Le Lendemain ★★☆☆

John, adolescent blond à la beauté angélique, rentre à la maison où il retrouve son père et son jeune frère. Au lycée, il est en butte à une hostilité sourde de la part de ses camarades. D’où vient-il ? On ne le dira jamais, mais le spectateur le devinera vite. Il a passé deux années en établissement fermé (prison ? établissement psychiatrique ?) pour un crime que personne ne lui pardonne. Sûrement pas cette femme qui l’agresse sauvagement au supermarché et dont on comprendra bientôt les motifs. Peut-être trouvera-t-il une planche de salut auprès de la belle Malin ; mais la violence le rattrapera.

On a déjà vu des adolescents sombrer dans la démence violente : Il faut qu’on parle de Kevin, Elephant… Magnus Von Horn explore le lendemain : que se passe-t-il après le crime ? après l’enfermement ? le retour à la normale est-il possible ? la rédemption et le pardon sont-ils envisageables ? la vengeance est-elle inévitable ?

Le Lendemain est une analyse au scalpel des conséquences d’un crime sur la famille du criminel. Comme la mère de Kevin dans le livre traumatisant de Lionel Shriver, le père de John est écartelé entre l’amour de son aîné, la crainte de voir son cadet suivre le même chemin et la charge de devoir seul, sans la mère de ses enfants (est-elle partie ? est-elle décédée ?), assumer cette responsabilité.

Le réalisateur suédois traite ce sujet sur un mode nordique, glacial. Tout est lent, étouffant, silencieux dans ce film catatonique : longs plans-séquences, couleurs grises d’un automne sans soleil, absence de musique. Rien n’est dit. On attend des explications qui ne viennent pas. Et le film se termine en laissant en suspens nombre des questions qu’il avait posées.

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Mr Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin ★★★☆

À côté du cinéma, j’ai une seconde passion : la danse contemporaine. Pas en tant que pratiquant ! Soyez rassurés ! Mais, une fois encore, en qualité de spectateur passif à tendance encyclopédiste. Depuis une vingtaine d’années, je suis abonné au Théâtre de la ville et y biberonne régulièrement les spectacles de Pina Bausch, Anna Teresa De Keersmaeker et Wim Vandekeybus.

C’est là que j’ai découvert la Batsheva Dance Company que dirige Ohad Naharin depuis 1990. Ce documentaire est consacré à ce chorégraphe de génie. Il raconte l’enfance d’un jeune kibboutznik dans les années 60, son service militaire pendant la guerre du Kippour et sa formation tardive à la danse chez Martha Graham puis chez Maurice Béjart.

La danse de Ohad Naharin est d’une extraordinaire vitalité. Il s’en dégage une puissance qui n’interdit pas la douceur. Le documentaire nous en montre les extraits les plus remarquables. Il nous en livre aussi les secrets de fabrication en filmant les répétitions des danseurs sous la rigoureuse férule de leur chorégraphe. On y découvre alors le mélange de perfectionnisme et de masochisme qu’il faut posséder pour atteindre ce niveau de qualité.  Le résultat est fascinant. Terrifiant aussi.

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Apprentice ★★★☆

Aiman travaille dans une prison de haute sécurité. Pour des motifs personnels qu’on découvrira (trop) vite, il se rapproche du bourreau pour en devenir l’apprenti.

Apprentice nous vient de Singapour et est, je crois, le premier film singapourien que j’aie jamais vu. Premier motif – même s’il est loin d’être suffisant – de l’intérêt qu’on peut lui porter.

Apprentice est un film sur la famille, dans une partie du monde où elle a plus de poids que dans nos sociétés occidentales individualistes. C’est la deuxième raison de s’y intéresser. Aiman poursuit le souvenir perdu de son père autant qu’il s’en cherche un de substitution. Pendant ce temps, sa sœur aînée, elle, choisit l’exil pour se libérer de ce lourd atavisme.

Apprentice est enfin un film sur la peine de mort. Je n’avais jamais vu décrite, avec un luxe quasi documentaire, l’organisation d’une exécution capitale, la préparation du condamné, sa pesée, son ultime repas, ses derniers pas dans le couloir de la mort. La peine de mort est ici dénoncée avec une subtilité absente des grosses productions hollywoodiennes manichéennes et lacrymales : « La Dernière Marche » de Tim Robbins, « La Vie de David Gale » d’Alan Parker, « À l’ombre de la haine » de Marc Forster… Ce refus du manichéisme est entretenu jusqu’à l’ultime image qui laisse le spectateur dans une incertitude diablement (trop ?) maligne.

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