M ★★★☆

Lila ne sait pas parler. Mo ne sait pas écrire. Ils vont se rencontrer, s’apprivoiser, s’aimer, se guérir.

Le premier film de Sara Forestier ne chipote pas. Pas de romance parisienne sur les bords de Seine ; un coup de foudre en banlieue qui chamboule tout. Pas d’étudiants embourgeoisés qui refont le monde rue Saint-Guillaume ; des familles déclassées en rupture de ban, cabossées par la vie.

Je suis tombé sous son charme dès la première scène, sorte d’épigraphe au film. On y voit un groupe de bègues réunis autour d’un praticien qui expliquent leur handicap, chacun avec leurs mots, plus ou moins difficilement énoncés. C’est probablement une scène que la réalisatrice a filmé durant ses repérages. Puis l’animateur se tourne vers Sara Forestier, qui fait elle aussi partie du groupe, et lui donne la parole. Celle-ci, incapable de prononcer le moindre son, roule des yeux terrifiés bientôt remplis de larmes. En une scène, sans un mot, l’actrice-réalisatrice administre la preuve de son immense talent.

Je l’avais découverte avec L’Esquive qui lui valut le César ô combien mérité du Meilleur espoir féminin en 2005 à dix-neuf ans seulement. Et je l’ai suivie tout au long de sa jeune carrière : Le Nom des gens, Suzanne, La Tête haute, Primaire… J’aime sa gouaille, sa voix, son charme, sa fragilité, sa drôlerie. J’aime surtout l’émotion de son jeu, dont elle n’est pas avare au risque de trop en faire.

C’est un risque qu’elle assume dans son premier film. La critique ne l’a pas épargnée qui s’en moque méchamment, trouvant M naïf, excessif. C’est vrai que l’histoire est manichéenne. Mo est une racaille, exclu trop tôt du système scolaire, qui s’est construit à force de violence faute de pouvoir s’intégrer. Le handicap de Lila est plus visible, qui est incapable de prendre la parole en public, alors même qu’elle cache une étonnante sensibilité artistique dont son professeur de français en classe de première a bien perçu l’immense potentiel. Elle s’ouvrira comme une fleur grâce à l’amour de Mo. Lui en revanche, n’ose pas lui confesser son handicap jusqu’à un dénouement qui, pour prévisible et convenu qu’il soit, n’en émeut pas moins.

La bande-annonce

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