As bestas ★★★☆

Antoine (Denis Ménochet) et Olga (Marine Foïs), ont tout quitté pour s’installer dans les montagnes de Galice. Sur leur propriété, ils font pousser des légumes bio qu’ils vendent au marché. Ils réhabilitent bénévolement les maisons du village, frappé par la désertification rurale, pour en encourager le repeuplement. Malgré leurs efforts pour s’intégrer, ils se sont déchirés avec leurs plus proches voisins autour du projet de construction d’un parc d’éoliennes. Entre le couple français de néo-ruraux et les deux frères butés, la rancœur le cède bientôt à la haine, distillant une ambiance délétère.

Avez-vous déjà eu un conflit de voisinage, avec un voisin qui laisse déborder sa haie sur votre jardin, qui met la musique trop fort ou qui joue de la perceuse chaque dimanche matin ? Avez-vous – gentiment – essayé de lui signaler que son comportement vous gênait ? Vous a-t-il – méchamment – rembarré – en vous expliquant qu’il avait le droit pour lui ? Comment avez-vous réagi à cette rebuffade ? Avez-vous haussé les épaules et oublié dans l’heure cette algarade ? ou avez-vous au contraire lentement développé une obsession paranoïaque vis-à-vis de chaque fait et geste de ce voisin inamical ?

Si vous faites, comme moi, qui ai failli déménager il y a une vingtaine d’années d’un appartement situé en dessous de celui d’un pianiste fou, partie de la seconde catégorie, As bestas vous dérangera au tréfond. Car il raconte précisément une querelle de voisinage qui rend l’air irrespirable et pose des questions sans issue : peut-on demander l’aide de la police ? sinon que faire ? se défendre ? partir ? On essaie de relativiser, de se dire que ce n’est pas si grave…. mais on n’y arrive pas et on finit par tourner comme un lion en cage, impuissant.

C’est précisément ce qui arrive à Antoine et Olga qui voient leur rêve, un peu naïf, de retour à la terre, se fracasser contre l’hostilité de leurs voisins. Un rêve d’ailleurs pas très glamour tant Rodrigo Sorogoyen s’emploie à peindre les montagnes de Galice non pas comme un paradis vierge, mais au contraire comme un amphithéâtre inhospitalier sinon étouffant.

Dès la première scène, qui, quand on la reconsidère, semble presque hors sujet, le ton est donné. Elle se déroule dans le café du village – mais s’agit-il à proprement parler d’un café ? – et Xan, le voisin d’Antoine, y débine méchamment un commerçant dont il critique la qualité du service. Des longues scènes dialoguées comme celle-ci, on en retrouvera à trois ou quatre reprises dans le film. Elles sont toutes aussi prenantes, aussi asphyxiantes les unes que les autres.

Le succès du film doit beaucoup à ses acteurs. Denis Ménochet est un buffle qui souffle et qui rue. L’acteur – dont le physique massif rappelle celui de Grégory Gadebois – vient d’être au sommet de l’affiche de Peter von Kant. C’est aussi le cas de Marina Foïs, qu’on voit partout cet été (En roue libre sorti le 29 juin, L’Année du requin sorti le 3 août). À noter la présence de Marie Colomb qui interprétait une lumineuse Laëtitia dans la mini-série adaptée du livre de Ivan Jablonka. Mais celui qui leur vole la vedette à tous, c’est Luis Zahera, l’interprète de Xan, l’inquiétant voisin, dont chaque apparition est lourde de menaces.

As bestas fait penser à Chiens de paille de Peckinpah ou, bien sûr, à Delivrance de Boorman. Mais il n’en reste pas moins profondément original, tant dans son sujet que dans son traitement. Un film comme celui-ci, filmé comme cela, on n’en avait jamais vu !

La bande-annonce

Elvis ★★☆☆

Elvis : son prénom seul suffit à résumer la légende.
Pourtant rien ne prédisposait ce jeune homme timide, issu d’une famille modeste du Mississipi, à devenir une star mondiale. Rien sinon peut-être sa rencontre en 1955 avec l’homme qui deviendra, pour le meilleur et pour le pire, son impresario jusqu’à sa mort vingt ans plus tard : le « colonel » Parker.

Baz Luhrmann choisit un angle original pour raconter la vie d’Elvis : le point de vue de son impresario, un aigrefin doublé d’un manipulateur joué par le méconnaissable Tom Hanks qui prend manifestement une joie mauvaise à abandonner pour une fois les rôles de parfaits Américains qui ont fait sa gloire.

Il le fait dans le style qui est sa marque de fabrique depuis Romeo + Juliet et Moulin rouge : un kitsch revendiqué – qui ne dépare pas avec l’esthétique du King – allié à un montage clippesque (sic) qui donne le tournis. Elvis nous en met plein les yeux. Au point qu’on se demande si nos tympans et nos pupilles seront capables d’y résister pendant près de trois heures. Mais, bien vite, on s’habitue à ce rythme démentiel et on se laisse prendre à ce spectacle décoiffant qui fait passer le temps si vite.

Pourtant, Elvis n’a rien de très original. Comme tant d’autres biopics, il raconte l’ascension, la gloire et la chute d’une star. L’action a beau s’étaler sur plus de deux décennies, les héros n’y vieillissent pas – il est vrai que Elvis meurt à quarante-deux ans à peine, ivre de drogue et de médicaments. Plus grave, on a l’impression que les Etats-Unis ne changent pas entre 1955 et 1977.

Elvis a beau durer 2h39, le scénario ne fait qu’effleurer les moments les plus importants de la vie d’Elvis. Bien sûr, deux scènes mythiques en marquent le début et la fin : l’un de ses premiers concerts publics où ses déhanchements suggestifs hystérisent l’auditoire et scandalisent les forces de l’ordre, l’un de ses tout derniers, à Las Vegas où il réussit encore, à force de volonté, malgré la mort qui vient, à susciter l’émotion.

Tom Hanks, son ironie matoise et son accent incompréhensible manquent de voler la vedette à Austin Butler, qui est peut-être un peu trop lisse pour le rôle. Mais l’interprète d’Elvis est tellement beau, tellement sexy, qu’il lui sera beaucoup pardonné.

La bande-annonce

Les Grandes Personnes (2008) ★★☆☆

Albert (Jean-Pierre Darroussin) est un papa poule qui, depuis le divorce de sa femme, assume seul l’éducation de sa fille Jeanne (Anaïs Demoustier). Chaque été, pour parfaire son éducation, il lui fait visiter un pays d’Europe. Cette année, il a mis le cap sur la Suède et a loué une maison sur une île perdue au milieu de la Baltique.
Après un long voyage, les deux Français découvrent que, suite à une méprise de sa propriétaire suédoise, le ravissant chalet avec vue sur mère (lapsus lacanien) a déjà été loué à une autre estivante, Christine (Judith Henry). Les trois vacanciers et leur propriétaire décident de cohabiter.

Le résumé des Grandes Personnes ne paie pas de mine et pourrait faire redouter le pire : une énième comédie française sans grande ambition ni grand relief, sitôt vue et sitôt oubliée. Pourtant, ce film sorti fin 2008 m’a agréablement surpris.

Tourné par une réalisatrice franco-suédoise, il nous transporte, le temps de quelques jours de vacances, sur les rives ensoleillées de la Baltique. Comme son titre l’annonce, il traite de la maturité : maturité d’une jeune fille en fleurs, étouffée par un père trop protecteur, qui essaie timidement de s’en émanciper, mais maturité aussi de ce père immature, qu’on croirait tout droit sorti d’un film de Bruno Podalydès ou de Jacques Tati.

Ce père au prénom gentiment démodé a un rêve régressif : retrouver le trésor caché d’un viking disparu. Sa fille, au prénom tout aussi intemporel, a, elle, des rêves plus prosaïques : trouver l’amour dans les bras d’un beau rocker suédois. Les Grandes Personnes raconte, sur un mode mineur, comment ces rêves se réaliseront ou pas. On comprendra vite, à supposer qu’on ne l’ait pas compris dès le début, que la poursuite de ces rêves sera plus enrichissante que leur accomplissement.

La bande-annonce

L’Année du requin ☆☆☆☆

La maréchale des logis-cheffe Maja Bordenave (Marina Foïs) est sur le point de prendre sa retraite de la gendarmerie nationale et de quitter la petite brigade balnéaire sur la côte Atlantique où elle a si longtemps servi. Son mari (Kad Mérad) se réjouit de pouvoir enfin jouir avec elle d’un repos bien mérité. Mais la cheffe Bordenave, qui dort sous le portrait du général de Gaulle et rend les honneurs au drapeau chaque matin avant son petit déjeuner, a l’éthique militaire si bien chevillée au corps qu’elle ne peut se résoudre à quitter ses fonctions alors qu’une menace rôde autour de la station balnéaire de La Pointe.

On se souvient tous des Dents de la Mer, de la parfaite réussite de ce film tourné avec deux bouts de ficelle par un gamin sur le point de devenir l’un des plus grands réalisateurs du siècle. L’Année du requin s’en veut le remake revendiqué.

Mais le projet prend vite l’eau faute de choisir son parti. S’agit-il d’un film comique ? hélas il ne fait pas rire. S’agit-il d’un thriller ? hélas il ne fait pas peur.

L’Année du requin est un naufrage absolu.

La bande-annonce