualités que son format permet. En dilatant le temps de la narration sur plusieurs épisodes et sur plusieurs saisons, les personnages s’épaississent, les intrigues se compliquent, au risque parfois de l’invraisemblance. On s’attache à Philippe Rickwaert, à son énergie débordante, à son ambition obsessionnelle. Ce qu’un film d’une heure trente ou même deux heures, n’aurait pu nous faire vivre, une série de vingt-quatre épisodes au total nous le fait vivre sur la durée.

Les saisons passant et le succès gagnant, la production est devenue de plus en plus luxueuse. De nombreux journalistes, et non des moindres interprètent leur propre rôle : Edwy Plenel, Nathalie Saint-Cricq, Laurent Delahousse, Karine Lemarchand… Quelques scènes ont été tournées à l’Élysée même, d’autres au Conseil d’État (on reconnaît la salle Odent même si on n’imagine guère que le Président de la République y siège jamais), d’autres enfin à Sanary-sur-mer. C’est la preuve de la qualité de la série !

Là où Baron noir est le meilleur est dans sa relecture à peine fictionnelle de la vie politique française contemporaine. Le président Laugier de la saison 1, c’était François Hollande. La présidente Dorandeu de la saison 2, c’est bien sûr Emmanuel Macron. François Morel campe le leader d’un mouvement d’extrême gauche et se cache à peine de plagier Jean-Luc Mélenchon et l’échec de sa stratégie populiste. À l’extrême droite, le leader du FN/RN est interprété par un homme qui, comme Marine Le Pen, poursuit sournoisement une politique de rapprochement avec la droite républicaine. Quant à Rickwaert, il aurait été inspiré par Julien Dray, même s’il n’en a pas l’embonpoint, qui a participé à l’écriture du scénario.

Le scénario qu’il dessine pourrait être prophétique. Baron noir évoque l’impopularité croissante de la Présidente de la République à la fin de son mandat face à la contestation populaire. Il agite la double menace d’extrême gauche et d’extrême droite qui fait le lit d’un candidat propulsé par les réseaux sociaux au rang d’icône anti-système. Et il fait miroiter, dans l’espace laissé libre par l’échec d’une présidente centriste, la réémergence d’un Parti socialiste victorieux. C’est peut-être l’aspect le moins crédible de la série…

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