La Dernière Vie de Simon ★★☆☆

Simon, huit ans est orphelin et rêve d’être adopté par une famille aimante, d’avoir un père et une mère, comme Thomas, son meilleur ami, et sa sœur Madeleine dont il est secrètement amoureux. Et Simon a un don extraordinaire : il peut prendre l’apparence des personnes qu’il a touchées.
Difficile d’en dire plus sur ce film qui repose sur un événement surprenant qui se produit à la fin de son premier tiers. Il s’agit pour Simon tout à la fois d’un changement de vie providentiel et d’une usurpation d’identité criminelle (J’en ai trop dit ? Le Monde vend la mèche). Le temps passe. Simon a désormais vingt ans. Pourra-t-il encore cacher longtemps son lourd secret ?

La Dernière Vie de Simon est un drôle de film. Mais ce n’est pas un film drôle. Ç’aurait pu l’être. Un héros qui peut se transformer aurait pu donner lieu à bien des gags désopilants. mais ce n’est pas la voie que prend le film.

Quelle voie prend-il ? Bien difficile de le dire. Allociné le classe – car tous les films doivent être classés – dans la catégorie « fantastique ». Il est vrai qu’il a été présenté en avant-première au festival de Gérardmer. Pourtant on est loin de Grave ou de Ghostland. Il ne s’agit pas non plus d’un film pour enfants quand bien même il en met en scène dans sa première moitié. S’agit-il pour autant d’un film pour adultes ? pas vraiment non plus.
S’il fallait à tout prix le définir, on parlerait de film de superhéros minimaliste, de mélo adolescent, de conte romantique…

C’est précisément cette indécision qui fait le prix et jette le trouble sur La Dernière Vie de Simon. Le scénario est bien ficelé qui ménage son lot de rebondissements jusqu’à son crescendo final. Les acteurs sont bien dirigés – même si les gamins ont la fâcheuse tendance de trop cabotiner et si les parents sont réduits à des caricatures. Les décors bretons donnent au film une patte qu’un tournage dans une banlieue anonyme ne lui aurait pas conféré.
La Dernière Vie de Simon n’a pas su trouver son public. C’est la triste démonstration que le pari qu’il repose est risqué et qu’il est dangereux de s’aventurer hors des sentiers battus. Dommage….

La bande-annonce

La Fille au bracelet ★★★☆

Flora, seize ans, est retrouvée sauvagement assassinée chez elle au lendemain d’une soirée entre amis. Tout accuse Lise Bataille (Melissa Guers), sa meilleure amie, qui est arrêtée le lendemain et placée en détention préventive. Deux ans après son procès s’ouvre. Si sa mère (Chiara Mastroianni) a pris de la distance pour se protéger, Lise peut compter sur l’appui indéfectible de son père (Roschdy Zem). Mais le procès commence mal tandis que l’avocate générale (Anaïs Demoustier) égrène implacablement les pièces à charge.

Lise est-elle oui ou non coupable du crime dont on l’accuse ? La Fille au bracelet est construit autour de cette question binaire et relève le pari de maintenir jusqu’à l’extrême fin l’incertitude. Chaque élément de l’enquête que l’accusation ou la défense invoque est magistralement retourné par la partie adverse pour empêcher d’en faire un élément décisif : si l’ADN de Lise a été retrouvé sous les ongles de Flora, c’est parce que les deux jeunes filles avaient dormi ensemble rétorque la défense, si une vidéo les montre ensemble hilares la veille du crime, cela ne démontre pas pour autant leur complicité répond l’accusation, etc.

S’agit-il pour autant d’un « film de procès » reposant tout entier sur l’élucidation d’un meurtre ? Pas tout à fait. La Fille au bracelet avance masqué. C’est moins un thriller judiciaire qu’une enquête de mœurs sur un mystère plus insondable encore que l’assassinat de Flora : la vie des adolescents aujourd’hui. Ce que la cour d’assises essaie de juger, ce que l’avocate générale tente d’incriminer, ce que les parents de Lise s’emploient à comprendre, c’est la jeune accusée, son mutisme, son impassibilité. Est-elle le masque de son insensibilité ? ou la marque de fabrique de cette Génération Z hyper-connectée qui couche sans aimer et aime sans coucher ?

Il n’y a pas de rebondissement renversant, pas de twist decoiffant comme les films de procès américains nous y ont habitués. Rien que le déroulement implacable d’une justice en train de se faire. Les dialogues sont trop écrits, les acteurs trop hiératiques. Est ce le signe d’une direction d’acteurs maladroite – qui sacrifie la malheureuse Anaïs Demoustier qu’on a rarement vue aussi mauvaise ? ou au contraire un parti pris assumé ?

Reste une hypothèse ouverte par le dernier plan. Ne lisez pas ce qui suit, cher lecteur qui n’avez pas encore vu ce film et n’aimerez pas être spoilé de cette ultime surprise. Une fois son acquittement prononcé et son bracelet ôté, Lise noue à sa cheville son collier de cou. Ce geste symbolique marque-t-il son souhait d’entretenir la mémoire de son amie disparue ? Ou signe-t-il le machiavélisme d’une meurtrière qui s’était murée dans le silence pendant son procès pour donner plus de poids à son ultime déclaration afin d’émouvoir le jury ?

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Notre-Dame du Nil ★☆☆☆

L’institut catholique Notre-Dame du Nil est un pensionnat qui forme les jeunes filles de l’élite rwandaise. En 1973, les tensions qui minent la société, divisée entre Hutus et Tutsis, s’y font déjà sentir.

Le roman de Scholastique Mukasonga a obtenu le prix Renaudot en 2012. Largement autobiographique, il racontait la vie des jeunes pensionnaires d’un établissement catholique dont l’innocence se brisait sur le racisme qui monte. Atiq Rahimi le transpose à l’écran. Cet artiste d’origine afghane, qui circule entre littérature et cinéma, est lui aussi un réfugié installé en France. Son roman Syngué Sabour avait obtenu le prix Goncourt en 2008. il en avait supervisé l’adaptation à l’écran en 2012. On comprend ce que le Franco-afghan a trouvé dans le roman de la Franco-rwandaise : le dévoilement d’une violence atavique jamais exorcisée.

Le génocide rwandais a déjà donné lieu à plusieurs films : Hôtel Rwanda de Terry George, Shooting Dogs de Michael Caton-Jones, Un dimanche à Kigali de Robert Favreau, Lignes de front de Jean-Christophe Klotz…
Notre-Dame du Nil ne se déroule pas en 1994 pendant le génocide, mais vingt ans plus tôt. L’idée du film et celle du livre est de dénoncer l’idéologie raciste qui fera vingt ans plus tard le terreau du drame et de la dépister jusque dans les rangs innocents d’un pensionnat de jeunes filles. On y voit quelques adolescentes archétypiques, plus ou moins insouciantes : Gloriosa, la meneuse de bande, fille de ministre, Veronica, la rêveuse, Frida, la starlette, Modesta, la métisse….

Le film est gravement handicapé par deux défauts rédhibitoires. Le premier est la médiocrité de son interprétation. Les jeunes actrices ânonnent leur texte sans charme ni talent. Le second est la confusion du scénario qui essaie sans y réussir de suivre le destin de trop de caractères sans nous permettre de nous attacher à aucun sinon à celui de la « méchante » Gloriosa.

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Un divan à Tunis ★★★☆

Selma est psychanalyste. Cette Tunisienne a grandi en France, y a fait ses études et a commencé d’y travailler. Mais, la trentaine venue, elle décide de revenir à Tunis pour y pratiquer son métier. La psychanalyse freudienne est-elle soluble dans le mode de vie tunisien ?

Un divan à Tunis fait partie de ces films dont on pourrait penser que le charme ne dépasse pas la bande-annonce. Tout y  est déjà dit. Le pitch du film, qui se résume en une phrase et qui joue sur le choc des cultures. Son personnage principal, une femme indépendante, dont on se réjouit qu’il soit interprété par l’excellente Golshifteh Farahani tout en se demandant pourquoi diable être allé chercher cette actrice iranienne médiocrement arabophone pour jouer le rôle d’une Franco-Tunisienne. Et son traitement ; une succession de vignettes mettant en scènes des personnages croustillants composant un portrait kaléidoscopique de la Tunisie post-Ben Ali (un père de famille secrètement alcoolique, un imam imberbe, la patronne bling-bling d’un salon de coiffure, un boulanger mégenré…).

Un divan à Tunis est tout cela et n’est rien que cela. Aucune surprise décoiffante. Aucune entorse à un cahier des charges soigneusement respecté.

Mais, sans se pousser du col, sans vouloir à tout prix nous en mettre plein la vue, Un divan à Tunis est une réussite complète qui porte sur les choses et les êtres un regard d’une infinie bienveillance. Tout y est juste, tout y est savoureux. Qu’il s’agisse de la police tunisienne gentiment moquée avec un duo loufoque d’inspecteurs bas du front ou de l’administration tunisienne tout à la fois chicanière et accommodante.

On parle beaucoup de female gaze ces temps ci, alors que les polémiques autour des Césars ne cessent d’enfler. Le livre qu’y consacre Iris Brey bénéficie pour ces motifs conjecturels d’une inattendue publicité. On cite à tout bout de champ Portait de la jeune fille en feu comme le porte-drapeau de ce cinéma-là qui regarde la femme comme un sujet et non comme un objet. Le regard de Manèle Labidi sur son héroïne est emblématique du female gaze. C’est le regard sur une femme indépendante, drôle, belle et intelligente, qui n’a pas besoin d’être érotisée pour posséder une identité.

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Deux ★★★☆

Mado (Martine Chevallier), la septantaine, est veuve. Elle vit dans un appartement cossu dans une petite ville du sud de la France. Elle a deux grands enfants qu’elle voit trop rarement : une fille, Anne (Léa Drucker), qui lui est très attachée et dont elle garde souvent le fils unique, et un fils, Frédéric (Jérôme Varanfrain) avec qui les relations sont plus tendues depuis la mort de son père.
Mais Mado a un secret qu’elle n’a jamais avoué à ses enfants. Depuis vingt ans, elle entretient une passion secrète avec Nina (Barbara Sukowa), une guide touristique allemande qu’elle a rencontrée lors d’un voyage scolaire à Rome et qui s’est installée dans le même immeuble qu’elle, dans l’appartement d’en face. Mado et Nina vivent comme mari et femme, unies par un profond amour et rêvent de finir leur jour dans la capitale italienne. Mais Mado ne parvient pas à le dire à ses enfants. Et lorsqu’un AVC terrasse Mado, la laissant muette et l’esprit dérangé, Nina est ravalée à ce qu’elle n’a jamais cessé d’être aux yeux d’Anne : une simple voisine de palier.

Deux traite d’un sujet fort et rarement raconté : l’amour de deux femmes au crépuscule de leur vie. C’est un drame du coming out qui inverse les générations : il ne s’agit plus, comme souvent d’un fils ou d’une fille qui doit faire douloureusement la confession de son homosexualité à ses parents mais, à l’inverse, d’une mère, qui ne parvient pas à l’avouer à ses enfants. Imaginez-vous, cher lecteur, chère lectrice, qui me ressemblez sans doute beaucoup, banalement hétérosexuel, père ou mère de famille, devoir annoncer à vos chères têtes blondes (ou brunes) que vous quittez votre conjoint pour le voisin de même sexe. Vous n’en mèneriez pas large ? Moi non plus (je vais regarder d’un autre oeil le voisin du quatrième tout à l’heure en descendant la poubelle !!)

Arrêtons nous un instant sur le titre. Les esprits malicieux me rappelleront que Brad Pitt a joué dans Troie ou bien que deux valent mieux qu’une. Certes. Je me souviens d’un film homonyme, que j’avais vu avec ma sœur à la fin des années quatre vingts dans une salle du Quartier latin. J’en ai même eu un temps l’affiche dans ma chambre. Ses deux héros : Gérard Depardieu et Maruschka Detmers. Pauvre Maruschka Detmers à qui une scène osée dans Le Diable au corps de Bellochio en 1986 avait valu une réputation sulfureuse et qui a sombré depuis dans l’oubli.
Il n’en reste pas moins que le titre est paresseux qui vaut, peu ou prou, pour tous les films – et ils sont nombreux – mettant en scène un couple. « Nina et Mado«  aurait été plus approprié, qui aurait joué sur la symétrie chirale des deux prénoms. Pourquoi ne pas avoir osé « Les Deux Vieilles », façon Brel ? L’adjectif « vieux » est-il définitivement banni de nos sociétés jeunistes ?

Deux aurait pu tourner court avec un pitch que menaçait le surplace. Mais le scénario a le mérite de ménager quelques rebondissements. L’un est raté dont on escomptait beaucoup : le moment où Anne prend conscience de l’homosexualité de sa mère. Le film s’installe doucement en nous montrant la vie des deux femmes, filmées en plans très rapprochés, presque caressants. Mado et Nina sont unies par un profond amour – et on pense au film autrement terrible de Hanneke – qui les rend immédiatement profondément attachantes. Mais le scénario a l’intelligence de ne pas enfermer Anne, la fille de Mado, dans le rôle caricatural d’une censeure buttée. L’excellente Léa Drucker joue à merveille sur l’ambiguïté du personnage, une fille divorcée – dont on ne saura rien de l’activité professionnelle – profondément attachée à sa mère et à mille lieues d’imaginer la relation qu’elle entretient avec sa voisine de palier.

La bande-annonce

#Jesuislà ★★☆☆

Stéphane (Alain Chabat) s’ennuie. La cinquantaine blanchissante, séparé de son épouse, il marie son fils aîné et garde auprès de lui son cadet qu’il emploie dans son restaurant, une auberge basque dans son jus.
Stéphane a rencontré Soo, une Coréenne francophone, sur Instagram. Elle est devenue son jardin secret. Avec elle, ce taiseux discute. Avec elle, ce pudique se confie.
Jusqu’au jour où Stéphane décide de tout plaquer pour aller retrouver Soo à Séoul.

Les réseaux sociaux réécrivent les « lois de l’amour ». C’était le titre d’un essai de Janine Mossuz-Lavau qu’on m’avait offert pour la Saint Valentin en… 1992 et qui racontait l’appareil juridique réglementant la sexualité en France depuis 1945. Quand Marie Bergström publie Les Nouvelles Lois de l’amour en 2018, il n’est plus question de droit, mais d’Internet, ainsi qu’en témoigne son sous-titre : « Sexualité, couple et rencontres au temps du numérique ». Peut-être me l’offrira-t-on vendredi prochain.

Deux inconnus se rencontrent sur Internet. Quel point de départ stimulant : romance, comédie, thriller, film d’honneur… Ce pitch ouvre tous les possibles. Il est étonnant qu’il n’ait encore guère été exploité au cinéma. Ne me vient guère à l’esprit que le récent Seules les bêtes – dont il ne constituait d’ailleurs pas l’argument central. Je prends le pari qu’il le sera dans les prochaines années.

On pourrait croire qu’il s’agit du sujet de #Jesuislà : la rencontre de Stéphane et de Soo, organisée en trois volets. Dans le premier, on est avec Stéphane près d’Hendaye où il s’ennuie gentiment. C’est la partie la plus convenue du film qui met en scène une midlife crisis dépressive comme on en déjà tant vu (on pense à Jean-Paul Bacri dans Kennedy et moi adapté de Jean-Paul Dubois, à Frédéric Beigbeder dans L’amour dure trois ans ou à Yvan Attal dans Mon chien Stupide et on se dit que le Pays basque est décidément propice à la crise de la quarantaine). Dans le deuxième, il atterrit à Séoul et va passer plusieurs jours à errer dans les couloirs de l’aéroport d’Incheon. C’est la partie la plus drôle du film. Dans la troisième, il quitte l’univers aseptisée de l’aéroport pour aller à Séoul. On n’en dira pas plus. C’est la partie la plus surprenante du film.

Et on réalise, sans pouvoir en dire plus sauf à dévoiler la fin du film, que son vrai sujet n’est pas celui qu’on croit. Il s’agit moins d’une rencontre entre deux inconnus, d’une histoire d’amour qui commence, d’un voyage exotique dans un pays inconnu, que d’une quête intérieure, que d’un retour vers soi-même, que d’une introspection.

Et on sort de la salle avec une question qu’on pose en redoutant d’être taxé de narcissisme. Que cherche-t-on sur les réseaux sociaux ? L’autre ou soi-même ?

La bande-annonce

La Cravate ★★☆☆

Bastien Régnier a vingt ans. Il a grandi dans l’Oise. Il a deux passions dans la vie : le Laser Quest et le Front national. La Cravate le suit pendant la campagne présidentielle 2017.

Approcher la « bête immonde ». Nous faire comprendre de l’intérieur les motifs d’un engagement à l’extrême-droite. Le pari est difficile. La fiction s’y est essayée avec succès avec American History X, This is England, ou, pour la France, Un français en 2014 et Chez nous en 2017. Le documentaire devait s’y frotter.

Mains brunes sur la ville l’avait fait en 2012 en étudiant le cas d’Orange et de Bollène, éclairante démonstration de sociologie électorale pour y comprendre les ressorts du front national. La Cravate n’a pas cette ambition transversale. Il cherche à s’intéresser à un individu et à son parcours. Et il le capte à un moment bien particulier de l’histoire du Front, comme l’annonce le titre : celui de sa dédiabolisation, celui où le mouvement fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen troque rangers contre cravate pour gagner la respectabilité sans laquelle il n’est pas de victoire électorale possible.

Le pari n’est qu’à moitié réussi. Deux écueils guettaient les co-réalisateurs – qui avaient déjà signé ensemble l’excellent La Sociologue et l’Ourson qui revenait en 2016 sur la querelle autour du mariage pour tous. Le premier était de sombrer dans la caricature, de charger la barque en décrivant un nazillon peinant à cacher son idéologie rance derrière un vernis de respectabilité. Le second était inverse : verser dans l’empathie et rendre sympathique une personnalité qui ne pouvait pas l’être.

La Cravate évite ces deux écueils et grâce doit lui être rendue d’y être parvenu. Mais pour autant – et on pourra légitimement me trouver bien sévère – l’ambiguïté de son héros prive ce documentaire d’une partie de son sel. On sent que les réalisateurs avaient décelé en lui des failles et un potentiel. Les failles, ils auront tôt fait de les percer à jour. On n’en dira pas plus sauf à dévoiler une révélation qui n’en est pas vraiment une et que d’ailleurs la moitié des critiques évoquent dans leurs récensions. Le potentiel, hélas, restera inexploité : Bastien Régnier ne sera pas choisi pour porter les couleurs du FN aux législatives, au terme d’un processus de désignation trop vite survolé.

La Cravate est construit selon une mécanique très artificielle. Les réalisateurs invitent son protagoniste, après le tournage, à lire face caméra le script de leur documentaire et à y réagir à chaud. On voit donc avec lui le film de sa vie raconté par une voix off mielleuse qui débite un texte très littéraire à la façon des romans d’apprentissage. On s’interroge sur la raison d’être de cette présentation : offrir à Bastien Régnier un droit de réponse ? prouver aux spectateurs que son accord a été recueilli pour le présenter sous un jour qui n’est pas toujours flatteur ?

Au moment de refermer le script, Bastien Régnier s’interroge : « Est-ce que je suis un connard ? ». Les spectateurs de la salle parisienne où j’ai vu le film hier – le département de France où le FN fait son plus mauvais score – avaient spontanément envie de répondre oui. Mais la vérité oblige à tempérer ce jugement : « Tu es simplement un naïf qui s’est fait avoir en exposant sa vie ».

La bande-annonce

The Gentlemen ★★☆☆

Mickey Pearson (Matthew McConaughey, aussi beau qu’élégant), le baron de la drogue à Londres, veut se retirer et jouir de la vie avec sa femme Rosalind (Michelle Dockery, l’aînée des trois sœurs de Downton Abbey). Un gangster chinois (Henry Golding, le gendre idéal de Crazy Rich Asians) souhaite lui racheter son entreprise ; mais Mickey lui préfère un milliardaire américain.
Un journaliste d’investigation (Hugh Grant qu’on ne présente plus) a vent de ces manoeuvres et veut faire chanter Raymond (Charlie Hunnan, la star de Sons of Anarchy), le bras droit de Mickey.

On l’annonce urbi et orbi : Guy Ritchie est de retour. Après quelques détours hasardeux par Hollywood, le « Tarantino anglais », l’ex-mari de Madonna, ceinture noire de judo, ceinture marron de jiu-jitsu, revient à ce qui fit son succès au tournant du siècle : la comédie mafieuse.

La bande-annonce donne le la. Humour britannique, violence cartoonesque, gangsters archétypaux. Tous les ingrédients semblaient réunis pour retrouver le succès de Snatch et d’Arnaques, Crimes et Botanique.

Il faut être cul-serré pour considérer que cette feuille de route n’est pas remplie. Les personnages sont croustillants, l’intrigue joyeusement alambiquée, les situations parfois désopilantes.
Mais il faut être bien indulgent pour voir dans The Gentlemen un grand film. Les recettes qu’il utilise sont trop éculées pour créer la même surprise que celle éprouvée lorsqu’on découvrait les premiers films de Guy Ritchie. On passe un bon moment. On ne regarde pas sa montre. C’est déjà ça. Mais ce n’est guère plus.

La bande-annonce